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__________________Comunicación

y Música: mensajes, manifestaciones y negocios

trouvons. En effet, dès notre arrivée à Calais début Mars 2018 (qui, hasard des calendriers, à coïncider avec le début de la distribution de nourriture «assumée» par l’Etat) nous avons immédiatement senti, Laurent (deuxième cameraman) et moi, une certaine méfiance, voire une franche hostilité des migrants, vis à vis de la caméra. Bien que, de part notre démarche et le matériel que nous utilisions, nous ne nous affichions pas comme des journalistes, les migrants refusaient de s’exprimer devant la caméra, même en usant des dispositifs habituels pour garantir l’anonymat. Nous étions surpris, car je savais qu’à l’inverse, lorsque je suis allait filmer les migrants coincés dans les forêts aux abords des frontières espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, le dialogue se faisait plus facilement et la confiance s’établissait vite. Il y avait à l’évidence, de leur part, un besoin de raconter, de témoigner, de montrer. Or ce besoin était dû en grande partie au fait que les médias marocains, muselés par le gouvernement, taisaient délibérément le problème migratoire, rendant les migrants «invisibles» aux yeux de l’opinion publique, et permettant aux autorités de leur infliger les pires traitements. La caméra arrivait donc comme une libération de leur parole, un outil audio et visuel idéal pour enfin témoigner de leur situation, espérant ainsi toucher l’opinion publique international. A Calais, en échangeant rapidement avec quelques migrants, nous nous sommes retrouvé face au problème inverse: les migrants sont ici sur-médiatisés. Or loin d’être bénéfique, cela amène de nombreuses dérives, à commencer par le respect de leur anonymat. Venant «voler» quelques images pour leur sujet, les journalistes et les cameraman filment les migrants à distance, sans consentement, et utilisent ensuite ces images comme bon leur semble sans prendre la peine de flouter les visages. Images qui se retrouvent ensuite sur internet via les nombreuses plateformes vidéos à disposition, accessibles n’importe où dans le monde. Et c’est ainsi que certains migrants ont été retrouvés, alors qu’ils cherchaient précisément à fuir leur pays ou leur famille. La confiance entre les migrants et la caméra a donc été «sappé» par le travail journalistique, rendant difficile toute approche immédiate avec la caméra. Toute la difficulté de notre démarche documentaire est donc de trouver la juste place de la caméra afin que celle-ci, au-delà de son rôle de témoin, se mette véritablement au service de la parole des migrants. Comment rétablir la confiance? Que pouvons-nous filmer? Comment adopter le point de vue des Página 156

ISBN: 978-84-16458-83-7/ D.L.: TF- 934-2017/DOI: 10.4185/CAC128


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