La Guadeloupe. Renseignements sur l'Histoire, la Flore, la Faune [...]. Tome III. Vol.1

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145 « choit les armes avec plus d'empressement, un bon fusil, « une paire de pistolets d'un bon maître, un coutelas d'une « bonne trempe, c'étoit à quoi pensoient nos anciens habitans. « Semblables aux Lacédémoniens, ils sçavoient faire les « actions de valeur, prendre des galbons à l'abordage, « forcer des villes sans canon, défaire des nations entières, « mais ils ne sçavoient pas écrire leurs faits héroïques. Les « choses sont à présent changées; quoique nos créoles et « autres habitans n'ayent point dégénéré de la bravoure de « leurs ancêtres, ils ont donné dans le goût de tout le reste « du monde, ils veulent paraître sçavans, ils lisert tous, ou « veulent paraître avoir lu, ils jugent des sermons, des plai« doyers, quelques uns et entre les autres M... font des ha« rangues. Déjà la plûpart de nos conseillers ont étudié en « droit, se sont fait recevoir avocats au Parlement de Paris; il « y en a même un qui est docteur en droit; les femmes s'en « mêlent aussi, et au lieu de s'en tenir à leur quenouille et" à « leur fuseau, elles lisent les gros livres et se piquent d'être « sçavantes; j'en connois une qui explique Nostradamus aussi « bien pour le moins que le ministre Jurieu expliquoit l'Apo« calypse. On a érigé plusieurs sièges de justice, tous bien « garnis de procureurs et autres semblables suppots de justice. « Les chirurgiens qui joüoient autrefois tes trois grands rôles « de la médecine, sont à présent enfermez dans les bornes de « leur état, il y a des médecins et des apoticaires. Nous avons « en quantité des arpenteurs, des botanistes, des astronomes; « nous avons même des astrologues et autres semblables gens « inutiles ou nuisibles au public, il faut des livres à tout cela; « car quoique la plûpart n'y entende rien, ils veulent paraître « sçavans. il leur faut pour cela des cabinets de livres, qui « pourront avec le tems se changer en bibliothèques; c'est ce « qui me fait dire qu'un libraire bien assorti y ferait parfaite« ment ses affaires. » Les gouverneurs ne cessaient de demander au Gouvernement métropolitain l'établissement d'un collège dont le besoin se faisait de plus en plus sentir. Le roi qui ne voulait pas laisser établir dans les colonies une civilisation constante resta sourd à toutes ces nouvelles sollicitations, et le ministre finit par écrire au gouverneur général, marquis d'Amblimont, en janvier 1 700. « Et sur l'exemple que vous citez à ce sujet, des pères Jésuites qui ont acheté une maison au bourg de Saint-Pierre, dans la vue d'y établir un collège, je dois vous observer que le roi ne le souffrira pas. Ils peuvent instruire la jeunesse et lui apprendre les principes de la religion qu'il faut que nous 10


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