revue distorsions numéro 2

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Nulle part Quelqu’un, quelque part… Quelqu’un s’est présenté, au début, quelque part ; Un long cou blanc, un débardeur, un jean, s’est immiscé, enhardi, installé ; Puis il t’a envahi, et soudain, disparu. On avait dit, je reviens. On avait dit, je reviens. Et depuis… Ce quelqu’un que l’on croise, qu’on oublie, qu’on recroise… dont on ignore le nom, la forme et la couleur des yeux. Quelqu’un de mémorable, aperçu quelque part dans un coin du 20e, un soir au téléphone qui donnait rendez-vous, demandait : « viendrez-vous ? On attend quelque part, où l’on vous dira tout... »

Ce rendez-vous serait debout, dans le couloir d’un train, le front presse contre la vitre noire, renvoyant son visage en miroir, sur un fond de campagne ombreuse, crépusculaire ; filant à grande vitesse vers un est lointain, inconnu. La où peut-être on l’aura aperçu. Courant entre deux gares, vers ce train mais trop tard, visage pâle, ferme, férocité du vacarme métallique, sous les toits hauts, les carreaux sales ou le vol des pigeons se mêlent au fracas de la foule. Entre alors quelque part, s’extrait provisoirement dans l’ombre, le silence d’un café délabré. Si c’était elle un jour croisée rue de la Gaité, qui passait entourée, jacassant perchée à l’angle d’un trottoir, long manteau de skaï noir brillant, comme les cheveux courts et plaqués, tête fièrement relevée et cigarette en l’air. Elle n’était plus la même mais tu t’es souvenu : elle allait sur les quais, bords de Marne, après-midi gris de novembre ou février - hiver 77-

Puis quelque part, plus tard, entre couloirs et cours, entre caresses et coups Innocente étudiante, 17 ans peut-être, te parlait d’une voix pointue ? T’admirait d’un regard de sangsue Ou bien ce vieil ami, présent là par hasard, avant de tout lâcher et de n’être plus rien ; quelque part disparu pour ne plus revenir, sauf un vague souvenir dans l’esprit de quelqu’un ou quelqu’une ; un visage oublié, d’allure générale plutôt floue…. Quelqu’un montrait du doigt : « ici est sa maison, il y vécut et reviendra sûrement. Il n’était pas facile d’accès, secret. Un jour, on s’est croisé, il m’a toisé et repoussé de son air sombre. Lorsque quelqu’un a ri, il s’est mis sur son 31, est monté sur ses grands chevaux, pour aller, croyait-il, espérait-il,

Quelque part où il serait quelqu’un… Jean-Paul Effe


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