R i c h a r da K e n i g s m a n JacquesaSojcher
L’homme à la valise est le juif errant. Le migrant a pris la main. L’oubli vide la valise
L a Va l i s e a b a n d o n n é e a été tiré à septante exemplaires sur velin d’Arches 270 g. dont dix exemplaires rehaussés à la main en tirage de tête. L’ensemble de ce tirage est constitué de treize lithographies originales de Richard Kenigsman et de poèmes de Jacques Sojcher. Il a été imprimé en mars 2017 sur les presses de l’Atelier Bruno Robbe à Frameries (Belgique).
Exemplaire numéro
L A a v a l i s e a a b a n d o n n é e
de l’humain.
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LA valise a b a n d o n n é e
Il porte la valise des souvenirs. Il ne te donnera plus jamais la main. Aucun document n’atteste que cela eut lieu. Tu inventes le visage et l’enfance.
L’avion a jeté ses bombes. La femme a pris la place du Crucifié. Personne n’est venu la sauver. Elle rejoint tous les morts sans résurrection.
Le monstre avale la bête. Quelque chose de sauvage demeurera. Tu ne sortiras pas indemne de cette image. Tu ne veux pas comprendre l’avenir.
Tu es devenu l’animal. Tu enfonces dans son corps le fanion de la possession. Le sexe ne cache plus le dÊsir. Ce qui te trouble : sa jouissance qui va venir.
L’animal n’est plus farouche. Elle a pacifié la bête pour que tu voies sa nudité éternelle. C’est l’icône de chair que tu aimes.
C’est une géante. Un visage, entre ses seins et sa chatte, sourit puérilement. Tu as toujours eu peur de la femme qui fume comme un homme.
Tu reviens, père, appuyé sur la canne du grand âge, auprès du corps à terre, dans le sang de celle qui fut ta femme, ma mère. La valise ne contient aucune trace du voyage.
L’enfant fait surgir la femme de son chapeau. Elle tient d’une main la colombe et de l’autre le chapeau qu’elle lui a dérobé. Il crie sa demande : qu’Eros soit Agapè. C’est le résumé de ta vie.
La femme se tient debout sur la queue d’une baleine. L’homme nu bande sans la regarder. Le désir a-t-il un objet ? Sommes-nous des figures ?
Le nombre donne le vertige. Mille e tre est une légende Les sexes dansent. Le désir est sans limite. La femme est l’oubli du mort.
Femme aux cheveux de sorcière, à la fourrure qui appelle l’animal mythologique à chevaucher les étoiles. Femme offerte pour la Cène de l’amour.
Femme Ă la chevelure noire, les cuisses ouvertes dans ton visage pour recevoir mes mots durcis par cette image.
Le corps a disparu. Il ne reste que l’esquisse d’une main et la valise de l’abandon. Tu n’attends plus son retour.