Le Furan, enquête de terrain

LE FURAN UNE RIVIÈRE ?

ENQUÊTE DE TERRAIN

Melaine Veillet & Rodrigue Barois-Allais

Le Furan, encore une rivière ?

Beaucoup de Stéphanois ne le savent pas, mais le Furan parcourt les souterrains de la ville, de Centre-Deux à la Terrasse, en passant par la place du Peuple.

Cependant, l’urbanité telle qu’on l’imagine n’est pas le seul paysage traversé par cette rivière. Même si tout le lit du Furan a été artificialisé et façonné par l’humain, trois ambiances principales s’alternent : le Pilat, Saint-Étienne et la confluence avec la Loire.

Mais que se passe-t-il aux transitions ? Quelles sont les particularités spatiales de ces lieux ?

Ces deux points de transitions trouvent leur singularité dans l’enfouissement d’une rivière, trop contraignante ou trop imprévisible en ville. C’est en tous cas les arguments les plus probables et les plus à même de justifier cette soustraction à la vue de tous de cet élément naturel. Mais il semble intéressant de tenter de décrire les archétypes urbanistiques que l’on peut observer afin de comprendre la mise en oeuvre et les raisons de cet enfouissement.

Les bouches d’entrée et de sortie du Furan ne sont que très peu représentées sur les cartes qui s’avèrent même parfois discordantes. La première est située à côté d’un parking de l’église Notre-Dame de Valbenoîte et la seconde est derrière l’autoroute A72 à l’entrée de Montreynaud, soit environ sept kilomètres de tunnels.

Le Furan est ainsi couvert sur environ 20% de sa longueur et l’on en vient à se demander s’il est toujours pertinent de le qualifier de rivière.

Ne serait-ce pas purement et simplement un égout ?

Déroulé de l’enquête de terrain 4.

Hypothèses spatiales Archétypes attendus Démarche d’enquête 6.

Enquête photographique Procédés Prises de notes 12.

Retour critique Pertinence Ouverture 13.

Annexes

< Ci-contre : tracé du Furan découvert et enfoui (pointillets)

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Hypothèses spatiales Avant d’arpenter les lieux qui nous intéressent, nous formulons des hypothèses spatiales sur ces lieux de transitions afin d’établir les singularités des imaginaires qui y sont liés. Il sera d’autant plus intéressant de comparer ces hypothèses et nos observations afin de soulever les divergences et convergences.

La première partie, plus sauvage et libre, se caractérise par un tracé en fond de talweg dans le parc naturel du Pilat. Nous avons déjà pu observer cela aux barrages du Gouffre d’Enfer et du Pas du Riot. La rivière est ici canalisée depuis plusieurs siècles pour se protéger des crues et fournir de l’eau à Saint-Etienne. Les abords sont plantés et arborés, la Nature domine la monumentalité des ouvrages jalonnant le Furan dans cette partie (figure 1).

La transition, l’endroit singulier où la rivière s’engouffre sous la ville de Saint-Etienne, est plus incertaine. Nous supposons que là où le bâti se densifie, la nécessité de s’affranchir de la limite tracée par le Furan devient trop forte. Un tunnel commence sous une route ou un immeuble, certainement inaccessible et bien protégé.

Après la première transition, le Furan est invisible. Celui-ci parcourt plus ou moins selon le tracé des routes les souterrains de la ville. Seuls quelques clous plantés au sol matérialisent le tunnel dans le quartier Tréfilerie. Certains accès doivent se faire depuis des plaques d’égout afin de permettre la maintenance de ce tunnel.

Tout laisse à penser qu’un cours d’eau couvert parcourant les tunnels sous la ville tient ici plus de l’égout que de la rivière. Le Furan est invisible, tout comme son tracé et peut-être que l’on continue à y déverser ses déchets.

Démarche d’enquête La première idée - avant tout logistique - a été de vouloir arpenter l’entièreté du Furan à vélo, de la source à la confluence et d’avoir une vision la plus objective et la plus complète possible des paysages traversés. Il s’est avéré plus pertinent et plus faisable d’un point de vue temporel de n’arpenter à vélo que le tracé couvert du Furan, de la bouche d’entrée à la bouche de sortie, au fil d’une journée. On peut ainsi se faufiler dans les petites rues, entendre les sons de la ville et parcourir les 7 kilomètres (et un peu plus) sans soucis.

Un relevé photographique systématique (à la manière de Guillaume Bonnel dans Anatomie d’une ville) mêlant argentique et numérique permet de documenter et de réaliser une base de données.

L’argentique, avec une pose longue contrainte par la quantité de pellicule restante et avec un traitement en laboratoire à posteriori, révèle le caractère séculaire du Furan et fait perdre la notion même de temporalité à l’observation des clichés.

Le numérique permet ici de stocker un grand nombre d’images et d’établir une base de données utile dans la partie exploratoire et réflexive finale.

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Figure 1 Le Furan découvert entouré par la nature

Figure 2 Le Furan s’engouffre sous la ville

Figure 3 Le Furan s’écoule sous la ville dans un tunnel

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Enquête photographique

Bouche d’entrée à Valbenoîte Le Furan s’engouffre sous la ville (tirage argentique fait au laboratoire de l’ENSASE puis scanné)

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Après les 2 kilomètres parcourus depuis l’école d’architecture, nous arrivons à côté de NotreDame de Valbenoîte et d’une usine qui semble désafectée. La pluie commence à tomber et personne n’est là. Le silence règne et accompagne le chant des oiseaux perchés dans les arbres bordant le Furan.

Nous sommes entourés de barrières en métal et l’accès aux berges et au tunnel est impossible.

L’extrême sombreur de la bouche d’entrée fait même froid dans le dos.

Nous décidons de remonter un peu le cours d’eau afin d’observer ce qui se passe en amont.

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Logements collectifs de Valbenoîte Le Furan serpente entre les immeubles (tirage argentique fait au laboratoire de l’ENSASE puis scanné)

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Ici, la percée verte du Furan sépare et met à distance des immeubles de 8 étages en moyenne.

L’atmosphère y est paisible, comme dans une cité jardin.

Les abords sont toujours difficiles d’accès et on observe même des déchets, de l’électroménager surtout, qui jalonne la rivière.

Une usine désafectée semblait rejeter des éléments dans le Furan, avec d’énormes coudes métaliques orientés vers le cours d’eau.

Plus loin le Furan à l’air de déranger : il est parsemé de gigantesques dalles en béton permettant de déservir des grands bâtiments avec des véhicules lourds.

Nous prenons la route vers Montreynaud et suivons le tracé du Furan sous la ville sur 7 kilomètres.

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Bouche de sortie à Montreynaud Le Furan déferle hors du tunnel (tirage argentique fait au laboratoire de l’ENSASE puis scanné)

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Le Furan ressort peu après le stade Guichard mais le tunnel est complétement invisible depuis la rue qui le surplombe. Seule une petite construction en bois dépasse, certainement là pour de la maintenance. Des grilles empêchent de passer mais nous repérons une échelle derrière des buissons qui nous permet de rejoindre le cours d’eau.

Le débit est plus important qu’à l’entrée : le vacarme de l’eau et son odeur nauséabonde marquent l’esprit. Mais la présence du végétal est plus importante.

Il n’y a aucune vraie protection du tunnel (grille ou caméra) car l’on peut le parcourir avec une bonne lampe torche. Restent à définir les risques respiratoires...

C’est apparemment un espace en marge qu’il semble inadéquat de montrer depuis l’espace public.

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Retour critique La méthodologie d’enquête adoptée a permis de confronter nos hypothèses liées à nos imaginaires du Furan construits depuis notre arrivée à l’école et les observations sur site à l’aide du relevé photographique et des prises de notes.

Il s’avèrent que les transitions ne sont pas seulement caractérisées par un tunnel et un cours d’eau passant sous la ville mais aussi par un environnement immédiat et moins immédiat. Dans les 2 cas, ce sont des espaces en marge, cachés du regard, difficiles d’accès et aucunement mis en valeur.

Couvrir un cours d’eau n’est pourtant pas un acte sans gravité. Beaucoup de villes se sont implantées le long de ceux-ci, qui sont vitaux au bon développement économique, urbanistique et social de celles-ci.

Peut-être que Saint-Etienne et les Stéphanois considèrent encore trop le Furan comme une menace ou une simple ressource utile aux industries passées du textile ou de la mine.

Il est tout à fait imaginable d’élargir le terrain d’enquête à partir d’éléments qui nous semblent singuliers le long du Furan et de poursuivre la réflexion amorcée ici.

Même s’il nous est impossible de répondre à la question à l’origine de notre enquête - le furan est-il une rivière ou un égout - celle-ci nous a donné un angle d’approche et d’arpentage particulier. Une telle dualité est finalement difficile à imaginer tant l’histoire du Furan, ses utilisations, les paysages traversés et les récits individuels sont nombreux et hétérogènes.

La base de données créée avec les photographies argentiques et numériques est certainement un moyen de mener des entretiens futurs, comme des points de départ pour les discussions afin de comparer nos conclusions et les récits individuels liés au Furan.

Par ailleurs, nous avons supposé que le paysage souterrain du Furan était monotone et homogène mais peut-être est-ce l’occasion de parcourir les tunnels et de relever les éléments singuliers en lien avec des utilisations ou des bâtiments importants de la ville.

Enfin, cette enquête a soulevé le questionnement suivant : est-ce qu’un projet de découvrir le Furan, sur sa totalité ou partiellement, est envisageable et quelles seraient les contraintes et impacts sur la ville et ses habitants ?

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Annexes

Valbenoîte

Abords

Logements

Projet de revalorisation

13

Tours de la Métare

Franchissement

Tunnel invisible

14

Nature

Déchets

Usines

15

6.4.4 Enquête de terrain Melaine Veillet & Rodrigue Barois-Allais

2023