La Guadeloupe. Renseignements sur l'Histoire, la Flore, la Faune... Tome premier : 1625-1715. Vol. 1

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— 156 — ébranlées. Ce bruit horrible cessait par moment, et ce silence solennel augmentait encore leur frayeur. Ne sachant à quoi attribuer un tel fracas, ils s’enfuirent demi-nus de leurs habitations et traversèrent les montagnes pour se mettre à l’abri d’un danger dont ils ne pouvaient, à cause des ténèbres, distinguer la nature. « Ce n’est qu’au jour que l’on put s’assurer que tout ce tapage avait été occasionné par une avalanche de terre et de bois qui, ayant arrêté les eaux dans les hauteurs, avait cédé à leur amoncellement. La description que je pourrais faire des effets produits ne les dépeindrait pas. Il faut les voir par ses yeux. Imaginez-vous que plusieurs bâtiments de mille tonneaux ne chargeraient pas les bois répandus sur le rivage. Des arbres monstrueux sont placés à plus de 15 pieds audessus du lit de la rivière. Des marécages de boue de plus de 100 mètres de large et de 8 à 10 pieds de profondeur entourent les abords de la rivière. Le passage est entièrement comblé, et ce n’est qu’à l’embouchure lavée par la mer qu’on peut se hasarder de passer à pied, lorsqu’elle est tranquille pour le permettre ; encore faut-il connaître le gué, qui est fort étroit. « Cette lettre du magistrat de la commune n’exagère rien. Les personnes qui ont entendu ce bruit effrayant l’ont comparé à la décharge simultanée de plusieurs pièces d’artillerie. Lorsque, vers les premiers jours de mars, je longeai cette côte en canot, la mer bien loin au large était encore jaune et troublée, et je rencontrai sur tout le littoral, jusqu'à la PointeNoire et Deshaies, une multitude d’arbres énormes que le courant avait échoués sur la côte. Plus tard enfin j’eus l’occasion d’explorer la vallée de la Grande-Rivière et d’examiner avec soin le dépôt qu’y a laissé la chute des terres. Je fus frappé de la masse considérable qui a dû se presser dans cet étroit vallon. Le courant en a partout rempli le fond, et s’est élevé à une hauteur qui a varié suivant sa largeur. Dans quelques points où le lit de la rivière se resserre en formant un coude, le torrent boueux, redoublant de vitesse, paraît avoir jailli à une grande élévation. Près le bassin Mulet, et au-dessous d’une jolie cascade, j’ai observé le niveau qu’il a atteint et les arbres qu’il a déracinés à une hauteur d’au moins 15 mètres audessus du lit de la rivière. « Pour connaître approximativement le volume qu’a pu occuper cette avalanche de boue, j’ai cherché à la mesurer sur quatre points divers d’après les traces qu’elle a laissées de son passage. J’ai trouvé dans ces quatre localités 110 mètres de large sur 3 mètres de haut; 60 mètres sur 6; 100 mètres sur 8 ; enfin 25 mètres sur 16. Ce qui, en excluant la troisième


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