Accra – Ghana : une mauvaise gestion municipale des déchets et ses impacts sur le climat

POLICY BRIEF Accra

Ghana : une mauvaise gestion municipale des déchets et ses impacts sur le climat

HUBERT, Roxane et SADRAN, Isla

Master 2 SGM

2019-2020

Résumé A mesure que la ville se développe et attire de plus en plus de personnes, Accra doit faire face à une problématique croissante dans la gestion des déchets. La municipalité d'Accra affiche des objectifs ambitieux pour mieux gérer l'élimination et le traitement des déchets à l'avenir. Un tour d'horizon de la situation actuelle révèle néanmoins une prise en charge des déchets insuffisante et défaillante à bien des égards. Les déchets posent un enjeu de salubrité publique locale, mais ont des impacts bien au-delà en contribuant notamment à une pollution atmosphérique venant alimenter le réchauffement climatique. Les déchets recyclés constituent, en outre, une ressource intéressante substituable à la production d'autres matières impactant elles aussi le changement climatique. Un système d'économie circulaire à l'échelle de la ville d'Accra a ainsi un vrai potentiel de réduction des impacts sur le climat.

Points clés Une gestion des déchets partielle assurée par des opérateurs privés et un secteur informel non reconnu Des décharges sauvages à ciel ouvert sources de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique : déchets municipaux et électroniques Des déchets au fort potentiel dans une économie circulaire, soulageant le climat à plusieurs égards Une implication essentielle de la municipalité dans la refonte du système de collecte, tri, traitement et recyclage des déchets

Introduction Du 16 au 18 octobre 2019, la ville d'Accra a accueilli le deuxième sommet africain sur le climat, le Sommet Climate Chance, message fort pour le Ghana et pour la ville d Accra dans la lutte contre le changement climatique. Notamment, la déclaration du Président du Ghana Nana Akufo-Addo souligne un engagement fort pour les villes : Les plans d actions locaux sont essentiels. Agissons pour r duire l empreinte carbone dans nos villes, et tous prendre part aux solutions. ».

(ClimateChance 2019). L action locale est présentée comme une levier de premier plan pour résoudre la question climatique. Qu en est-il alors de la capitale ghanéenne Accra ? Ville de près de 3 millions d habitants, Accra est une des villes qui connaît le plus fort taux de croissance au monde. Après son investiture à la présidence du pays en 2017, Nana Addo Akufo-Addo a dit vouloir faire d Accra la ville la plus propre d Afrique, et crée à cet effet le premier ministère de l Assainissement et de Ressources en Eau du Ghana (Knott, S., 2018). A ce jour, cet ambitieux engagement ne s est toujours pas concr tis , tel point que la gestion des d chets est devenue l'un des plus gros défis auxquels le Ghana doit faire face" (Forson, V., 2017).

Accra souffre encore de son surnom de poubelle du monde en recevant les vieux ordinateurs des pays développés, mais aussi du fait d'une gestion des

déchets municipaux encore défaillante. Bien gérer ses déchets est un enjeu de taille pour toute ville, a fortiori dans les pays en développement. Un système de collecte des déchets fiable et adéquat est impératif afin d assurer la propret de la ville, mais constitue également un défi capital au-del de l chelle locale.

Les déchets génèrent en effet un impact négatif sur le changement climatique, et les études montrent qu une bonne gestion des déchets, dans une logique d conomie circulaire, est elle-même en capacité d avoir un impact potentiellement positif sur la réduction du réchauffement climatique.

Figure 1 : une plage dans le cœur historique d Accra, Jamestown - la collecte des déchets n y est pas organisée.

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Production et gestion de déchets à Accra Il est tout d abord essentiel de dresser un tableau de l tat de la production de d chets dans la ville d Accra afin de mesurer l tendue du probl me, puis de d crire le système de gestion municipale des déchets et ses limites.

Les déchets à Accra : étendue du problème Accra est une ville qui se d veloppe et s urbanise tr s rapidement et enregistre une forte densité de population générant 2800 tonnes de déchets solides urbains chaque jour. Cependant, sur ces 2800 tonnes, environ 2200 tonnes sont collectées, ce qui laisse une différence de 600 tonnes de déchets déversés en plein air et dans les points d eau (Forson, V. 2017). En 2012, la Banque Mondiale estimait que les pauvres conditions sanitaires coûtaient au Ghana 1,6% de son PIB causé par les morts prématurées de dizaines de milliers de ghanéens chaque année du fait des conditions sanitaires déplorables (Knott, S. & Commentary. 2018).

Les déchets produits dans la ville sont majoritairement organiques (64%) et ceux qui sont déversés en plein air sont principalement issus des populations à revenus moindres. Ces déchets organiques, souvent non-collectés, engendrent de gros problèmes sanitaires et environnementaux et mettent les populations en danger (Quénot, H., 2010). Ils sont composés des restes de nourriture, de fruits et légumes, de feuilles, de résidus de culture, d excr ments d'animaux et d os. Dans les zones faible revenu, ces déchets sont souvent mélangés avec des déchets humains en raison d'installations sanitaires inadéquates (Boadi, K.O. and Kuitunen, M., 2003).

Aussi, la quantité et les composantes des déchets solides produits à Accra varient en fonction des niveaux de revenus. Les zones à faible revenu produisent moins de déchets par habitant que les zones à revenu moyen et élevé. Les déchets organiques sont majoritairement produits par les secteurs à revenu faibles, et les produits emballés représentent une part importante des déchets dans les secteurs à revenus élevés. Cependant, la majeure partie des déchets est produite dans les zones urbaines denses à faible revenu, qui représentent plus de 80 % de la population totale de la ville (Boadi, K.O. and Kuitunen, M., 2003).

Une autre facette de l tendue du probl me des déchets à Accra est celui de l importation massive de déchets électronique en provenance de l international. En 2016, dans le monde entier, 44,7 millions de tonnes de déchets électroniques ont été

produites. Environ 80% des déchets électroniques du monde entier sont évacués de façon illégale et dangereuse selon une étude récente sur ce thème : « The global e-waste monitor 2017 ». L Asie est la r gion qui en produit le plus (18,2 millions de tonnes), suivie de l Europe (12,3) et des Etats-Unis (11,3). L Afrique n en produit que 2,2 millions de tonnes, mais pourtant c est dans ce continent que se d verse une grande partie des déchets électroniques qui ne sont pas traités dans les pays d origine. La valeur mon taire de ce marché de déchets électroniques est de 55 milliards d euro, chiffre expliqué par le fait que les déchets électroniques sont composés de matières précieuses comme l or, le platine, l argent, le cuivre, le fer, l aluminium le plastique etc. (Sinopoli, A. 2019).

Accra, surnomm e la poubelle de l occident (Wlodarczyk, O., 2011), importe environ 90 000 tonnes de déchets électroniques par an. Ces déchets sont stockés dans la décharge d Agbogbloshie, située en banlieue d Accra, et constituent un danger de premier plan pour l environnement et la sant des populations travaillant et habitant autour de cette décharge car les déchets y sont brûlés dans le but de récupérer les matériaux précieux.

Ainsi, la quantité de déchets qui augmente au fur et à mesure du développement économique et démographique du pays constitue une urgence à laquelle il faut rapidement mettre un terme. Cette situation peut notamment être expliquée par une mauvaise gestion nationale et municipale des déchets.

La gestion des déchets : un sujet plutôt absent La gestion des déchets solides municipaux La loi ghanéenne sur le gouvernement local (loi 462) stipule que ce sont les assemblées de district qui sont chargées de superviser la gestion des déchets municipaux dans leur juridiction. Pourtant, depuis les années 1990, avec les pressions des organisations internationales (telles que la Banque Mondiale ou le FMI) et la mondialisation, les municipalités connaissent des difficultés et les décisions se fondent davantage sur le march , donc le r le des municipalit s s affaiblit (Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013). Dans un premier temps, ce fut le Département de la gestion des déchets (Waste Management Departement, « WMD ») qui prenait en charge les services de collecte et d élimination des déchets, mais une mauvaise qualité de services (une collecte de seulement 65% des déchets produits dans la ville) a favorisé la transition vers des partenariats public-privé

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(Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013).

Figure 2 : Réseaux Public-Privés dans la gestion des déchets solides au Ghana

Actuellement, la collecte des déchets dans l'Accra Metropolitan Assembly (AMA) est presque entièrement privatisée (Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013). Cependant, la participation du secteur privé n'a pas conduit à une amélioration de la gestion des déchets en raison de contraintes, notamment le manque de ressources financières et humaines (Boadi, K.O. and Kuitunen, M., 2003). Historiquement, l AMA avait mis en place un programme de paiement proportionnel (« Pay As You Throw » : PAYT) impliquant des conteneurs communaux de dépôt dans différents quartiers, pour lesquels les r sidents devaient payer afin d y déposer leurs déchets. Cependant, ce mode de stockage était largement limité et a entraîné le déversement illégal dans les égouts et les terrains vagues par les ménages pour éviter de payer les frais sur les sites des conteneurs (AMA and USEPA. 2014). En 2009, l AMA met un terme à son financement de ramassage des déchets. Désormais, les habitants et les entreprises doivent prendre en charge ce service à leurs frais, en choisissant parmi les compagnies privées opérant dans la ville (Knott, S. & Commentary. 2018). Accra est divisée en 10 districts de collecte des déchets, chacun étant sous contrat avec une entreprise de collecte différente.

Depuis sa création, le WMD a expérimenté un certain nombre de programmes pour organiser la collecte des déchets. Après de nombreuses tentatives infructueuses (telles que le PAYT vu précédemment) de faire payer les ménages pour la collecte, ils sont finalement arrivés au système actuel de « H-t-H » et de « CCC ». Il y a donc actuellement à Accra deux systèmes de collecte de déchets : le programme « House to House » (H-

t-H), dans lequel la collecte se fait directement chez les résidents qui paient pour ce service ; et le « Central Container Collection » (CCC), un système de grandes bennes à ordures communes accessibles gratuitement.

Officiellement, les entreprises privées et l'AMA collectent les déchets régulièrement ; en réalité, les passages de collecte sont peu fréquents et inefficaces (Duna, A.G., 2015). Le programme H-t-H est plus répandu dans les zones à haut revenu caractérisées par des routes accessibles et une meilleure infrastructure, ainsi que des ménages ayant la capacité de payer. Le programme CCC est limité aux zones à faible revenu. Il est à noter que la gratuité de ce service explique en grande partie le mauvais état des infrastructures. De plus, les routes dans ces secteurs sont fortement érodées, et les véhicules de collecte ne peuvent pas accéder facilement aux CCC. En conséquence, ces containers souvent se remplissent et débordent de déchets. Les déchets laissés derrière sont brûlés ou déversés dans les égouts (Duna, A.G., 2015).

L inabordabilit de la collecte directe des déchets (malgré une différence de prix selon les quartiers : les ménages des régions les plus pauvres paient environ 20 cedi par mois, tandis que les régions les plus riches paient 100 cedi) a favoris l mergence d un secteur informel de la collecte de déchets : les collecteurs informels, surnommés les « Borla Taxis » interviennent dans les quartiers les plus pauvres. Leur prix est d environ 1 cedi pour un ramassage quotidien.

N anmoins, m me ce prix n est pas abordable car pour certains ménages, les plus pauvres, le salaire minimum est de 9,2 cedi par jour. Ces ménages optent donc pour un déversement sauvage des déchets. De plus, les travailleurs informels déversent la plupart du temps les déchets récoltés dans des décharges illégales à cause de l inefficacité des containers communs (Knott, S. & Commentary. 2018).

En somme, un sérieux manque de fonds alloués à la collecte des d chets ainsi qu une absence de data collectée sur la production de déchets des différents quartiers entraîne donc un système limité avec une collecte inégale entre les quartiers : les camions de collecte, inadaptés aux réalités du terrain, ont souvent des difficult s d acc s aux containers des quartiers d favoris s d l tat des rues qui sont trop troites et abimées. Les containers, qui sont supposés être vidés r guli rement, sont ainsi laiss s l abandon et débordent, ce qui incite les habitants et les travailleurs informels à jeter leurs déchets dans les rues ou dans des décharges informelles, entraînant énormément de pollution et d insalubrit .

Pour ce qui est de l limination des d chets Accra, celle-ci se fait principalement par le moyen de

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décharges à ciel ouvert, qui est l une des m thodes les plus simples et les moins coûteuses (Adipah, S., 2019). Les décharges sont exploitées par le secteur privé, sous la supervision de la municipalité. La quantité de déchets transportés vers la décharge est d'environ 410 000 tonnes par an (Adipah, S., 2019).

Cependant, il n'y a aucune séparation ou recyclage des déchets au niveau des ménages, de sorte que les décharges se remplissent d'un mélange de plastiques, de matières organiques, de papier et de produits chimiques. De plus, Accra ne possède pas de décharges techniques, mais seulement des décharges de déchets bruts sans traitement des matériaux (Duna, A.G., 2015). Tout ceci, allié à une non-réglementation totale, expose les travailleurs, ainsi que les populations environnantes, à des conditions de vie dangereuses. En effet, un manque de ressources financières et humaines et une absence de politiques posent un frein l exploitation et au bon entretien de ces sites selon des normes sanitaires. Selon Boadi et Kuitunen (2003), le seul grand facteur déterminant dans la localisation des sites de décharge est l'accès aux véhicules de collecte plutôt que les considérations écologiques ou de santé publique.

La gestion de l importation de E-déchets Tout comme la gestion des déchets locaux, la gestion des d chets lectroniques import s de l international demeure peu encadrée. Les déchets électroniques arrivant au Ghana passent par la ville portuaire de Tema, ou par d autres ports africains, et sont ensuite amen s et d vers s dans la d charge d Agbogbloshie.

Des cadres réglementaires internationaux (Conventions de Bâle 1992, et de Bamako 1998) ont pour fonction de superviser le système ghanéen.

Cependant, il y a la plupart du temps un non-respect ou un contournement des réglementations existantes dont le gouvernement ghan en s est tr s peu préoccupé. En effet, bien que le Ghana soit signataire des conventions de Bâle et de Bamako, le pays a

historiquement manqué d'un cadre politique national sur les déchets électroniques qui aiderait à mieux appliquer la législation internationale (Daum, K., Stoler, J. and Grant, R.J., 2017). L'absence de réglementation et d intervention du gouvernement ghanéen a favorisé le d veloppement d une activit impliquant peu de précautions sanitaires, environnementales, et humaines sur le site de la décharge. En effet, aucun dispositif de contr le n est mis en uvre : sur les 280 000 tonnes de déchets électroniques qui sont entrées au Ghana en 2009, seulement 1 % ont été traitées par une installation officielle, ce qui laisse place à de nombreuses dérives quant à la qualité des marchandises importées (Daum, K., Stoler, J. and Grant, R.J., 2017). De plus, la Convention de Bâle interdit l envoi d objets appartenant la cat gorie d chets dangereux , or la convention permet galement l envoi d objets d occasion pour motif de r paration et recyclage, et c est en partie cette subtilit dans les catégories qui permet aux acteurs internationaux d envoyer des milliers de tonnes de d chets électroniques vers les pays en développement (Sinopoli, A. 2019). La quantité de ces déchets va par ailleurs augmenter dans les années à venir : les estimations montrent qu en 2021 il y en aura 52,2 millions de tonnes, avec une croissance annuelle de 3 à 4% (Sinopoli, A. 2019).

Ainsi, les déchets semblent constituer un problème insoluble au Ghana et notamment à Accra où la gestion inadaptée et inefficace des déchets est liée à une urbanisation rapide, une capacité financière et technique très limitée (faible capacité de planification), et une application poreuse des réglementations, ce qui permet aux autorités locales de négliger à leur tour ces réglementations (Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013). Les effets de ce manque de gestion adaptée se font ressentir au niveau de l environnement et affectent directement l air urbain et le climat.

Des déchets mal gérés néfastes pour le climat Selon les données publiées par la Ghana Environmental Protection Agency (EPA), les niveaux moyens annuels de pollution atmosphérique d Accra sont 5 fois supérieurs à la moyenne de l OMS pour les particules fines les plus nocives pour la santé (Breathelife, 2018).

L'OMS enregistre ainsi un taux de pollution "haut" à Accra, avec une pollution de l'air estimée à 80,41 sur une échelle de 0 à 100 (Numbeo, 2019). D origines diverses, cette pollution de l air est en partie générée par une mauvaise gestion des déchets, qui à terme a

un impact sur le changement climatique. La mauvaise gestion des déchets à Accra conduit à ce que ceux-ci soient souvent abandonnés à ciel ouvert dans des décharges informelles ou brûlés pour les éliminer, et c est notamment le cas des d chets lectroniques. Une mauvaise gestion des déchets a des impacts à trois niveaux : au niveau local en contaminant la terre, les eaux terrestres et l'air ambiant ; au niveau régional en polluant les cours d'eau utilisés pour l'agriculture et les besoins ménagers ; enfin au niveau mondial en

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contribuant à la pollution marine ainsi qu'au réchauffement climatique (Ferronato, N. et Torretta, V., 2019).

Impact des déchets municipaux entreposés à ciel ouvert Les nombreux dépôts de déchets dans des décharges à ciel ouvert à Accra ou simplement de manière sauvage sur les bords des routes subissent un processus de décomposition fortement émetteur de gaz à effet de serre (GES). Les déchets urbains, comme ceux d'Accra, sont majoritairement de nature organique. Or les matières organiques (papier, bois, nourriture, déchets verts), une fois déposées dans une décharge se voient consommées par des microbes causant un phénomène de décomposition. De surcroît, ces processus de décomposition se déroulent bien dans un milieu dit "anaérobique", c'est-à-dire sans oxygène, favorable au développement de bactéries produisant du méthane et du dioxyde de carbone (CO2). Ainsi, à mesure que les microbes décomposent les déchets organiques, du méthane et du CO2 sont rejetés. Or, le méthane et le CO2 sont les deux principaux GES contribuant au réchauffement climatique. Il est à noter que les émissions en provenance des décharges sont rarement mesurées, elles sont le plus souvent estimées en calculant le taux de méthane généré proportionnellement à la quantité de déchets (UNEP, 2010).

Le méthane est le gaz qui inquiète et intéresse tout particulièrement les climatologues. En effet, le méthane est un hydrocarbure, contenant du carbone et de l'hydrogène, tout particulièrement puissant qui est estimé avoir un potentiel de réchauffement climatique 25 fois supérieur à celui du CO2, autrement dit, 1 tonne de méthane équivaut à 25 tonnes de CO2 rejetées dans l'air (UNEP, 2010). On observe aujourd'hui une hausse inattendue du méthane atmosphérique mondial, avec un bond historique enregistré en 2018 par la National Oceanic and Atmosphere Administration (NOAA) aux Etats-Unis (Climate Nexus, 2019). Et les études du Global Carbon Project montrent que 34% des émissions de méthane dans le monde proviendraient majoritairement des activités agricoles ainsi que de la gestion des déchets (Lecoeuvre, C., 2017). La forte augmentation d' missions de m thane menace d liminer les gains escompt s de l Accord de Paris sur le climat selon les climatologues (Climate Nexus, 2019). A Accra, comme dans beaucoup de villes des pays en développement, beaucoup de décharges sont à ciel ouvert. Le méthane libéré par le processus bactériologique de dégradation s'échappe donc directement dans l'air et de ce fait, Ferronato et Torretta estiment que les décharges à ciel ouvert sont la cause d'un "potentiel de réchauffement

climatique" d'au moins 50 fois supérieur à la totalité de la gestion municipale des déchets solides (2019). La spécificité du méthane est sa durée de vie très courte dans l'atmosphère, contrairement au CO2, ce qui rend les actions visant à réduire ses émissions bénéfiques à très court-terme, sa durée demi-vie étant estimée à 10 ans environ, selon Marielle Saunois (Lecoeuvre, C., 2017).

Impact de l'incinération des déchets A Accra, il est estimé que 18% des ménages brûlent leurs déchets, des pratiques qui ont des impacts importants sur l'environnement (Owusu Boadi, K. et Kuitunen, 2003). En effet, brûler ses déchets ménagers génère une contamination environnementale de taille et contribue au "réchauffement climatique" en produisant du "noir de carbone", aussi appelé "carbone suie", deuxième responsable du réchauffement climatique après le CO2 (Ferronato et Torretta, 2019). Ce noir de carbone est constitué de matières particulaires qui restent en suspension dans l'atmosphère terrestre.

Un défi de taille à Accra est bien celui de l'incinération des déchets électroniques, notamment dans la décharge d'Agbogbloshie. A Accra, on retrouve en effet dans les décharges à ciel ouvert des métaux, des plastiques mais aussi beaucoup d'équipements électriques et électroniques usagés. Un groupe de Greenpeace ayant mené une enquête sur cette décharge, surnommée "Sodome et Ghomorre" tant le feu ravage la décharge, a répertorié de très fortes concentration de plomb, cadium, arsenic et d'autres types de dioxines tout particulièrement néfastes pour la santé et dégageant des fumées noires épaisses qui "brûlent les poumons" (Rosenthal, E., 2009).

L'incinération non contrôlée de ces déchets électroniques affecte considérablement la qualité de l'air et de l'atmosphère en générant des quantités importantes de "carbone suie" et particulièrement visibles sur la décharge d'Agbogbloshie où la fumée est souvent "noire" et "visqueuse comme de l'huile de vidange".

Figure 3 : Incinération des E-déchets à Agbogbloshie

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Cette matière noire et opaque, en absorbant le rayonnement solaire, contribue fortement au réchauffement climatique (Ferronato et Torretta (2019).

Il est estimé que la durée de vie du noir de carbone dans l'air est de quelques semaines seulement. Ainsi une réduction des émissions de noir de carbone est considérée comme une des manière la plus efficace de contenir le réchauffement climatique à court-terme (Rosenthal, E., 2009).

Selon l'ONU, au niveau mondial, le secteur des déchets ne contribue pas pour beaucoup dans l'émission des

gaz à effets de serre en n'étant responsable qu'entre 3 et 5% des émissions anthropogéniques en 2005 (UNEP, 2010). Néanmoins, si le secteur des déchets est une source mineure des émissions globales, il se trouve dans une position unique pour devenir un outil de réduction majeur des émissions, en devenant une source de réemploi de matériaux ainsi que d'énergie, réduisant alors les émissions dans les autres secteurs de l'économie. Depuis quelques années, des initiatives à Accra révèlent une prise de conscience du problème, mais des efforts supplémentaires s'imposent.

Améliorer la gestion des déchets à Accra pour un climat mieux préservé Des initiatives prometteuses ont émergé ces dernières années à Accra afin de mieux organiser la gestion des déchets dans la ville. Néanmoins, à ce jour ces actions demeurent timides et insuffisantes. La génération de d chets, si elle appara t n faste pour l environnement, doit aussi être vue comme une source d'opportunités.

En effet, optimiser la gestion des déchets permet de générer des énergies renouvelables, des emplois, des avantages économiques, des investissements privés et une amélioration de la sensibilisation de la population sur les enjeux environnementaux (Ferronato, N. et Torretta, V., 2019). De nouvelles mesures fortes ont besoin d tre prises par la municipalit sur plusieurs fronts : sensibiliser les Acréens, innover dans la gestion technique de la collecte des déchets, inclure le secteur informel, et solutionner la décharge d Agbogbloshie.

Sensibiliser les habi an s d Accra En 2018, le maire d Accra Mohammed Sowah a lanc une campagne BreatheLife 2030 , faisant d Accra la première grande ville africaine à rejoindre cette campagne. Cette initiative mondiale, financée à Accra par la Coalition pour le Climat et l'Air Pur (CCAC), poursuit le double-objectif de rendre les villes propres et d atteindre les Objectifs de D veloppement Durable fix s par l ONU. Parmi les ODD, des objectifs spécifiques à la gestion des déchets sont identifiés.

Ainsi, à horizon 2020, il est indiqué que tout le monde devra avoir accès à un système de collecte des déchets solides convenable, abordable et sécurisé et que toute activité d'incinération des déchets devra être stoppée.

A horizon 2030, l'objectif est d'assurer une "gestion soutenable et écologique" des déchets (UNEP, 2010).

A Accra, dans le cadre de la campagne BreatheLife, le sujet des déchets est abordé en réalisant notamment une sensibilisation dans les écoles, à travers des compétitions artistiques et des jeux, mais aussi auprès

du grand public, grâce à des équipes qui font du porte-à-porte pour dissuader les résidents de brûler leurs déchets et les encourager à faire appel aux services de collecte. L'annonce du maire d Accra a également coïncidé avec le lancement de plusieurs nouvelles initiatives audacieuses de la ville pour nettoyer les déchets, arrêter le brûlage des déchets et améliorer les espaces verts dans plusieurs quartiers les plus touchés par la pollution atmosphérique. Pour Helena Molin Valdés, responsable au CCAC : Leurs efforts pour intégrer la qualité de l'air et les mesures d'atténuation du climat profiteront non seulement à la santé et au bien-être des Ghanéens, mais contribueront également aux efforts mondiaux visant à limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés Celsius" (BreathLife, 2018).

Si la stratégie de sensibilisation de la municipalité est récente, des associations privées se sont engagées depuis plusieurs années dans cette tâche. C'est notamment la mission de l'ONG "Environnement 360" qui sensibilise et fait de l'éducation au tri des déchets dans les écoles au Ghana. En outre, l'ONG soutient la création d'économies circulaires en créant des systèmes de collecte inclusifs en travaillant avec le secteur informel (Environnement 360).

Ces initiatives de sensibilisation, si elles sont à encourager, doivent n anmoins s accompagner d actions politiques concr tes fortes pour r former la gestion des déchets à Accra.

Réinstaurer un service public de collecte des déchets fiable Lorsque la Accra Metropolitan Assembly stoppa son financement du ramassage des déchets, sa justification était que la seule façon de faire prendre conscience aux Acréens du besoin de bien gérer leurs déchets est de mettre en place un système de redevance

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individuelle pour la collecte de déchets. Néanmoins cette mesure ne semble pas avoir atteint l'objectif de sensibilisation souhaité. Le professeur en étude de gestion urbaine à l'Université du Ghana, George Owusu, soutient en effet que si les gens aujourd'hui ramassent leurs déchets, beaucoup ne savent pas où les entreposer. Selon Owusu, la municipalité d'Accra se doit de fournir les résidents avec des infrastructures adéquates afin que les Acréens éliminent leurs déchets. De plus un financement solidaire de ce service devrait être mis en place : le service devrait être gratuit et fiable, donc fournit par la municipalité et non par des opérateurs privés, dans les quartiers pauvres tandis que les ménages aux revenus moyens et élevés devraient être tenus de payer (Knott, S. 2018).

Aussi, certaines recherches ont rendu compte du manque, ou de l inexistence de collecte de donn es précises sur la production de déchets à Accra, et plus généralement au Ghana. Les chercheurs préconisent donc une meilleure collecte de données qui pourra permettre aux autorit s locales d avoir une meilleure connaissance des réalités du terrain et ainsi pouvoir adapter la collecte des déchets à ces réalités (Adipah, S., 2019).

Inclure le secteur informel L activit des travailleurs informels, qui est actuellement largement sous-évaluée, a un fort impact positif dans le recyclage, la récupération et la collecte des déchets des zones non desservies par les entreprises formelles et constitue une main d uvre essentielle qu il serait tr s int ressant de valoriser en fournissant notamment des moyens matériels, financiers, un cadre réglementaire et un guide de bonnes pratiques afin de limiter les déversements sauvages (Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013).

Les études montrent que le secteur informel est souvent plus actif et plus efficace que le secteur formel pour recycler et valoriser les déchets, en ce que les travailleurs de l informel ont une connaissance de la récupération et le recyclage des déchets valorisables, tandis que le secteur formel se cantonne de collecter et de traiter les déchets. De plus, à Accra, l inaccessibilité de certains quartiers du fait de routes en terre peu praticables par des véhicules de collecte de déchets justifie de prendre en considération les travailleurs de l informel.

Le secteur informel de la collecte des déchets est un enjeu qui touche beaucoup de villes dans les pays émergents, et certaines ont réalisé des partenariats entre les secteurs formel informel avec des résultats très satisfaisants. A Maputo, dans le cadre de l initiative "Gestion des déchets dans la grande région de Maputo (AGRESU)", une formalisation des

travailleurs appel s catadeiros a permis beaucoup plus de zones pauvres de la ville d'être couvertes par un service de collecte. Avant le lancement du projet, de nombreuses zones périphériques à faible revenu ne disposaient d'aucun service de collecte, et les catadeiros travaillaient dans des conditions extrêmement mauvaises à la décharge municipale, collectant les matériaux recyclables des ordures ménagères récemment livrées. Avec l'appui de ce programme, les catadeiros ont été enregistrés en tant que coopératives afin de mener des activités conjointes plus efficaces, à un niveau plus élevé et ont été intégrés dans le service officiel de collecte pour les zones défavorisées (Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013).

Bien gérer les déchets organiques dans une logique d conomie circ laire Les d chets organiques sont, nous l avons vu, un enjeu de taille à Accra. Ils représentent, en outre, un potentiel de recyclage important, dont la ville peut tirer grand profit. Deux initiatives à petite échelle laissent augurer qu une meilleure gestion est possible pour la ville dans son ensemble. Ainsi, une entreprise cr en 2003 Jekora Ventures s occupe de la collecte des déchets organiques et du recyclage des déchets de 60 entreprises dans la ville, essentiellement des hôtels et restaurants.

Figure 3 : Des bennes de recyclage Jekora Ventures dans une école à Accra

A une chelle plus importante, la Accra Composting and Recycling Plant est une entreprise qui propose un service de traitement des déchets et de recyclage dans le but de produire du compost biologique pour les fermes du Ghana et plus largement de toute la région. Depuis 2012, l entreprise re oit, s pare, traite et recycle des déchets solides et liquides de la ville d Accra pour ensuite vendre son propre compost ACARP Compost .

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déchets à la fois une solution sanitaire, environnementale, économique et sociale, autrement dit un système d économie circulaire.

Résoudre Agbogbloshie

Figure 4 : Le compost produit par la Accra Composting and Recycling Plant

Des initiatives similaires sont lanc es dans d autres villes en Afrique, comme le projet Africompost, soutenu par le consortium GoodPlanet-Gevalor-ETC Terra, et qui organise une valorisation des déchets organiques dans cinq villes africaines : Mahajanga (Madagascar), Lomé (Togo) et Dschang (Cameroun), Bouaké (Côte d Ivoire), et Antananarivo (Madagascar).

Figure 5 : Les coûts d une mauvaise gestion des déchets

Le principe est de mettre en place un système de tri et un compostage afin d am liorer la gestion locale des ordures ménagères, répondant en même temps aux problèmes de propret de la ville et d missions de gaz à effet de serre en provenance des déchets, tout en produisant du compost bénéficiant à l'agriculture locale. Par ailleurs, un tel système crée des emplois, faisant d une initiative technique de la gestion des

Dans le cadre de la campagne BreatheLife, la décharge d Agbogbloshie fait partie des premi res zones de la ville concernées par les nouveaux dispositifs de gestion des déchets (BreatheLife, 2018). Il est à noter que les véritables responsables derrière la situation de chaos à Agbogbloshie sont les acteurs impliqués dans le commerce des déchets électroniques. En particulier, des commerçants à Accra comme Michael Ninicyi, patron de Kofi Enterprise, une boutique de matériel informatique qui achète le matériel dans les cargos en provenance de Hambourg, récupère le matériel r parable qu elle revend et envoie les d chets Agbogbloshie (The New York Times, 2010).

Cependant, le problème ne se situe pas uniquement dans le pays de destination de ces déchets lectroniques, sa source demeure le pays d envoi, pays dont il serait nécessaire de rappeler et de réglementer la responsabilité, notamment en levant le voile sur cette pratique, ce qui permettrait une prise de conscience, notamment de la société consumériste en occident qui pousse à consommer toujours plus et donc à jeter davantage. Ces pratiques sont stratégiquement fomentées par les entreprises de produits informatiques qui pratiquent l obsolescence programmée, et dont, en fin de compte, les cons quences s exportent, mettent en péril les pays en développement et se répercutent indirectement sur le climat (Daum, K., Stoler, J. and Grant, R.J., 2017).

Conclusion Accra présente un important enjeu au niveau de la gestion des déchets sur son territoire. La collecte des déchets municipaux, actuellement laissée à la charge d op rateurs priv s, n est pas satisfaisante ce jour, conduisant à des décharges sauvages et à ciel ouvert, sources d mission de GES puissants. En outre, la décharge de matériel électronique d'Agbogbloshie, gérée de mani re informelle, o l on br le des m taux hautement nocifs pour la santé mais aussi pour l environnement en dégageant des fumées toxiques est un véritable défi pour la ville d'Accra. Des initiatives pour une gestion des déchets plus vertueuse à Accra commencent à émerger mais demeurent insuffisantes ce jour pour absorber la production de d chets d une ville en pleine croissance, vouée à dépasser prochainement les 3 millions d habitant.

Des mesures urgentes se doivent d tre prises par la municipalité pour inverser la tendance actuelle. Les déchets, en décomposition ou incinérés, ont un impact sur le climat en émettant des GES contribuant au réchauffement climatique. Mais au-delà de cet impact négatif, les déchets présentent également un potentiel positif de réduction des émissions de GES en se substituant d autres mati res utilis es pour produire de nouvelles matières, utilisables à des fins agricoles (le compost par exemple). C est le principe de l économie circulaire. Des solutions sont disponibles pour améliorer la situation à Accra, reste à poursuivre les efforts déjà présents et à développer des politiques municipales efficaces, levier fondamental dans la gestion des déchets à Accra.

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Sources des figures Figure 1 - http://www.cyrilabad.com/projects/projects/plasticbeach/ Figure 2

Oteng-Ababio, M., Arguello, J.E.M. and Gabbay, O., 2013.

Figure 3 https://www.theguardian.com/environment/gallery/2014/feb/27/agbogbloshie-worlds-largest-e-wastedump-in-pictures Figure 4

http://acarpghana.com/

Figure 5

http://www.africompost.org/

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