Sandra Ancelot
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Dessins en Sauts Mouvement TransversĂŠe
Habiter EnrobĂŠs Peindre la couleur
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Dessins en Mouvement
Le dessin aérien questionne la relation entre un mouvement et le graphisme qu’il génère. 9
En contrepoids Vincent Van Tilbeurgh
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Dessin aérien
Envol Cartographie Dessinée
Dessin aérien Séance de recherches Résidence à l’E.N.A.C.R. 2014
Les principes du dessin aérien avec le contrepoids humain. Dessin sur une surface horizontale. La performance dessinée fait apparaître, par une succession de passages, une matérialisation graphique de la relation du duo. Le dessinateur est articulé par le porteur. Il peut être un simple instrument de dessin articulé par le porteur, comme il peut prendre les commandes du tracé graphique. Par la course, le saut, le jeté, il génère des ballants et des mouvements hélicoïdaux. Les mouvements aériens résultent de la mécanique du contrepoids et peuvent se conjuguer pour donner des impulsions «pré-envols», décollages, vols et tous modes d’effleurements de la surface horizontale du papier. Cet axe, celui de la corde qui lie deux corps et qui construit le dessin, est aussi celui de la dimension de l’alter ego. Il nous donne à observer le rapport à l’autre. Dans ce contexte, l’équilibre du duo réside en une confiance totale exprimée par des gestes contradictoires : être toujours à l’inverse de l’autre ou à la renverse de l’autre tout en restant en duo pour le tracé d’un trait. Cette contradiction s’articule pourtant dans l’ambiguité d’un rythme, en accord parfait, afin que le geste ne soit qu’un. Toute la mécanique du contrepoids et les jeux chorégraphiques sont au service du geste dessiné qui trace au fur et à mesure des stractes, comme une cartographie-mémoire d’une écriture à deux. Il s’agit de transformer les envols, vols, suspensions,... en traits, traces aqueuses transparentes, jets de matières colorées, comme une continuité du mouvement. Celui qui dessine n’est pas celui qui voit. Celui qui voit n’est pas celui qui dessine. Le déroulé graphique est à la fois écrit et attentif à l’improvisation qu’induit le corps en mouvement.
Vol Amplitude 0 à 10 Mètres
Dessin aérien Séance de recherches Résidence à l’E.N.A.C.R. 2014 Crédit photographique Aurélie Haberey
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Dessin aérien, séance de recherches, résidence à l’E.N.A.C.R. 2014
Dessin aĂŠrien, tracĂŠ de la cartographie du duo, socle graphique avant le passage au dessin dynamique
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Le corps du dessin Etude du rapport entre la durée du tracé d’une ligne et l’amplitude du mouvement. Chercher un point d’équilibre dans le corps, un point d’ancrage et de départ du trait qui s’écrit sur la feuille. Observer quelle distance le petit pinceau parcourt. Le trait disparait au fur et à mesure de la course et des tractions du porteur en contrepoids. La matière liquide concentrée en couleur se transforme en à une matière sèche qui s’apparente à la craie, jusqu’à épuiser le pinceau de sa charge. Le geste se continue dans la mémoire du traçage. Il sagit de révèler le sensible, le vibrant de la texture du trait, porteur de la mémoire du duo en mouvement.
Gouache sur papier craft. Surface du dessin 6m2.
Dessin aérien Séance de recherches Résidence à l’E.N.A.C.R. 2014
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Performance Premier temps, le tracé cartographique, durée 20’ Dessin : tracé lent des reliefs de la cartographie du dessin en duo. Traduction en traits du rapport entre la recherche constante du point d’équilibre du corps en mouvement et son incidence sur la qualité du trait. Mécanique : La corde à laquelle est acroché le dessinateur est fixée au sol. Un peu au-dessus de la hauteur du corps du dessinateur, une accroche permet la traction latérale du porteur et le parcours par le dessinateur de l’intégralité du papier.
Troisième temps15 ‘ Vol et dispersion bleu encre Mécanique : une corde relie les deux corps. Le phénomène du contrepoids permet un équilibre, le porteur s’appuie sur un axe pour effectuer les trajectoires verticales. Le dessinateur donne des impulsions pour les ballants.
Performance 60’’ 12 Juillet 2014 Présentation au Chapiteau de l’Ecole Nationale des Arts du Cirque de Rosny
Un tracé cartographique d’un geste en duo
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Séances de recherches Résidence à L’E.N.A.C.R Mécanique de la traction latérale du contrepoinds humain
Séances de recherches Résidence à L’E.N.A.C.R Mécanique du vol par le contrepoinds humain
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Séances de recherches 2014
Ballant en planche oblique Ballant inversé Envol hélicoïdale
Ballant doux inversé, inversé ciseau Ballant latéral, jambes ciseaux à fleur de sol Frottements pieds
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mouvements
Pratique du petit ballant en atelier
Travail en atelier des petits ballants. Balancement, renversement, éfleurement du sol, déplacement d’unités d’habitation en cartons, jeté de blanc de Meudon. 2013/14
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Dessin à fleur de sol
Novembre 2014 Les XX ans des Brasseurs, performance,«Dessin à fleur de sol», 15’’ gestes aériens et dessins au sol, artistes sonores Stephan Ink et Dizzy Moon, Les Brasseurs, Centre d’Arts Contemporains, Liège, Belqique
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Naissance d’un collectif autour du dessin aérien Sandra Ancelot et Vincent Van Tilbeurgh se rencontrent à l’Ecole Nationale des Arts du Cirque où ils collaborent dans le cadre de leurs missions d’enseignement. En 2012, Sandra sollicite Vincent pour son projet de performance, « Une Conférence Illustrée » ou traduction de la parole en gestes dessinés, commande du FRAC PACA, Ullysses parcours d’Art Contemporain, Marseille Capitale Culture 2013. L’artiste travaille avec le mouvment du ballant de la balançoire et met en vol des objets , elle est passionnée par l’aérien sans avoir osé s’utiliser comme un outil aérien de dessin. La «Conférence Illustrée» proposait de répondre au rythme du flux de la parole par le mouvement d’un grand ballant, qui serait générateur de traits. Grâce au partenariat qu’elle propose à l’Ecole Nationale des Arts du Cirque, Sandra travaille avec deux circassiens, Lucie Lastella, spécialité roue Cyr, contortionsite et Paul Warnery, spécialité sangles. Sandra les forme aux techniques graphiques. Elle suit une préparation physique à l’école et une formation aux techniques d’accroches. Elle commence l’escalade pour étendre sa compréhension de déplacement en accroche avec Claire Antoine. Lucie et Paul l’initient aux bases des mobilités du corps sur paroi vertale et au sol. Vincent développe le dispositif des accroches et il accompagne le développement du projet jusqu’à la performance. Sandra invite Noémie Gallet plasticienne, artiste sonore au regard et retour critique. Noémie fait la collecte de visuelles, vidéos et s’occupe de la diffusion du processus de fabrication de la performance avec la création d’un blog et un lien sur le site de l’artiste. A l’issue de cette expérience, ils ont cheminé vers un nouveau système de propulsion : le contrepoids humain. Vincent voyait ici la possibilité de conjuguer une mécanique de propulsion, qu’il a développée, à sa pratique de l’escalade. Une pratique qu’il définit comme «une contemplation active» vers un dessein artistique. La mécanique du contrepoids humain offre la possibilité de pousser plus loin le format performatif en développant le territoire aérien du dessin et en ouvrant l’espace graphique. Stephan Ink , artiste sonore avec lequel Sandra avait performé en Belgique, rejoint le projet et développe comme Noémie « les coussins sonores » du dessin aérien. L’équipe est désireuse de grandir ensemble lors de projets communs et aussi apporte son soutien aux créations personnelles de chacun des membres.
Recherches «Conférence illustrée», ci- au dessus 2013 Paul Warnery, Lucie Lastella circassiens dessinateurs, Sandra Ancelot
Matériel sonore Stephan Ink
Dessin accroché 2014
Déplacement sur paroi verticale avec la mécanique d’un contrepoids humain Le dessinateur est lesté pour ête au même poids que le porteur. Sandra Ancelot, Vincent Van Tilbeurgh
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Traduction de la parole en gestes dessinés, L’Étranger, l’Exilé et le Réfugié,Ulysse, Moïse et les autres.
«Si le corps est le lieu où se refait une poétique vivante et «vibratile», c’est dans la mesure où il permet au langage lui-même de se défaire, aussi bien dans sa dimension référentielle (en tant que représentation du monde), que dans sa dimension autoréférentielle (scène arbitraire du signifiant et du signifié). Leur « étourderie » résiderait précisément dans la revendication d’un langage autre.» Marcelo Jacques de Moraes.
Qu’est-ce qu’une conférence illustrée ? Il s’agit de « l’illustration graphique d’un contenu de paroles ». C’est un espace où s’opère une interaction entre l’artiste et le conférencier, ici via le dessin et le contenu de sens. La recherche d’une conférence illustrée est de donner un plus à penser, un plus qu’à penser. L’artiste interviendra pendant la conférence et s’exprimera à travers les arts plastiques et les arts vivants. C’est le lien entre les conférenciers, entre la démarche et l’expérience d’une artiste contemporaine. Antoine Paoli.
Coférence illustrée; l’étranger, l’éxilé et le réfugié Traduction de la parole, un geste dessiné Marseille Capitale Culture 2013 Lucie Lastella, Paul Warnery circassiens plasticiens, Sandra Ancelot Accompagnement artistique et techniques Vincent Van Tilbeurgh Regard et collecte de visuelles et vidéos, diffusion des étapes de construction de la performance; Noémie Gallet Ci-contre, étape de recherches, Lucie Lastella, Paul Warnery, Sandra Ancelot
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Conférence illustrée Performance 60’’ 1er Juin 2013. La Baume les Aix, Aix en Provence Commande du FRAC PACA pour Marseille Capital Culture 2013
Dessin mural Fusain et poudre de fusain soufflée. Le dessin s’effectue à 1,50 m du sol et jusqu’à 4,60 m, hauteur d’accroche des cordes. Largeur 16 m. Photos Odile Reboul, Nicolas Granier
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Conférence illustrée Séances de répétition Résidence à l’E.N.S.A de Paris Val de Seine Photo Noémie Gallet
Conférence Illustrée, l’étranger, l’exilé et le réfugié Performance Lucie Lastella, Paul Warnery, Sandra Ancelot, Photo Odile Reboul, Nicolas Granier 43
Recherches sur mur Traduction de la parole en gestes dessinés puis travail sur le mur et croquis, traduction de la parole en gestes dessinés. Avril, Mai 2013 Sandra Ancelot, Lucie Lastella,Paul Warnery. Photos Noémie Gallet
Les principes de «la conférence Illustrée»
La création de «la conférence illustrée» nait du désir d’intensifier le ressenti et les processus subtils d’entendement qui s’opèrent lors de l’écoute de la parole ou du regard posé sur l’oeuvre. Le terme de conférence illustrée est ambigu, car il se situe aux frontières de plusieurs formes d’expression. Ce pourrait être une conférence, mais cela ne l’est pas. Ce pourrait être une performance, mais cela ne l’est pas. Ce pourrait être un spectacle mais cela ne l’est pas. Ce serait, donc, de l’ordre de expérience. Le choix de la forme relève d’une intuition, celle d’éprouver le langage avec la mise en scène d’un dessin qui se construit et se déconstruit au rythme de la voix. Le dessin mural aérien n’est pas une illustration littérale de la parole. Même si, initialement, le projet est traité comme une forme poétique « explorante et voyante »*. Je souhaite que ce dispositif soit un révélateur, créateur vivace de matière réflexive et réactive au présent de la conférence illustrée. C’est pleinement s’ouvrir à l’expérience de ce présent. La proposition plastique est hybride, c’est à la fois un dessin mural réalisé au fusain et à la poudre de fusain et une chorégraphie, un geste dessiné. Le dessin s’effectue à 1m50 du sol , jusqu’à 4m 60, hauteur des points d’accroche estimés des cordes. Les dessinateurs sont suspendus. Nos mouvements font apparaître les lignes, les valeurs, les figures. Nous sommes des corps crayons. Le choix de travailler suspendu renvoie à un de mes thèmes de recherche, « l’extraction ». S’extraire c’est mettre en mouvement une pulsion de vie, geste premier de création. C’est aussi un « sauve qui peut », une poussée en avant instinctive, intuitive, du senti qui préserve et qui projette. Ce peut être une ligne de fuite.* 45
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L’Étranger, l’Exilé et le Réfugié. Contenu de la conférence. Jean-François Mattéï
Le paradoxe de l’humanité tient à sa diversité extrême, de sexe, de race, de culture, de statut politique et social, de richesse ou de pauvreté, de santé ou de maladie, alors que, d’autre part cette même humanité pressent son identité de nature. Que ce soit dans les religions, les philosophies ou les sciences, les hommes s’accordent à reconnaître qu’ils appartiennent à une même espèce, sinon à une même communauté, alors que l’histoire nous montre qu’ils ne cessent de se diviser, de s’opposer et de se combattre. L’intégration attendue devient alors exclusion subie. Trois figures classiques de la culture, dont l’orientation est religieuse, philosophique ou littéraire, esquissent les traits de l’homme qui se retrouve exclu de la communauté humaine : la figure de l’Étranger, la figure de l’Exilé et la figure du Réfugié. Dans les trois cas, une exigence fondamentale de l’humanité n’est pas satisfaite : c’est celle de la reconnaissance de son identité. Plus exactement, il s’agit d’une reconnaissance négative, plus, peut-être, que d’une méconnaissance. L’Autre, celui qui n’est pas reconnu comme membre de la communauté concernée, est tenu à distance, sinon repoussé, par son identité qui n’est pas admise. L’altérité implique bien l’identité de celui qui est pris pour un autre ; mais cette identité se nourrit à l’inverse de cette altérité qui fait de lui un étranger. Tel est le nouveau paradoxe : l’être humain qui se présente à nous n’est pas notre semblable et ne partage donc pas notre identité. Il laisse deviner une identité incertaine, inconnue ou méconnue, et à ce titre dangereuse pour l’identité antérieure qui craint d’être contaminée par elle. L’identité de l’Autre, parce qu’elle nous est étrangère, menace notre propre identité en se présentant comme une altérité menaçante. Le retournement est complet : comme l’identité de l’Autre n’est pas l’identité de soi-même, par exemple l’identité du Juif par rapport à celle de l’Arabe, cette identité inconnue devient une altérité susceptible de détruire l’identité partagée de ceux qui s’en inquiètent. Je propose d’envisager ces trois figures exotiques de l’humanité en partant de la moins étrange, et de la moins méconnue, celle du réfugié. Le réfugié n’est pas nécessairement un étranger. Il peut être le membre d’une société donnée qui, à la suite d’un accident, d’une catastrophe ou d’une guerre, vient trouver refuge chez un autre membre de la même société, parfois une personne de sa famille, un voisin ou un habitant de la ville. C’est ce qui arrive lorsque, après un incendie ou une inondation, ceux qui ne peuvent plus habiter leur maison trouvent un abri chez des concitoyens même s’ils ne les connaissent pas. La solidarité attendue n’est pas ici liée à la connaissance de l’autre, mais à la reconnaissance de son identité. Il est cependant des cas, plus douloureux, où le réfugié a dû quitter sa ville ou sa région, ainsi les réfugiés français pendant l’occupation allemande de la seconde guerre mondiale, parfois aussi son pays, pour des raisons politiques. Le réfugié est alors dans une position de faiblesse extrême puisqu’il n’a plus sa maison, son travail, souvent sa famille et ses amis ; il est généralement démuni d’argent, et, dans nombre de cas, il ne parle pas la langue du pays qui lui a donné refuge. Ainsi les républicains espagnol réfugiés à Toulouse et dans le Sud de la France lors de la guerre d’Espagne. C’est le cas exemplaire de la naissance de Jésus pour le christianisme : Joseph et Marie, après la décision du roi Hérode de tuer tous les enfants de moins deux ans pour éliminer le futur roi des Juifs, s’enfuirent de Bethléem et trouvèrent refuge en Égypte. Le refuge peut être temporaire ou définitif, car les réfugiés ont la possibilité de retourner chez eux, comme Joseph et Marie, ou bien de s’installer à demeure dans leur pays d’adoption. Ce fut le cas de réfugiés célèbres qui sauvèrent leur vie et leur œuvre en quittant précipitamment leur pays sous la menace de la guerre et de la mort pour des raisons politiques ou religieuses. Le refuge dévoile ici son sens positif et permet au réfugié de recommencer sa vie sur de nouvelles bases et, souvent, de réussir. Le refuge prend la forme d’une terre d’asile. Albert Einstein quitta l’Allemagne nazie pour se réfugier aux États-Unis, comme Hannah Arendt et bien d’autres intellectuels et artistes allemands ; Alexandre Soljenitsyne, que l’Union soviétique avait interdit de se rendre en Suède pour la remise du prix Nobel, se réfugia en Suisse, puis dans le Vermont, avant de revenir des années plus tard dans sa Russie natale. Il en fut de même pour Milan Kundera qui quitta la Tchécoslovaquie pour échapper au joug communiste et trouva refuge à Paris où il écrivit ses romans en français tout en acquérant sa nouvelle nationalité. Dans le monde moderne, plus encore qu’auparavant du fait des moyens rapides de communication, il y a beaucoup plus de réfugiés pour raisons politiques qu’autrefois. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, on comptait en 2006 plus de 22 millions de réfugiés dans le monde entier, au Proche Orient et en Asie, en Europe, en Afrique, en Amérique et dans le Pacifique. La proportion de réfugiés est considérable : une personne sur 269 habitants de la planète. On en trouve la raison dans la multiplication des guerres locales, de la violence et des exactions contre les minorités politiques, ethniques et religieuses. Tel est le paradoxe humain que nous vivons depuis le XXe siècle : le développement considérable des réfugiés est lié à une époque qui prétend
se vouer explicitement aux droits de l’homme. Pour parler avec Camus, le refuge est l’endroit d’une violence qui en est l’envers. C’est la violence qui fait le refuge et le mal qui appelle le bien. La figure du réfugié n’est que la première manifestation de l’exclusion de l’homme du milieu social dans lequel il tente de s’intégrer. Cette exclusion demeure souvent superficielle car beaucoup de réfugiés parviennent à trouver une terre d’accueil après les événements qui les ont conduit à quitter leur pays. Ils ont la possibilité de rester dans ce nouveau pays ou, parfois, de retourner dans leur pays d’origine. Dans les deux cas, le refuge ne conduira pas à l’exil : il n’en a ni la violence ni la durée. Car tout exil est, quelle qu’en soit la forme, définitif. On le voit dans la personne d’Ulysse, exilé de l’île d’Ithaque pendant vingt années, qui est devenu la figure exemplaire de l’exilé dans la littérature occidentale d’Homère à James Joyce et Kafka. C’est sans doute dans les romans et les essais de Camus que cette figure a pris toute sa dimension ontologique. L’auteur de L’Exil et le Royaume, son dernier livre publié avant sa mort, a brodé toutes les variations possibles sur cette catégorie de l’exil dont il a fait la catégorie existentielle suprême. Dans sa préface tardive à son œuvre matricielle, L’Envers et l’Endroit, il écrit ces lignes qui évoquent le paradis perdu de son enfance algéroise : « Oui, rien n’empêche de rêver, à l’heure même de l’exil, puisque du moins je sais cela, de science certaine, qu’une œuvre d’homme n’est rien d’autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l’art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s’est ouvert »1. Après L’Étranger, qui noue les premiers nœuds de l’exil de Meursault dans sa cité natale, la trame de son deuxième roman, La Peste, est entièrement tissée de l’exil que Camus ressentait. Il vécut cet exil, non seulement à Oran où il situe l’intrigue, mais aussi à Paris où il se retrouva pour se perdre loin de l’Algérie, et finalement dans tous les lieux où il ne reconnaissait pas de véritable foyer, qu’il s’agisse de Prague, de Florence, des États-Unis ou du Brésil. On lit dans ses Carnets, en 1942, c’est-à-dire en pleine guerre mondiale, cette note qui laisse deviner la proximité de l’exil politique et de la déréliction ontologique ou religieuse : « Je veux exprimer au moyen de la peste l’étouffement dont nous avons souffert et l’atmosphère de menace et d’exil dans laquelle nous avons vécu. Je veux du même coup étendre cette interprétation à la notion d’existence en général »2. L’histoire politique de l’Europe, déchirée par les guerres mondiales qu’elle a engendrées, révèle ainsi, plus profondément, la figure existentielle de l’exil. Camus écrit dans sa préface à l’édition allemande des poésies de René Char qu’elles sont « messagères de vérité, de cette vérité perdue » dont nous ne pouvions rien dire, au milieu d’une Europe envahie par les flammes, « sinon qu’elle était notre patrie et que loin d’elle nous souffrions d’exil ». C’est à cette recherche de vérité qui prend la forme d’une recherche de paternité que se livre Camus dans son œuvre, à travers l’étrange confusion d’un père déjà perdu à la première guerre et d’une patrie près de se perdre avec la guerre d’Algérie. On le constate avec Le Premier homme dont la première partie, qui s’ouvre sur le voyage de Camus à Saint-Brieuc sur la tombe du père inconnu, porte comme titre : « Recherche du Père ». Camus écrit alors, toujours pour saluer René Char, ces mots décisifs que le lecteur interprétera en termes de poésie, d’histoire ou d’existence : « la patrie un jour recevra son nom ». Ce nom est, selon la parole enracinée de Char, « terre et murmure, au milieu des astres impersonnels »3. Camus a été fasciné par le mythe d’Ulysse qui a perdu son royaume et qui, au bout de vingt ans d’exil en mer, veut retrouver la terre d’Ithaque. Tout l’itinéraire intellectuel de Camus, inséparable de sa vie, est ainsi tendu entre L’Exil et le Royaume. La sentence la plus magistrale se trouve dans Le Mythe de Sisyphe : « Dans un univers soudain privé d’illusions et de lumières, l’homme se sent un étranger. Cet exil est sans recours puisqu’il est privé des souvenirs d’une patrie perdue ou de l’espoir d’une terre promise »4. L’auteur ne fait pas appel ici au « monde », ce qui est son terme habituel, mais au mot plus angoissant d’« univers » comme s’il voulait, de façon pascalienne, souligner la déréliction de l’homme perdu dans un décor immense au sein duquel il se sent de trop. Le silence éternel de ces espaces infinis, éprouvé la nuit dans la ville morte de Djémila ou dans Le Désert (Noces), lui serre le cœur et l’âme car il est sans raison et sans réplique. Si l’univers ne dit rien aux hommes de notre temps, alors que les dieux de la terre et du ciel parlaient aux Grecs, nous n’avons rien non plus à lui dire. Il en résulte que l’exil ontologique que nous ressentons est bien « sans recours », donc sans salut céleste ou terrestre, puisqu’il naît d’une absence dans le passé et d’un néant dans l’avenir. En amont comme en aval, les hommes sont voués à la nostalgie d’un temps qui n’a pas existé et à l’attente d’un temps qui n’existera pas. Nous sommes nés dans un monde qui est indifférent à notre présence, et nous mourrons dans un monde que nous n’avons pas compris comme si nous étions étrangers à une vie privée
1Préface, L’Envers et l’Endroit, Essais, op. cit., p. 13. 2Carnets IV, 1942, OEuvres complètes II, Paris, Gallimard, 2006, p. 979. 3« René Char », OEuvres complètes IV, Paris, Gallimard, 2008, p. 620. 4Le Mythe de Sisyphe, OEuvres complètes I, Paris, Gallimard, 2006, p. 223.
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de lumière pour nous éclairer et d’illusion pour nous consoler. Tel est le divorce ontologique irrémédiable entre l’acteur et son décor. La figure de l’exilé cède alors la place à la figure, plus angoissante encore, de l’étranger. Que ce soit dans son plus célèbre roman, L’Étranger, dans La Chute ou dans ses autres textes, l’étrangeté sans appel de l’existence devient la catégorie ontologique fondamentale de Camus. Sans doute est-ce la catégorie philosophique ultime, que l’on trouvait déjà chez Platon. Dans tous ses dialogues, le philosophe grec fait appel comme porte-paroles à des étrangers, l’Étranger d’Élée, l’Étranger d’Athènes, l’Étrangère de Mantinée, Timée de Locres et surtout Socrate, qualifié à plusieurs reprises d’« étranger » dans sa propre cité, Athènes, qui le mettra finalement à mort. Mais cette figure de l’étranger présente deux visages : celui de l’étranger qui est né dans un pays dont il est séparé, et qui reste un exilé attiré par le royaume perdu ; et celui de l’étranger qui n’a jamais connu de pays natal et qui sera toujours, pour reprendre une expression de Camus, exilé chez soi. Cette étrangeté est celle des personnages de Kafka, dans Le Procès et surtout dans Le Château. Dans le premier roman, achevé par l’auteur, le personnage principal porte le nom de Joseph K., son identité se limitant à une simple initiale, la même que celle de Kafka. Dans le second roman, inachevé cette fois, le personnage principal n’a plus de prénom et se réduit à l’initiale K. Son identité est donc réduite à une seule lettre comme si elle n’avait plus aucune épaisseur. Et ce personnage, qui prétend être un arpenteur venu prendre les mesures du Château à la demande du comte qui l’habite, ne pourra jamais pénétrer dans le Château ni retourner chez lui pour retrouver les siens. Il restera toujours, d’autant que le roman, comme la vie, est inachevé, un étranger à un monde qu’il n’a pu pénétrer ou retrouver. Emmanuel Levinas a repris cette figure kafkaïenne de l’étranger pour distinguer l’enseignement de l’éthique, qu’il identifie à la religion hébraïque, de l’enseignement de l’ontologie, qu’il assimile à la philosophie occidentale. Celle-ci présente les trois caractéristiques de toute pensée voulant se présenter comme science : le primat de l’être présenté comme totalité, à l’exclusion du Bien ; le primat de la signification, présentée comme idéalité, à l’exclusion du Sens ; le primat de la réminiscence, présentée comme circularité, à l’exclusion de l’Immémorial. « Partout dans la philosophie occidentale, où le spirituel et le sensé résident toujours dans le savoir, on peut voir cette nostalgie de la totalité » écrit Levinas dans Éthique et infini5 . Et si la connaissance du tout est un nostos, un « retour » du philosophe, sa patrie originelle est sa nostalgie. À plusieurs reprises Levinas reprend l’image homérique : « la tâche propre de la philosophie » consiste à faire « retour à son île pour s’y enfermer en la simultanéité de l’instant éternel »6. On devine les enjeux : la sortie d’Égypte, comme exode, confrontée au retour à Ithaque, comme nostos, et l’embrassement de l’être, creusé dans le tronc d’olivier par Ulysse, confronté à l’embrasement du Bien, donné à Moïse dans le buisson ardent d’Horeb. La pensée de Levinas tourne ainsi autour des deux figures distinctes de l’homme, celle d’Abraham, fidèle à son dieu, et celle d’Ulysse, fidèle à sa patrie. L’auteur de Totalité et infini regrette que la philosophie, dès son origine grecque, ait inscrit ses pas dans la figure ontologique de l’exil et du retour, et non dans la figure éthique du nomadisme et de l’errance. La condamnation la plus sévère se trouve dans l’ouvrage intitulé Humanisme de l’autre homme : « L’itinéraire de la philosophie reste celui d’Ulysse dont l’aventure dans le monde n’a été qu’un retour à son île natale - une complaisance dans le Même, une méconnaissance de l’Autre »7. Dès lors, pour parvenir à vivre de façon éthique, il faut substituer la Terre promise, devant laquelle mourra Moïse sans y pénétrer, à la Terre conquise, en laquelle mourra Ulysse après avoir retrouvé son lit d’olivier. Pour mieux assurer les contrastes entre les deux figures, Levinas feint d’oublier qu’Ulysse doit obéir à la prédiction du devin Tirésias. Il lui reste en effet une ultime épreuve à accomplir après avoir regagné son trône : il devra à nouveau errer de ville en ville, portant à son bras une rame de pêcheur, jusqu’à ce qu’il arrive dans un pays où les habitants s’étonneront de cette pelle à grains sur son épaule (chant XXIII, v. 267-277). C’est moins le retour du Même qui commande l’odyssée du philosophe que l’exil de l’Autre au sein de l’être, Ulysse songeant déjà, dans le lit nuptial où il a retrouvé son épouse, à son nouveau départ qui le conduira, aux confins de la terre, vers ces peuples qui ne connaissent pas la mer.
5É. Levinas, Éthique et infini. Dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Fayard-France Culture, 1982 ; Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1986, p. 70. 6É. Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (1974), Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1990, p. 125. 7É. Levinas, Humanisme de l’autre homme (1972), Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1994, p. 43.
On peut répondre à Lévinas que le mouvement éthique de dépassement a besoin de la présence, enracinée dans ce qu’il nomme l’« élémental », la terre où nous sommes nés. Et cet élémental n’est païen que s’il est coupé de la parole qui lui donne sens, un sens comme monde, un sens comme maison et un sens comme hospitalité. Levinas tend à penser l’au-delà de l’essence, c’est-à-dire Dieu, sur le seul mode de l’au-delà comme si la parole pouvait prendre son élan et sauter au-dessus de l’être pour accéder au Bien, sans le rude tremplin de la terre natale. Pour que la hauteur éthique donne à cette dernière un sens, il faut qu’elle surplombe à tout instant le sol où chaque être trouve son assise dans l’ouverture du ciel ; le soleil lui-même ne peut se lever qu’au dessus de l’horizon. C’est dans la lignée platonicienne du Timée qui voit en l’homme une plante verticale dont les racines sont célestes que Levinas inscrit finalement son intuition majeure. Il doit reconnaître que c’est cette hauteur vécue à travers l’expérience de notre corps qui conduit les hommes à élever des autels : « Ce n’est pas parce que les hommes, de par leurs corps, ont une expérience de la verticale que l’humain se place sous le signe de la hauteur ; c’est parce que la tête s’ordonne à la hauteur que le corps humain est placé dans un espace où se distinguent le haut et le bas, et se découvre le ciel [...] qui est tout hauteur »8. C’est à une telle hauteur que se mesure la distance où se trouvent respectivement le réfugié, l’exilé et l’étranger. Ils incarnent les trois figures de l’homme qui se confronte au vide d’une existence privé d’un sens dont il garde, en dépit de tout, la nostalgie.
8É. Levinas, Humanisme de l’autre homme, op. cit., p. 58.
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La salle de confĂŠrence croquis
Nous sommes nés dans un monde qui ne nous attendait pas et nous mourrons dans un monde que nous n’avons pas compris comme si nous étions étrangers à une vie privée de lumière pour nous éclairer et d’illusion pour nous consoler. Tel est le divorce ontologique irrémédiable entre l’acteur et son décor. La figure de l’exilé cède alors la place à la figure, plus inquiétante encore, de l’étranger. Que ce soit dans son plus célèbre roman, L’Étranger, dans La Chute ou dans ses autres textes, l’étrangeté sans appel de l’existence devient la catégorie ontologique fondamentale de Camus. Sans doute est-ce la catégorie philosophique ultime, que l’on trouvait déjà chez Platon qui, dans tous ses dialogues, fait appel comme porte-paroles à des étrangers, l’Étranger d’Élée, l’Étranger d’Athènes, l’Étrangère de Mantinée, Timée de Locres et surtout Socrate, qualifié à plusieurs reprises d’« étranger » dans sa propre cité qui le mettra finalement à mort. Mais cette figure de l’étranger présente deux visages: celui de l’étranger qui est né dans un pays dont il est séparé, et qui reste un exilé attiré par le royaume perdu; et celui de l’étranger qui n’a jamais eu de pays natal et qui sera toujours, pour reprendre une expression de Camus, exilé chez soi. Cette étrangeté est celle des personnages de Kafka, dans Le Procès et surtout dans Le Château. Dans le premier roman, achevé par l’auteur, le personnage principal porte le nom de Joseph K., son identité se limitant à son initiale, la même que celle de Kafka. Dans le second roman, inachevé cette fois, le personnage principal n’a plus de prénom et se réduit à l’initiale de K. Son identité est donc réduite à une seule lettre comme s’il n’avait plus aucune épaisseur. Et ce personnage, qui dit être un arpenteur venu prendre les mesures du Château à la demande du comte qui l’habite, ne pourra jamais ni pénétrer dans le Château ni retourner chez lui pour retrouver les siens. Il restera à jamais, d’autant que le roman, comme la vie, est inachevé, un étranger à un monde qu’il n’a pu pénétrer ou retrouver. Emmanuel Levinas a repris cette figure kafkaïenne de l’étranger pour distinguer l’enseignement de l’éthique, qu’il identifie à la religion juive, de l’enseignement de l’ontologie, qu’il assimile à la philosophie occidentale. Celle-ci présente les trois caractéristiques de toute pensée voulant se présenter comme science : le primat de l’être présenté comme totalité, à l’exclusion du Bien ; le primat de la signification, présentée comme idéalité, à l’exclusion du Sens ; le primat de la réminiscence, présentée comme circularité, à l’exclusion de l’Immémorial. « Partout dans la philosophie occidentale, où le spirituel et le sensé résident toujours dans le savoir, on peut voir cette nostalgie de la totalité » écrit Levinas dans Éthique et infini . Et si la connaissance du tout est un nostos, un « retour » du philosophe, sa patrie originelle est son Ithaque. À plusieurs reprises Levinas reprend l’image homérique: « la tâche propre de la philosophie » consiste à faire « retour à son île pour s’y enfermer en la simultanéité de l’instant éternel » . On devine les enjeux : la sortie d’Égypte, comme exode, confrontée au retour à Ithaque, comme nostos, et l’embrassement de l’être, creusé dans le tronc d’olivier par Ulysse, confronté à l’embrasement du Bien, donné à Moïse dans le buisson ardent d’Horeb. La pensée de Levinas tourne ainsi autour des deux figures incompatibles de l’homme, celle d’Abraham, fidèle à son dieu, et celle d’Ulysse, fidèle à sa patrie. L’auteur de Totalité et infini regrette que la philosophie, dès son origine grecque, ait inscrit ses pas dans la figure ontologique de l’exil et du retour, et non dans la figure éthique du nomadisme et de l’errance. La condamnation la plus sévère se trouve dans Humanisme de l’autre homme : « L’itinéraire de la philosophie reste celui d’Ulysse dont l’aventure dans le monde n’a été qu’un retour à son île natale - une complaisance dans le Même, une méconnaissance de l’Autre » . Dès lors, pour parvenir à vivre de façon éthique, il faut substituer la Terre promise, devant laquelle mourra Moïse sans y pénétrer, à la Terre conquise, en laquelle mourra Ulysse après avoir retrouvé son lit d’olivier. Pour mieux assurer les contrastes entre les deux figures, Levinas feint d’oublier qu’Ulysse doit obéir à la prédiction du devin Tirésias. Il lui reste en effet une ultime épreuve à accomplir après avoir regagné son trône : il devra à nouveau errer de ville en ville, portant à son bras une rame de pêcheur, jusqu’à ce qu’il arrive dans un pays où les habitants s’étonneront de cette pelle à grains sur son épaule (chant XXIII, v. 267-277).
5 É. Levinas, Éthique et infini. Dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Fayard-France Culture, 1982 ; Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1986, p. 70. 6 É. Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (1974), Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1990, p. 125. 7 É. Levinas, Humanisme de l’autre homme (1972), Paris, Le Livre de Poche-Biblio, 1994, p. 43.
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C’est moins le retour du Même qui commande l’odyssée du philosophe que l’exil de l’Autre au sein de l’être, Ulysse songeant déjà, dans le lit nuptial où il retrouve son épouse, à son nouveau départ qui le conduira, aux confins de la terre, vers ces peuples qui ne connaissent pas la mer. On peut répondre à Lévinas que le mouvement éthique de dépassement a besoin de la présence, enracinée dans ce qu’il nomme l’« élémental », la terre où nous sommes nés. Et cet élémental n’est païen que s’il est coupé de la parole qui lui donne sens, un sens comme monde, un sens comme maison et un sens comme hospitalité. Levinas tend à penser l’au-delà de l’essence, c’est-à-dire Dieu, sur le seul mode de l’au-delà comme si la parole pouvait prendre son élan et sauter au-dessus de l’être pour accéder au Bien, sans le rude tremplin de la terre natale. Pour que la hauteur éthique donne à cette dernière un sens, il faut qu’elle surplombe à tout instant la terre où chaque être trouve son assise dans l’ouverture du ciel ; le soleil lui-même ne peut se lever qu’au dessus de l’horizon. C’est dans la lignée platonicienne du Timée qui voit en l’homme une plante verticale dont les racines sont célestes, que Levinas inscrit finalement son intuition majeure. Il doit reconnaître que c’est cette hauteur vécue à travers l’expérience de notre corps qui conduit les hommes à élever des autels: « Ce n’est pas parce que les hommes, de par leurs corps, ont une expérience de la verticale que l’humain se place sous le signe de la hauteur ; c’est parce que la tête s’ordonne à la hauteur que le corps humain est placé dans un espace où se distinguent le haut et le bas, et se découvre le ciel [...] qui est tout hauteur ». C’est à une telle hauteur que se mesure la distance où se trouvent respectivement le réfugié, l’exilé et l’étranger, ces trois figures de l’homme qui se confronte au vide d’une existence privé d’un sens dont il garde malgré tout la nostalgie. C’est moins le retour du Même qui commande l’odyssée du philosophe que l’exil de l’Autre au sein de l’être, Ulysse songeant déjà, dans le lit nuptial où il retrouve son épouse, à son nouveau départ qui le conduira, aux confins de la terre, vers ces peuples qui ne connaissent pas la mer. On peut répondre à Lévinas que le mouvement éthique de dépassement a besoin de la présence, enracinée dans ce qu’il nomme l’« élémental », la terre où nous sommes nés. Et cet élémental n’est païen que s’il est coupé de la parole qui lui donne sens, un sens comme monde, un sens comme maison et un sens comme hospitalité. Levinas tend à penser l’au-delà de l’essence, c’est-à-dire Dieu, sur le seul mode de l’au-delà comme si la parole pouvait prendre son élan et sauter au-dessus de l’être pour accéder au Bien, sans le rude tremplin de la terre natale. Pour que la hauteur éthique donne à cette dernière un sens, il faut qu’elle surplombe à tout instant la terre où chaque être trouve son assise dans l’ouverture du ciel ; le soleil lui-même ne peut se lever qu’au dessus de l’horizon. C’est dans la lignée platonicienne du Timée qui voit en l’homme une plante verticale dont les racines sont célestes, que Levinas inscrit finalement son intuition majeure. Il doit reconnaître que c’est cette hauteur vécue à travers l’expérience de notre corps qui conduit les hommes à élever des autels : « Ce n’est pas parce que les hommes, de par leurs corps, ont une expérience de la verticale que l’humain se place sous le signe de la hauteur; c’est parce que la tête s’ordonne à la hauteur que le corps humain est placé dans un espace où se distinguent le haut et le bas, et se découvre le ciel [...] qui est tout hauteur ». C’est à une telle hauteur que se mesure la distance où se trouvent respectivement le réfugié, l’exilé et l’étranger, ces trois figures de l’homme qui se confronte au vide d’une existence privé d’un sens dont il garde malgré tout la nostalgie.
Jean-François Mattéï. 2013
8 É. Levinas, Humanisme de l’autre homme, op. cit., p. 58.
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Le dessin renait
t de son propre 57
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Dessin en mouvement
Dessin mural, fusain, recherches dans l’atelier pour la forme performative du dessin aÊrien vertical.
Travail en atelier, dessin mural, fusain Observation des phénomènes de transformations graphiques 2014 Photos Noémie Gallet
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Dessins de paysages statiques
Dessins de paysages statiques
Nids Mont Collines balayĂŠes Mine de plomb sur papier 2012
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Sauts EnrobĂŠs
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Vol de nuit
Vidéo 20” Photogrammes extraits de la vidéo
Sauts tourbillons, moteur corps (page précédente) Vidéo 5’’ Photogrammes extraits de la vidéo.
Sauts effectués contre une table de mariage. La table est l’entité propice aux possibles. Toile de 2m X 2m, acrylique rose, marguerites en plastique
« Vol de nuit »
une silhouette vêtue de rose est projetée vers le ciel. Ce personnage symboliquement déguisé en fée s’essouffle dans l’effort, s’épuise dans la répétition d’un envol impossible. Elle apparaît, disparaît, « son costume » devient trop lourd, elle se noie ? L’image captive le spectateur, le charme, l’hypnotise et le réduit à n’être que le témoin d’une joie continue sans repères de temps, sans bruits. Caroline coste
Photogramme, vidéo «Vol de nuit» 2003, Sandra Ancelot
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Vols
Vol, Jet privé
Hélicopettes
Chercher toujours un moyen d’extraction plus puissant que le précédent. J’ai fait le saut tourbillon, le saut propulsé par l’élastique du trampoline, le balancé. Il manque le propulsé par un moteur à réaction. J’affectionne particulièrement la réaction, le fait qu’elle soit mécanique, une douce paresse, car en déplaçant l’effort, je m’épargne cette peine.
L’hélicopette est l’un des outils guerriers de Sandra, qui se définit elle-même comme une « helicoptèrophile », et qui trouve dans ce drôle d’engin une autre matérialisation de ses thèmes d’élection: l’extraction, le dégagement. Mais, désarmée, « l’hélicopette » est vouée à errer. Inoffensive, elle est tout juste capable d’inventer, hors de l’emmêlement de ses trajectoires, sa propre ligne de fuite. L’extravagance, le sauve-quipeut, se teintent ici d’une mélancolie burlesque*.
Je rêve d’être une femme canon en robe de mariée ! Qu’est-ce qui s’apparenterait le plus au jouet à moteur, si ce n’est le jet privé. Je demande à X si je peux mettre à profit un retour « à vide » du jet pour m’y glisser vêtue de ma robe de mariée rose, accompagnée d’un assistant. Il accepte volontiers, un peu amusé par le sérieux de mon explication relative à la logique de la progression du travail. Ma robe ne me quitte jamais.
Hélicoptère Sculpture en résine peinte, 1 tirage 2003 Photographie, installation à la galerie la NonMaison, 2012
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La contre-voix amoureuse Vidéo 20’’ Montage, Post production, Gabrielle Pheiffer LC Berlin
« La contre-voix amoureuse », est le 3e volet d’une série de vidéos où le thème du mariage est évoqué avec humour à travers les épisodes de sa naissance, de son épanouissement ... et de sa chute. Le premier volet (2003) voyait naître le personnage de la mariée, femme géante vêtue comme une poupée d’une crinoline rose, toute à sa joie matrimoniale. Les bonds aériens qu’elle effectuait sur une trampoline présageaient cette mise en orbite dont le second épisode sera présenté aux Brasseurs dans le cadre de la Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège 2012, dont le thème est « Images de l’amour / Amour de l’image ». « La Contre-voix amoureuse » annonce par avance que le second épisode a déçu les attentes qu’il avait suscitées chez la poupée géante. Pour l’exposition à la galerie LaNonMaison, les visiteurs sont invités à faire antichambre dans une salle où sont exposés, fragments d’un discours matrimonial, des dessins, des photographies et des objets épars : un cabinet des curiosités éphémères peut-être conçu comme une invitation à bien réfléchir avant de s’engager. Ecrits avec la complicité de Renaud Ego.
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Bonjour Y, De retour de l’expo, J’ai fait de très belles rencontres avec les autres artistes méditerranéens. J’espère que la fête s’est bien passée, je serai des vôtres pour la prochaine. Encore merci pour cette nouvelle aventure professionnelle ! Bien amicalement, X Bonsoir X, De retour du jardin... La fête s’est bien passée, temps nuageux avec arcs en ciel... Merci pour les très belles images de ton expo, si tu as un peu de temps pour me commenter ce beau voyage..., je suis partant ! Appelle-moi quand tu veux A bientôt, Y
Merci pour tes superbes photos live ! Je t’embrasse Y Pour X finesse: nom féminin sens 1: qualité de ce qui est fin, délicat sens 2: subtilité synomymes: beauté, élégance, grâce, raffinement, suavité, subtilité... Je serai à l’agence ce soir, après un cocktail moins mondain que le tien (les locataires d’une cité à Saint-Denis...) Si tu veux compléter les bulles, il y en a au frais. Belle journée, grise et calme Je t’embrasse Y Cher Y, quelle adresse à manier la finesse !
Bonsoir Y Volontiers. Je prépare l’atelier pour la visite de ma toute récente galeriste et un curator, un bon mélange de stress et trouille, c’est pour mercredi. On peut se voir jeudi fin de journée, expo? Apéro électro? :) X
Tes mots sont sensibles.
Bonjour Y, J’ai vu sur ton site un projet qui résonne et j’aimerais introduire l’idée dans l ‘expo de Janvier avec ton accord.
Promiscuité... n’exagérons rien! Quelques bulles, des rires, beaucoup de tendresse, un quatrième lit (...) peuvent préserver une intimité presque entière. Je t’embrasse énormément Y
Je n’ai plus le nom en tête, habitations, inscription au sol décalé et traitement du toit, segment de séparation des pentes, différemment localisées. Cela m’inspire pour mes unités d’habitation en carton. Belle journée. X. Bonjour X, Très heureux de t’inspirer, la journée commence bien! J’ai hâte de voir cela... En attendant, je t’embrasse Y Bonjour X, Nous pourrions deviser en dévorant une montagne de crevettes demain midi ? Je t’embrasse Y Bonjour X, Très heureux d’avoir de tes nouvelles ! Ton mot sent le soleil et les épices ! Quelle chance de ne plus être connectée, parfois, et dans un si bel endroit… je t’envie ! La vie parisienne se passe plutôt bien (je n’ai pas encore lu Pina, mais je vais m’y mettre, et je dessine des logements sociaux…) Rendez vous quand tu rentres au pays, autour d’un plat… peu importe lequel, les crevettes ont l’avantage certain du certain temps qu’il faut pour les déguster …....... ensemble…
Ces bulles promises portent une promiscuité que je ne saurais accueillir. Je joue ma ligne de fuite. Un demi-cadeau. X
Bonjour Y, Oui tu as raison, j’étais un peu dramatique !!!! Superbe vernissage hier, et surtout j’ai bien travaillé. Belle journée. X Bonsoir Y, Quand l’adresse secrète devient une mauvaise adresse! Hum… J’avais oublié. Pourrait-on inclure une mini grasse matinée et doux thé/café au quatrième lit « au quartier libre». Je ne tarderai donc pas à te rejoindre pour ce premier envol, car le lendemain, J’ai baptême de grands volants à 15 h, je me dois d’ être fraîche, 10 mètres en l’air. Comme 10 mètres plus bas. Contente de ce moment vol..é. Je t’embrasse. X Le matin doux est inclus, avec thé, café et douceurs... Vivement demain! Je t’embrasse formidablement Y
Cher Y, J’aimerais continuer mon grand vol durant notre prochaine nuit. Si j’ai pu sauter, je pourrais............je l’espère. J’apprécie nos petits appels, des petits riens, des petites gentillesses, pour leur donner une plage d’expression, il faudrait les protéger. Je t’embrasse, bonne écoute. X Bonjour X, Quel beau chant! Une (presque) découverte... en tout cas écouté avec tant d’émotion... Tu me manques ! Appelle-moi si tu veux, je suis à l’agence. Je t’embrasse fort. Y Cher Y, Créer du lien, c’est bien l’entreprise la plus exigeante et la plus délicate. Créons du lien doux, comme le vent chaud du sud. Ecris-moi quand tu en as envie, pendant tes vacances, l’écriture est un vent englobant. Appelle-moi, le souffle d’une voix. Tissons une trame souple respectueuse, bienveillante, chaleureuse, une trame d’accueil, quoi que nous fassions de nous, c’est cette merveilleuse trame qui nous portera et nous emportera. Evitons l’attachement, qui passe forcément par l’arrachement, le manque, la dislocation, la frustration en un mot le couple d’après le premier souffle toujours idyllique. La retombée du souffle est d’autant plus pénible. Si manque il y a, déposons-le dans les mailles douces de notre trame, l’autre saura toujours l’englober et le faire disparaître avec un petit rien. à tout à l’heure. X Bonsoir X, Le vent a soufflé légèrement, avant le coucher du soleil encore chaud. Il m’a enveloppé et un peu emporté. J’ai pensé à nous, aux liens dont tu parles, essentiels, si forts et si subtils. J’ai pensé à toi qui me fais rire aux éclats. J’ai pensé au rose profond sur un mur et aux douceurs d’un corps que j’aime. J’ai envie de Nous sans le «couple», de toi avec moi, de toi aussi sans moi dans tes voyages perchés et poétiques. J’ai envie de me promener avec toi. Baisers et carresses. Y Il a l’air très bien ce film! Attend-moi pour aller le voir... J’ai l’impression que l’on s’écrivait en même temps! J’aimerais te parler... mais pas de réseau ici... à moins de monter sur une échelle sous l’arbre! Je t’embrasse Y
Bonsoir Y, Un doute me troublant sur le sens de ce mot latin, j’ai cherché et voici ce que j’ai trouvé : Condo, ere, didi, ditum. Fonder, établir, bâtir… instituer, créer, composer, écrire. Mettre en réserve, mettre de côté, garder, déposer, serrer, mettre en ordre, mettre en place. Consumer (le temps), passer. Cacher, mettre hors de la vue, couvrir, envelopper, enfoncer, renfermer, perdre de vue. ... que penser? Ici, il pleut et la maison fuit un peu... Je pense à ta peau douce! Je t’embrasse X Bonsoir Y, Quelle fut également ma surprise quand je suis allée voir la définition avant de t’écrire. Nous vérifions donc nos sources. Il semble qu’avec ce mot, puisse se faire plusieures vies. Levons les doutes et gardons le sens donné par cette agrégée de Français que j’avais trouvé si joli, seulement celui-là. Se laisser conduire, en parlant de la séduction qui s’appliquait strictement à ma maladresse et sauvagerie. Ce soir j’ai reçu quelques amis, c’était gai. Demain j’attaque la forêt, j’ai peur. Espérons que mes gestes soient investis, justes et sensibles. Ne pense rien et surtout à distance. Ma peau aimerait bien un peu de toi. X Oui, conservons cette définition qui nous va bien. Très heureux de te lire dans mon insomnie... je m’endormirai bien mieux! N’aie pas peur du loup de la forêt, laisse aller ton esprit libre et ta force immense. Tu m’emmèneras, dis? Envie de toi toute entière, à te regarder, t’écouter et te carresser... Je t’embrasse Y Bonjour Y, Merci pour tes encouragements. Je t’ai déjà emmené, à toi d’aller t’y promener et de cheminer en partant d’un désir intime. Oui je suis toute entière ! Belle journée. X Cher X, Voyage dans l’Est, en décembre ! Y 85
Très chère X, Génial! Je suis partant... et quel programme: logés, nourris, promenés, rassasiés,... heureux ! Je me laisserai emmener, par toi, très très loin... commençons par l’est ! J’aimerais te serrer très fort tout de suite! Je t’embrasse Y Tu sais ce qui me ferait plaisir, c’est que tu me m’offres une esquisse, un bout de calque dédicacé. Douce nuit. X Les bouts de calques, je les jette ou les laisse sur une table, personne ne m’a encore demandé une dédidace! J’en suis ému... Nous verrons si je peux t’offrir un peu de moi dans un cadre, si je te dessine un mouton ou mieux, si je te laisse choisir le petit dessin du début d’un prochain projet. J’avoue que les quelques mouvements très délicats, exhubérants et tellement précis aperçus sur la vidéo m’ont donné envie... tu pourrais peut-être m’emmener, je me tiendrai bien, promis... Le soleil est revenu dans le village et aussi dans les feuilles des arbres rouges, jaunes, orangées, j’ai pris quelques photos pour toi. Le temps est plus long quand tu es loin ! Je t’embrasse. Y
Dans peu de temps, un train me rapprochera de toi... Tu m’as parlé d’un voyage dans le sud, es-tu déja partie ou est-ce pour cette semaine? Je m’endors en pensant très fort à tes yeux malicieux, que j’adore! Je t’embrasse Y Je lis cette image comme un autoportrait, si tu trouves qu’il y a beaucoup d’espoir dans ton paysage, j’en suis heureuse pour toi. X Bon j’admets, j’aurais dù dire: beaucoup d’espoir «malgré tout» et envoyer un film et non une seule photo pour illustrer cette pensée... et le vent qui décoiffe! Y Tu me manques Je t’embrasse Y Encore une fois presque simultanément en ligne ! X Où es tu? Seras tu à Paris mercredi? Y Ou suis-je, c’est une question que je me pose souvent. Je suis noire de charbon, je lutte avec mes dessins, je rate et recommence, j’ai quatre feux en route, le mur c’est dur. Je travaille à l’atelier.
Incroyable! De la danse au réveil... qui l’eu cru? Vraiment formidable, cette pièce!... vraiment! Merci pour cette découverte.
J’ai trouvé d’où venait ma forêt, une forêt primaire de Lagoméra îles des Canaries, je l’avais dans ma tête, il m’aura fallu 2 ans pour la restituer, tu peux m’offrir une quatrième tortue ! et puis c’est celle de l’errance ou celle de la désorientation.
Comment pousse la forêt? J’aimerai y prendre ta main.
Je serai à Paris jusqu’à vendredi, puis je file dans le Sud pour un long weekend de travail.
Belle journée. Y
Mercredi ! Serait-ce un RDV ? X
J’adore cette pièce, c’est parfois à l’image de certaines de mes journées. OUI garde-moi des petits calques....., les peaux sensibles d’un corps intérieur avant qu’ils ne deviennent bâtisses. La beauté de ton métier. Belle nuit. X Des images de pins... J’ai beaucoup pensé à toi en traversant cette forêt. Celle-ci est à flanc de montagne, tu la regardes en levant les yeux vers le ciel; les arbres sont à la fois sévères, stricts dans leur costume rayé et décoiffés par le vent du ciel. Je trouve qu’il y a beaucoup d’espoir dans ce paysage...
Je t’envoie quelques couleurs qui devraient s’accorder avec ton teint «charbon»!. La quatrième tortue, ce serait pour ton courage et ta ténacité? Mercredi... c’est un rendez vous... très galant... En attendant, douce nuit... je t’embrasse partout. Y
Quel beau texte! Et quelle belle réflexion sur l’espace! J’espére que la conférence sera diffusée... Cela donne envie de lire. Je t’embrasse Y ………………………………………………………………… ……………………………………………………………......... dans le texte ligne de l’infini, désir d’inscription dans l’infini X Merci Y pour ces tendres moments, je les déguste et les apprécie. Je ne doute pas de ta sincérité. Je ne doute pas de toi, ni de ta capacité à être au coeur de toi-même. X Prochainement nous trouverons un interstice, qui nous permettra de nous embrasser partout ! C’est une thématique de voyage qui me plait énormément, comme tu dirais ! Je t’embrasse Y Cher Y Une première petite escapade douillette parce qu’accueillie, et toi comme moi, avons tellement besoin du doux, douillet, tendre et je pourrais tirer cette ligne à l’ifni ........................................................................................................... ........................................................................................................... Peux-tu t’occuper des billets d’avion ? Si OK, dis-moi, je demande à G de nous prendre des places au symphonique. X L’endroit où je voulais t’emmener est un endroit pour se désirer sans limite......................................... je tire aussi une ligne, un trait sur une de tes feuilles de calques. X Je te souhaite une belle journée et t’embrasse Y Je viens de raccrocher, tu me manques déjà............................... .......................................................................................................... .....................................................................! Belle journée A demain par les ondes Y Je t’embrasse et t’embrasserai partout (si, si; si tu m’en laisses le temps...) X Cher Y, Je suis touchée par ton désir d’avancer, de regagner tes territoires. Je comprends l’effort et le courage, J’apprécie la subtilité de ta perception. Je pense à toi, belle soirée ............................................................. ..................................................................... X Chére X, Touché je suis moi aussi par tes attentions et compréhensions... Jamais, ou depuis trop longtemps, je n’avais ressenti une émotion si forte et partagée!
...presque demain et ton corps contre le mien... Je t’embrasse (!) Y X J’ai adoré fondre en toi et par toi. Quelle que soit la ....................................Je garde toute la pensée du corps active. J’ai envie de te dire, quelque soit la ............................... préservons L’Est ! J’avais choisi cette destination au delà de la ville, car nous sommes accueillis dans une amitié confortable, avec laquelle, cette amie, je suis sur, tu riras et rencontreras. à la fois dans un autre univers, à la fois comme un cinquième lit. Nos ré-jouissances / Sans pilules bleues espérant quelques salutaires insomnies. Le voyage nous empor tera............................................................ ........................................................................... N’oublie pas de coller un petit mot dans ton casque et dans tes papiers : ordonnance médicale à laquelle tu peux ajouter, Un petit pense-bête, pas de culpabilité et lâcher prise. A postériori, j’englobe mieux la situation. Tu n’es pas libre, ton coeur l’est peut-être mais, il ne peut battre hors du corps de ta vie. Je ne suis pas fâchée, non, non, mais effrayée, nous nous sommes définis comme pouvoir être des balises l’un pour l’autre. Je suis trop fragile pour être une balise pour si gros, je prends ce rôle trop facilement comme toi, encore une petite chose en commun. Je serai capable oui, mais ce serait répéter et je veux inventer créer. Prend un très grand soin de toi, tu es précieux et tu le mérites. «Enormément» Je t’embrasse. X chère X, Oui, mon coeur est entièrement disponible; oui, je rêve de t’emmener loin, dans des îles, des forêts et... sous des couettes!!! Mais tu as raison, tu dois te protéger et maintenir un état de folle lucidité pour toujours créer, faire voler des maisons et des chars d’assaut... Je ne dois pas t’empêcher mais te rassurer... ET moi, je dois retrouver une liberté et tenter de voir plus clair dans mon avenir. J’ai besoin d’un peu de temps calme, je vais essayer de me retrouver dans des bouts de calque. Je prendrai les billets pour ? cette semaine, la perspective de ce voyage me fait déja du bien... Comment s’est passé la rencontre dans ton atelier hier? Tu ne me quittes pas, je pense à toi. Y
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Je t’embrasse ................................................................................. ........................................................................................................ ........................................................................................................ ................. Pour traverser, Je t’envoie un souffle doux, notre rencontre lumière est une force. Déclencheur pour nous deux. Je me suis sentie femme dans tes bras, artiste dans ton regard, merci! Aussi, tu me manques déjà. De mon côté je vais rassembler les miens pour apaiser ma tristesse et cautériser. Aussi, je pleure. Je ne garde pas une petite porte de placard, ce n’est pas moi la petite porte, Je laisse vivante la pensée du corps. Je ne renonce en rien au rêve éveillé, nous avons la même folie. énormément, en tendresse. X Bien le discours d’EC, en tous les cas, plein de très bonnes intentions et plutôt bien exprimé... J’ai pensé à toi tout à l’heure en écoutant un morceau de flamenco «arabe»... Mais je pense à toi bien souvent! Oui, gardons un contact... Y Si tu veux me dire aurevoir. Faisons-le avec élégance ! Sourire. X
3 mois 5 nuits
Transcription des échanges textos de la Contre-voix amoureuse
Photographies extraites de la vidéo
Contre-voix amoureuse Vidéo 20’’ Montage, Post production, Gabrielle Pheiffer LC Berlin
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Habiter
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Muette, la maison gronde !
La démarche artistique de Sandra Ancelot est soutenue par un projet conceptuel solide mu par une résistance poétique et artistique. Au-delà des angoisses classiques convoquées ici, l’installation (« Muette. La maison gronde ! ») restitue la violence de l’espace domestique et évoque l’histoire des femmes à l’intérieur et de l’intérieur, des maisons silencieuses (avec une part de leur mobilier) mais qui grondent : la maison renferme cette mémoire, communément partagée, des premières femmes, ces femmes faites à l’épreuve d’effacement et de résistance. La vidéo (« la petite fille qui est en toi ») qui accompagne l’installation marque également les rites de mariage, autour de son attribut le plus important, la robe de la mariée, mais de couleur rose, comme signe d’insoumission. De bout en bout, l’installation révèle une inquiétante contradiction entre construire l’habitat (de ménager un espace domestique idéal) au jour le jour et l’impossibilité d’ y habiter. Cependant, une interrogation organise aussi bien sa réflexion comme son aboutissement plastique : « Comment, en tant que femme, pouvons-nous, nous habiter à nous-même et prendre place dans le monde ? ».
Wilfrid Landry Miampika. Extrait du catalogue , Traces de femmes , ici et demain.
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Installation 2013 7 dessins, crayon à papier, papier canson, format raisin 11 lance-grenades, résine peinte 26 grenades, résine peinte 39 pistolets, résine peinte 13 pistolets à embout, résine peinte 15 grands fusils, résine peinte 53 fusils, résine peinte 6 kalachnikovs, résine peinte 7 moules à biscuits, empreintes d’armes, résine peinte 5 grandes bombes, résine peinte 3 mobiliers, une table à repasser, une table de décollage, une table-plan utopique 1 vidéo, 5mm en boucle, Montre-moi la petite fille qui est en toi !
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Interview de Sandra Ancelot par Michèle Desmottes, 2013. Michèle Desmottes : Landry-Wilfrid Miampika, commissaire, vous convie pour l’exposition « Traces de Femmes, ici et demain » , comment répondez-vous à cette invitation ? Sandra Ancelot : Je pense à la Femme première, celle qui m’a fondée depuis des générations, issue de la « lignée mère ». Je pense aux maisons qu’elles ont habitées ou construites. Ce sont des femmes muettes dans des maisons silencieuses. La maison gronde, les murs tremblent. Je pense immédiatement à toutes mes sœurs, mes mères, mes filles, toutes cultures confondues. Elles sont sans voix, dans leurs maisons qui vrombissent en silence. Quand je parle de femmes premières, il s’agit de celles que l’on reçoit en naissant et qui se conjuguent avec celle que l’on est. La mémoire de nos ancêtres femmes nous habite et oriente notre inscription au monde. De cet héritage j’ai reçu l’effacement, la résistance. J’exprime l’héritage que je peux mettre au monde, les autres restent sous le voile de pudeur et vivent dans la poétique de ma pratique artistique. Du mutisme, nait ma dyslexie qui participe du même geste de soustraction au monde et de confusion à la parole. Je répète des gestes domestiques. Je perpétue les rêves de mes aïeules. Clarissa Pinkola Estés, psychanalyste et conteuse, parle du concept de la femme sauvage, comme femme première, l’un des archétypes féminins. Elle situe son action dans un courant de conscientisation et de guérison, plutôt que de revendication. Je me reconnais et comprends que c’est la femme muette qui parle en moi. Les chars d’assaut sont dans mon travail l’expression de ce corps muet « Plus que la guerre qu’ils sont censés mener au dehors, c’est à un combat contre eux- mêmes qu’ils se livrent – combat qui les conduit à s’avancer dans le monde tout en s’en excluant. Comme une imposante soustraction, ils sont la métaphore vive de l’enfermement, écrivait Renaud Ego pour l’exposition des « Contre-voix amoureuses » de l’hiver dernier, à la Galerie la Non-Maison. Pour répondre, je poserais cette question à laquelle je n’apporte aucune réponse. Néanmoins, j’alimenterais le questionnement par le processus du travail.
Muette, la maison gronde ! Dessin sur papier, format raisin, crayon. 2012
Comment, en tant que femme, pouvons-nous nous habiter nous-même et prendre place dans le monde ? Est-il possible de conjuguer l’héritage silencieux de la femme ancestrale, muette, et la femme contemporaine qui prend petit à petit une voix. J’essaie de mesurer la distance qui existe entre ces deux temporalités. J’étudie les espaces d’inscriptions de la femme, celui intérieur, de l’intimité, que je matérialise par la maison ou tout ce qui s’apparente à l’habitat, fixe ou mobile. Je suis attentive aux modes, aux usages, « comment habiter » ou l’impossibilité d’habiter. Quand la maison s’apparente à la « femme muette », elle est aveugle, hermétique, pas de fenêtres, pas de portes, une forme générique, pleine et lisse. L’espace extérieur est l’espace sociétal, professionnel. Il s’exprime par la représentation d’outils guerriers, la forêt, la table, l’offshore. J’essaie de comprendre la tension permanente qu’induit la distance entre les deux espaces et comment la femme fait coexister cette dualité, ou - oserai-je - cette forme de schizophrénie.
40 cm
90 cm
Michèle Desmottes : La question d’habiter est au cœur de votre expression, pourriez-vous nous expliquer votre démarche et les thématiques travaillées lors de la résidence à Ifitry ?
40 cm
90 cm
150 cm
45 cm
12 cm 8 cm
8 cm
30 cm contrevent avant
86 cm
40 cm
5 cm
5 cm 30 cm
Sandra Ancelot : Ma première maison fut le ventre de ma mère. Ma deuxième maison fut la casserole de ma grandmère. Ma troisième maison fut une planche à repasser. Ma quatrième maison est mon atelier. Ma cinquième maison sera un corps universel et son utopie. « La maison est l’une des plus grandes forces d’intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l’homme », Gaston Bachelard.
5 cm
12 cm 20 cm
30 cm 5 cm
5 cm
Pied arrière
Pied avant
40 cm
contrevent central
50 cm planche
20 cm
20 cm 30 cm
45 cm
90 cm
150 cm
Muette, la maison gronde ! Extrait des plans pour le mobilier de l’installation : Planche à repasser 103
Pour l’exposition de « Traces de femmes », je propose un plan de maison utopique, inscrit sur le sol, sur lequel seront posés des mobiliers. L’utopie contient le non-lieu, l’interstice, l’endroit qui n’existe pas encore, c’est mettre l’empreinte du passage de la femme, la trace, dans la perspective utopique, comme une échappée belle ! C’est par ce geste, libérer de l’espace de la mémoire. Cette utopie comprendra deux murs sur lesquels seront accrochés des patrons de maisons et des dessins. Y sera projetée une vidéo, « Montre-moi la petite fille qui est en toi ! » Vidéo réalisée pendant la résidence avec le concours des artistes qui font partie du projet. Trois mobiliers sont proposés : - La table à repasser. - La table de désorientation. - La piste de décollage. L’utopie réside sur le principe de l’influence qu’aurait la ré-organisation des espaces de la maison, leurs usages sur la place et l’image de la femme dans la société. En 1949 Charlotte Perriand crée pour la Citée Radieuse à Marseille, la cuisine dite « américaine ». Cette cuisine fait partie dorénavant de la pièce à vivre et permet à la personne qui prépare les repas de participer à la vie de famille, aux diners entre amis. Cette nouvelle localisation de la cuisine révolutionne la place de la femme dans la maison et l’invite au cœur de l’habitat, opérant une mutation de la tâche domestique en un moment partagé. En 1982, le philosophe Michel Foucault rappelle ces obsessions de l’espace, il cite « à travers mes obsessions, je suis arrivé à quelque chose de fondamental pour moi, les relations qui sont possibles entre le pouvoir et le savoir…. L’espace est le lieu privilégié de compréhension de comment le pouvoir opère. » Je me demande comment continuer à faire évoluer les espaces pour qu’ils permettent une meilleure inscription de la femme dans la société et comment inviter l’homme à s’inscrire dans l’espace domestique. Gaston Bachelard dans la « Poétique de l’espace parle de la topo-analyse qui « serait l’étude psychologique systématique des sites de notre vie intime. Dans ce théâtre du passé qu’est notre mémoire, le décor maintient les personnages dans leur rôle dominant. »
Muette, la maison gronde ! Dessin sur papier, format raisin, crayon. 2012
Lors du tutorat artistique que j’effectuais à Marrakech, dans le cadre d’un programme à l’accès à l’éducation des jeunes filles issues de milieux ruraux, je propose une analyse de l’habitat traditionnel et une réflexion sur comment réorganiser les espaces pour modifier la place de la femme Marocaine dans sa société. Le plan est à la fois une base à partir de laquelle se construit l’habitat et une trace archéologique, un vestige. C’est aussi une cartographie psychique, une inscription dans la matière du paysage intérieur à la maison, dans l’espace extérieur du cheminement de la pensée et du corps. C’est pourquoi pour matérialiser mes recherches je fabrique des maquettes, un petit laboratoire d’agencement d’espaces, traces des cheminements psychiques et physiques des étapes de construction du travail. Le rapport d’échelle implicite à la maquette renvoie au monde de l’enfance, celui de la maison de poupée, l’espace de projection du rêve par la mécanique du jeu. Je fais des « objets » domestiques une force qui évoque des étapes de conscientisation de la femme. L’objet domestique est dans la mémoire du corps de la femme. Il est lié aux gestes qu’il suscite, des gestes transmis, répétitifs. C’est un outil qui soigne le monde intérieur, l’entretient, le répare. C’est un outil de construction. Le corps de la femme est une casserole, un contenant fertile, à la chauffe de toutes créations. A la charge affective, je dirais, et cela ne tient qu’a moi, que c’est un endroit sur le feu maternel. La table à repasser est un premier espace de projection, se serait la table de dissection de Lautréamont dans « Les Chants de Maldoror. La table comme entité du possible où se joue la rencontre fortuite. La table à re-passer les idées, aplanir les plis de l’esprit, de la mémoire contenue dans les draps de lin, la mise à plat dans l’odeur du propre domestique. L’atelier serait un utérus, territoire de nidification ou genèse. Le corps universel, « je suis l’espace où je suis », ce serait s’être légitimée et être légitimée. Muette, la maison gronde ! Installation, exposition «Traces de femmes, ici et demain !, Villa des Arts de Casablanca, Maroc. 2012
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Michèles Desmottes : Lors de la résidence vous avez proposé aux artistes du projet de participer à une performance. Pourquoi ? Sandra Ancelot : Afin de mieux renseigner ma réponse, j’aimerais revenir sur la notion des mondes extérieurs. J’évoquerai : le désir, le rêve. Ces notions extérieures à la matérialité du corps et à la mémoire du corps, sont les propriétés d’une nouvelle temporalité. Elles s’opèrent par le biais de passages, transferts rituels, ainsi qu’au travers d’objets de transferts. Ma jupe de mariée est un objet de transfert, elle permet le passage du rêve à la réalité de ce rêve. La jupe a le rose des fleurs des foulards des campagnes balkaniques le rose des foulards de l’Atlas, c’est le rose des petites filles qui infusent leurs rêves de mariées et princesses. C’est un rose chair de femme. La jupe est aussi un abri, une maison-mère, lieu de refuge. Je revêts ma Jupe de Mariée et par grimage je m’extrais de l’espace de mon propre corps pour être projetée dans un autre espace, rêvé, magique, habité par mes ancêtres. Cette jupe est réellement ma robe de mariée, elle est empreinte de mon histoire. Lors de mes performances, ce personnage tente de s’extraire du monde sensible par la mécanique de la course, du saut, par l’empreint d’objets volants. Les voiles s’actionnent comme des ailes et propulsent. C’est une mise en orbite réelle et symbolique. J’ai proposé à mes mères, mes sœurs, mes filles, artistes, d’habiter la jupe pour leur offrir la magie du grimage: se projeter dans l’autre espace pour libérer « la petite fille qui est en soi ». C’est avec beaucoup de pudeur et de délicatesse que chacune m’a livré une intimité, une mémoire universelle et une matière dénudée, première. Femme toujours. Sandra Ancelot, 2013
Références citations : - Citation extraite d’un texte de Renaud Ego, presse, exposition personnelle à la Galerie La Non-Maison, Aix en Provence France - « La poétique de L’espace », Gaston Bachelard, édition PUF - « Le corps utopique, Les hétérotopies, Michel Faucault, Edition Lignes - « La femme qui coure avec les loups » Clarissa Estes Pinkola, édition Livres Poches - « Les chants de Maldoror » Isidore Ducasse Conte de Lautréamont, édition Livres Poches
La petite fille qui est en toi ! Vidéo, production Ifitry 2012 Photographie extraite de la vidéo, Malika Agueznay
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Montre-moi la petite fille qui est en toi !
Montre-moi la petite fille qui est en toi ! Performance. «Ma jupe de mariée est un objet de passage du rêve à la réalité de ce rêve. J’ai proposé à mes mères, mes sœurs, mes filles, artistes, d’habiter la jupe pour leur offrir la magie du grimage se projeter dans l’autre espace pour libérer « la petite fille qui est en soi ». C’est avec beaucoup de pudeur et de délicatesse que m’ont été livrées une intimité, une mémoire universelle. Une matière dénudée, première.»
Vidéo, production Ifitry 2012 Photographies extraites de la vidéo, Ingrid Mwangui, Ferrante Ferranti, Fatma Koraichi, Monia Touiss, Malika Agueznay, Dalila Alaoui, Marina Vargas, Pélagie Gbaguidi, Clara Carvajal, Michèle Majema, Sandra Ancelot.
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Les unités des-habitées poudrées L’action de poudrer les unités avec un mélange de pigments blancs, or et roses permet, selon l’artiste, une réparation, un acte de tendresse. “L’envol de la matière couleur” et “l’extraction” sauvent ou réparent. L’extraction s’opère également par un envol. Les unités sont déposées sur un socle, référent utopique en résonance avec le non lieu, celui rêvé. Une fresque guerrière se déroule en fond de la performance comme le dessin d’un patron de tapisserie. C’est en référence à la tapisserie de Bayeux, qui pour l’artiste représente la mémoire cousue du temps de l’attente. Transcription d’une épopée, elle y projette ce qu’elle identifie comme une attente “à soi-même”, l’attente du voyage immobile, d’un assaut intérieur. Performance produite et réalisée à la résidence du CAC d’Essaouira, Maroc, 2011. Photos / vidéo/ Les unités des-habitées poudrées. Assitance technique Mostapha Romli.
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Contre-voix amoureuse, entre résilence et disparition
Texte extrait de «la chambre des murmures, incarnat» Renaud Ego Ecrit en 2008
Maroc, Sandra rénove un hôtel dans la médina de Marrakech. La bâtisse date des années 60, sans âme, elle sera requalifiée par un travail de mise en couleur douce. La chromie s’accorde avec les roses tendres et ombres bleues hivernales de l’atlas. Sandra confiée l’intérieur des chambres à des artistes, elles sont investies par leurs oeuvres, livres préférés, objets, secrets livrés. La chambre devient un lieu privilégié de la rencontre avec l’oeuvre, avec comme unité demesure la nuité. Renaud écrit la Chambre des mumures, dont «l’incarnat» est un extrait, écrit pour une chambre. Il inscrit ses mots sur les murs de la chambre, il fait broder des phrases sur les voiles des fenêtres.
L’hôtel est achevé en fin d’été, Sandra retourne en France pour quelques jours. Pendant ce laps de temps, l’hôtel est entièrement repeint, gommé, rayé. Quelques années plus tard lors de l’exposition «Contrevoix amoureuse» à la galerie LaNonMaison, Sandra convie à nouveau Renaud à écritre sur les murs de la galerie et demande au graphiste Zouheir Nsiri deffacer les lettres au fur et à mesure que le texte se lit, une tension entre la résilience et la disparistion. Travail typographique du texte. Zouheir Nsiri 2012
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Une maison en or en vaut bien une autre !
Une maison en or en vaut bien une autre ! Installation pour angle, maison en maquette, carton, feuille d’or h 20 cm X l 15 cm X p 20 Cm 2012
Gaston Bachelard, La poétique de l’espace LA MAISON DE LA CAVE AU GRENIER LE SENS DE LA HUTTE A la porte de la maison qui viendra frapper ? Une porte ouverte, on entre. Le monde bat de l’autre côté de ma porte. Pierre Albert-Birot Les amusements naturels Pour une étude phénoménologique des valeurs d’intimité de l’espace intérieur, la maison est, de toute évidence, un être privilégié, à condition, bien entendu, de prendre la maison à la fois dans son unité et sa complexité, en essayant d’en intégrer toutes les valeurs particulières dans une valeur fondamentale. La maison nous fournira à la fois des images dispersées et un corps d’images. Dans l’un et l’autre cas, nous prouverons que l’imagination augmente les valeurs de la réalité. Une sorte d’attraction d’images concentre les images autour de la maison. A travers les souvenirs de toutes les maisons où nous avons trouvé abri, par delà toutes les maisons où nous avons rêvé d’habiter, peut on dégager une essence intime et concrète qui soit une justification de la valeur singulière de toutes nos images d’intimité protégée ? Voilà le problème central. Pour le résoudre, il ne suffit pas de considérer la maison comme un objet, sur lequel nous pourrions faire réagir des jugements et des rêveries. Pour un phénoménologue, pour un psychanalyste, pour un psychologue (ces trois points de vue étant rangés par ordre de prégnance décroissante), il ne s’agit pas de décrire des maisons, d’en détailler les aspects pittoresques et d’en analyser les raisons de confort. Il faut, tout au contraire, dépasser les problèmes de la description,-que cette description soit objective ou subjective, c’est à dire qu’elle dise des faits ou des impressions-pour atteindre les vertus premières, celles où se révèle une adhésion, en quelque manière, native à la fonction première d’habiter. Le géographe, l’ethnographe, peuvent bien nous décrire des types très variés d’habitation. Sous cette variété, le phénoménologue fait l’effort qu’il faut pour saisir le germe du bonheur central, sûr, immédiat. Dans toute demeure, dans le château même, trouver la coquille initiale, voilà la tâche première du phénoménologue.[...]
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Broderie
Elle a transversé un mont pour y construire un casse-tête fortifié, il est en pluie Broderie La broderie est donnée à coudre le temps de l’exposition. De sa dyslexie, Sandra Ancelot a su faire une vertu, celle d’un art inopiné du néologisme, comme dans cette « transversée » où la traversée accueille en elle l’écho d’une puissance amoureuse renversante. S’inspirant de la tapisserie de Bayeux – qui est en fait une broderie, longue de 70 mètres, réalisée au XIe siècle – Sandra propose une broderie de 5 mètres où se dit sa langue troublée. Ses mots sont requalifiés en maladresse, mais sont, au fil de la frise, menacés d’effacement. Leur mise en forme typographique souligne ainsi leur difficulté à exister au sein d’une langue majeure qu’ils mettent paradoxalement en défaut. Invités, tout au long de l’exposition, à coudre une phrase qui risque de disparaître, les visiteurs participent à l’acte de réparation que tente cette oeuvre. Le point de couture est ici un plus essentiel point de suture. Et dans ses pointillés, il trace une autre ligne de fuite. Renaud Ego Broderie,
5m x 0,6m, canvas peint à la gouache, toile à coudre Exposition à la galerie LaNonMaison, 2012
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TransversĂŠe
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Les outils guerriers
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Village et outils guerriers
« Village rose aux modules de guerre absurdes »
Sandra Ancelot a construit son village de maisons rose guimauve… Mais à l’inverse des univers miniatures inoffensifs, nous sommes confrontés à un camp de guerre. Le spectateur géant et maladroit circule entre les chars d’assaut ornés de canons et de tourelles, « décorations » absurdes et inadéquates réduites à l’impuissance par les manipulations formelles de l’artiste. Des amas de bombes, des mitraillettes rangées soigneusement, des hélicoptères roses achèvent de construire cette cohabitation impossible. Confronté à des obstacles, Sandra Ancelot nous propose un parcours dangereux où les volumes agressifs sont désamorcés par des couleurs douces : rose tendre, vert pâle, bleu ciel, orange. La fantaisie chromatique des camouflages participe aussi à troubler notre perception. Nous avançons doucement sur un terrain miné… Caroline Coste
L’installation « Village et outils guerriers », présentée aux Brasseurs en 2004, initie un « Petit monde » où la matrice de l’habitat rêvé se confronte à une invasion d’outils guerriers rendus inoffensifs. La maison est celle de mon enfance, schématisée. Je lui donne l’aspect d’une guimauve, comme un souvenir magnifié et réinventé. Installation, sculptures en résines peintes. Photos extraites de l’exposition des Brasseurs, Liège, Belgique, 2003. 13 Maisons/ 3 hélicoptères/ 1 véhicule léger neige/ 1 véhicule léger route/ 5 chars d’assaut/ 2 véhicules de ravitaillement/ 1 char inversé/ Bombes/ grenades/ lance-grenades/ Kalashnikovs/ malles / munitions.
Exposition les Brasseurs, Centre d’Art Contemporain, Liège, Belgique 2003
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Les chars d’assaut
Le char, on le sait, est un véhicule recouvert d’une peau de métal, un blindage qui lui sert de protection. Evoquant les modèles primitifs de cette arme de guerre, qui eux-mêmes semblaient avoir été inspirés par les scarabées, les escargots et les Bernard-l’Ermite, les chars de Sandra Ancelot sont lents, malhabiles, presque aveugles et leurs déplacements sont erratiques. Plus que la guerre qu’ils sont censés mener au dehors, c’est à un combat contre eux-mêmes qu’ils se livrent – combat qui les conduit à s’avancer dans le monde tout en s’en excluant. Comme une imposante soustraction, ils sont la métaphore vive de l’enfermement. Renaud Ego
Carnets 2013
Exposition les Brasseurs, Centre d’Art Contemporain, Liège, Belgique 2003
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Une épopée
Sandra Ancelot posa dès 1994 dans une peinture abstraite les bases de son vocabulaire pictural. Nous percevions déjà dans son langage une permanence dans la composition, qui s’exprimait conjointement dans la forme et dans la couleur. Telle une partition musicale, ses compositions étaient rythmées par des boîtes carrées ou rectangulaires recouvertes de peinture aux couleurs vives. Un long séjour en Espagne vint inscrire une force supplémentaire dans son travail, la lumière. Il s’agit pour Sandra Ancelot de proposer une peinture interactive : de nous rendre actif face à sa peinture. C’est sur cette problématique qu’elle pose les bases de son travail. Elle réalise alors dans cette même perspective une première installation “Autoportrait au fétichisme d’objet”, 1995, où elle se présente elle-même comme objet peint et vivant dans son monde pictural. La vie, c’est la danse, le saut, le mouvement. Mais c’est aussi une façon de se fondre dans l’œuvre, « être avec » dans une dynamique parfois non dénuée d’humour, au risque de disparaître. Sandra Ancelot se dissimule et s’exhibe en même temps, de l’autoportrait aux modules de guerre « déguisés », elle joue à cache-cache avec notre perception et se déjoue des codes militaires : couleurs inappropriées, proportions exagérées, agencements absurdes… Elle détourne cette panoplie stratégique et anéantit toute sa logique guerrière. Les animaux ont en général deux méthodes pour se dissimuler dans la nature : soit ils utilisent la ressemblance globale soit une ressemblance locale. De façon instinctive, l’animal se fond ou au contraire s’expose dans son environnement, il déploie une créativité innée de protection ou de séduction. Il se montre comme quelque chose d’autre. Partant de ce constat de transformation de couleur, de dissimulation physique, l’homme, s’est finalement approprié ce phénomène d’ordre naturel pour le pervertir. Le concept même de camouflage ne prit son sens militaire que très tardivement en 1914. C’est à cette période que l’on vit apparaître les premiers blindés, les armes légères et les tenues de combat appropriées aux terrains d’actions militaires. C’est dans un contexte de conflit que Sandra Ancelot construit une vision urbaine et contemporaine où tous les éléments du combat se retrouvent à la conquête d’un territoire apparemment peu identifiable et où l’objet à capturer reste indéfini. Mais est-ce vraiment l’ambition du conflit contemporain ? “Abattre son adversaire, c’est moins le capturer que le captiver” nous dit Paul Virilio. Il est vrai qu’ici rien n’est fait pour capturer. Sandra n’utilise que la forme des objets militaires en provenance des rayons jouets, des maisons stéréotypées symboliques d’un confort tranquille pensées pour les classes moyennes, des moules de frises d’armes en guise de décoration, des hélicoptères et des chars stylisés, disproportionnés ou sous-proportionnés à l’ensemble des champs d’opération, tout cela fait illusion dans l’espoir de captiver plus que de capturer. Toutes les échelles sont décalées par rapport à la réalité, tout échappe à une situation possible, à un repérage possible, rien ne peut fonctionner, tout n’est qu’illusion. Le camouflage est devenu un art. Se fondre dans son environnement demande une attention particulière à tous les éléments susceptibles d’être croisés. Donc une anticipation et une création d’un point de vue formel affranchies de toute contrainte. Les couleurs utilisées par Sandra procèdent du même décalage incontournable de la réalité. Elle élabore un lexique fantaisiste du camouflage : tout en adoptant l’aspect formel de cette dissimulation guerrière. L’objet militaire devient un objet décoratif, un souvenir (avec dans l’avenir une destination commerciale sur un site Internet) voire même un objet fétiche que l’on peut s’approprier. Il y a une énergie, une surmédiatisation colorée de ce monde, qui poussent à une consommation frénétique et absurde pour nous garantir d’exister . Sandra transforme la valeur guerrière des objets et leur esthétique en valeur d’échange et d’acquisition dans une stratégie, qui ne renie pas son origine militaire.
La guerre aussi a son économie de marché, elle sollicite une énergie et une dynamique tout aussi importantes que l’économie, la politique. Tout n’est que médiatisation, tout devient image, jeu électronique, où l’esthétique de la guerre vient participer à cette force, dont nous n’avons qu’une vision de spectateur et non d’acteur. Cette installation proposée aux Brasseurs prend place entre deux autres travaux réalisés antérieurement. Une vidéo intitulée « Vol de nuit » où Sandra joue aussi sur le décalage de l’échelle, sur le ralenti ou l’accéléré. Il s’agit d’une jeune femme habillée en robe de mariée rose, de celles qui habitent l’imaginaire des petites filles. Comme souvent dans sa démarche artistique, la place de l’enfance et du jeu est catapultée dans le monde adulte. C’est donc naturellement qu’elle envisage le mariage autrement. Le « fantasme » dans un envol rose répétitif qui participe de nos désirs contradictoires de rencontres et d’échappées. Le mariage serait-il un leurre au même titre que les modules de “guerres absurdes” du village aux maisons roses ? Enfin, l’autre installation est un mur de modules colorés. Toujours dans le désir de décupler “une énergie de gagnant”, la couleur vient accentuer l’artificiel de cette énergie face à la vie. Pied de nez au décoratif, ces boîtes nous captivent plus qu’elles nous capturent. Nous sommes entrés dans une vision globale du camouflage avec des applications locales, où le social, la politique, la guerre, notre quotidienneté sont traités dans une médiatisation et une énergie qui relèvent du leurre, et dont le “winner” serait un “big brother designer”. PJ Sugier.
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Petits mondes
Off shore sur tables 135
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Les tables en friche
Le tableau reprend sa position horizontale d’origine. Il est table peinte, maculée et brillante, pour capter les jeux d’ombres colorées des sous-faces des maquettes off shore. L’artiste désigne des tables en friches. Elle travaille en collaboration avec Michel Leonardi pour l’exposition au Centre d’Art de Marchin en Belgique, « Les petits mondes». Ce sont des constructions sans qualité, évoquant quelque non-lieu, des « petits mondes » fragiles grandissent et persistent malgré l’instabilité d’un milieu mouvant qui les prive de toute assise. Ils sont un hommage à une résistance joyeuse de l’être, à un art de la glissade et de l’équilibre éphémère. Renaud Ego
“J’aimerais, qu’il existe des lieux stables, immobiles intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources : Mon pays natal, le berceau de ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’ai vu grandir (que mon père aurait planté à ma naissance), le grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts. De tels lieux n’existent pas, c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être approprié.”* *Espèces d’espaces, Georges Perec (Galilée, 1974)
Pour le Centre d’Art de Marchin, Belgique, l’artiste construit une friche constituée de maquettes, de dessins peints et d’une pièce articulée. Elle emploie des mécanismes simples pour insuffler un mouvement qui tente de matérialiser la dimension du songe. Des zones pavillonnaires sont disposées sur des trames, adossées à des espaces silencieux et désertés. Ici s’opère la disparition de l’outil guerrier au profit de la friche. Un territoire qui oeuvre sa propre reconquête par le processus naturel de la vie qui réinvestit. Une urbanisation imaginaire où l’espace devient un doute.
Table en friche Installation hauteur 110 cm, largeur 200 cm, longueur 700 cm, cartons, papiers peints, pigments, support médium peint. Au mur, Les inversés, 6 formats raisin, gouache sur papiers. Photos extraites de l’exposition “Les Petits Mondes” 2009, avec le plasticien Michel Leonardi, Centre d’Art de Marchin, Belgique.
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une origine rêvée
En effectuant des allers-retours depuis une dizaine d’années entre la France et le Maroc l’artiste déplace ses origines et les réinvente sans cesse. Elle se crée ainsi une carte d’identité imaginaire. Dans la lignée des femmes que décrit Clarissa Pinkola Estes, ses oeuvres qu’elle nomme «bricolages» participent à des fouilles psycho-archéologiques des ruines de l’inconscient féminin. Son travail artistique est une contrevoie intérieure, elle nous propose de retrouver la part enfouie dans chacun de nous, vibrante, donneuse de vie. Michèle Cohen
La peau A l’origine, un rapport entre le lieu habité et la pigmentation de la peau. Il participe de l’incidence du degré d’inclinaison du rayon lumineux qui révèle le timbre de la peau, principe de mise en visibilité de la couleur à l’œil. La géographie des couleurs de peau dépend dorénavant des mouvements de population suscités par le besoin de manger, le besoin d’exploiter. Ma grand-mère pour manger s’est déplacée. J’ai longtemps été trop rose, alors je me suis déplacée, traversée. Le nuancier de peaux. Cinq couleurs. Cherchez à l’aide du mélange des cinq couleurs une nuance de peau. Prenez un papier, peignez-le. Disposez-le délicatement dans le petit monde. 2011 Installation, mine de plomb et gouache sur papier, bois, fils. Dessin 200 cm x 110 cm, mine de plomb et gouache. Orient ‘Art
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Peindre la couleur
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Machine à dérouler la couleur
« La salle d’entrée met les outils à la disposition de la perception et deux rouleaux articulés font défiler la tapisserie des songes ». extrait de Flux News, Emmanuel d’Autreppe.
Hauteur 75 cm, largeur 90 cm , longueur 300 cm, gouache, papier arche, bois, moteur de tourne broche. Photo extraite de l’exposition “Les Petits Mondes” 2009, arrière plan Usines traversées par des missiles, dessin de Michel Leonardi. Centre d’Art de Marchin, Belgique 2009
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Tables peintes Les tables peintes sont posées sur des petits supports, maquettes en forme de tréteaux ou autres structures. Des rendez-vous sont donnés aux regardeurs pour observer les résonances des couleurs des divers temps de lumière naturelle de la journée. Installation, peintures, pigments, caparoll, support médium peint laque blanche. Photo extraite de l’exposition “Les Petits Mondes” 2009 avec Michel Leonardi, Centre d’Art de Marchin Belgique.
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Livre, série des papiers infusés Posé sur planche contre-plaquée à 30 cm du sol 9 pages, h 56 cm, l 76 cm, gouache sur papiers Photo extraite de l’exposition Galerie C. de Vos, Aaslt, Belgique, 2007
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Balançoire Rempart de couleur « Remparts de couleur »
L’artiste donne à des volumes rigides et systématiques, une aura chromatique, une dimension lumineuse. Alignés sagement, ils flottent dans l’espace et captivent le regard. Aboutissement de la matière et de la peinture. Affinités d’une gestuelle et d’une conception singulière de travailler la couleur. C’est sans doute cela et encore beaucoup d’autres choses que le travail de Sandra Ancelot nous donne à voir… Caroline Coste.
Un autre regard sur le « Rempart de couleur ». Balançoire, pièce sonore, une déclaration d’amour, montée en boucle. Une traversée pour regarder comme je peins. Acquisition collection de la Fondation Janelly et Jean-René Fourtou, Marrakech, Maroc. Photo extraite de l’exposition des Brasseurs, Liège.
h220 cm, l 700 cm, 180 boîtes, profondeur 10 cm, hauteur 15cm, largeur 35 cm, medium peint. Belgique, 2003. Photo extraite de l’exposition aux Brasseurs, Liège, Belgique, 2006.
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Art
en bouche
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Performance culinaire au Mamac Liège
Performance Culinaire Musée d’Art Moderne et Contemporain de Liège. Une proposition comestible en réponse au Rempart de couleur . Une construction de 400 boîtes à gâteaux peintes dans lesquelles se trouve le plus petit restaurant du monde! Un menu couleur. Nous invitions à reconstruire des modules dans le musée après la dégustation. Collaboration en cuisine Chefpierre. Belgique, 2006.
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Peinture culinaire “Les petits mondes�
Sandra Ancelot Michel Leonardi Pierre Giannetti pour Chef Pierre Centre d’Art Marchin, Belgique 2009
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Journal des sensations
Flux News, Belgique. La couleur se dépose à gauche, à droite en une fine pellicule, comme décantent les sels d’argent ou les pixels sur le filtre du souvenir d’un moment précieux, comme atterrit en douceur le grésil de l’hiver naissant sur les terres du Condroz, comme on se fraye un chemin dans une campagne familière presque oubliée. La couleur est là, partout (où ça ?), égayant en ce dimanche de novembre la place de Grand-Marchin. Il y a des artistes au pinceau (Michel Leonardi, Sandra Ancelot), un chef-coq aux fourneaux, Pierre, à moins que ce ne soit le contraire, et puis un autre Pierre qui plane en ces lieux, disponible et impalpable maître de cérémonie – et inspirateur de leur programmation et de leur ligne plastique. Des sourires complices, un art exigeant qui ne se prend pas au sérieux: la cérémonie est toute païenne et épicurienne, et l’esprit du lieu (un rien monacal, d’obédience trappiste) est connu de longue date de ceux qui le fréquentent en toute confiance. Au centre culturel de Marchin, ce dimanche, les assiettes sont plates et la démarche pas creuse. Le menu de dégustation sera déposé savamment sur des toiles, itinéraire encore vierge ou virtuel que le visiteur tracera tout en mangeant, en associant (forcément avec talent et inspiration !) les teintes aussi bien que les goûts. Les uns auront le mesclun de champignons et grenades plutôt tachiste, le panais et le céleri à l’orange inspireront aux autres des sinuosités cobra, les derniers retrouveront dans le poivron grillé ou le gingembre la fulgurance originelle du trait. Personnellement, la toile que j’ai réalisée ne me semblait pas valoir tripette. La belle affaire, puisque c’était délicieux je n’ai laissé ni miette ni goutte, mais j’ai vu plus d’un esthète parachever la sienne au bic ou au crayon, pas mécontent. Dans les trois salles de l’expo, dont c’était le vernissage un peu particulier, et dont on faisait le tour à plusieurs reprises en quittant le bistrot, comme au fil d’entremets qui se déclinent différemment avec la tombée du jour, on découvrait les peintures, les dessins, les objets, les installations. Les lieux sont comme souvent aérés, la disposition des œuvres non envahissante, la complémentarité d’Ancelot et Leonardi fluide et naturelle. La mécanique et la symbolique s’emboîtent de façon simple, élémentaire, juste. On glane au gré des préférences, en se laissant faire par l’environnement. La pièce centrale est une sorte de cabinet de curiosités, on s’y tient debout ou assis comme au centre de son propre cerveau, s’abandonnant à la vague rêverie ou à la découverte, au contraire, du détail minutieux, à l’épaisseur du souvenir ou à celle des bouts de papiers, à la déclinaison des tonalités ou à celle des noms de choses : carnets, croquis, objets, échos, jeux, minuscules réflexions, ricochets de la lumière ou vaste étendue de la petite chose abstraite. Dispositifs minimalistes qui nous rappellent l’enfance, cette époque où à eux seuls une couleur précise, un pliage particulier ou même une tête d’épingle équivalaient à une émotion unique – d’ailleurs intraduisible –, ouvraient toutes grandes des sensations inédites. La salle d’entrée met les outils à la disposition de la perception, et deux rouleaux articulés font défiler la tapisserie des songes ; quant à la dernière salle, elle les déploie dans une rhétorique déjà adulte mais toujours poétique : travail de la matière et transsubstantiation, habitat et environnement, aspirations ou élans technologiques et retour aux vérités simples de notre place sous la voûte du ciel… En une vaste maquette pleine de questionnements ou de tâtonnements se résume tout un monde, que les jeux de couleur et de matériaux subtilement disposés nimbent d’irréalité, d’un fin nappage de merveilleux, parfois aussi d’une forme de sagesse détachée, qui feint de ne pas y toucher mais sait pertinemment que tout se transforme. Une chaise en hauteur propose de surélever le point de vue individuel et d’embrasser du dehors cette architecture intime, invite le spectateur à constater qu’il ne domine rien, qu’il est lui-même un jouet privilégié de l’incessante métamorphose, et que regarder le monde c’est accepter d’être soi-même une déclinaison, une installation de la lumière et non l’inverse. (On se prend alors à remercier le maître queux d’avoir cuisiné non seulement bien mais en plus léger, pour nous permettre de réfléchir si loin malgré la digestion.) Probablement sommes-nous tous, à un moment ou à un autre, redescendus sur terre, puisque le lendemain c’était lundi pour tout le monde, et qu’il a bien fallu. Parfois, oui, il est bon de savourer les mets avec les yeux et la peinture avec l’estomac, de vivre les choses aussi naïvement que possible – plus exactement, de céder naïvement à leur malice généreuse. Et de n’en retenir que la couleur, mais de la retenir de toute sa fragile et fugace concentration. Eda, nov.2009 Emmanuel d’Autreppe Flux.
Sur une étagère blanche confondue dans le fond, une feuille de pain aux céréales, éclats de raifort piquant et une écume de beurre à l’air À boire, un consommé froid de crevettes à la citronnelle, purée de poivrons grillés à l’orange confite, poudre d’olives noires Sur la table, une déclinaison de légumes en texture et des sauces à manger avec les doigts Pour se rafraîchir une soupe froide de pomme verte au champagne et basilic Sur la table, une poudre de biscuits citronnés, une glace au chocolat noir amer, une compote d’ananas à l’anis, une gelée de thym et une réduction de citron Une infusion de thé vert aux épices à mélanger avec une poire au gingembre
À décrocher un nuage de sucré de fraise au poivre doux
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Une pépite d’or le poid-chiche Invités par Farouk Marden Bay pour la sortie de son livre sur “le poid-chiche“ Sandra Ancelot et Pierre Giannetti pour Chef Pierre
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Biographie 1968
Naissance à Juvisy-sur-orge, France
1988
Ecole Préparatoire des Beaux-arts de Rueil-Malmaison, rencontre avec Dalila Alaoui et Juliette Jouannais
1989
Entre à l ‘Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, elle suit les enseignements des ateliers des artistes invités, Marina Abramovic, Lewis Baltz
1993
Hunter College, master program, New-York City, USA, Bourse Internationale d’Etude de l’E.N.S. B.A de Paris, s’installe à Cubble Hills et Williamsburg, Brooklyn
1994
Diplôme de l‘Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, encadré par Claude Viala
1994
Galerie de la Ferronnerie, Paris Casa de Velasquez, Madrid, Espagne, pensionnaire 1994-1996 Se passionne pour le Flamenco puro, la poésie et la littérature espagnoles Premières installations intéractives en place dans les patios du quatier Lavapiez «Peintures tendues», Madrid, Espagne Salon de Montrouge, France
1995
Galerie Forum, Hambourg, Allemagne Galerie de la Ferronnerie, Paris Effectue des voyages à Los Angeles, parcourt l’Espagne
1996
Galerie La Ferronnerie, Paris, France Salon d’Art Contemporain de Bagneux, France Salon de la Jeune Peinture, Paris, France Casa de Velasquez, exposition, Madrid Institut de France, salle Contesse de Caen, Paris, France Villa Médicis, exposition, Rome, Italie
1997
Atelier à Berlin, puis atelier à Pantin Galerie La Ferronnerie, Paris, France
1998
Exposition à «l’usine» Bruxelles, Belgique
1999
Premier voyage au Maroc, installe un atelier à Marrakech pendant quatre mois pour répondre à une commande de tableaux, propose sous la forme d’une boutade l’aménagement de la villa du commanditaire qui accepte. Commence une activité de créations de mobiliers et architecture intérieure Commence l’enseignement en Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Rencontre avec Alain Michaux
2000
«Sauts tourbillons», Vidéo. Sans atelier, Invitée à travailler dans le Jardin d’Herbaly de la famille Zurcher-Hour Rencontre avec Thomas Bleicher designer produit, collaboration pour la création de «la Lampe Bulle» Aide à la création du VIA, salon du meuble Milan, du design saint Etienne.
2001
Epouse Alain Michaux, architecte, s’installe à Paris Commence son travail de l’expertise de la couleur et de conseils couleurs auprès d’architectes Oriente sa pratique de l’enseignement vers «l’espace de la couleur»
2002
Rencontre avec Dominique Mathieu, Caroline Coste, Sarah Charlier, les Brasseurs, Centre d’Art Contemporain, présente son travail dans le jardin d’Herbla
2003
Cycle «Dis-moi», exposition aux Brasseurs Centre d’Art Contemporain, Liège, Belgique Création des petits mondes, les outils guerriers Atelier Montreuil
2004 2005
Apprend les techniques des constructions traditionnelles du Haut-Atlas, Maroc et travaille sur des projets de requalifications de bâtiments pour l’éco-tourisme Se sépare d’Alain Michaux Achète une méhari pour un voyage lent, traverse la France, l’Espagne, le Maroc
2006
«Dis-moi plus», Musée d’Art Moderne et Contemporain, Liège, Belgique «On déguste au musée!», performance culinaire, Musée d’Art moderne et Contemporain, Liège, Belgique Collaboration avec Pierre Giannetti chef de cuisine, elle concilie la chimie de la peinture avec l’alchimie des saveurs Vit entre Paris et Marseille
2007
«Les petits Mondes», Centre d’Art Marchin, exposition avec Michel Leonardi, Belgique «Peinture culinaire», Centre d’Art de Marchin, performance culinaire, Belgique
2008
Performance culinaire, Festival voisins, Thêatre, Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles, Belgique «Peindre la couleur», Galerie C. de Vos, Alost, Belgique «Art en bouche», performance culinaire, Centre d’Art de Woluwe Saint Lambert Bruxelles Bravo, Belgique
2009
«Colère en bouche», Festival d’Avignon, Performance culinaire, invitée par la «Pensée de Midi», Avignon, France «Une pépite d’or» Performance culinaire, invitée par Yves Gonzales et Farouk Marden Bay Musée du Moulage, Lyon, France
2010
«L’Amour», Bazart Office galerie, Liège, Belgique «All Andaluz», 2ieme édition Orient’Art , Oujda, Maroc Résidence, Ifitry, Maroc «Mythologie personnelle, l’épopée» Rencontre avec l’école Nationale des Arts du Cirque de Rosny
2011
«Contre-voix amoureuses», Galerie La Non-Maison, Aix en Provence, France «Actions de réparations», rencontre avec Michel Cohen
2012
Une maison en or, en vaut bien une autre! Biennale Internationnale d’Art Contemporain, Casablanca, Maroc «Amour des images, images de l’amour», 8ième Biennale Internationale de la Photographie et des Arts Visuels, Liège, Belgique Développe le Dessin Aérien, s’initie aux techniques d’accroches et aux petites acrobaties
2013
«Conférence illustrée», dessin aérien, Marseille 2013,Capitale de la Culture, commande du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans le cadre «d’Ulysses, Itinéraire d’art contemporain», performance, une traduction de la parole en en geste, 1.40’’, avec le philosophe Jean-François Mattéï, «L’Étranger, l’Exilé et le Réfugié», Lucie Lastella et Paul Warnery, circassiens. S’initie aux techniques d’accroches, escalades et petites acrobaties «Traces de Femmes, Ici et demain», exposition collective, installation, commissariat Landry-Wilfrid Miampika, Villa des Arts de Casablanca, Maroc Résidences, Ifitry, Maroc
2014
Dessin aérien, présentation de la performance de la fin de résidence à l’Ecole Nationale des Arts du Cirque, le 16 juillet, Rosny, France «Le paysage désassemblé», conférences/performances, invitée dans le cadre du cycle de conférences, «Les secrets de fabriques» à l’E.N.S.A. de Paris val de Seine, Paris , France
2015
De l’autre à soi, Maroc Contemporain, Institut du Monde Arabe, invitée par le commissaire Azzeddine Abdelouhabi, Paris, France
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Ecrits Michèle Cohen Caroline Coste Renaud Ego Jean-François Mattéï Pierre-Jean Sugier Emmanuel d’Autreppe Intretien Michèles Desmottes interview Sandra Ancelot Cititation Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, édition puf Crédits photographiques Aurélie Haberey Arthur Gobelle Barbara Stettler Noémie Gallet Nicolas Granier Odile Reboul Création graphique Ilias El Mezouari Coédition, Dessin envolé, Maha éditions
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