Trimestriel Regards n°49 - Hiver 2019

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Maglone, en contact avec beaucoup d’entre eux lors de ses visites. « On doit évidemment assurer beaucoup de soutien psychologique, pendant et après », ajoute-t-elle. Pour Nelson, la survie dans l’espace carcéral se fait au prix d’angoisses et d’un stress que seule l’écriture soulage un peu. « Je ne dormais pas, je passais toute la nuit à écrire. J’écrivais quinze pages sur ce qui se passe là-bas, dans les cellules », confie-t-il la tête baissée. Lassana, lui, évite les promenades et essaye de rester discret pendant les repas, à « l’heure de la gamelle ». L’accès à la bibliothèque, ardemment souhaité pour échapper à leur quotidien, leur est refusé jusqu’à la fin de leur incarcération. LIVRÉS À EUX-MÊMES

Pour résister, les options sont limitées. Faire appel, face aux tentatives du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) d’en dissuader les mineurs, a quelque chose qui relève du parcours du combattant. « Mon avocate commise d’office m’a dit qu’elle ne pouvait plus m’accompagner », ajoute Lassana, qui a dû retrouver une autre avocate en urgence. Pour déconstruire les accusations du parquet, la question de l’altérité du droit

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étranger devrait idéalement pouvoir être verbalisée. Les autorités françaises considèrent dans bien des cas que les papiers guinéens ou camerounais sont des « faux », une attitude qui témoigne du caractère de plus en plus répressif des décisions de justice à leur égard. Pour Oumar, Nelson et Lassana, la contestation argumentée de leurs avocats n’aboutit pas à un changement de décision, et le passage en appel confirme leur peine, assortie pour Nelson d’un envoi en CRA (centre de rétention administrative) – avant qu’il ne soit finalement transféré vers un centre de soins psychiatriques. Ibrahim sera pour sa part déclaré innocent en appel et reconnu mineur quelques jours avant sa sortie. « Il a donc fait cinq mois de prison pour rien, ce qui est extrêmement grave », déplore Sophie Baumel, son avocate. Pour ceux qui voient leur peine confirmée en appel, l’enfermement se poursuit. En général, un placement en rétention pour une ou plusieurs semaines, parfois suivie d’une expulsion en cas de reconnaissance du pays d’origine, est privilégié. Mais dans la plupart des cas, les mineurs sont livrés à eux-mêmes une fois sortis de prison. « On m’a libéré un matin sans me prévenir, et


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