Nos créoles

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LE LANGAGE

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Il y a trop d’abus dans ce pays-ci, trop de train-train et de chamaillerie. D’abord, f... ! Je ne veux pas que vous vidiez vos vases dans le canal (allusion à une habitude locale déplorable), cela sent trop mauvais et vous avez des négrillons pour les porter au bord de la mer. La commune est en mal d’enfant, secrétaire d’écrire ventre à terre, sa plume de courir comme un agouti ; ça n’empêche pas toutes les affaires d’aller en beau fond ; les vieux murs tombent sur le monde, les herbes poussent dans la rue, les ordures remplissent le canal ; tant que je n'aurai pas mis mon nez et les vôtres dans tout cela, les affaires n’iront pas droit. Le commissaire de police se remue comme une tortue; il faudrait là un bon b..., le cousin Coco ! En voilà un homme ! Habitants, f... ! J’irai en personne sur toutes les communes, je passerai en revue tous les (conseillers) municipaux, tous les jurys cantonnaux, et le premier qui ne répond pas bien, je le casse net. Je veux vous faire perdre toutes vos mauvaises habitudes de gloriole. Et on croit que je ne détruirai pas tous les ridicules des temps passés ? Vous croyez que pour attraper les bonnes places, il suffit d'avoir des pantalons à sous-pieds, des habits à grandes basques, des lunettes vertes : voulez-vous bien courir, vilains ! C’est l’intelligence qui est la maîtresse, c’est l’argent qui gouverne, et vous autres vous êtes des imbéciles, qui n’avez pas le sou. Habitants, f... ! Vous ne faites par attention à un tas d’individus, avocats, huissiers, notaires, qui vous grugent. Il y a un avocat, entendez bien cela, qui pour grossir ses écritures, y glisse des chansons de Béranger ; un huissier délivre une sommation, Fondagnan (le compère de Fondoc, en ses diverses métamorphoses) renonce à la déchiffrer ; un notaire pour une misérable succession dresse un inventaire, qui pèse à la balance 22 livres de phrases, et pourquoi? Pour rien. Je leur rognerai les ongles, tonnerre ! Habitants, f... ! j’irai en personne au tribunal avec une latte, et le premier avocat qui parle de fin de non-recevoir, de conclusion motivée, de renvoi de la cause, je lui en administre de bons coups sur le dos, v’lan ! Je veux qu’on plaide les affaires sans chercher midi à quatorze heures. Les prêtres gagnent trop d’argent. Voulez-vous me dire si, pour un enterrement de quatre sous, pour une s... petite goutte d’eau bénite qu’ils jettent sur le mort, ils ont bien le droit de demander de gros cent francs ! Tonnerre ! Leur comptoires Habitants, f... ! Je ne vous dis pas que l'ordonn,i


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