Un Parisien dans les Antilles

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TROISIÈME PARTIE. — DANS L’INTÉRIEUR DE L’ILE.

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J’allais oublier le mardi gras, lorsqu’un de mes amis que je rencontrai me dit : « Nous nous reverrons ce soir au bal de la Philharmonie? Vous n'y pouvez pas manquer. » Mes pensées avaient pris un autre cours. Quittant le chemin des fêtes, elles avaient pris celui des souvenirs. J’avais enterré le carnaval; aussi refusai-je l’offre que l’on me fit de me présenter à la Société. La journée se passa sans que je pensasse au mardi gras. Mais, le soir, lorsque j’eus, tout en me balançant devant la fenêtre, bien vagabondé dans le passé, le présent reprit ses droits. Plusieurs jeunes filles en toilette de bal me le rappelèrent. Elles s’en allaient à pied, chaussées de taffetas blanc, sans souci de leur fraîche toilette, dont les volants empesés traçaient sur la poussière de capricieuses arabesques. Leur causerie n’était qu’un long éclat de rire. Cette bouffée de jeunesse me réveilla. Je pris mon chapeau sans m’en apercevoir et me trouvai aussitôt dans la rue, surpris d’y être. Ma tenue négligée ne me permettait pas d’entrer au bal, mais l’envie me vint d’assister au défilé des invités. Je ne m’imaginais pas ce que pouvait être un bal costumé à Cienfuegos. Cette idée ne prenait pas figure dans mon esprit. Arlequin et madame de Parabère, Hamlet et Colombine dansant les contredanses de la Havane, cela méritait d’être vu. Le sereno sifflait dix heures. Qu’il faisait beau ! qu’il faisait bon ! et que la lune avait raison d’être coquette! J’avais grande envie de me perdre dans la campagne, mais il fait beau tous


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