HALLO BABY | Rituels de Naissance

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brugge.be

HALLO BABY

HALLO BABY DES RITUELS DE NAISSANCE

29 avril- 11 juin 2017

H.-MAGDALENAKERK BRUGGE


INHOUD L’ALIMENTATION

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Introduction Dragées de naissance ou de baptême Sfouf en guise de dragée Noix de cola

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LES NOMBRES

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Introduction Rituel de passage Sept Quarante

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LES ÉTOFFES

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Introduction Quel est le degré de blancheur de la robe de baptême ? Couleurs protectrices Qu’est-ce que les garçons ont à voir avec le rose ? Emmailloté

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LE REGARD

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Introduction Le mauvais œil Salive Pour les beaux yeux de la maman

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L’ATTRIBUTION DU NOM

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Introduction De Anne à Zoë : l’abondance de prénoms de saints L’attribution d’un nom en Afrique de l’Ouest

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ATTENTE ET PERTE

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Introduction Perte et évolution Baptême et perte

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LITTÉRATURE CONSULTÉE

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HALLO BABY Évolution des rituels de naissance Partout dans le monde, neuf mois durant, les futurs parents

attendent impatiemment la naissance de leur bébé. La venue d’une nouvelle vie s’accompagne de très nombreux rituels. Dragées, cartes de naissance et autres baby showers : toute personne qui a vécu un temps en Belgique sait ce dont il s’agit. Mais savez-vous qu’il existe une foule d’autres rituels de naissance ? Avez-vous jamais entendu parler du bouillon des 40 pierres ? Et de la préparation d’un pain en forme de pied ? De la cérémonie du riz ? Du murmure du nom ? Ou du rituel qui consiste à cacher un cordon ombilical dans le jardin de l’université ? Chaque famille, et, par extension, chaque génération et chaque culture a ses propres rituels. Le fait que ces rituels trouvent leurs origines dans le passé n’implique pas qu’ils connaissent automatiquement le même futur. Ils évoluent avec la société et les gens qui entrent en contact avec eux. Pour HALLO BABY, le Gezinsbond s’est rendu auprès de plusieurs associations et a rassemblé de nombreuses personnes aux bagages ethnoculturels divers afin d’observer l’évolution des rituels de naissance, dans le temps et sous l’effet des migrations, qu’il s’agisse de pratiques publiques ou personnelles, voire secrètes, inspirées par la science, la foi ou la superstition. HALLO BABY ne prétend certainement pas présenter un inventaire exhaustif, mais apporte un éclairage authentique, basé sur des témoignages et souvenirs personnels, sur un sujet au moins aussi universel que personnel. Six thèmes constituent le fil rouge de l’exposition : l’alimentation, les nombres, les étoffes, le regard, l’attribution du nom et la perte.

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L’enquête de HALLO BABY a démarré en octobre 2015. Au cours de quinze tables rondes, les participants ont échangé leurs expériences à l’aide d’objets qu’ils avaient apportés et d’une « valise de rituels », « rituelenkoffer ». Parallèlement à cela, vingt hommes et femmes ont partagé leur histoire de vie. Ils ont témoigné au sujet de leurs propres pratiques de naissance. Vous en voyez ici le résultat final, dans l’église Sainte-Marie-Madeleine de Bruges. Vous voulez en savoir davantage ? L’anthropologue Anouk De Vreese et l’historienne Sandrien De Vriese sont parties pour vous à la recherche de l’origine d’une sélection de rituels de naissance représentés. Le présent guide du visiteur rassemble le fruit de leur enquête. Cette exposition vous amène également à vous remémorer des souvenirs de rituels de naissance ? Prenez le temps de les partager avec nous via www.hallobaby.be Nous espérons que vous profiterez des nombreuses histoires relatives à tous ces petits rituels, souvent très différents les uns des autres, mais parfois étonnamment similaires !

Gezinsbond LECA FMDO La Ville de Bruges (Musea Brugge, Diversiteitsdienst et Erfgoedcel) Vormingplus regio Brugge YOT Marijke Deweerdt, Folioatelier - scénographie et mise en page Philippe Debroe - photographie Avec le soutien du Gouvernement flamand, de la Commission communautaire flamande et de la Ville de Bruges

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L’ALIMENTATION



L’ALIMENTATION Ne pas manger de fromage cru, faire attention à la toxoplasmose,

ne pas boire de café ni d’alcool, ne pas fumer. Le régime d’une femme enceinte ne fait pas que des heureux, mais, pendant la grossesse, la science fait loi. La zone grise des croyances populaires commence là où s’arrêtent les certitudes des milieux académiques. Il n’est pas rare que, dans cette zone d’ombre, une pratique populaire soit corroborée par la science, mais, parfois, les deux mondes s’opposent. Ainsi, selon une étude, le miel ne convient pas aux nourrissons, mais, au cours d’un rituel de naissance, une approche plus symbolique prévoit de déposer une goutte de miel sur la langue du nouveau-né. Comme elle ont été passionnantes toutes ces tables rondes consacrées aux ingrédients et aux plats qui sont tellement liés à la sphère privée qu’aucun restaurant ne les propose ! La cannelle, l’anis et l’ail déclenchent les contractions et accélèrent l’accouchement. Les bouillons de poule et de pigeon sont connus pour leurs propriétés curatives, mais le gingembre, le fenouil et les dattes dans de l’huile d’olive chaude avec du romarin aident aussi la jeune maman à récupérer. Et pour produire suffisamment de lait et éviter les crampes ? Ce thème se retrouve également à foison sur toutes sortes de forums internet. Boire de la bière brune, du vin de palme, du thé de verveine ou de fenouil et manger salé ou anisé ou encore avaler du manioc stimulent la production de lait. On partage la nourriture avec les visiteurs et vice-versa. La tradition de faire à manger pour les jeunes parents fait son grand retour, à moins qu’elle n’ait jamais vraiment disparu. Et toute personne qui rend visite au bébé peut s’attendre à se voir proposer des gourmandises. Les dragées, emballées de manière de plus en plus originale, sont devenues un must, mais sont progressivement concurrencées par toute une série d’autres sucreries et de mets en tout genre. Celui qui a déjà goûté au divin sfouf attend désormais avec impatience de rendre visite à un nouveau-né chez des amis marocains. Qu’il s’agisse de la plus intime visite à domicile ou de la grande fête, il existe toujours l’une ou l’autre forme de cérémonie de bienvenue : informelle, à petite échelle ou au contraire officielle et à grande échelle. Un visiteur se sent le bienvenu chez les Igbos lorsqu’on lui offre un quartier de noix de cola. La fête peut alors vraiment commencer. 5


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Dragées de naissance ou de baptême P

our la naissance, nous avons acheté de l’alcool et des dragées confettis, ce sont de petites dragées aux amandes. Les jeunes filles les ont lancées ans les rues. [Maria Vittoria – Italie]

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e fait d’offrir des friandises lors de la visite au nouveau-né, le plus souvent sous la forme de dragées, est une tradition qui remonte au Moyen-Âge. Les dragées, en forme de haricot, symbolisent la fertilité et la vie nouvelle. Au 13e siècle, les dragées étaient faites d’amandes enrobées de miel. Dès le 15e siècle, le sucre a progressivement remplacé le miel. À la fin du 18e siècle, les machines ont facilité le processus de fabrication. Les amandes en sucre sont depuis enrobées à l’aide de machines, ce qui explique que les dragées se soient autant propagées en Europe, comme nous le voyons aujourd’hui. Entre-temps, il existe désormais des dragées fourrées aux amandes, au chocolat ou à la liqueur. Les dragées s’offrent à la naissance ou au baptême. Auparavant, les visiteurs, le plus souvent le parrain et la marraine, se chargeaient des dragées. Préparées par le confiseur, elles étaient présentées sur un beau plateau pour la visite au nouveau-né. On offrait aux voisins et notamment aux enfants (du quartier) des sucreries que le bébé avait soi-disant apportées pour eux : un bol de sucre, des tartines avec du sucre ou des dragées dans des sachets joliment décorés. De nos jours, ce sont souvent les parents qui choisissent eux-mêmes ces friandises.

Nous avons offert des dragées dans des sortes de petits cornets, c’étaient de simples sachets en papier, spécialement prévus pour l’occasion. Nous en avons aussi distribué dans le quartier. Nos enfants s’en sont chargés. Ils ont offert des dragées aux voisins qui avaient aussi des enfants. Nous les appelions des « kakkebollekes » (« petites crottes »), comme si c’était le bébé qui les avait faites (rires). [Emma – Belgique]

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Selon un dicton populaire, un nouveau-né défèque du sucre. C’est pourquoi les dragées sont aussi connues sous le nom de « kindjeskak » (« crottes de bébé »). Le jour du baptême, le bébé était enveloppé dans un linge. Celui-ci était replié dans le bas de manière à ce qu’on puisse y glisser des dragées en cachette. Lorsque l’on déballait le bébé dans l’église, les dragées tombaient au sol, comme si elles venaient du lange. Les enfants présents pouvaient les ramasser, avant de les partager honnêtement avec l’assemblée. À l’issue de la célébration, le parrain et la marraine lançaient souvent des dragées et quelques pièces pour les enfants sur les marches de l’église. Il existe aussi une tradition similaire au Pérou, le bolo padrino : il s’agit d’un événement au cours duquel le parrain lance des bonbons et des piécettes depuis un escalier.

Lors du baptême, je voulais absolument avoir le célèbre padrino sebo. C’est une pratique péruvienne destinée à apporter à l’enfant l’abondance matérielle. Au moment de sortir de l’église, le parrain s’avance et lance à tous les invités des pièces et des bonbons. Plus il lance d’argent, plus les invités savent que le parrain offre de beaux cadeaux. ’est très symbolique. [Cristina - Pérou] En Belgique, pays historiquement catholique, les dragées sont peut-être la forme la plus connue de friandises associées à la naissance. De nos jours, indépendamment de leur culture ou de leur religion, les jeunes parents offrent des dragées aux visiteurs. Cela peut bien sûr se faire autrement. Aux Pays-Bas, au lieu des dragées, on offre des « beschuiten met muisjes » (« biscottes avec des souris »), des espèces de biscottes rondes garnies de perles d’anis.

Aux Pays-Bas, pour la naissance, nous offrons à nos invités une « beschuit met muisjes ». Cette pratique remonte au 17e siècle. On offrait à cette époque des biscottes garnies d’une épaisse couche de sucre pour célébrer la naissance. C’était un luxe réservé aux riches. Les gens du peuple ne pouvaient s’offrir que du pain sucré. À partir du 18e siècle, on a enrobé de sucre des graines d’anis. En raison de la tige de la graine, elles ressemblaient à de petites souris blanches. Cette délicieuse tradition ne s’est réellement imposée qu’en 1938, à la naissance de la princesse héritière Beatrix. On a alors vendu des perles d’anis de couleur orange. [Guus – Pays-Bas]

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Sfouf en guise de dragée N

ous offrons du sfouf ou sellou lors du ramadan, mais aussi à la naissance et à la circoncision. Nous en servons à la mère pour qu’elle prenne des forces et nous en donnons dans de petits pots aux visiteurs, pour qu’ils les emportent chez eux, un peu comme des dragées. [Hannan - Maroc]

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es dragées ont de plus en plus la cote lors des fêtes de mariage et de naissance marocaines et les Néerlandais d’origine marocaine apprécient les biscottes sucrées. Une préparation plus artisanale, et donc plus prisée encore, est le sfouf, aussi connu sous le nom de sellou. Cette préparation se mange dans les familles marocaines. Elle est proposée tant à la mère qu’aux visiteurs après la naissance. Les herbes saines qu’elle contient, comme la cannelle, la noix de muscade, les graines d’anis, de sésame et de lin, permettent à la mère de prendre des forces. De nos jours, on en offre dans un petit bol avec une petite cuillère aux invités de la fête organisée à l’occasion de la naissance. Ainsi, tout le monde peut en goûter. Le sfouf a en outre beaucoup plus en commun avec la dragée que vous ne pourriez le penser à première vue. En effet, les premières dragées étaient faites à partir de miel et d’amandes. À savoir exactement les ingrédients de base de tout sfouf, quelle que soit la recette, les ingrédients pouvant varier selon la région et la famille. Il existe différentes versions, à l’huile d’argan, avec de la cannelle, de la noix de muscade, etc. Voulez-vous préparer vous-même cette friandise ? Essayez donc cette recette de la province de Nador.

Ingrédients (pour 6 personnes) : 200 grammes de farine - ½ cuillère à soupe de graines d’anis - 125 grammes d’amandes 100 grammes de graines de sésame - des graines de lin - 110 grammes de beurre fin 125 grammes de miel Faites cuire la farine pendant 30 minutes dans un four préchauffé à 180 degrés ou dans une poêle. Écrasez ensuite les amandes, les graines de sésame, de lin et d’anis au pilon ou à l’aide d’un robot ménager. Faites-les aussi griller et mélangez-les à la farine. Ajoutez ensuite le miel et le beurre fin. Mélangez bien, servez dans de beaux verres à dessert et saupoudrez éventuellement d’un peu de sucre en poudre. [Recette de Fadma Fankouri – Maroc, Dar Kebdani] 11



Noix de cola Pendant la cérémonie d’attribution du nom, on propose un nom et on lance

huit quartiers de ces noix de cola. Les tantes regardent ensuite dans quelle position les quartiers ont atterri. Si c’est une position favorable, les ancêtres sont d’accord avec le nom. Sinon, la cérémonie se poursuit. [Maman Colombe - Bénin]

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es noix de cola ont une importante signification symbolique et cérémoniale dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, notamment au Nigéria et au Bénin. Les Ndigbos, un groupe ethnique du sud-est du Nigéria, accueillent les visiteurs avec ces noix. L’amère noix de cola se compose de différents petits morceaux que l’on se partage. Mâcher ensemble les noix de cola est une manière d’indiquer clairement aux invités qu’ils sont les bienvenus. Tant au Bénin qu’au Nigéria, les noix de cola jouent un rôle fondamental lors de la cérémonie d’attribution du nom d’un nouveau-né. Chez les Ndigbo du Nigéria, le Diokpa - le membre mâle le plus âgé de la famille - tient le rôle de maître de cérémonie lors du rituel d’attribution du nom. Il choisit la plus belle noix de cola dans un bol et la tient au-dessus de sa tête pour que tout le monde puisse la voir. Il dit ensuite en Igbo : Celui qui apporte des noix de cola apporte la vie. Il bénit la noix de cola, s’adresse à Dieu et brise la noix en quatre pour la famille de l’enfant. Les autres noix du bol sont partagées entre tous les autres participants : de l’invité le plus âgé au plus jeune. Le Diokpa décide du (premier) nom du bébé et le lui murmure dans l’oreille.

Parce que l’enfant a le droit d’être le premier à entendre son nom. [Collins - Nigéria, Igbo]

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Au Bénin, les noix de cola interviennent plus tard dans le rituel d’attribution du nom. On lance huit morceaux de la noix de cola en l’air, pour consulter es ancêtres au sujet du nom que portera l’enfant. Les tantes les plus âgées du bébé proposent différents noms, auxquels les ancêtres répondent par oui ou non, selon la position dans laquelle tombent les morceaux de noix. En cas de réponse négative, les tantes demandent une explication. L’enfant doit-il porter le nom d’un autre ancêtre ? On répète cette question jusqu’à ce que la réponse soit positive. Cette pratique met en évidence la continuité avec le passé.

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LES NOMBRES



LES NOMBRES O

n abat un seul mouton pour fêter la naissance de son enfant. Ou plutôt, un seul mouton si c’est une fille, deux si c’est un garçon. Il faut le faire le septième jour après la naissance ou le quatorzième, mais on peut aussi encore le faire le 21e. Il faut deux calebasses pour le rituel ; pour une fille, la cérémonie a lieu le septième jour, pour un garçon le neuvième. Une femme qui vient d’accoucher reste 40 jours à l’intérieur et, pendant 40 jours, son enfant ne peut pas être laissé seul. Les nombres et les naissances sont intimement liés. D’une part, certains rituels de naissance prévoient des quantités et des nombres précis, d’autre part, d’autres rituels fixent des dates dans le temps, et ce avant même le début de la grossesse. Par exemple, pour les parents qui ont des difficultés à avoir des enfants. Après la naissance également, il y a souvent une période durant laquelle différents rituels ont lieu à différents moments. C’est ainsi qu’une naissance n’est pas célébrée une seule fois, mais plusieurs fois au cours d’une période de quelques mois. On ne sait pas toujours clairement pourquoi un rituel a lieu à un certain moment. On invoque parfois des raisons médicales : une femme devait rester alitée neuf jours pour éviter d’attraper la fièvre après l’accouchement. Ou la sensibilité à la douleur : la circoncision fait moins mal si on la pratique avant un certain âge. Il s’agit parfois de superstition : on ne peut pas prononcer le nom d’un nouveau-né pendant les 40 jours qui suivent sa naissance pour éviter qu’il attire le mauvais œil et en meure. Les rituels ont souvent lieu lors de jours symboliques. Le nombre 40 revient ainsi souvent dans les textes sacrés des juifs, des chrétiens et des musulmans. Cela a à voir avec la préparation, l’attente, le jeûne, la pénitence et la purification. Les opinions divergent en ce qui concerne les quantités nécessaires et le moment où un rituel doit avoir lieu. Mais, souvent, tout le monde s’accorde à dire qu’un rituel a – pour ainsi dire – autant de variantes qu’il y a de jours dans l’année et que les rituels des voisins diffèrent parfois davantage de nos propres pratiques que ceux de cultures venues de l’autre bout du monde. Toutefois, où que l’on soit, selon l’anthropologue Arnold Van Gennep, un rituel de passage se compose toujours de trois phases : on prend congé d’une position antérieure, s’ensuit un intervalle et puis l’on est accueilli dans le nouveau rôle - de mère ou de père par exemple.

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Rituel de passage Lorsque l’enfant avait quatorze jours ou trois semaines, il y avait un rituel que l’on

appelait « de kerkgang », la « visite à l’église » : on allait à l’église avec le nourrisson, de la même façon que Jésus a été porté à l’église, et il y était béni. Une personne accompagnait toujours, la sage-femme ou la voisine. Même la sœur d’en face m’a un jour accompagnée. Quand la messe était presque finie, il fallait pénétrer dans l’église avec le bébé et le prêtre venait alors jusqu’à l’entrée et faisait un signe de croix. On allait ensuite jusqu’à la statue de Marie où l’enfant était encore une fois béni. La visite à l’église était ensuite terminée et l’on pouvait à nouveau aller partout. C’était le moment officiel après lequel on pouvait retourner parmi les gens. [Emma – Belgique]

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ne grossesse annonce une nouvelle phase de la vie. À court terme, l’on pourra s’occuper d’une nouvelle vie. Lors d’un baby shower, les gens peuvent déjà s’échanger un certain nombre de conseils pratiques. En effet, chaque communauté a ses propres usages pour préparer les parents à leurs nouvelles responsabilités. Le monde s’arrête de tourner un moment lorsque les parents accueillent leur nouveau-né. Après un tel effort, il semble évident qu’une mère a besoin d’un peu de temps pour reprendre des forces. Ce n’est qu’après une période de repos, qui varie de quelques jours à plusieurs mois, qu’elle reprend ses occupations quotidiennes. Tant la mère épuisée que son nourrisson sont vulnérables. Beaucoup de gens croient que tous deux sont particulièrement sensibles aux forces du mal. C’est pourquoi, dans certaines cultures, une femme qui vient d’accoucher passe un certain temps à l’écart du monde extérieur, avec ou sans son enfant. Dans de nombreux pays, cette période de danger dure quarante jours. Jusqu’à il y a peu, c’était aussi le cas dans nos régions. Mais les temps changent et les femmes ont repris leurs activités plus rapidement pour toute une série de raisons pratiques. Une mère pouvait par exemple réintégrer la communauté après avoir accompli la visite à l’église « de kerkgang » le dixième jour après la naissance (ou plus tard). Avant cela, elle restait à l’écart.

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Aux quatre coins de la terre, une grande fête est organisée pour marquer la fin de la période post-partum. Le nourrisson y est souvent présenté à tout le monde, sur la terre comme au ciel. Les chrétiens célèbrent la fête du baptême. Les musulmans sacrifient idéalement un mouton le septième jour après la naissance - ou un jour multiple de sept. Les non-croyants partagent également cette joie. Au cours d’un baby shower, ils ont l’occasion de faire admirer leur bébé. À l’issue des festivités, le nouveau-né est pleinement intégré dans la communauté.

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Sept Les musulmans organisent la fête du sacrifice le septième jour.

Au Maroc, cela se fait le septième, le quatorzième ou le vingt et unième jour. Cela doit toujours être un multiple de sept, et pas plus tard que le vingt et unième jour. La fête du sacrifice est obligatoire pour donner un nom à l’enfant. La fête en soi n’est pas obligatoire, mais le sacrifice du mouton et le partage de la viande, si. [Rachida – Maroc]

D

ans de nombreuses cultures, le septième jour est un moment privilégié pour les rituels de naissance. Les musulmans, les juifs et les chrétiens organisent volontiers leurs fêtes à cette occasion. Pour appréhender la puissance sacrée de ce nombre, faisons un voyage à travers le temps de plus de quatre mille ans, jusqu’aux anciennes civilisations de la Mésopotamie. Les Sumériens avaient trouvé dans le ciel étoilé une réponse à toutes leurs questions. Les dieux ne dévoilaient pas facilement leurs secrets. Pour comprendre les miracles de la nature, il fallait déchiffrer un code. Le dieu de l’eau Ea avait appris à son fils le secret divin. Celui-ci est simplement appelé le nombre. Les érudits sumériens avaient calculé qu’un cycle solaire comptait 360 jours. En utilisant des corps célestes comme une gigantesque horloge, ils parvenaient à parfaitement délimiter dans le temps leurs activités quotidiennes. Les Babyloniens se sont aussi tournés vers la voûte céleste pour élucider les mystères divins. Ils ont perfectionné le calendrier de leurs ancêtres. Le cycle lunaire compte quatre phases de sept jours chacune. C’est pourquoi chaque mois a été subdivisé en quatre semaines de sept jours chacune. On comptait en outre sept planètes : le soleil, la lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne. Il ne pouvait pas s’agir d’un hasard. Ce nombre dissimulait une puissance divine. Les sept planètes faisaient partie des sphères célestes et la terre elle-même était subdivisée en sept zones. Le nombre sacré se retrouvait dans tous les aspects du quotidien des Babyloniens, ce qui faisait sûrement plaisir aux dieux.

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La tradition d’attribuer des vertus magiques au nombre sept s’est répandue comme une traînée de poudre. Peu de nombres sont à ce point omniprésents. Les Égyptiens avaient sept chemins jusqu’au ciel, les Grecs sept sages et le nombre sept apparaît aussi partout dans les textes sacrés. Le septième jour, Dieu a profité d’un repos bien mérité après avoir terminé sa création. Tour à tour, le sept symbolise la sagesse créatrice et la perfection divine. Le septième jour est donc le moment parfait pour accueillir comme il se doit un nouveau-né dans le monde.

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Quarante A

près 40 jours, on donne au bébé un bain dans lequel on ajoute 40 petites pierres. On lave le bébé avec cette eau. Et ce pour annoncer la fin de la période de 40 jours, durant laquelle la maman reste avec le bébé. Après ce bain, la maman peut sortir avec son bébé. [Şerife -Turquie]

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es Babyloniens ne comptaient pas uniquement sept planètes, une pour chaque jour de la semaine, ils ont aussi découvert les sept Pléiades. Ce groupe d’étoiles disparaît chaque année pendant 40 jours. Cette période correspondait à la saison des pluies. Tant que les Pléiades étaient en exil, les Babyloniens devaient faire face à des tempêtes et à des inondations. Chaque année, on attendait avec impatience le retour des sept étoiles. Ce n’est qu’alors que le danger était écarté et que le festival du Nouvel An pouvait commencer. Au cours de ce festival, on brûlait un faisceau de 40 roseaux. On se débarrassait ainsi de manière figurée des 40 diables qui retenaient les Pléiades en otage tandis que le pays était à la merci des mauvais esprits. L’idée des 40 jours en tant que période remplie de dangers et d’épreuves s’est perpétuée à travers les siècles. Noé et son troupeau d’animaux ont attendu 40 jours sur leur arche la fin du déluge. Le peuple juif a, lui, erré 40 ans à travers le désert. Jésus a été tenté par le diable pendant 40 jours. C’est en souvenir de ses épreuves que les chrétiens jeûnent 40 jours jusqu’à la fête de Pâques. Au 14e siècle, la peste semait la mort et la ruine en Europe. Les habitants de la ville italienne de Reggio ont imaginé un plan pour contenir la « mort noire ». Tout voyageur devait être tenu à l’écart pendant une période de 40 jours. Seuls ceux qui ne développaient pas de signe de maladie pendant cet intervalle pouvaient franchir les portes de la ville. Cette tactique a porté ses fruits. Très vite, d’autres villes européennes ont également mis leurs visiteurs « en quarantaine ». La période qui suit un accouchement peut être considérée comme une période à risque. Il n’est pas étonnant que, dans beaucoup de cultures judéo-chrétiennes et islamiques, le danger subsiste symboliquement pendant 40 jours magiques. Pendant ce temps, la mère a intérêt à s’isoler et l’on ne protège jamais assez le nouveau-né.

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LES ÉTOFFES 10



LES ÉTOFFES Q

u’il s’agisse de petites couvertures, de peluches, d’écharpes de portage ou encore de grenouillères, un nouveau-né dispose aujourd’hui de toute une panoplie d’étoffes, de textiles et de vêtements, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Quoique... Du bleu pour les garçons, du rose pour les filles, à moins que ce ne soit l’inverse ? Le blanc est à nouveau « la » couleur qui convient le mieux à l’innocence d’un nourrisson. Un bébé, en raison de sa vulnérabilité, doit être protégé, c’est pourquoi on lui accorde beaucoup d’attention. Dès la naissance, le nourrisson est enveloppé dans un tissu. C’est de là que vient la tradition d’emmailloter les nouveau-nés : on les emballe fermement de bas en haut pour rappeler la chaleur et la sécurité de l’utérus. Le tissu protège littéralement du chaud et du froid, de la pluie et du vent, mais, au figuré, il constitue aussi une barrière contre les influences négatives. Un ruban ou un vêtement bleu ou rouge protègent la maman et l’enfant du mauvais œil. En Macédoine et au Maroc, on dit que l’envers des vêtements repousse aussi efficacement le mauvais œil. Les vêtements à porter lors du baptême et d’autres rituels initiatiques font l’objet de règles très strictes.

Tout commence par du rouge. Lors de la cérémonie du premier repas de riz, ma fille, Mahi, portait pour la première fois des vêtements rouges. Selon les Népalais, ce serait la couleur de la victoire, la couleur du sang aussi. Mais je pense que l’on choisit des couleurs vives en raison du climat chaud.  [Jyoti – Népal] La couleur et la forme dépendent de la culture. Les chrétiens optent souvent pour de longues robes de baptême blanches, alors que, pour la cérémonie du premier repas de riz, les Népalais habillent leurs bébés de vêtements rouges, ornés de fils d’or ou d’argent. Ces habits d’apparat sont soigneusement conservés en tant que souvenirs et se transmettent aussi parfois de génération en génération.

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Quel est le degré de blancheur de la robe de baptême ? Je ne sais plus combien d’enfants ont porté ces robes de baptême,

une vingtaine au moins. Je n’ai pas tricoté ces robes d’après un patron trouvé dans des livres. J’avais moins quatorze de dioptrie et je ne pouvais pas lire facilement. J’ai appris à tricoter avec ma maman. J’ai tricoté cette robe de baptême avec sept aiguilles et 1400 mailles. Il faut avoir les idées bien claires pour faire ce genre de chose !  [Georgette – Belgique]

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es premiers chrétiens baptisaient exclusivement les jeunes ou les adultes. Ce n’est qu’à partir du 4e siècle que le baptême des enfants a fait son apparition. Selon le credo catholique romain, un enfant doit recevoir le sacrement du saint baptême pour rejoindre la communauté chrétienne. Au début du 17e siècle, cela devait se faire dans les trois jours qui suivaient la naissance. Par crainte de la mort subite ou du malin, l’on pratiquait le baptême le plus vite possible, de préférence le jour de la naissance même. Le bébé était revêtu d’une robe de baptême blanche, accompagnée d’un manteau de baptême, d’une écharpe et d’un bonnet blancs assortis. Parmi les gens aisés, on avait généralement l’habitude de conserver la robe de baptême comme un héritage familial, on se la transmettait de génération en génération. L’ensemble de baptême, souvent de soie ou de satin, parfois orné de dentelle, était très cher. Le parrain ou la marraine offraient la robe de baptême en cadeau, à moins qu’elle ne soit prêtée par des membres de la famille. Les pauvres pouvaient uniquement se permettre une couverture de laine blanche. Dans la tradition chrétienne, le blanc est la couleur de la lumière divine rayonnante et de l’éternité, par opposition aux couleurs vives qui renvoient à l’existence terrestre. Depuis le 4e siècle, le vêtement de la personne baptisée aurait toujours été blanc, pour symboliser la pureté et l’innocence du baptisé, précisément libéré du péché originel grâce au baptême. D’autres confessions accordent aussi beaucoup d’importance à la couleur blanche comme signe de pureté. Pour la circoncision, les musulmans d’origine marocaine ont par exemple l’habitude d’habiller les petits garçons en blanc et vert. Selon la tradition, le vert était en effet la couleur préférée du prophète Mahomet. Des vêtements verts, une cordelette ou un bracelet verts porteraient bonheur et garantiraient la prospérité. 29


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Couleurs protectrices L

e blanc et le vert portent bonheur et garantissent la prospérité tandis que le rouge et le blanc auraient un rôle protecteur.

La tradition veut que la femme enceinte porte plusieurs fois une robe bleue, quand elle est en public, parce que parfois, quand une femme est enceinte, c’est un miracle. C’est pour éviter le mauvais œil, pour la protéger et protéger le bébé. Elle la porte essentiellement quand elle est en public. Après la naissance, elle porte un diadème bleu en public pour les mêmes raisons. [Fedjrije - Macédoine, Albanaise] Les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement vulnérables au mauvais œil. Dans de nombreuses cultures, on les préserve d’influences négatives à l’aide de bijoux, de cordelettes et de vêtements bleus ou rouges. Des rubans sont fixés au berceau, au corps du bébé et aux cheveux de la mère. Les femmes portent une robe, un peignoir ou un diadème bleus ou rouges pour se protéger, elles et leur bébé. Dans I’Antiquité, en Mésopotamie, en Égypte et en Grèce, le rouge et le bleu étaient les couleurs les plus puissantes pour chasser les mauvais esprits. Chez les Romains, le rouge était la couleur des dieux. Les pierres bleues, comme le lapis-lazuli et la turquoise, et les pierres rouges, comme le rubis et la pierre de sang, étaient utilisées comme amulettes contre le mauvais œil. Aujourd’hui encore, au Proche-Orient, en Turquie et dans les Balkans, on croit fermement à la puissance protectrice du bleu. Cette couleur est associée à la lumière vivifiante de la lune, au ciel et au pouvoir divin. En outre, seuls peu de gens ont les yeux bleus dans ces régions, de sorte que beaucoup pensent qu’ils portent le mauvais œil. Pour détourner ce mauvais sort, l’on utilise l’amulette Nazar. Ce célèbre porte-bonheur en forme d’oeil bleu attire le mauvais œil à lui et protège donc la personne qui est regardée. Cette croyance renvoie au vieux principe de similia similibus selon lequel on combat le mal à l’aide de quelque chose de semblable. « Œil pour œil » en somme. D’autres usages illustrent également ce principe. Ainsi, en Turquie, si le nouveau-né a la jaunisse, l’on dépose parfois dans le berceau un linge jaune supposé éloigner la maladie du bébé.

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En Turquie et dans les Balkans, mais aussi ailleurs chez les chrétiens et les juifs d’Europe et d’Amérique latine, l’on est convaincu des puissantes propriétés de la couleur rouge qui peut évoquer le feu comme élément purificateur. Il existe dans diverses cultures des rituels impliquant du charbon ardent, rougeoyant, utilisé pour marquer le sol et conjurer le mauvais œil. Le rouge est aussi la couleur du sang. Il symbolise l’énergie vitale de l’homme ou de l’animal. Il en va de même dans la tradition judéo-chrétienne. Dans le livre de l’Exode de l’Ancien Testament, Dieu donne pour mission à Moïse de faire enduire de sang les portes des Israélites. La dixième plaie d’Égypte consistait à ce que tout premier-né soit frappé de mort si aucun sang n’avait été appliqué sur la porte de sa maison. Enfin, le rouge renvoie au sacrifice du sang du Christ.

C’est un garçon !!

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Qu’est-ce que les garçons ont à voir avec le rose ? Les couleurs pour les enfants, ce sont le bleu et le rose.

Mais avant, en fait, l’usage était inversé : le bleu était réservé aux filles. En souvenir du voile de Marie, qui était bleu, bleu ciel. Le rose était pour les garçons, mais pourquoi ? Je ne sais pas non plus. [Mille – Belgique, Sinti|Manoesj]

C

ela semble si simple : les filles aiment le rose, le bleu, c’est pour les garçons. Tant en Occident que dans beaucoup d’autres cultures, c’est la norme. C’est surprenant quand on sait que ce n’est que dans les années 1940 que ces codes de couleurs sont entrés dans les mœurs en Occident. Des siècles durant, les filles et les garçons étaient essentiellement habillés de blanc pendant leur plus tendre enfance. À l’époque, les vêtements devaient avant tout être pratiques et faciles à laver : on pouvait sans problème mettre le blanc à bouillir. Ce n’est qu’à partir de 1920 que des couleurs spécifiques pour garçons et filles ont fait leur apparition, à savoir à partir du moment où l’on a disposé de techniques permettant de colorer les textiles de manière non toxique. Contre toute attente, les couleurs étaient alors interprétées différemment de ce qui se fait maintenant. Durant les années 1930, les chaînes de magasins américaines encourageaient l’usage du rose en tant que couleur solide pour les garçons. Le rose leur donnerait un côté plus fort et plus costaud - caractéristiques plus importantes pour les garçons que pour les filles. Le bleu était une couleur éthérée et à ce titre réservée aux filles. Les cercles chrétiens associaient le bleu aux filles, parce qu’il s’agissait de la couleur de Marie. Certains magasins ont toutefois annoncé exactement le contraire. Dans les années 1940, le choix de couleur est devenu plus univoque. Les fabricants ont alors établi une fois pour toutes que le rose était pour les filles et le bleu pour les garçons. Leur décision était claire et limpide. Les layettes et les lignes de vêtements ont été adaptées aux nouveaux standards et les fabricants de jouets ont suivi le mouvement. Bienvenue dans le monde de Disney et Mattel ! Il y a eu un véritable engouement. Durant la vague féministe des années 1960-70, les deux couleurs sont tombées en disgrâce, mais, dès 1985, elles sont redevenues prédominantes dans une grande partie du monde. De nos jours, les vêtements d’enfant neutres font leur retour et un jeune garçon peut à nouveau aussi porter du rose. 33



Emmailloté D

ans l’Antiquité déjà, les nouveau-nés étaient enveloppés de tissus d’une manière particulière. On appelle cela l’emmaillotage. Les nourrissons sont enveloppés des pieds aux épaules afin de pouvoir uniquement bouger la tête. Les mamans disent que, ainsi, leurs bébés dorment mieux et restent bien au chaud dans un environnement plus frais. Les bébés pleurent moins et se calment plus rapidement. L’emmaillotage favorise la guérison des contusions après la naissance, prévient la hernie ombilicale et permet le développement de jambes et d’un dos bien droits. En outre, cette technique empêche le bébé de se griffer les yeux. Après trois mois, on laisse souvent davantage de liberté aux petits bras. Au-delà de six mois, l’enfant n’est généralement plus emmailloté. Mais d’où vient cette habitude d’envelopper les bébés comme pour en faire des poupées toutes rigides ? Cet usage viendrait d’Égypte ancienne. Compte tenu du climat chaud, il n’était toutefois absolument pas nécessaire d’y emmailloter les bébés contre le froid. Une explication possible serait que l’emmaillotage renverrait à un rituel funéraire. Tout le monde connaît les momies de l’Égypte ancienne : les morts étaient d’abord lavés rituellement avant d’être emmaillotés dans du lin. L’emmaillotage d’un nourrisson fait fort penser à cette momification. On voulait ainsi détourner les mauvais esprits toujours à l’affût après une naissance. Outre les avantages pratiques qu’offrait l’emmaillotage, celui-ci servait donc avant tout à protéger l’enfant du mal. Les Hébreux et les Mésopotamiens ont repris cette pratique des Égyptiens et en ont oublié l’origine. Les Grecs et les Romains ont aussi été directement influencés par les Égyptiens. Ils emmaillotaient le bébé de manière à ce que la lumière de la lune ne puisse pas toucher l’enfant parce qu’ils croyaient que c’était dangereux. Selon des estimations, au niveau mondial, plus de 20 % des nourrissons seraient emmaillotés. Il s’agit encore toujours d’une tradition partagée dans le monde entier, essentiellement en Asie centrale et en Amérique du Sud. Mais l’emmaillotage était et reste aussi très répandu en Belgique et aux Pays-Bas. De même, il y avait dans chaque village une femme qui s’y connaissait en soins à donner aux bébés.

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Jusqu’au début du 20e siècle, la formation de sage-femme n’existait pas. C’est cette femme d’expérience qui venait emmailloter le bébé. Comme l’enfant ne peut presque pas bouger, il est plus facile à surveiller. Avant, on accrochait le nourrisson au plafond de la grange pendant que la mère y était à l’ouvrage. Le nourrisson était alors aussi affublé d’un bonnet triangulaire, « vaderliefje », « un bonnet de naissance », qu’on lui fixait solidement sur la tête afin de protéger les fragiles fontanelles et de prévenir les oreilles en feuille de chou. Au cours des 19e et 20e siècles, les docteurs et sages-femmes auraient de plus en plus déconseillé d’emmailloter les bébés. Cette pratique pourrait entraver le bon développement des hanches et la croissance en général et provoquer aussi une surchauffe, des infections pulmonaires aiguës et parfois la mort subite. L’emmaillotage a presque entièrement disparu en Europe de l’Ouest. De nos jours, en Belgique, les avis sont moins tranchés en ce qui concerne cet usage. Le monde médical est partagé au sujet de ses effets. Si l’on emploie une technique qui n’est pas contraignante pour la croissance et le développement pulmonaire, l’emmaillotage peut soulager les nourrissons qui ne trouvent pas le calme ou le sommeil. Cette pratique devient à nouveau de plus en plus populaire. De nombreuses femmes ont également témoigné dans ce sens lors de nos tables rondes et des interviews menées dans le cadre de HALLO BABY.

Au Mexique, elles emmaillotent les enfants dans un châle. Elles disent uniquement que c’est pour les protéger. Ici, en Belgique, j’ai aussi appris maintenant pourquoi, au niveau médical, cela peut être bon pour le bébé d’être emmailloté. Les bras et les jambes sont enveloppés de manière à ce que l’enfant ait une bonne posture. En outre, il ne peut ainsi pas se griffer. J’emmailloterai aussi mon bébé, comme un taco. [Tatzari – Mexique]

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LE REGARD



LE REGARD L

a grossesse et la naissance sont sources de gaieté, mais s’accompagnent également de risques, de peur et d’incertitude. La prime enfance est vulnérable, fragile. Le cœur bat-il encore ? Et s’il manque quelque chose au bébé ou qu’il tombe gravement malade ? Les gens essaient depuis toujours de se prémunir contre ce type de malheur. Lorsque le mauvais sort frappe malgré tout, nous nous retrouvons complètement démunis. Pourquoi cela nous arrive-t-il à nous ? Comment pouvons-nous l’empêcher ? À qui ou à quoi est-ce dû ? Chaque culture formule ses réponses, mais nous observons malgré tout une constante : la puissance dévastatrice du regard. Il y a le regard jaloux de l’autre, qu’il faut éviter ; il y a les scènes qu’une femme enceinte ne peut pas voir ou le manque qu’elle ne peut pas éprouver afin de mettre un enfant sain au monde.

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Le mauvais œil Dans la croyance, on pense que cette énergie négative vient du regard

de l’autre sur le bébé. Ça peut être de la jalousie. [Nazan – Turquie]

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a croyance populaire au mauvais œil est vieille comme le monde et très répandue. Des textes sumériens datant de cinq mille ans en font déjà mention. Via les contacts interculturels, cette croyance s’est répandue de l’Inde au Liban, à la Roumanie, à la Belgique, au Maroc et au Pérou. Le mauvais œil symbolise la jalousie, la chance qui ne nous est pas accordée. Souvent, celui qui porte le mauvais œil n’en a même pas du tout conscience. Les nourrissons sont particulièrement sensibles à cette énergie négative. Il n’y a toutefois aucune raison de paniquer. Toutes sortes d’amulettes peuvent protéger votre enfant. En Flandre, on trouve des scapulaires représentant des saints, en Turquie une amulette Nazar - un talisman bleu foncé brillant en forme d’œil - orne fréquemment les tenues des touristes, mais on en épingle également de petits exemplaires à l’épaule des bébés pour les protéger. Ne vous inquiétez pas si quelqu’un traite soudainement votre enfant d’horrible cochon. Il s’agit probablement d’une manière habile de détourner le mauvais œil. En effet, les mots ont également une fonction protectrice et peuvent conjurer le mal attisé par un compliment que l’on aurait laissé échapper. L’expression marocaine Tbark allah (bénit par Allah) en est un exemple. De nos jours, nous affichons moins nos rituels de protection, mais de tout jeunes parents prennent malgré tout leurs précautions en se disant que Ça ne peut de toute façon pas faire de mal.

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Salive Dans ma tradition, quand certaines personnes veulent venir voir votre

nouveau-né, elles doivent d’abord donner de leur salive, parce qu’elles portent le mauvais œil. Le visiteur/La visiteuse doit fermer les yeux parce que s’il/elle voit votre enfant avant d’avoir donné de sa salive, votre bébé pourrait mourir ou… Alors cette personne entre, ferme les yeux et prend un peu de sa salive, en se léchant les doigts, puis touche de ses doigts la langue du bébé, tout en gardant les yeux fermés. Ce n’est qu’après que les visiteurs peuvent ouvrir les yeux. [Joan – Kenya]

Après un accouchement réussi, les visiteurs complimentent généralement

beaucoup la mère et l’enfant. Une véritable atrocité pour toute personne qui croit au mauvais œil ! Aujourd’hui encore, en Grèce, la mère fera aussitôt gentiment « teuf teuf » avec la bouche, comme pour faire semblant de cracher. Mais, il y a un siècle environ, on pouvait carrément demander à l’invité de cracher sur le bébé. On a longtemps attribué à la salive des propriétés curatives et protectrices, y compris par chez nous. Pensons par exemple au « remède de maman » quand la mère soulage la douleur de son chérubin en appliquant un peu de salive sur ses plaies. Ou au rite de l’ephata, un élément du baptême catholique, lors duquel le prêtre ouvre symboliquement les sens du baptisé à l’aide d’un peu de salive. Au milieu du 19e siècle, la salive a toutefois été mal vue. Grâce au microscope, on a découvert qu’elle contenait toutes sortes de germes pathogènes. La tuberculose a certainement contribué à la mauvaise réputation de la salive. Depuis, ce jugement a été quelque peu nuancé. Le journal De Standaard écrivait par exemple durant l’été 2016 que l’échange de salive (les baisers à pleine bouche) exerçait le système immunitaire. D’où l’importance de la salive ? Selon le professeur Alan Dundes, spécialiste du mauvais œil, les bienfaits de la salive remontent à un schéma de pensée des cultures indo-européennes et sémitiques vieux de plusieurs milliers d’années.

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Celui-ci associe le liquide à la vie et la sécheresse à la mort. Sans nos fluides vitaux, comme le sang, la bile, le lait, le sperme et la salive, nous ne pouvons pas vivre. Le processus de vieillissement correspond en fait à l’assèchement progressif de nos fluides vitaux. À la fin de notre vie, nous nous ratatinons comme une prune desséchée. C’est pourquoi on suppose que les fluides vitaux (la santé) ne sont présents qu’en quantité limitée. Les nourrissons débordent encore de ces liquides si convoités. Ce qui les rend si sensibles au mauvais œil. Un regard suffit pour dérober cette vitalité juvénile. Le nourrisson se dessèche, tombe gravement malade ou meurt, à moins qu’un témoin attentif prenne des mesures et conjure symboliquement le dessèchement à l’aide d’un peu de salive.

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Pour les beaux yeux de la maman

Si une femme enceinte a envie de raisin et qu’elle se gratte quelque part ensuite, son bébé aura une tache de naissance à cet endroit. [Ihsan - Maroc]

L

e regard de la femme enceinte influence également l’enfant à naître. Si une femme enceinte est tout à coup prise d’une envie qui sort totalement de l’ordinaire, par exemple à la vue d’olives, il vaut mieux la contenter. En effet, un désir inassouvi pourrait marquer son enfant à vie, sous la forme d’une tache à l’endroit où elle a le malheur de se gratter par la suite. Cette croyance populaire se retrouve également encore dans le langage. Une tache de naissance s’appelle aussi en français « envie », mais ce mot signifie également « jalousie, désir, etc ». La tache serait donc due au désir ou à la jalousie de la maman. En néerlandais, « tache de naissance » se dit « moedervlek », à savoir « tache de maman », ce qui signifie que la maman est responsable de la tache de naissance du bébé. Outre les impressions émotionnelles, les impressions visuelles ont également une influence sur le rejeton. Dans la Grèce antique, les femmes enceintes admiraient les corps parfaits de statues. Si elles avaient de la chance, leur enfant aurait peut-être le même physique et les mêmes traits. C’est pourquoi elles devaient à tout prix éviter de voir des personnes laides et malformées ou des représentations de celles-ci. Pour les pères, c’était en tout cas un soulagement. Si l’enfant ne leur ressemblait pas, qu’ils le trouvaient laid ou qu’il était malformé, c’était sûrement à cause des impressions ressenties par la femme enceinte.

Il y a encore quelque chose, je pense que c’est typique des Roms. Ça me rendait folle. Quand j’étais enceinte, ma mère m’a appelé de Roumanie et m’a dit : Écoute ce que tu dois faire. Écoute bien parce que je l’ai fait aussi et c’est très important. Si tu croises en rue quelqu’un de malformé ou une personne handicapée, mets la main gauche sur ta hanche. En faisant cela, dis : « Nous sommes deux à voir cela. J’espère qu’il ne nous arrivera rien, ni à moi ni à mon bébé ». Je répétais cela trois fois chaque fois. Mais pensez à tout ce qu’on voit en une seule journée. Je le faisais donc à longueur de journée. [Loreta – Roumanie, Rom] 45


D’éminents érudits de la Renaissance, parmi lesquels Descartes, ont adhéré à cette théorie à l’aide de quantité d’études savantes. L’imagination populaire était débordante. En 1726, il a été fait mention d’un événement miraculeux. Après qu’une femme enceinte est partie à la chasse afin d’assouvir son envie d’un bon pot-au-feu de lapin, elle a donné la vie à quelque seize lapereaux. Ce n’est qu’au 18e siècle que des avis critiques ont été émis çà et là. En 1754, on est parvenu à prouver qu’il n’y avait pas de lien direct entre le système nerveux et le système vasculaire de la mère et de l’enfant. Les impressions visuelles ou mentales ne pouvaient donc pas être transmises au fœtus par ce biais. Dans les milieux scientifiques, cette théorie a pratiquement disparu de nos jours. Mais elle perdure dans l’esprit populaire sous forme de superstition.

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L’ATTRIBUTION DU NOM



L’ATTRIBUTION DU NOM Qu’y a-t-il dans un nom ?

Ce que nous appelons rose, sous un autre nom, sentirait tout aussi bon.

Shakespeare y faisait déjà allusion, nous avons pu nous rendre chez Rose ; chez Maman Rose plus précisément. En effet, l’attribution d’un nom et les titres sont importants et significatifs. Ça ne fait pas un doute. Le titre de maman inspire au moins autant de respect que le terme religieux sœur ou l’appellation docteur dans le milieu scientifique. Même pour une femme sans enfant, il témoigne de l’estime que l’on a pour cette personne. Quoi qu’il en soit, il n’y a que dans les familles nobles que l’on connaît le titre avant même que l’enfant reçoive un nom. Pour le commun des mortels, on reçoit un nom et l’on doit ensuite mériter son titre. Maman Colombe nous parle du rituel traditionnel d’attribution du nom au Bénin. En guide d’apothéose au terme d’un vaste rituel en présence des ancêtres, les gens présents achètent le nom de l’enfant. Les tantes les plus âgées de l’enfant jouent un rôle important. Elles animent la cérémonie. Comme tante Colombe et ses neveux et nièces habitent sur des continents différents, la cérémonie aura lieu lors d’une prochaine visite au Bénin. Donner à ses enfants un prénom biblique ou un prénom de saint est une pratique encore bien répandue en Belgique, pays historiquement catholique. Pour certains, il s’agit d’un usage courant, pour d’autres d’un héritage du passé. En effet, de plus en plus souvent, le prénom se perpétue, mais l’on oublie son origine sacrée. Les prénoms chrétiens ont supplanté pendant un certain temps les prénoms traditionnels sur le continent africain. Ceux-ci ont entre-temps refait leur apparition et apportent davantage de diversité dans l’attribution des noms. Ce n’est pas facile - tout dépend de la perspective -, mais Maman Rose nous aide à comprendre les noms congolais. Une simple combinaison de prénom et de nom de famille ne suffit généralement pas à appréhender toute la complexité du système. Elle préfère parler de nom, de vrai nom et de prénom. Tout comme chez les Igbos, les noms témoignent parfois des circonstances dans lesquelles on a vu le jour ou de la place que l’on occupe entre ses frères et sœurs. Ou l’on reçoit le nom d’un membre de la famille ou d’un ancêtre. Si, comme dans le cas de Maman Rose, vous recevez un beau jour un coup de téléphone et que l’on vous annonce qu’un nouveau-né porte votre nom, c’est à votre tour de recevoir un honneur tout particulier. Votre nom est transmis et, dès ce moment, la mère de votre jeune homonyme devient, symboliquement, votre mère à vous aussi. 49



De Anne à Zoë : l’abondance de prénoms de saints A

vant, on demandait au grand-père d’être parrain et à la grand-mère d’être marraine. Je porte trois prénoms : le premier est mon propre prénom, les deux autres ceux de mon parrain et de ma marraine. [Thomas - Belgique]

D

ans les familles catholiques, il a longtemps été d’usage d’appeler l’enfant en fonction du prénom du parrain et de la marraine. Cela se fait parfois encore. Dans le cas d’un premier enfant, les grands-parents paternels jouaient souvent le rôle de parrain et de marraine. Dans le cas d’un deuxième enfant, c’étaient les grands-parents maternels. Cela permettait de transmettre les mêmes noms de génération en génération au sein d’une même famille. Il n’était pas rare que les prénoms soient ceux de saints, comme Joseph, Marie, Rita, Thérèse, Anne, François, Martin, Joris ou Antoine. La popularité des prénoms de saints dépendait de la région et était souvent liée à la présence d’un lieu de culte. Les prénoms Lucie, Cornélius et Hubert étaient aussi fort appréciés. Ils préservaient les enfants de toutes sortes de maladies. Et il y avait encore une autre option. Chaque saint a un jour de fête particulier, celui-ci correspondant la plupart du temps au jour de la mort de celui-ci. Les parents appelaient parfois leur nouveau-né en fonction du saint que l’on célébrait le jour de la naissance de l’enfant.

Je suis née le jour de la Sainte-Anne, c’est pourquoi ma mère m’a appelée Annette. [Annette – Belgique] L’utilisation des prénoms de saints remonte au 13e siècle, surtout sous l’influence de frères franciscains, disciples de François d’Assise. Ils ont répandu cette pratique parmi les bourgeois et les paysans. La classe supérieure a longtemps encore préféré donner des prénoms germaniques - souvent princiers.

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Mais, peu à peu, la plupart des prénoms de l’Antiquité et de la période féodale les ont malgré tout remplacés. Le Concile de Trente (1545-63) a encouragé davantage encore l’usage des prénoms de saints, et ce en réaction à la réforme protestante. Les partisans des mouvements réformateurs rejetaient en effet le culte des saints et, partant de là, aussi l’attribution de prénoms de saints. Ils prônaient l’usage de prénoms bibliques. Avec Marie et Lucas tout en haut du top dix des prénoms les plus courants (pour la période 2013-2015), les prénoms bibliques sont encore très courants en Flandre et aux Pays-Bas.

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L’attribution d’un nom en Afrique de l’Ouest L

’attribution d’un nom est un événement important. Non seulement l’enfant devra le porter toute sa vie, mais, en plus, en Afrique de l’Ouest, il permet de déduire toute une série de choses. Chez les Igbos notamment, le nom témoigne souvent des circonstances dans lesquelles le bébé est venu au monde. Si l’enfant naît un jour de marché, il peut être appelé du nom de ce marché parce que chaque marché porte en effet le prénom d’un saint. Nweke par exemple signifie né le quatrième jour de marché. On adapte le prénom au sexe de l’enfant parce que les prénoms unisexes n’existent pas. Ce type de prénom est de moins en moins utilisé. Nweke est assez courant comme nom de famille. Les noms renvoient aussi au saint célébré le jour de la naissance ou aux caractéristiques biologiques de l’enfant à la naissance. Ainsi, un enfant né en siège - les jambes d’abord - s’appellera Nsuda, un enfant avec six doigts à une main Ngogna, un enfant ayant déjà des dents à la naissance Mavasavasa, un enfant albinos Ndundu et, dans le cas de jumeaux, le premier enfant s’appellera Nsimba et le second Nzuji. Il existe aussi un nom bien précis pour désigner le premier enfant né après des jumeaux.

Pour mon fils, mon père a choisi le prénom Chidiebere. […] Ce faisant, il a formulé un vœu : Le Chidiebere qui a vécu il y a 150 ans a vécu une belle vie et avait bon caractère, c’est ce que mon père voulait aussi pour mon enfant. [Collins – Nigéria, Igbo] Pour bien choisir le prénom, les gens se rendent parfois chez un oracle pour lui demander conseil. Les Igbos sont en effet convaincus du fait que le choix du prénom peut avoir une influence déterminante sur la vie de l’enfant et, par extension, sur la société. Certains prénoms sont en effet aussi une affirmation ou expriment un souhait. C’est pourquoi des prénoms renvoient aussi souvent à des dieux ou à des saints connus, à des phénomènes naturels, à des professions ou à des titres politiques. En choisissant un prénom, on veut influencer la vie de l’enfant et l’orienter dans la direction d’une certaine fonction ou d’un certain rôle.

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L’attribution du nom revêt en outre une dimension religieuse. Les Igbos croient en la réincarnation, phénomène au cours duquel les membres de la famille décédés reviennent toujours à la vie. La réincarnation permet la communication entre les vivants et les morts. L’attribution du nom est une manière de célébrer cette réincarnation et de remercier Dieu. Après la naissance, l’on observe aussi attentivement les caractéristiques physiques que l’enfant semble avoir en commun avec un ancêtre, pour nommer le nouveau-né en fonction du nom de ce membre de la famille. En raison de la croyance en la réincarnation, il est également possible qu’une mère accouche plus d’une fois du même enfant. Les Igbos croient qu’un enfant mort-né ou qui meurt en bas âge revient au monde en bonne santé. Lorsque les gens parlent d’Ogbanje, ils évoquent le fait qu’une fille se réincarne chaque fois. Chez les Igbos, l’attribution d’un nom va de pair avec un rituel. Le nom est annoncé le 28e jour après la naissance. Ce jour-là, l’enfant rejoint la communauté et une grande fête est organisée. Celle-ci s’accompagne de sacrifices, de discours et de célébrations. Préalablement au rituel d’attribution du prénom, on danse, on chante et on prie pour l’enfant.

Mon prénom traditionnel est Egbolumani. C’est une déclaration : nous sommes originaires de la terre et nous lui devons tout notre respect. C’est cela que ça signifie. C’est à l’école que j’ai reçu le prénom Collins. Pour pouvoir suivre les leçons, j’ai dû être baptisé et j’ai reçu un prénom anglais. À l’époque, je trouvais cela inacceptable, mais je ne peux rien y changer. Maintenant, j’apprécie tout autant mes deux prénoms. [Collins – Nigéria, Igbo] Durant la colonisation, les missionnaires ont forcé les Igbos à abandonner leurs prénoms traditionnels, considérés comme païen. Leurs traditions ancestrales ont été opprimées, leurs prénoms remplacés par des prénoms chrétiens. Ce n’est qu’après la décolonisation dans les années 60 que les traditions relatives aux choix de prénom et les prénoms eux-mêmes ont pu être rétablis.

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ATTENTE ET PERTE



ATTENTE ET PERTE O

n dit parfois que la mort fait partie de la vie. Mais que dire quand un bébé meurt avant même d’avoir vu le jour ? Malgré les connaissances et les soins médicaux généralement bons, il peut toujours arriver qu’une grossesse se termine prématurément ou que le bébé ait des problèmes pendant ou après l’accouchement. La mort d’un bébé a naturellement un impact énorme sur les parents et la famille proche, explique Manu Keirse, spécialiste du deuil, la joie et l’attente se transforment soudain en tristesse et en sentiment de perte. Les parents oscillent tour à tour entre des sentiments extrêmement forts et confus. Avec la perte d’un enfant (non né), les parents doivent renoncer à leurs attentes et à leurs projets. Dans leurs rêves et leurs pensées, ce bébé faisait déjà partie d’une certaine réalité. Une réalité qu’ils ne peuvent hélas pas partager facilement avec d’autres. Jusqu’à ce jour, le monde extérieur a du mal, par exemple, à reconnaître la tristesse et le deuil qui accompagnent une fausse couche. Pour l’entourage, l’enfant existait à peine. Et ce qui n’existe pas encore, on a l’impression de ne pas pouvoir le perdre. Bien que ce sujet soit très sensible, certaines personnes interrogées ont livré pour HALLO BABY leur témoignage sur la manière dont leur entourage ou elles se font à cette tristesse.

Nous expliquons qu’un enfant peut rester, mais qu’il ne doit pas rester. S’il décide de partir maintenant (en tant que bébé), c’est plus facile à accepter que plus tard... La perte est vue comme un voyage que l’enfant a entamé. Un voyage vers d’autres cieux, un voyage spirituel. En inventant une histoire pleine d’espoir autour de la mort d’un bébé, nous essayons d’accepter la situation d’une manière ou d’une autre. Nous nous efforçons ensuite de poursuivre simplement notre vie aussi normalement que possible. [Collins – Nigéria, Igbo]

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Perte et évolution s

i un enfant naît mort-né, ou naît et puis meurt, c’est un sujet de tristesse qui ne se dit pas. Les gens constatent. [Ange – Congo, Katanga]

Aujourd’hui encore, les gens éprouvent des difficultés à briser le tabou

qui entoure la mort d’un enfant. Ceux qui avaient d’abord félicité les futurs parents hésitent à évoquer la perte. L’événement est comme occulté. Ce n’est pas un hasard si, avant d’annoncer la grossesse, les futurs parents attendent que le risque d’une fausse couche soit statistiquement le plus bas. C’était la même chose avant.

Ma mère a mis au monde cinq enfants vivants, sur quinze grossesses. Je suis née il y a 91 ans, j’étais la dernière. Ma mère me gardait tout près d’elle. Elle en avait assez de toujours devoir se séparer de ses enfants. Comme beaucoup de femmes à l’époque, elle a fait des fausses couches par manque de nourriture et à cause du travail dur aux champs. Elle enterrait ses enfants jamais venus au monde dans une tombe spécialement conçue à cet effet. Il n’y avait pas de cérémonie d’adieu. [Maria Vittoria – Italie] Il régnait un tabou énorme au sujet de tout ce qui avait trait à la sexualité et à la grossesse. Les femmes n’étaient généralement pas bien informées et tombaient rapidement enceintes spontanément. En cas de fausse couche, on n’en parlait à personne. Après tout, il y aurait encore d’autres occasions de fonder une grande famille. Même si on ne pouvait pas en parler, le désespoir et la tristesse trouvaient à s’exprimer. Tout indique que, si le vœu d’avoir un enfant en bonne santé n’était pas exaucé, une statuette de Vierge à l’enfant en faisait les frais. Derrière les portes fermées, les mères en deuil décapitaient parfois le petit Jésus. Cette forme de mauvais traitement envers des idoles remonte à une longue tradition. Les saints qui ne respectaient pas leurs obligations étaient punis.

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Jusqu’au milieu du 20e siècle, les enfants non baptisés ne pouvaient pas être enterrés en terre consacrée. Leur dernière demeure était une parcelle commune dans l’enceinte du cimetière ou à l’extérieur de celui-ci. Un enfant mort-né n’était pas reconnu. Il était enterré le soir par le père ou le fossoyeur, dans la plus stricte intimité. Comme si personne ne pouvait le savoir. De nos jours, les parents font de plus en plus souvent célébrer des funérailles traditionnelles pour leur enfant mort-né. Ou ils optent pour une nouvelle forme de cérémonie, dans l’intimité. Cette évolution est un phénomène international. On respecte et on reconnaît davantage la vie de l’enfant non né ; l’enfant reçoit un nom et un acte officiel est souvent établi. En Belgique, depuis 1999, après 180 jours de grossesse, un fœtus peut être enregistré avec son prénom dans le registre des décès et éventuellement dans le carnet de mariage des parents. L’évolution ne s’arrête naturellement pas là. Le débat se penche aujourd’hui sur la question de l’enregistrement du nom de famille et sur l’abaissement de la limite légale de viabilité à 140 jours. Des décisions à ce sujet se font attendre, mais l’évolution de la reconnaissance légale de l’enfant mort-né indique en tout cas que la société prend davantage conscience de la tristesse qui accompagne la perte d’un bébé (non né).

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Baptême et perte S

elon la foi catholique romaine, un enfant non baptisé qui décédait ne pouvait pas avoir de salut de l’âme ni donc aller au ciel. Il ne pouvait pas être enterré en terre consacrée et ne faisait donc pas partie de la communauté chrétienne. On pensait que les enfants non baptisés continuaient à errer comme des feux follets dans un marais. Mieux même, leurs âmes restaient à jamais dans les limbes parce qu’elles n’avaient pas été libérées du péché originel grâce au baptême. C’est pourquoi baptiser le bébé le plus tôt possible revêtait une grande importance. En cas d’accouchement à risque, on pratiquait un « baptême d’urgence », parfois avant même que l’enfant ne vienne au monde. Selon le Catéchisme du concile de Trente (1566), tout le monde pouvait administrer le baptême d’urgence : hommes, femmes, juifs, non-croyants, hérétiques, etc., pour autant que l’on respecte les préceptes de l’Église catholique. Ce n’était pas étonnant, puisque quantité d’enfants mouraient pendant ou après la naissance. Dans la pratique, on préférait qu’une sage-femme ou un médecin - croyant(e) administre le baptême d’urgence. Au Moyen-Âge, on recourait pour ce faire à la seringue à baptiser, une longue seringue de métal munie d’une extrémité sphérique présentant de petits trous. À l’aide de cette seringue, on injectait de l’eau bénite stérile tiède dans l’utérus de la mère via le vagin afin de baptiser l’enfant. Les écrits théologiques des 18e et 19e siècles encourageaient l’utilisation de la seringue à baptiser. Il était conseillé à toute sage-femme d’avoir sur elle une petite seringue afin de pouvoir elle-même administrer le baptême. On effectue encore ici ou là un baptême d’urgence dans les milieux catholiques romains. Mais, au cours du 20e siècle, cette pratique est progressivement tombée en désuétude. En 2007, le Pape Benoît XVI a approuvé le point de vue de certains théologiens selon lesquels les enfants morts non baptisés pouvaient malgré tout aller au ciel. Cela montre que l’on est de plus en plus disposé à considérer les bébés décédés comme faisant partie de la communauté (religieuse), sans condition particulière telle que le baptême.

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Pour notre organisation de défense des intérêts des familles, la décision de réaliser un projet audacieux tel que HALLO BABY va de soi. Rien n’est aussi universel et ne rapproche autant les gens et les générations que la naissance et les rituels qui y sont associés. Frans Schotte Président général du Gezinsbond


COLOFON Coordination du projet | Sarah Kaerts Étude de la littérature et textes du guide du visiteur | Anouk De Vreese et Sandrien De Vriese Rédaction des textes | Geert Souvereyns et Sarah Kaerts avec la collaboration de Joris Verschueren et Collins Nweke Rédaction finale | Sigrid Lapiere Mise en page | Marijke Deweerdt, Folioatelier Photographie | Philippe Debroe - Mark Adriaen Affiche réalisée avec la collaboration de | Jessica en FZO-VL – www.fzovl.be Traduction | Saskia Watts [anglais] et ‘Les Illustres Françaises SPRL’ [français] Interviews | Sarah Kaerts, Sarah De Tandt, Evi Clagg, Geert Souvereyns, Anouk De Vreese, Tine Aelter, Katrien Steelandt et Sigrid Lapiere Témoignages | Jessica, Maman Colombe, Minire, Loreta, Rajani, Magali, Ihsan, Emma Antonia, Maria Vittoria, Francisco, Mille, Damodar, Himkala, Collins, Lucienne, Jovita, Georgette, Tatzari, Monel, Wanis, les familles de Hannah, Jyoti, Neslihan et Guus, Maman Pia et Maman Rose ainsi que leurs époux, Maeva Rose, Selma et sa fille Meryem Retranscriptions | Sandra Vanoverberghe, Hélène Gulizzi, Tülin Özdemir, Sarah De Tandt, Marjorie de Vinck, Pauline Rooijakkers, Ine Lippens, Evi Clagg, Kaat De Waele, Sofie Vandenabeele, Wannes Plaetinck, Kauthar Ben Haddou, Claudia Scaringella et Gert Delys Tables rondes | FMDO Brussel: Firefec Bandundu, Feza, Inaya, Het Meervoud, Ardaps, LDC Het Anker, LDC Miro en Mes-tissages - FMDO Brugge: Everest Nepali Society, United Kirat Society, DISOF, Congolees Centrum voor de verspreiding van de Congolese kennis en cultuur - Rode Kruis Opvangcentrum De Patio - Vormingplus regio Brugge IVCA - Buurtwerk Bloemekenswijk Gent - Sociaal Huis Mechelen - Vormingplus Mechelen ‘t Klapgat - Wereldvrouwen Genk - Wereldvrouwen Sint-Niklaas et Wereldvrouwen Tienen HALLO BABY est une initiative du | Gezinsbond En étroite collaboration avec | LECA, FMDO, la Ville de Bruges (Musea Brugge, Diversiteitsdienst et Erfgoedcel), Vormingplus regio Brugge et YOT Avec la collaboration de | Erfgoedcel Brussel, FARO. Vlaams steunpunt voor cultureel erfgoed, KADOC-KU Leuven, De Centrale, IVCA et Wereldvrouwen Merci à | Tous les participants aux tables rondes et aux nombreux bénévoles qui ont aidé à la réalisation de ce projet. Avec le soutien | du Gouvernement flamand, de la Commission communautaire flamande et de la Ville de Bruges Met de steun van de Vlaamse Overheid en Stad Brugge



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