Un maître d'armes sous la Restauration

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UN

MAITRE

D’ARMES

Il était impossible de nier : le jeune homme, stupéfait, un peu rouge sous son masque, accusa le coup en s’inclinant, puis les fleurets s’entrechoquèrent de nouveau. Cette fois la partie devint plus sérieuse : il était évident que le tireur commençait à se rendre compte de son erreur. Il se mit à jouer serré. « Touché! » Pour la seconde fois, le fleuret de Mlle Jean-Louis venait d’atteindre la poitrine de son adversaire. « Passé, » dit-il. L’amour-propre s’en mêlait, il niait le coup. Il y eut dans l’assistance une minute de brouhaha, aussitôt réprimé par ces mots prononcés avec calme par Mlle Jean-Louis : « Soit, continuons. » Il n’y avait plus à se faire d’illusion. Le maître d’armes comprenait que décidément l’élève de Jean-Louis, quoique femme, était digne de son maître. Toute trace de ménagement avait disparu de son jeu et de son attitude. On devinait que, sous le masque, il avait le rouge au front, et qu’il y allait désormais pour lui d’une question d’honneur. Soudain, une exclamation de dépit, presque de fureur, s’échappa de ses lèvres.


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