La Russie d'Aujourd'hui- Février 2011

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Le 50 ème anniversaire du 1er vol humain dans l’espace

Lioudmila Oulitskaïa ou le chaînon manquant

Distribué avec

Entretien exclusif avec la romancière qui a reçu le Prix Simone de Beauvoir. P. 7

Les blinis sans états d’âme Les Russes donnent libre cours aux tentations du Mardi gras avant les privations du Carême.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

P. 8 RIA NOVOSTI

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 16 février 2011

Sécurité Colère et résolution après l’attentat dans la capitale

Moscou face au défi terroriste Après l’attentat de l’aéroport international Domodedovo, le Kremlin affiche sa volonté de renforcer la sécurité mais se heurte à l’inefficacité des mesures prises jusqu’alors.

La pilule douanière Alors que les producteurs de médicaments étrangers dopent leurs positions en Russie, Moscou annonce des mesures protectionnistes pour relancer son industrie pharmaceutique. RACHEL MORARJEE

BUSINESS NEW EUROPE

CHARLYNE DODIER

Lorsque le Président Dmitri Medvedev a effectué une visite surprise dans l’une des principales gares ferroviaires de Moscou le 10 février, il n’a non seulement pas vu un seul détecteur de métaux pour filtrer les voyageurs, mais il n’a pas non plus croisé un seul policier. Dix-sept jours après le drame qui a coûté la vie à 36 personnes et en a blessé 200 autres, il a dû constater que les promesses faites à la population pour assurer sa sécurité ne sont guère suivies d’effet dans les services responsables. Exaspéré, le président russe a menacé de faire tomber des têtes et donné trois jours au patron des chemins de fer russes pour « mettre de l’ordre dans les gares de Moscou puis venir s’expliquer dans mon bureau ». Ce n’est pas la première fois que le chef de l’État exprime sa frustration.

ITAR-TASS

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le Président Medvedev a procédé à plusieurs visites surprises pour inspecter les grands centres névralgiques de la capitale.

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Opposition Le dur retour à la réalité de la réaction musclée

PHOTO DU MOIS

La matraque retombe sur les ‘mécontents’

Les futures coupoles de Paris

VERONIKA DORMAN

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« La Russie sans Poutine ! », scande la foule. Lundi 31 janvier, c’est l’heure de pointe à Moscou, et l’opposition se réunit comme tous les 31 des mois qui ont 31 jours pour défendre l’article 31 de la Consti-

tution, celui qui garantit le droit de rassemblement. Les émeutes égyptiennes sont dans tous les esprits, et les orateurs, à la tribune, comparent Poutine à Moubarak. Sauf que les manifestants moscovites sont moins d’un millier, parqués sur une place exiguë assiégée par deux mille policiers et militaires. En novembre, les autorités de la capitale ont fini par consentir à cette manifestation sur la place Trioumfalanaïa, sans renoncer à mobiliser massivement uniformes et matraques et à em-

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Projet de Rudy Ricciotti, l’une des dix propositions architecturales pré-sélectionnées pour le futur centre orthodoxe russe de Paris.

Pas de panique sous le soleil

Passeport pour la gloire

Offensive bancaire

Les touristes russes en Égypte ont majoritairement refusé d’écourter leurs vacances au plus fort des manifestations qui ont secoué le pays.

Décidée à mettre toutes les chances de son côté, la Russie se décide pour la première fois à naturaliser des sportifs étrangers de haut niveau, susceptibles de décrocher des médailles olympiques.

La banque d’ État russe VTB part à la conquête de l’épargne des Français en se lançant sur le marché des comptes à terme à l’aide d’une stratégie très agressive.

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PHOTOXPRESS

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OPINIONS

Eltsine : quand la foi survit aux échecs

WWW.UDPRF.RU

La contestation politique et sociale a enflé tout au long de 2010. Tantôt intraitable, tantôt vaguement conciliant, le pouvoir semble avoir opté pour la répression au lieu du dialogue.

barquer les militants par dizaines, souvent avec violence. Le 31 décembre dernier, quelques chefs de file de l’opposition ont été arrêtés et condamnés à des peines de 5 à 15 jours d’incarcération. Sortis de prison, Boris Nemtsov, l’ex-vice premier ministre devenu opposant, Edouard Limonov, chef du parti national bolchévique, et Ilya Iachine, membre du parti de la liberté du peuple, ont expliqué qu’il s’agit d’une « loukachenkisation » (en référence au dictateur biélorusse récemment réélu dans un climat de violence) du régime de Poutine. Selon eux, le premier ministre s’applique à concentrer despotiquement tout le pouvoir entre ses mains.

L’an dernier, le premier ministre Vladimir Poutine a annoncé un plan sur vingt ans de modernisation de l’industrie pharmaceutique nationale, assorti d’un financement public de 2,2 milliards d’euros, qui devrait permettre aux sociétés russes d’être plus présentes sur les marchés internationaux. Le chef du gouvernement a déclaré qu’il voulait que 90% des médicaments essentiels et 50% de l’équipement soient fabriqués en Russie d’ici à 2020, et que l’exportation des produits pharmaceutiques soit multipliée par huit. Les entreprises pharmaceutiques et les fabricants de matériel médical étrangers qui n’importeront pas leurs technologies et leurs usines en Russie feront face à des restrictions sévères sur les ventes de leurs produits dans le pays, a-t-il prévenu. « Nous créerons des restrictions sur notre marché s’ils n’importent pas leurs usines et leurs technologies », a prévenu Poutine, ajoutant que des barrières douanières seraient mises en place. progressivement.

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Le diplomate Wayne Merry était en poste à l’ambassade américaine à Moscou lors du premier mandat de Boris Eltsine, dont il garde un souvenir admiratif. Il évoque aussi les deux graves erreurs que furent selon lui la guerre en Tchétchénie et le second mandat. PAGE 8

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Politique

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

La matraque retombe sur la tête des « mécontents » suite de la première page

migration 12 000 russes ont regagné leur patrie Le programme gouvernemental d’aide au retour volontaire a permis d’atteindre un chiffre record avec l’arrivée de 12 000 anciens citoyens soviétiques l’année dernière, soit une hausse de 30% par rapport à 2009, a déclaré le Service fédéral de Migration de la Russie. Environ 31 000 personnes avaient déjà regagné la Russie avant le lancement du programme en 2007. Les prévisions ini-

ilya varlamov

Le correspondant à Moscou du quotidien londonien The Guardian, Luke Harding, a été expulsé du territoire russe le 6 février, du jamais vu depuis la fin de la Guerre froide. Selon le journaliste, il s’agissait d’une mesure de rétorsion après une série d’articles sous sa plume, présentant le Kremlin sous un jour peu favorable dans le cadre des révélations de WikiLeaks, largement reprises

il l’a dit

Vladimir Ryjkov L’un des quatre membres fondateurs du parti de la liberté du peuple

"

avec le peuple (quatre heures de questions-réponses en direct), le premier ministre Vladimir Poutine a expliqué ouvertement qu’il ne laisserait pas l’opposition, les Nemtsov, Ryjkov et autres Milov, membres fondateurs du parti PARNAS, « accéder à la mangeoire ». « Ce jour-là, Poutine a scellé le sort de la démocratie. Il est entré en campagne pour les élections de 2012 en faisant bien comprendre qu’il n’y aurait

Nous avons douze priorités législatives qui forment le programme de notre parti, dont quatre principales : vaincre la corruption systématiquement, mettre sous contrôle l’appareil d’État et les services de sécurité, rétablir des élections libres et équitables, et créer des conditions confortables pour les affaires et la société civile ».

aucun transfert démocratique du pouvoir », ne doute pas Vladimir Ryjkov. Mais ce qui ne tue pas l’opposition devrait la renforcer. « Nous n’avons pas le droit moral de montrer notre faiblesse », s’emporte Iachine, « le pouvoir veut effrayer ceux qui se prononcent contre lui, mais nous allons continuer à défendre la Constitution ». Seulement, si les leaders et les militants actifs ont la rage au

corps, ils peinent toujours à se constituer une véritable base populaire. Pour Denis Volkov, du centre Levada, c’est parce que leur combat demeure trop abstrait pour le Russe ordinaire, qui ne comprend pas à quoi lui servirait le droit de se rassembler s’il n’a pas celui de vivre dignement. « Les gens sont prêts à défendre leurs intérêts particuliers dans une forme d’opposition sociale, mais ils ne reconnaissent pas en Nemtsov un homme qui s’intéresse à leurs problèmes », explique le sociologue. Ce n’est qu’une question de temps, conclut Nikolaï Petrov : « Les problèmes qui agitent la société ne seront pas résolus en 2011, le mécontentement ne fera qu’augmenter. L’opposition se fédère. Quand la protestation aura gonflé et que les mécontents se chercheront des porte-parole, les opposants seront au rendezvous ». Boris Nemtsov y est déjà, toujours fringant : « Dans l’état actuel des choses, les gens ont besoin d’un parti comme le nôtre. Nos chances augmentent à chaque tour de vis du pouvoir ».

Tourisme Les émeutes égyptiennes ne gâchent pas les vacances des Russes

Alexander Bratersky The Moscow Times

Émeutes ? Connais pas ! Seuls 30% des touristes auraient accepté d’écourter leur séjour en Égypte, alors que les opérateurs s’efforcent de convaincre les vacanciers de rentrer au bercail, selon Maya Lomidze, directrice de l’Union russe du tourisme. Certains Russes continuent à partir pour l’ Égypte, organisant leur voyage indépendamment, sans passer par les voyagistes, a révélé la porte-parole de l’association du tourisme Elena Tiourina. L’État n’a ordonné aucune évacuation, les touristes se voyant simplement offrir la possibilité de changer leur billet de retour pour une date plus proche. Les touristes russes opposés au

retour prématuré seraient influencés par les Anglais, qui continuent d’affluer vers les stations balnéaires de la mer Rouge, Hourgade et Sharm el-Sheikh, estime Mme Lomidze. Mais peutêtre est-ce l’inverse ? Les cinq principales compagnies touristiques ont déclaré avoir achevé de rapatrier leurs clients autour du 7 février, a indiqué l’Union russe du tourisme sur son site Web. Les cinq poids lourds de l’Union assurent près de 90% des voyages , indique ErPortal.ru. Les acteurs plus modestes de la filière se sont également manifestés. « Nous avons cessé les ventes (de voyages en Égypte) jusqu’à ce que la situation revienne à la normale », a déclaré le 4 février au Moscow Times un porte-parole de l’agence Elite Tours basée à Moscou. L’ Égypte tente tant bien que mal de renouer avec la normalité après plus de deux semaines de violentes manifestations politiques et de combats de rue qui

ont fait des centaines de victimes. Les banques reprennent épisodiquement leurs opérations et l’opposition entame des négociations avec le gouvernement, mais difficile de dire si cette trêve sera durable. Plus de 300 personnes ont été tuées et des dizaines blessées depuis le 25 janvier, date à laquelle les manifestants ont investi les rues pour exiger le départ d’Hosni Moubarak. On n’a constaté aucune violence

chiffre - clé

10% C’est la fréquentation russe sur le total des visiteurs étrangers en Égypte. Selon les chiffres de l’industrie touristique, près de deux millions de Russes ont séjourné dans ce pays en 2009.

dans les villes balnéaires, mais la qualité des services offerts aux touristes est réduite, selon les voyagistes qui précisent que certains hôtels avaient annulé le mode de restauration « tout compris » pour les clients. Les organisateurs ont proposé des destinations alternatives comme la Turquie et la Thaïlande pour les personnes ayant réservé des voyages en Égypte. La Turquie est d’ailleurs la première destination touristique des Russes devant... l’ Égypte. Les conséquences de la « révolution du Nil » sur l’industrei touristique russe sont difficiles à évaluer, d’autant qu’Elena Tiourina qualifie la situation de « sans précédent ». Février est la saison basse (c’est aussi le mois le plus froid en Russie), et la plupart des voyages vendus à cette époque sont à bas prix. Mais sans doute faut-il plus qu’une révolution pour décourager les Russes de partir ou les faire rentrer avant l’heure dans leurs contrées septentrionales !

par son quotidien. Le ministère russe des Affaires étrangères a invoqué un problème d’accréditation. Problème réglé six jours plus tard, l’ambassade de Russie à Londres ayant délivré un nouveau visa au correspondant britannique. Harding avait réagi dans les colonnes du Guardian, jugeant impensable « que les journalistes puissent accepter l’autocensure ».

économies d’énergie la russie à l’heure d’été toute l’année

itar-tass

La Russie, comme de nombreux pays, changeait d’heure deux fois l’an. Eh bien, cette pratique est désormais révolue par oukaze du Président Dmitri Medvedev officialisé le 8 février. Les pendules seront avancées d’une heure pour la dernière fois au printemps prochain, fixant ainsi l’heure définitive du pays. Pourquoi une telle réforme ? Outre une volonté affichée du chef de l’État dès 2009 de réduire le nombre de fuseaux horaires en

Pas de panique sous le soleil Une large majorité des 30 000 touristes Russes ont tranquillement continué de bronzer sur les plages égyptiennes malgré les efforts de leurs voyagistes pour les rapatrier.

tiales chiffraient à quelque 30 000 le nombre annuel de retours au pays. Désormais, les efforts seront concentrés sur la qualité, et non la quantité de ces retours, a indiqué le directeur du Service de Migration, Mikhail Tiurkin, ajoutant que de nombreuses personnes qualifiées - spécialistes, scientifiques ou hommes d’affaires - étaient venues s’installer en Russie grâce au programme d’aide.

médias Un correspondant étranger expulsé... puis réadmis

itar-tass

Nikolaï Petrov, expert au Centre Carnegie de Moscou, est plus nuancé. Il n’est pas convaincu qu’en agissant contre une manifestation autorisée, le pouvoir ait annoncé une nouvelle stratégie répressive. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une réaction ponctuelle. « Les actions de rue se sont popularisées partout en Russie, et visiblement les autorités sont dépassées. Mais il est plus facile de s’attaquer à des « porteurs de barbichette » (comme Poutine appelle les opposants), qu’à une foule énervée de fanatiques de foot ». Le 11 décembre, 5 000 jeunes ont brutalement tenu tête aux forces de l’ordre, sous les murs du Kremlin. Depuis, Poutine accuse l’opposition libérale d’avoir lancé cette mode nuisible des manifestations de rue. Il est vrai que durant toute l’année 2010, la contestation de rue a pris de l’ampleur, encouragée peut-être par les déclarations du Président Medvedev favorables à la critique du pouvoir. Reste que l’étau ne s’est jamais vraiment desserré et qu’à la veille de la nouvelle année, ce même pouvoir a de nouveau brandi la matraque. Déjà, durant les dernières semaines, les quelques petites percées qui avaient pu faire penser à un assouplissement de la poigne dirigeante ont volé en éclats. La défense acharnée de la forêt de Khimki (condamnée par un projet d’autoroute), cause écolo devenue politique, avait porté, semblait-il, ses fruits : face à l’ampleur de la protestation, pendant l’été, Medvedev avait décidé de tendre l’oreille et suspendu le chantier… qui a repris de plus belle en décembre. Se souvenant que l’union fait la force, les leaders des mouvements démocratiques et libéraux ont décidé de se rassembler au sein du Parti de la liberté nationale (PARNAS) « Pour une Russie sans arbitraire et sans corruption », afin de présenter une liste aux législatives de 2011 et un candidat unique aux présidentielles de 2012. Mais lors de sa conversation télévisée annuelle

en bref

Russie, des raisons d’ordre pratique ont été invoquées. La nuit tombera ainsi moins tôt et les citoyens seront débarrassés du stress inutile de ce changement d’heure qui perturberait l’horloge biologique humaine. Quoi qu’il en soit, il faudra dès l’automne prochain prendre en compte cette nouvelle heure russe pour calculer le décalage horaire avec la France, qui passera donc à trois heures pour une moitié de l’année, contre deux actuellement.

polémique l’adieu de lénine à la place rouge à l’ordre du jour

AFP/eastnews

Le parti du pouvoir Russie Unie relance la polémique autour du Mausolée de Lénine, sur la Place Rouge. Le député de Russie Unie Vladimir Medinski veut voir le leader révolutionnaire enterré. Selon lui, la personnalité de Lénine porte à controverse et il estime sa présence au cœur de Moscou « absurde ». Même si une majorité de Russes semblent favorables à l’enterrement du corps de Lénine, la résistance reste forte, en particulier du côté

des communistes. En outre, beaucoup, sans être opposés à l’inhumation, jugent la démarche prématurée. Pour atténuer la polémique, des solutions sont envisagées, comme l’accueil de la tombe dans un cimetière militaire commémoratif dans les environs de Moscou. La fermeture du Mausolée, quant à elle, n’est pas envisagée ; le Mausolée serait conservé pour sa valeur historique et architecturale et transformé en musée.


Société

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Moscou face au défi terroriste

Sport Moscou joue la naturalisation des sportifs de haut niveau

Passeports pour la gloire sous la bannière russe La russie d’aujourd’hui

C’est le monde à l’envers. La Russie avait la réputation d’exporter des sportifs de haut niveau. Désormais, elle en importe : il faut compenser les pertes après deux décennies de « fuite des muscles ». À l’approche des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi en 2014, il faut à tout prix effacer la grosse déconvenue deVancouver en 2010. L’importation de talents étrangers est désormais perçue comme une chance pour les sportifs locaux. « Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les chances de la Russie à Sotchi, mais de créer un bon environnement compétitif pour les athlètes russes », précise l’attaché de presse du Comité olympique, Sergueï Averianov : « Quand ils s’entraînent avec des partenaires plus forts, ils s’améliorent ». Le virage est déjà amorcé. Les Américains John Robert Holden et Rebecca Hammon, les plus célèbres espoirs olympiques naturalisés, sont devenus capitaines de leurs équipes de basketball respectives. La patineuse artistique Yuko Kawaguchi, née au Japon, est devenue une vedette nationale après avoir représenté la Russie aux JO de Vancouver. Les satisfactions sportives que peut apporter la prise de la nationalité russe ne sont cependant pas sans contrepartie. Les « nouveaux Russes » doivent surmon-

Dmitri Medvedev a déjà limogé les principaux chefs du service des transports du ministère de l’Intérieur, ainsi que certains responsables du FSB (ex-KGB), pour laxisme et corruption. Pourtant, les autorités russes ont voulu projeter une image très réactive après le drame de Domodedovo. Le Parlement a approuvé vendredi 28 janvier, quatre jours après les attentats, un nouveau système d’alerte sur la menace terroriste fondé sur un code couleur. La lutte contre le terrorisme mobilise déjà d’énormes moyens et se traduit par des opérations militaires massives. En 2010, selon les chiffres du Comité anti-terrorisme publiés en octobre dernier, les services spéciaux russes ont éliminé 301 terroristes et en ont arrêté 468. Le scepticisme règne parmi les observateurs quant aux solutions envisagées par le pouvoir. « Il reste beaucoup à faire », souligne Oleg Orlov, directeur de l’organisation non gouvernementale russe Mémorial. Selon lui, la solution au problème se trouve à sa source, dans le Nord Caucase. « Résoudre les problèmes sociaux, répondre aux attentes de la société, voilà la solution », insiste-t-il. Les autorités russes ont lentement pris conscience que la méthode du « tout répressif » ne fonctionnait pas. Mikhaïl Marguelov, représentant du parti au pouvoir Russie Unie, au Conseil de Sécurité de la Russie, admet la difficulté des autorités à appréhender la question du terrorisme : « Si nous ne pouvons

L’Hexagone va beaucoup plus loin Sur les 23 joueurs de l’équipe de France de foot, 19 sont d’origine étrangère. En 2005, aux championnats du monde d’athlétisme à Helsinki, parmi les 52 athlètes de l’équipe de France, sept étaient des Français naturalisés, dont Eunice Barber, de la Sierra Leone, qui a remporté pour la France une médaille d’argent et une de bronze. Le directeur technique de

l’équipe a déclaré au Figaro que la France « a toujours été une terre d’accueil » et que la direction de l’équipe n’a pas d’objectif en soi d’accélérer les naturalisations. La coureuse de demi-fond Maria Martins, originaire du Cap-Vert, est toutefois persuadée que c’est précisément la Fédération d’athlétisme qui l’a incitée à devenir française.

pas lutter contre les sources du terrorisme, nous mettrons fin au rhume et non pas au virus qui l’a déclenché. Et pourtant c’est le virus qu’il faut détruire ». Finalement, pour mettre en place un véritable programme de lutte contre le terrorisme, les autorités doivent « officiellement reconnaître l’échec de leur politique dans le Caucase , estime Olga Allenova, journaliste de Kommersant, car c’est précisément cette politique qui a été la cause de l’entrée du terrorisme dans nos vies ». La tragédie de l’aéroport n’est que la dernière d’une longue série. Depuis 1999, la Russie a subi de nombreuses attaques meurtrières. Les autorités peuvent au moins se targuer de pouvoir identifier l’ennemi. Suite aux deux conflits de 1993 et 1999 entre forces russes et indépendantistes en Tchétchénie, la rébellion tchétchène a débordé de ses frontières initiales, prenant place dans de nombreuses régions du Nord Caucase. La police russe et les civils sont la cible régulière d’attentats perpétrés dans la région. Doku Oumarov, émir du Caucase autoproclamé et leader des séparatistes islamistes tchétchènes, a revendiqué la plupart des attentats organisés contre des civils russes, dont celui de Domodedovo. Il a promis début février « une année de larmes et de sang » et affirmé qu’il disposait de 60 volontaires prêts à « se faire sauter » pour sa cause. Combien de colères présidentielles seront-elles nécessaires pour désamorcer ces bombes humaines du Caucase ?

Sondage pas une espionne, que je voulais juste participer aux JO. Et si j’avais été sélectionnée dans l’équipe américaine, je me serais défoncée de la même manière pour les États-Unis », a confié Rebecca Hammon au journal Sovetsky Sport. L’envie de participer aux plus grandes épreuves internationales le dispute aux rêves d’argent et de gloire. La patineuse Kawaguchi est arrivée à Saint-Pétersbourg pour s’entraîner avec la célèbre Tamara Moskvina. Au pays, sa décision n’a pas été bien reçue non plus. « J’ai lu

beaucoup de commentaires méprisants », a-t-elle confié à Reuters. « On m’a même qualifiée de traître, mais je ne suis pas offensée. Je n’ai pas cessé d’être japonaise, mais j’ai décidé de patiner pour la Russie parce que je n’avais pas de partenaire suffisamment bon au Japon ». En Russie même, on émet des réserves, et non des moindres, comme celle du ministre des Sports Vitaly Moutko : « D’une façon générale, la naturalisation d’étrangers pour concourir dans les équipes nationales est un mauvais choix ».

levada.ru

Yulia Taranova

ter les rudes obstacles de l’apprentissage de la langue et de la culture en dehors des entraînements. A quoi s’ajoute une souffrance morale due au fait d’être rejeté des deux côtés. « Les médias ont été très critiques », explique Holden. « Mais c’est la vie, et les grandes chances vont de pair avec beaucoup de bon et de mauvais », conclut-il avec philosophie. Natif de Pittsburg en Pennsylvanie, John Holden est arrivé à Moscou en 2003 avec ses préjugés : « Comme la plupart des Américains, je croyais que la Russie ressemblait à ce qu’on en voit dans le film Rocky ». Le jeune basketteur, non sélectionné par la NBA – le championnat américain – avait été remarqué par plusieurs clubs européens. Il a fini par choisir le CSKA de Moscou et par obtenir la nationalité russe. Holden a mené le CSKA à deux championnats de l’Euroligue, et l’équipe nationale au titre de champion d’Europe en 2007 avec un panier à la dernière minute contre l’Espagne. Hammon, qui joue dans l’équipe nationale féminine de basket, est arrivée en Russie pour devenir championne olympique. Après avoir joué huit ans dans des équipes américaines, elle n’a pas été retenue par les sélectionneurs de l’équipe nationale. Sa décision de partir a provoqué un tollé aux États-Unis et la responsable de l’équipe nationale l’a même traitée d’ « antipatriote ». « Ce que j’ai dû entendre chez moi ! J’étais presque accusée de haute trahison. Mais j’ai expliqué à tout le monde que je n’étais

suite de la Première pAGE

imago/legion media

La course aux médailles a conduit à briser un tabou patriotique. Mais la délivrance de passeports aux étrangers susceptibles de rapporter de l’or ne fait pas l’unanimité.

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Tourisme Escapade en Kalmoukie, une région mystérieuse aux portes de l’Europe, bordée par la steppe et la mer Caspienne

Buddha est un champion d’échecs Igor Stomakhin

Russkiy reporter

Il existe bien une gare ferroviaire à Elista... mais elle n’est plus desservie. Les vols étant rares et onéreux, j’ai donc fait le voyage en car. En arrivant à la gare routière, je monte dans le minibus en direction de la principale attraction de la ville : son temple bouddhiste (Khurula). Le minibus contourne plusieurs immeubles et déboule sur une rue datant de l’ère Khrouchtchev. D’un romantisme ! Une architecture surannée, toutefois compensée par les réverbères au style oriental et les nombreuses sculptures qui ornent la ville. Cavaliers et musiciens, lions et chameaux sont là pour m’accueillir. Et

même un sphinx, semblable à ceux d’Égypte, mais avec une tête de kalmouke ! Enfin apparaît le plus grand temple bouddhiste d’Europe. Un travail d’orfèvre, avec ses lotus couronnant le porche, ses marches et fontaines en cascade. Sur la pancarte, à l’entrée, est inscrit que le matin, dans ce lieu, on expulse les mauvais esprits. La journée, on médite et l’on chante. Le soir, enfin, on commémore les morts. L’intérieur est jauneorangé, orné de dorures, de tapis. Et puis il y a la musique, les multiples senteurs de l’encens, et l’immense statue de Bouddha. Dans la cour, les visiteurs se pressent autour de la statue du vieux Sage Blanc. Les plus âgés déposent des douceurs et des fruits à ses pieds, et caressent la sculpture d’un petit saïga, ce chevreuil des steppes. Quant aux jeunes, ils photographient l’immuable ancêtre avant de le mettre en fond d’écran sur leur téléphone.

pour Se rendre à ELISTA

2h en avion (270 euros A/R). En bus depuis Moscou, compter environ 20 heures. Départs chaque jour à 14h et à 19h, depuis l’hôtel Yunost. Le billet coûte 1 350 roubles (33 euros).

où loger ?

L’hôtel Elista, dans la rue Lénine, est un établissement soviétique restauré. Il propose des chambres doubles « luxe » avec un minimum de confort pour 2 500 roubles la nuit (environ 60 euros).

photoxpress

La capitale de la Kalmoukie offre un singulier îlot d’exotisme bouddhiste, digne des temples tibétains. Elista est aussi la capitale des échecs et des idoles iconoclastes.

Khurula, le plus grand temple bouddhiste d’Europe.

Le Sage Blanc, m’a-t-on raconté, est le saint patron des peuples des steppes. Et le saïga est considéré comme le symbole du peuple kalmouk. Je décide de faire la route à pied jusqu’aux Portes dorées, ornées de gravures et de dragons sculp-

tés. Comme conseillé, je passe plusieurs fois dessous pour me purifier. Sur la place centrale, une pagode à sept étages s’élève vers le ciel, avec son tambour à prière (kiourdé). « Ne soyez pas timide, faites tourner la chance », me lance un policier en ser-

vice. « À l’intérieur, il y a beaucoup de mantras pour purifier votre karma ». J’ai donc fait tourner le tambour, sous le regard attentif de Lénine, debout sur son piédestal. Très aimé ici, le Lénine. C’est parce que sa grandmère était une Kalmouke...

Que manger ?

Le restaurant Gourman vous propose de découvrir la cuisine kalmouke : nouilles « khurn-makhn », raviolis « biorigi », gâteaux croustillants et thé au lait, mélangé avec du beurre, de la muscade et du sel.


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Économie

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Dmitry Genkin, directeur général de la firme russe Pharmasynthez, qui a levé 12,5 millions d’euros lors d’une introduction en bourse en novembre dernier, explique que la Russie livre une bataille contre l’industrie pharmaceutique basée en Europe de l’Est, un héritage de l’époque soviétique : « À la chute de l’URSS, nous nous sommes retrouvés avec un fossé immense entre les sciences fondamentales et la science appliquée, comme la médecine ». Les entreprises russes ont longtemps attendu une aide de l’État, mais les dépenses actuelles en Russie en matière de « recherche et développement » sont largement en dessous des soutiens à la recherche et au développement en Europe, note Genkin. « L’argent dépensé par l’État russe, c’est de cacahuètes par rapport à ce qui est alloué par la Commission européenne ou l’Institut national de la santé américain », dit-il. Néanmoins, le marché pharmaceutique russe croît deux fois plus vite que les marchés américain et européen et il est déjà devenu un terrain de concurrence clé pour les entreprises pharmacologiques dont les ventes stagnent sur les marchés occidentaux depuis l’expiration des brevets. « Le marché pharmaceutique, stimulé par les dépenses des consommateurs et de l’État, est en passe de surpasser le Produit intérieur brut russe, tandis que

Pendant de ce temps, les entreprises russes sont également en train d’étudier les marchés étrangers. Pharmasynthez prévoit d’utiliser une partie de ses fonds d’introduction en bourse pour racheter des producteurs pharmaceutiques en Europe, aux États-Unis et en Israël. L’entreprise russe cherche des petites compagnies, profitables et en développement, qui possèdent des installations de production, précise Genkin. En cherchant à promouvoir la pharmacologie nationale, le Kremlin a ouvert un nouveau front de diversification de l’économie russe. Les analystes voient d’un bon œil ces initiatives de l’État en faveur d’un nouveau secteur d’investissement. Pendant la dernière semaine de janvier, la banque d’investissement Uralsib a recommencé à couvrir le secteur pharmaceutique à travers une étude fouillé. « Les producteurs pharmaceutiques russes ont une très bonne histoire locale, l’accès à des niches défensives du marché, et des flux de trésorerie puissants », estime l’analyste d’Uralsib Tigran Hovhannisyan dans l’étude intitulée « Ce que prescrivent les médecins ». L’analyste conclut que « les sous-performances relatives du marché pharmaceutique russe par rapport aux autres pays de la BRIC (Brésil, Inde, Russie et Chine) sont compensées par les marges importantes et le potentiel de consolidation des leaders du marché ».

les segments régionaux offrent un potentiel de consolidation aux chaines principales », selon la maison de courtage russe Uralsib. Les géants pharmaceutiques occidentaux sont déterminés à ne pas se laisser intimider par les barrières douanières et installent des bases de production en Russie, afin de profiter du développement du marché local. Peu avant Noël, le géant suisse Novartis a annoncé qu’il allait investir 370 millions d’euros en Russie dans les cinq années à venir, en construisant une usine à Saint-Pétersbourg, afin de se concentrer sur la production locale et les partenariats en ma-

La Russie livre une bataille contre l’industrie pharmaceutique basée en Europe de l’Est tière de recherche et de développement avec les compagnies russes. Le suédois Nycomed et le danois Novo Nordisk ont également fait part de leurs projets d’installation en Russie, tandis que le britannique GlaxoSmithKline a signé un contrat sur les vaccins avec Binnopharm, basé à Moscou. Le géant français Sanofi-Aventis a nommé, en janvier, une nouvelle équipe de gestion des marchés émergents pour stimuler leurs parts de marché en Russie, considérée comme l’un de leurs marchés clés.

Le marché pharmaceutique russe croît deux fois plus vite que ses analogues américain et européen.

parole au patron

LES MÉDICAMENTS FRANÇAIS BIEN PLACÉS dmitry duhanin_kommersant

suite de la premiÈre page

getty images/fotobank

Le Kremlin fait avaler la pilule protectionniste aux étrangers

Nom : PATRICK AGhANiAN Poste : directeur GÉNÉRAL de SANOFI AvENTIS RUSSIE

La concurrence est-elle forte sur les appels d’offres publics sur le marché de l’insuline ? Bien sûr. Nous sommes en concurrence avec tous les acteurs, qu’ils soient russes ou étrangers. Actuellement, nous détenons 30% des parts publiques dans le programme des

tim gosling

Business NEw europe

Le 2 février dernier, Vladimir Poutine a annoncé la réduction des subventions d’État au cinéma, qui passeront de 122 millions d’euros l’année dernière à 107 millions en 2011. Selon le chef du gouvernement, il faut impérativement, pour aider la production russe, doubler le nombre de salles de cinéma modernes dans le pays, qui n’en compte aujourd’hui que 2 200.

Appauvri pendant les deux dernières décennies, le marché russe, fort d’un public de 142 millions de « consommateurs », rebondit spectaculairement aujourd’hui et fait saliver les entrepreneurs. En novembre, la distribution russe avait atteint 700 millions d’euros, soit 40% de plus qu’à la fin de la saison 2009. Le box office de l’an dernier a hissé la Russie au cinquième rang mondial des plus gros marchés cinématographiques. Compte tenu de la population, il devrait y avoir 44 000 écrans en Russie, calcule Victor Froumkine, directeur financier de Kinoplex qui exploite des dizaines de complexes dans les régions excentrées de Russie.

Les Russes tournent la page... sur écran L’édition électronique pourrait révolutionner plus vite qu’ailleurs le secteur du livre, alors que ce dernier est aujourd’hui très mal en point en Russie.

ury martianov_kommersant

Alors que les recettes du box office ont passé la barre des 700 millions d’euros, leur marge de progression offre une source de financement de l’industrie cinématographique russe.

sensible de l’économie qui sera toujours contrôlé par le gouvernement, non seulement en Russie, mais partout dans le monde. Notre activité a bien évidemment été touchée par les nouvelles réglementations. Il est difficile de dire si les contrôles sont en cause ou non. Jusqu’en 2008, le marché pharmaceutique russe a connu un essor plus fort que la Chine, avec un taux de croissance de 20% contre 18% pour le marché chinois. Les experts prévoient maintenant que la croissance de la Chine sera supérieure. Nous voudrions que le marché russe continue d’attirer les entreprises internationales. Il serait dommage que nos experts fassent des conclusions hâtives et erronées, surtout lorsqu’on voit la croissance rapide de la Chine, du Brésil et de l’Inde. Entretien paru dans RBC Daily

Édition Le livre électronique s’impose

Cinéma Vladimir Poutine veut voir doubler lle nombre de multiplexes

Plus de salles, moins de subventions

médicaments remboursés. Les produits que votre compagnie s’apprête à produire existaient-ils déjà sur le marché russe ? Oui. Ces médicaments sont déjà populaires sur le marché russe et rencontrent une forte demande. Mais auparavant, ces produits étaient importés. À la fin du troisième trimestre 2010, Lantus est passé numéro un dans la commercialisation de l’insuline, avec 25% de parts du marché de l’insuline et 44% de l’insuline basale. Les nouvelles réglementations de cette année ont-elles influencé l’activité de votre entreprise ? Comment percevez-vous l’introduction du contrôle des prix par l’État ? Le contrôle réglementaire fait partie intégrante de l’industrie pharmaceutique. Il s’agit d’un secteur

Rachel Morarjee, Graham Stack Business NEw europe

Les multiplexes sont appelés à fleurir à travers le pays.

Selon les analystes de la compagnie de recherche industrielle, Nevafilm, le nombre de multiplexes a augmenté de 30%. Les entrepreneurs sont en train de lancer de nouveaux projets tandis que le revenu moyen en Russie augmente de 4%, nonobstant la crise. Et compte tenu du rythme de croissance des recettes du box office, les multiplexes, stars de la plupart des nouveaux centres commerciaux, font figure de poule aux œufs d’or.

Parts de marché Le cinéma français occupe la troisième place sur le marché russe avec 3,5% contre 25% pour le cinéma russe. Les États-Unis se taillent la part du lion avec 65%. Le principal succès français en 2010 est l’Immortel, avec 2,85 millions de dollars de recette, contre 100 millions pour Avatar.

La Russie a une longue tradition littéraire, mais son industrie de l’édition n’est plus en mesure de l’honorer comme il se doit. Le piratage sur Internet a enrayé le développement du marché du livre : les téléchargements illégaux ont privé les éditeurs des revenus nécessaires à la promotion des jeunes auteurs. À l’heure actuelle, 80% des ventes de livres papier se font à Moscou et Saint-Pétersbourg, contre 20% seulement en province, selon les libraires virtuels Bookmate. ru et Ozon.ru. La distribution numérique de la littérature pour-

Nouveau design du site

rait relever le défi que constitue la distribution du livre sur le vaste territoire russe. « Les médias numériques échappent aux contrôles douaniers et aux prix du transport », explique Simon Dunlop, fondateur de Bookmate.ru. Le livre électronique (ebook) est déjà considéré par les experts comme le premier produit de téléchargement légal sur le net russe. Selon Dunlop, le nombre de téléchargements à partir de Bookmate a augmenté exponentiellement toute l’année dernière. Avec 110 millions d’internautes dans toute l’ex-URSS et le développement effréné d’Internet, le marché a un potentiel de croissance énorme. « Il suffit que les gens disposent d’une connexion Internet et l’on peut commencer à utiliser le pouvoir technologique pour ouvrir ces nouveaux marchés », espère Dunlop.

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Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

EN BREF

Finance Une banque russe se lance à l’assaut du marché des comptes à terme français

VTB part à la conquête de l’épargne des Français La banque d’État russe VTB sort du « ghetto » du financement d’entreprise pour se lancer dans l’épargne en ligne par le biais de sa filiale française, avec une offre très agressive.

CHIFFRE-CLÉ

4,15 %

PAUL DUVERNET

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

C’est la rémunération brute que propose VTB par rapport à la seconde meilleure offre du marché pour un placement à terme.

VTB va-t-il s’assurer une marge avec des taux pareils ? En optimisant la gestion actif-passif, ce qui est rendu possible par le fait que l’horizon temporel des dépôts à terme correspond à la durée moyenne des activités de financement d’entreprise entre France et Russie, activité principale de VTB France. Les grosses marges dégagées sur les entreprises permettent ainsi à la banque d’offrir de généreux taux aux particuliers ! Pour rassurer les frileux, VTB

VTB24

Le front de l’Est se rapproche dans la guerre des dépôts ! La filiale française du groupe russe VTB, qui possède une licence depuis 1921 dans l’Hexagone, vient de présenter une offre incontestablement alléchante à l’intentin des particuliers. Pour se positionner sur ce marché très concurrentiel, l’établissement a choisi une stratégie très agressive, à la fois pour maximiser sa visibilité et pour optimiser son financement. Le rendement brut des comptes à terme démarre à 2,5% et sa tête de gondole est un placement à 36 mois rémunéré à 4,15% brut, le tout sans plafond de versement La concurrence n’a qu’à

La stratégie agressive de VTB est destinée à maximiser sa visibilité.

bien se ternir. Aujourd’hui, les livrets d’épargne sur Internet ne rapportent que 2% pour les dépôts à vue. Du côté des dépôts à terme, les rendements ne sont guère meilleurs. Les deux offres les plus intéressantes du marché atteignent 2,9% (BNP Paribas, avec une limite à un an et un

plafond à 50.000 euros) et 3% sur 24 mois de l’américain GE Money Bank. Surprise, les rendements annoncés par la deuxième banque russe sont nettement supérieurs aux taux de marché (Euribor) sur lesquels sont généralement basés les comptes à terme. Comment

avance que le Fonds de garantie des dépôts couvre les placements à hauteur de 100.000 euros en cas de faillite de l’établissement. Il faut toutefois bien faire attention au fait qu’il s’agit d’un compte à terme et non d’un livret épargne classique. Les fonds placés sont donc bloqués sur toute la durée du placement, faute de quoi le taux de rémunération tombe... à 1% brut : une vraie mauvaise affaire.VTB justifie cette spécialisation dans les comptes à terme par le fait que l’offre y est « très peu développée en France », selon Oleg Pitchouguine, le directeur commercial de VTB Bank. Or, « C’est le produit d’épargne le plus répandu en Russie.VTB a donc une grande expérience dans le domaine ». La banque refuse prudemment de fixer un objectif de collecte, mais indique qu’en cas de réussite sur ce segment, elle élargira sa gamme de produits. Encore pratiquement inconnue du grand public hormis en tant que « banque de poche du Kremlin », la banque d’ État russe part avec un capital… très léger en termes d’image. Tout reste à construire et les beaux chiffres sont sans doute la meilleure stratégie pour attirer la très frileuse épargne des Français.

Terminaux de paiement Le leader russe QIWI se donne les moyens de ses ambitions mondiales

SVETLANA SOROKINA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’entreprise japonaise Mitsui & Co. a acquis pour un montant non révélé 14,9% des actions de la compagnie QIWI Ltd., qui gère le plus grand parc de terminaux de Russie. Les terminaux QIWI sont omniprésents dans le pays : centres commerciaux, gares et même passages souterrains. Ces appareils permettent d’acheter du cré-

dit pour son téléphone portable, de payer son accès Internet, le gaz, l’eau et l’électricité, de réaliser des virements et d’honorer des dépenses courantes sans devoir se rendre à la banque ou faire la queue. Au départ, ces terminaux ont totalement évincé les cartes pré-payées permettant de recharger son forfait de téléphone portable. Par la suite, ils sont devenus un moyen universel de paiement électronique. Aujourd’hui, près de 80% des détenteurs de téléphones portables en Russie recourent aux terminaux. Conformément aux pronostics, le volume des paiements réalisés par le biais des terminaux devait atteindre fin 2010

environ 750 milliards de roubles. QIWI contrôle jusqu’à 45% du marché. La compagnie cherchait depuis longtemps un investisseur stratégique pour une expansion internationale. Vladimir Karpenko, consultant chez J’son & Partners Consulting, pense que les Japonais apporteront des technologies, de l’équipement et une expertise commerciale en Asie. L’expansion de la compagnie russe doit se dérouler en premier lieu dans les pays d’Asie du SudEst, où les conditions sont réunies pour le développement des terminaux : l’argent liquide y est très utilisé, et les concurrents

Transports 50 milliards d’euros pour la grande vitesse

Alstom et Siemens sur la ligne de départ 3 000 km de voies ferroviaires pour la très grande vitesse à réaliser d’ici à six ans : de très juteux contrats en perspective... PAUL DUVERNET

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La priorité revient à la voie la plus fréquentée du pays, Moscou –Saint-Pétersbourg (660 km), pour laquelle les conditions préliminaires d’un appel d’offres seront connues en mars. Le choix du vainqueur interviendra « fin 2012, début 2013 », a indiqué

Denis Mouratov, directeur général de Skorostnye Maguistrali, la filiale grande vitesse de RJD, la société d’État des chemins de fer russes. La ligne, qui devra être opérationnelle en 2017 et permettre aux passagers de relier les deux villes en 2h40, représente une bonne partie de l’investissement total évalué à 50 milliards d’euros. L’accélération a été déclenchée par la victoire de la candidature russe à l’organisation de la Coupe du monde de football en

2018. Le premier ministre russe Vladimir Poutine a ordonné à RJD de « relier dans un réseau à grande vitesse les principales villes participant à la Coupe du monde ». Une autre ligne reliera Moscou à Ekaterinbourg, dans l’Oural. En revanche, Denis Mouratov a annoncé que RJD renonçait à relier Moscou et Sotchi, ville des prochains JO d’hiver à 1 700 km plus au Sud. Alstom est aussi bien placé que son concurrent allemand Siemens pour rafler mise. Mais le vainqueur de l’appel d’offres devra être prêt relever le défi de l’échéance de 2018. Et attention aussi à la concurrence chinoise et japonaise, qui maîtrise également la technologie de la très grande vitesse.

OLEG HARSEEV_KOMMERSANT

Un allié japonais pour une expansion tous azimuts Mitsui entre au capital de QIWI pour aider ce dernier à investir les marchés prometteurs de l’Asie, puis dans un second temps, l’Europe, les États-Unis et le Brésil.

Les terminaux de paiement sont prisés dans les pays émergents.

sont quasi absents. Pour l’Europe, on prévoit de lancer en 2011 le service en Slovaquie, en Serbie et en Lettonie. Sur le continent américain, les terminaux devraient voir le jour aux ÉtatsUnis et au Brésil. L’expansion de QIWI a aussi des raisons domestiques russes. L’expert Alexandre Chirokovskikh-Smir-

nov note qu’elle intervient alors que la Russie adopte un nouveau système national de paiement qui pourrait réguler le marché en lui faisant perdre sa rentabilité. Et de conclure : « C’est pourquoi QIWI veut se mettre à couvert et exporter son activité principale sur le territoire d’autres pays ».

Le courant passe par (ou avec) l’étranger Le géant de l’électricité russe Inter RAO propose 25% de son capital à un investisseur stratégique. Le français EDF, qui a déjà manifesté son intérêt pour une participation à hauteur de 10%, semble être le principal candidat pour ce groupe qui possède le monopole de l’import export d’électricité en Russie. Inter RAO ambitionne de s’approprier un quart du marché russe de l’électricité et devenir ainsi le leader régional. La valorisation d’Inter RAO tourne autour de 4,5 milliards de dollars. Elle devrait grimper

fortement alors que le groupe annonce une expansion extrêmement agressive sur le marché domestique. Des parts valant au total entre 9 et 15 milliards de dollars seront échangées contre de nouvelles actions émises par Inter RAO. D’ici à 2015, le groupe russe table sur une multiplication par 15 de son chiffre d’affaires et vise des résultats nets de 2,8 milliards d’euros. Dans cette optique, Inter RAO annonce que sa capacité de production doublera, en passant de 18 Gigawatts aujourd’hui à 40 Gigawatts en 2015.

Les oligarques rebondissent

ITAR-TASS

Les grandes fortunes russes se reconstituent rapidement, stimulées par l’envol du cours des matières premières. Selon le magazine Finans, 114 Russes sont aujourd’hui milliardaires en dollars. C’est plus qu’avant la crise, où le record s’établissait à 101 milliardaires. La célérité avec laquelle les fortunes grossissent ne devrait pas cesser au vu de la croissance russe, qui devrait être plus forte cette année qu’en 2010. L’aciériste Vladimir Lissine est en tête du classement avec 18,8 milliards de dollars, suivi de Mikhaïl Prokhorov et de Roman Abramovitch.

Après les pays du BRIC, découvrez ceux du BURK ! Cet appétissant acronyme regroupe des pays chers à Sberbank : Belarus, Ukraine, Russie et Kazakhstan. Le groupe du BURK vient d’être imaginé par les économistes de la banque d’État russe, qui ont décidé de rivaliser avec le célébrissime acronyme BRIC conçu par l’économiste de Goldman Sachs Jim O’Neill en 2001 pour réunir les principales économies émergentes. « Ces pays n’ont pas été choisis par hasard : ce sont les pays où la Sberbank est présente », explique Ksenia Ioudaeva, la directrice du centre pour les études économiques de la banque. « Ces quatre pays sont les plus attractifs du point de vue des investisseurs stratégiques comme financiers ». Le gros problème, c’est qu’ils ont une propension à ne pas réaliser leur potentiel.

AFFAIRES À SUIVRE TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR FORUM D’AFFAIRES : LE SECTEUR DES TRANSPORTS EN RUSSIE, EN UKRAINE ET AU KAZAKHSTAN 22 FÉVRIER, PARIS, 77 BOULEVARD SAINT JACQUES

Cet atelier d’information présentera les perspectives de développement dans les secteurs du ferroviaire et des transports urbains en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan, où de vastes programmes de modernisation sont en cours. Interventions d’experts et de représentants des groupes Alstom et Systra, avec qui des rendez-vous individuels sont possibles. › www.ubifrance.com

SS ITAR-TA

Gorbatchev a 80 ans. Retour sur l’histoire d’un homme qui a changé le cours de l’Histoire.

redac@larussiedaujourdhui.fr

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larussiedaujourdhui.fr/lettres


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Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

BORIS ELTSINE : LA FOI SURVIT AUX ÉCHECS

Khodorkovski : 14 ans de gêne Georgy Bovt

Spécialement pour La Russie d’Aujourd’hui

Wayne Merry

P

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

L

e monde a eu véritablement de la chance que deux hommes intelligents et modérés aient présidé à la chute de l’URSS et de son empire. Cela aurait pu ne pas être le cas. Et malgré l’opprobre qu’ils ont subi chez eux, Boris Eltsine et Mikhaïl Gorbatchev laisseront dans l’Histoire l’image de deux bienfaiteurs. Gorbatchev et Eltsine sont unis comme les deux faces de Janus. Alliés aux premières heures de la perestroïka, chacun reconnaissant et admirant les qualités de l’autre, ils sont devenus des rivaux irréconciliables. Ils se sont accusés mutuellement de s’être laissés porter par l’Histoire. Gorbatchev a reconnu la futilité de la Guerre froide et y a mis un terme, dans le but de revigorer le système soviétique, sans y parvenir. Eltsine a reconnu la futilité du système soviétique luimême et a concouru à y mettre un terme, dans le but de faire accepter la Russie sur un pied d’égalité par les pays occidentaux, sans y parvenir. Des forces qui les dépassaient l’un et l’autre ont déterminé l’issue de la Guerre froide et le destin de l’Union soviétique, mais la gestion pacifique de ces deux fins de partie aurait été impossible sans un immense talent politique. C’est en se heurtant à la réalité extérieure qu’Eltsine a pu se rendre compte de la faillite du régime. soviétique. Lors de son premier voyage aux États-Unis, il était sidéré par le moindre supermarché et le fait que les « travailleurs » avaient le droit d’y faire leurs courses. À son retour, il s’est exclamé : « Notre système est merdique ! ». L’homme avait une foi infinie en ceux qui possédaient une mentalité « occidentale ». Ce n’était pas un adepte forcené de l’application des prescriptions de l’Ouest au patient russe. Il essayait patiemment une méthode après l’autre, jusqu’à ce que quelque chose finisse par prendre. Malheureusement, rien ne prit. Eltsine était toujours inspiré par une crise, mais manquait de suivi et d’endurance pour mener à terme les réformes. Il s’est lassé des finesses du pluralisme politique. Même après avoir vu son mandat renouvelé par le référendum d’avril 1993, il n’a pas su l’utiliser efficacement pour faire adopter une réforme consti-

viktor bogorad

Un legs politique terni par deux graves erreurs : la guerre en Tchétchénie et le second mandat tutionnelle. Son recours aux pouvoirs d’exception puis aux décrets pour gouverner a été un revers terrible pour l’état de droit. Eltsine avait perdu le contact avec le peuple, les députés le destituèrent et il s’inclina. Il n’a jamais su gérer un Parlement insoumis. Face au grave problème du Caucase en 1994, la guerre déclenchée contre le peuple tchétchène relève d’un manque de jugement et d’humanité très soviétique. Elle a non seulement plongé la région dans un bain de sang mais aussi fait dérailler les réformes politiques, tout en dressant l’Occident contre la Russie. La guerre de Tchétchénie devint un vecteur idéal de russophobie. L’autre erreur d’Eltsine fut de briguer un second mandat présidentiel. Il aurait dû comprendre qu’il n’était plus en état de servir mais se laissa convaincre

par un message de Washington affirmant qu’il était seul capable d’empêcher un retour des communistes. C’était absurde. D’autres candidats offraient des alternatives tout à fait viables. Pourquoi, malgré tout, doit-on considérer avec respect la présidence Eltsine ? En premier lieu, parce que l’homme a été l’antithèse d’un Slobodan Milosevic russe. Nous sommes tous redevables au leader des mois critiques de 1991-1992. Eltsine n’avait pas peur des masses russes. Il croyait sincèrement à la nécessité de redonner au peuple un vrai pouvoir économique et politique. Comment y parvenir ? Il n’en avait pas la moindre idée. Alexandre Iakovlev a dit de son mentor que Gorbatchev était un démocrate de nature, que la démocratie effrayait. Paradoxalement, Eltsine n’était pas un démocrate, mais il n’avait pas peur de prôner la démocratie dans son

pays. Il ne voulait ni mobiliser, ni harnacher, ni discipliner, ni contrôler son peuple, il voulait lui redonner un pouvoir. Il a échoué. En partie parce que la tâche était trop vaste, et en partie parce que même au sein des soi-disant forces démocratiques en Russie, peu de gens partageaient la même confiance dans le peuple. L’un des collaborateurs les plus proches de Boris Eltsine au Kremlin était connu pour sa vision peu flatteuse du peuple russe, qualifié de « fumier de l’Histoire ». Toutes les carrières politiques finissent mal : celle d’Eltsine a confirmé l’axiome. Mais combien de temps avant que la Russie ne produise un nouveau dirigeant national convaincu que son peuple doit être doté de pouvoirs plutôt qu’enrégimenté ? Wayne Merry, diplomate américain, était en poste à Moscou en 1991-94.

Consultez nos autres articles en ligne sur Boris Eltsine : www.larussiedaujourdhui.fr/eltsine Changer le monde... sans faire exprès Étrangers et Russes font le point sur l’héritage laissé par Eltsine Gorbatchev célébré en Occident, Eltsine timidement en Russie

lu dans la presse Révolution égyptienne : soleil perdu et points communs Renoncer aux plages et au soleil égyptiens, qui font de ce pays la deuxième destination des vacanciers russes ? Cruelle perspective. Mais il en est une autre, bien plus dérangeante : celle de voir les soulèvements se répandre à travers le globe, alors que les commentateurs soulignent les parallèles entre les situations politiques égyptienne et russe. Preparé par Veronika Dorman

sous la révolution, la plage

l’egypte « après tahrir »

toujours les mêmes

Profil

vedomosti

Gazeta.ru

Une fois de plus la Russie a surpris le monde entier. Nos agences de tourisme continuent d’envoyer leurs clients en Egypte, malgré les désordres, et ceux qui refusent de partir ne sont pas remboursés. Les voyagistes ont peur de perdre un gros marché : l’Egypte rapportait 700 millions d’euros par an au tourisme. Même si le pèlerinage massif en Egypte ne s’interrompt que pour un mois, les pertes représenteront des centaines de millions d’euros. Sans cette destination, les autres sont en train de devenir plus chères. Cela pourrait être la fin des hivers à la plage pour de nombreux Russes.

Nous écrivons “Egypte” en pensant à la moitié du monde arabe et à tous les États qui ont renoncé à l’autoritarisme total mais n’ont pas encore atteint la démocratie. Dont la Russie. L’essor relatif du marché, la nécessité de conserver les relations avec l’Occident et le leadership du monde arabe, rendent le scénario “Attaturk” désirable et possible pour l’Egypte, seul moyen d’éviter le scénario du califat et de s’engager, progressivement, dans celui de la démocratie. Les événements se sont déroulés sur la place Tahrir qui veut dire libération. Souhaitons qu’elle ait commencé, irréversiblement.

Pour une révolution réussie, comme le montrent les exemples de Kiev, Tbilissi et du Caire, il faut qu’une masse critique de gens, en bas comme en haut de la société, aient envie, ensemble, de changer le pouvoir et les règles du jeu. Le processus est tout à fait standard et n’a rien de mystérieux. Le peuple se lasse de ses pharaons. Reste à savoir qui va convertir cette lassitude en force offensive dynamique. La place Tahrir a aussi ceci d’intéressant qu’aura été prononcée l’inévitable conclusion, en ce genre de situation, qui veut que ce soient les Américains qui aient préparé la révolution.

Irina Kezik

Boris Makarenko

Vadim Doubnov

laton Lebedev et Mikhaïl Khodorkovski ont été condamnés à 13 ans et demi de prison. Les deux hommes devaient être libérés en 2011, quelques mois avant l’élection présidentielle.Ils ne sortiront qu’en 2017, soit à la veille d’un autre scrutin présidentiel. Le procès Khodorkovski a été sans conteste le plus retentissant de la Russie post-soviétique. L’aile libérale met en avant la « motivation politique » et affirme que le premier ministre Vladimir Poutine se venge de Mikhaïl Khodorkovski, qui avait défié le pouvoir au début des années 2000 en finançant les partis politiques d’opposition et en plaidant pour une « république parlementaire ». Mais pour toute une partie de la société, il a été condamné avec raison, car c’est un oligarque. Mikhaïl Khodorkovski est un symbole de la « privatisation barbare », qui n’a toujours pas été digérée par la population russe. Pourtant, même cette partie de la population compatit avec l’ancien patron de Ioukos. Car il existe en Russie une immense empathie du peuple envers les hommes condamnés par l’État pour des délits non violents. Au cours du premier procès, Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev avaient été condamnés pour escroquerie et évasion fiscale à grande échelle. Les critiques du second procès soulignent son absurdité, car on y accuse l’ancien magnat de l’or noir d’avoir « volé » la plus grande part de son propre pétrole, en recourant à un mécanisme complexe de relations au sein de l’entreprise Ioukos, une holding verticalement intégrée, et en manipulant les prix d’achat-vente du pétrole de ses filiales sur les marchés étrangers. À la suite de l’affaire Ioukos, des appels ont été lancés pour que, selon le principe d’égalité devant la loi, des procès soient intentés à d’autres entreprises - des appels qui n’ont pas été entendus par l’appareil judiciaire russe. Ajoutons que Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné, ne s’est pas résigné. Il s’est exprimé régulière-

ment dans les journaux russes, sous forme d’interviews et d’articles d’opinion. Dans plusieurs interventions, il a reconnu ses fautes pour ce que la société appelle la « privatisation injuste », et s’est prononcé en faveur d’un virage vers la social-démocratie. Il reste un fervent critique des autorités, de la politique économique dans son ensemble tout comme de la corruption. S’appuyant sur ses déclarations, l’aile radicale de l’opposition russe a élevé l’homme d’affaires déchu au rang de ses leaders informels. Ce qui est, du point de vue de l’opinion publique russe, plutôt une erreur : selon différents sondages, une large majorité de Russes approuvent la condamnation de Mikhaïl Khodorkovski. Sur ce point, l’opinion publique russe diverge radicalement des sociétés occidentales, où le second procès a été vivement désapprouvé par les dirigeants des

En Russie, on n’aime pas les oligarques... ni les condamnations pour des délits non violents grandes démocraties comme par la société civile. Ce procès est perçu comme purement « politique » à l’étranger et génère des tensions diplomatiques. L’administration américaine a déjà brandi la menace « d’obstacles » à l’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce, au moment où, à l’aube de 2011, tous les problèmes semblaient résolus et où l’on pensait parvenir à boucler plus de dix ans de négociations. Les dirigeants russes, dont on peut ne pas nier l’attitude partiale envers Mikhaïl Khodorkovski, ne peuvent pas objectivement voir en lui un véritable prisonnier politique, même en se basant sur ses ambitions. Et les critiques faites au régime ne sont pas suffisantes pour acquitter Khodorkovski selon le droit russe qui régit aujourd’hui les relations complexes et souvent contradictoires entre les autorités et le monde des affaires. Georgy Bovt est un commentateur politique basé à Moscou.

Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins des rubriques “Débats et Opinions” et “Perspectives” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : redac@Larussiedaujourdhui.fr

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Entretien La lauréate du prix Simone de Beauvoir évoque l’affaire Khodorkovksi

Lioudmila Oulitskaïa et le chaînon manquant La romancière russe, qui a reçu le 10 janvier le « Prix Simone de Beauvoir pour la liberté de la femme » 2011, affiche un engagement toujours plus affirmé.

D’un livre à l’autre ...

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En Bref ART L’ermitage et la tretyakov à un clic de chez vous L’Ermitage de Saint-Pétersbourg et la Galerie Tretyakov de Moscou peuvent désormais être visitées sur Internet grâce au nouvel outil Art Project de Google. Les deux musées font partie des 17 établissements partenaires qui ont accepté de mettre en ligne une partie de leurs collections. Comme si vous y étiez, le programme vous permet de vous déplacer dans les salles, de vous

rapprocher des œuvres et de les observer comme jamais grâce au zoom et à la numérisation en très haute définition. Pour vous guider dans votre visite virtuelle, des informations sur chaque œuvre, son auteur ou le musée qui l’accueille sont mises à disposition. L’apparition du Christ d’Ivanov ou le David et Jonathan de Rembrandt n’attendent donc plus que vous sur www.googleartproject.com.

Christine Mestre

La russie d’aujourd’hui

LittÉRATURE le 5ème prix russophonie honore deux traductrices

Que signifie ce prix Simone de Beauvoir pour vous ? Les prix littéraires ont toujours cela de bon qu’ils permettent de rapprocher l’auteur de ses lecteurs. Simone de Beauvoir a su capter quelque chose qu’elle a fait intervenir dans l’évolution sociale, les choses ont considérablement changé, on a pu assister à une féminisation de la société, notamment en Russie où, par exemple, la majorité des personnes qui ont une éducation supérieure sont des femmes ... Mais je ne suis pas féministe, j’ai une autre religion.

Vous venez de publier en Russie votrecorrespondanceavecMikhaïl Khodorkovski… S’il y a conflit entre l’État et l’individu je prends systématiquement le parti de l’individu... En ce qui concerne Khodorovski, il s’agissait juste de lui redonner la possibilité de s’exprimer et d’être entendu... J’avais beaucoup entendu parler de lui dans les endroits les plus reculés de Russie où il avait pris en charge le financement d’hôpitaux, d’établissements scolaires, ce qui aurait dû être fait par l’État...Tout nous opposait : il était membre du Komsomol, il soutenait le parti communiste ; lors du démantèlement, il a fait fortune en recevant une part du gâteau... C’est en lui posant directement ces questions que j’ai commencé notre correspondance. Il m’a dit que sa motivation était que son pays soit fort et prospère... C’est un homme d’affaires hors pair, brillant, et je constate qu’à un mo-

Ecrivaine engagée, Ludmila Oulitskaïa a su conquérir les Français.

Parcours

En dissidence Née dans l’Oural en 1943, Ludmila Oulitskaïa fait ses études de biologie à Moscou dans les années 60 et obtient une chaire de génétique. Mais accusée d’avoir prêté sa machine à écrire à des membres du Samizdat (système clandestin

de circulation d’écrits dissidents), elle perd son poste et se tourne vers l’écriture. Ses livres ont été primés à l’étranger et en Russie. Elle est aujourd’hui considérée comme auteur emblématique du renouveau de la littérature russe.

ment le fait d’aider les autres lui a apporté beaucoup de satisfaction... Notre correspondance m’a fait changer d’avis sur un point : Khodorkovski disait que notre État était faible et j’en étais surprise. Puis j’ai compris qu’en fait la répression, les pressions sur les médias sont réellement des signes de la faiblesse d’un État.

chée plus tard d’écrire de longs romans ! Oui, on ne sait jamais... Mais il y a deux types de coureurs, les sprinters et ceux qui courent sur des distances plus longues. Moi, ma distance, c’est la nouvelle, mais il arrive que certains sujets demandent des formes plus longues, alors je me dis, bon, il faudra 200 pages, et je me retrouve dans un gros roman, dont je sors totalement vidée.

Dîtes-nous quels livres vous avez en projet. J’ai deux livres qui viennent de sortir en Russie et qui paraîtront en France à l’automne... Là, tout de suite, j’ai juste envie de ne pas écrire du tout ! Vous l’avez déjà dit dans le passé, mais cela ne vous a pas empê-

Avez vous déjà envisagé d’écrire quelque chose sur Mikhaïl Khodorkovski? Il ferait un excellent héros, mais non, je préférerais choisir pour personnage principal un médecin ou un artiste.

Le dernier ouvrage regroupe 37 nouvelles plongeant dans les entrailles tumultueuses de l’histoire russe.

Vous êtes généticienne de formation et vous avez longtemps exercé cette profession. Quel regard portez-vous l’évolution humaine ? Sur le plan génétique, l’homme a beaucoup changé, on a assisté au cours des cent dernières années à un véritable bond dans l’évolution et il est difficile de se représenter comment ça sera dans cinquante ans. À l’époque soviétique, il y a eu une sélection qui a éliminé les plus brillants, les plus travailleurs, ceux qui pouvaient faire preuve d’initiative... Pour survivre, ceux qui y ont échappé ont dû tout faire pour passer inaperçus. Il y a une peur génétique qui s’est transmise de génération en génération, et qui perdure.

Après Reims en 2010, c’est au tour de Paris d’honorer la mémoire des soldats russes qui ont combattu pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Une sculpture du très respecté Vladimir Surovtsev a remporté le concours pour l’œuvre destinée à embellir le mémorial. La sculpture se dressera au cœur de la capitale, à proximité du pont Alexandre III, dès juin 2011.

À l’affiche Tous les détails sur notre site

larussiedaujourdhui.fr Les plus grands ballets classiques : Moscou city Ballet Du 18 février au 17 avril, En tournée dans toute la France

Ce spectacle réunit des extraits choisis de quatre ballets dont Le Lac des cygnes et Roméo et Juliette.

Promenade Quand Montparnasse était le repaire de la bohème russe exilée

www.infoconcert.com

Soutine, Chagall et les autres

Concert de Boris Berezovsky

Il n’est parfois pas nécessaire de voyager bien loin pour respirer l’air de la Russie. Paris regorge en effet d’empreintes laissées par la présence ou le passage de ses illustres immigrants russes. Le quartier de Montparnasse fut un pôle d’attraction pour les artistes en tous genres au début du XXème siècle, et les émigrés russes de talent n’ont pas dérogé à la règle. Nombreux sont ceux qui, après la révolution de 1917, en ont fait leur deuxième patrie. Dix lieux phares du quartier vous permettent de revenir sur les traces des Chagall, Vassilieff, Soutine et autres grands noms russes qui ont influencé et enrichi la création artistique française. Suivez le guide ! Préparé par Maria Tchobanov

ri d’Ilya Boyachov (éd. Galimard), à Anne-Victoire Charrin et Anne Coldefy-Faucard pour La Mère de Dieu dans les neiges de sang, de l’auteur khanty Eremei Aïpine (éd. Paulsen), et à Maud Mabillard pour Opérations betterave de Nicolas Bokov (éd. Noir sur blanc). Le prix Russophonie récompense depuis 2006 la meilleure traduction littéraire du russe vers le français.

mémoire un monument dédié aux soldats russes de 14-18 à paris

itar-tass

Que pensez-vous de la réception de vos œuvres par le public français, et parmi les auteurs français contemporains, quels sont ceux qui retiennent votre attention ? Le public français est remarquable, on lit beaucoup en France. Pour moi, c’est le pays le plus cultivé d’Europe, même si comme partout le niveau culturel baisse nettement. Quant à la littérature contemporaine, à vrai dire, je n’y suis pas très sensible…

Honorée du prix Medicis étranger en 1996, l’œuvre retrace la quête de bonheur d’une femme.

Le cinquième prix Russophonie a été remis le 29 janvier 2011 à deux lauréates : Luba Jurgenson pour la traduction de l’essai de Vladimir Toporov Apologie de Pluchkine (ed. Verdier), et la toute jeune Julie Bouvard pour celle du Syndrome de Fritz de Dmitri Bortnikov (éd. Noir sur blanc). Des mentions spéciales ont été décernées à Yves Gauthier pour Le voyage de Mu-

4/ Atelier Vassilieff : ce qui fut le lieu de travail de l’artiste accueille désormais le Musée Montparnasse, qui expose les œuvres d’artistes ayant fait la gloire du quartier. C’est de ce passage de l’avenue du Maine où elle avait installé son atelier que Marie Vassilieff étendit son influence sur toute la société artistique de Montparnasse. Ouvert de 12h30 à 19h, fermé le lundi.

9/ Musée Georges Pompidou : le centre possède une très riche collection d’artistes russes comme Kandinsky, Larionov et Gontcharova. Ouvert de 11h à 21h.

3/ Atelier Chagall : le 18 de la rue Antoine Bourdelle accueillit le premier atelier de Chagall où le peintre s’installa à son arrivée à Paris en 1910. Il émigra à la Ruche par la suite.

7/ Musée Zadkine : à deux pas du Jardin du Luxembourg, la maison de Zadkine a été transformée en un musée dédié à son œuvre. Ouvert de 10h à 18h, sauf lundi et jours fériés.

2/ Cette autre cité d’artistes fait le lien entre la Ruche et Montparnasse. Parmi les ateliers encore visibles aujourd’hui figure celui de Soutine.

6/ La rue Boissonade a accueilli de nombreux artistes et reste prisée dans leur milieu. Elle hébergea un temps la « Société artistique et littéraire russe de Paris ».

1/ La Ruche : en ce lieu subsistent une soixantaine d’ateliers. Les artistes désargentés pouvaient, pour une somme modique, en louer un. Le sculpteur Alexandre Archipenko y a séjourné.

5/ La Rotonde : située Carrefour Vavin, lieu de rendez-vous de toute la création artistique du début XXème siècle, la brasserie La Rotonde fut un des lieux de prédilection de Zadkine, Vassilieff ou encore Soutine.

8/ Saint-Germain des Près : les cafés de Flore et des Deux Magots ont aussi eu leur lot d’habitués parmi les artistes russes. Larionov et Gontcharova y avaient leurs quartiers.

23 et 24 février Salle pleyel, paris

Le pianiste russe de renom interprétera des œuvres de Ravel et de Bartók, accompagné dans Shéhérazade de la mezzo-soprano Nora Gubisch et de l’Orchestre de Paris. www.sallepleyel.fr

Le corps expéditionnaire russe, décimé lors des batailles en Champagne, notamment par les attaques chimiques allemandes, est tombé dans l’oubli après la signature du traité de paix entre la Russie soviétique et les empires centraux (Brest-Litovsk, 1918). Le premier ministre François Fillon et son homologue russe Vladimir Poutine se sont associés pour cet hommage réparateur.

la mouette vue par Christian Benedetti Du 28 février au 2 avril Théâtre studio, Alfortville

Trente ans après sa première mise en scène de cette œuvre de Tchekhov en 1980, Christian Benedetti revient sur La Mouette pour le Théâtre Studio d’Alfortville dont le projet artistique porte une attention toute particulière à l’Europe de l’Est. Une occasion de redécouvrir ce classique de la dramaturgie russe et de voir à l’œuvre l’actrice roumaine Anamaria Marinca, remarquée à la dernière édition du Festival de Cannes dans Quatre mois, trois semaines et deux jours. ›› www.theatre-studio.com

Exposition : Chagall et la Bible Du 2 mars au 5 juin Musée d’art et d’histoire du judaïsme, Paris

L’exposition retrace le travail du célèbre peintre autour du projet d’illustration de la Bible et l’influence que le thème a eue sur son œuvre. ›› www.mahj.org Retrouvez aussi Chagall et l’avant-garde russe à Grenoble.

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on Tchekhov La Mouette d’Antris tian Benedetti mise en scène par Ch

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Loisirs

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Traditions Les Russes donnent libre cours aux tentations du Mardi gras avant les privations du Carême

Les blinis sans états d’âme

REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

PHOTOXPRESS

En Russie, le Carême est une affaire très sérieuse, que vous soyez dévot ou pécheur. Mais avant le jeûne, c’est la fête, surtout si vous aimez les blinis. JENNIFER EREMEEVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Certaines choses en Russie ne sont pas négociables. On ne laisse pas les fenêtres ouvertes, jamais. On enlève ses chaussures en entrant dans une maison, toujours. Et si l’on veut se faire respecter, il faut savoir faire des blinis. Surtout en cette période de la maslenitsa. J’ai donc retroussé mes manches et ressorti mes livres de cuisine du XIXème siècle. J’ai coincé des babouchkas au marché du coin, et même caressé l’idée d’appeler ma bellemère. C’est dire ! « Je vais tester une recette de

blinis et y passer la journée », ai-je dit à mon mari. « N’en fais pas trop », a-t-il imploré. « Tu n’a pas intérêt à manger aujourd’hui, l’ai-je prévenu, je fais 60 blinis pour le dîner ». Le Mardi gras russe ouvre une semaine de réjouissances annonçant la fin de l’hiver, le début du Carême et la promesse du printemps. Adoptée sans enthousiasme par le calendrier orthodoxe, la maslenitsa est en fait un rite tenace, hérité d’une culture ancestrale païenne de culte de la nature, de traditions rurales et d’une conscience aiguë du changement de saison. À l’origine, la maslenitsa était calée sur l’équinoxe de printemps, quand le soleil passe exactement au-dessus de l’équateur et que le jour et la nuit sont de même longueur. L’équinoxe de

dansaient, luttaient et festoyaient en se gavant de blinis, symboles de soleil et de vie éternelle. Dans la Russie rurale, le Carême était une bonne excuse pour entamer un jeûne sévère, excluant la viande, les laitages, les œufs, l’huile et l’alcool, des produits bien utiles pour parfumer la kacha de sarrasin. Les quarante jours du Carême coïncident aussi avec le moment où les réserves faites pour l’hiver sont presque épuisées. Aujourd’hui, bien sûr, on trouve des mangues et de l’aspic de caille dans n’importe quel supermarché, toute l’année, mais les Russes font fièrement « le Grand Carême ». C’est un moyen de se refaire une santé morale et perdre dix kilos en moins de deux mois, en vivant de kacha de sarrasin et de soupe au chou.

printemps était le plus vénéré par les sociétés anciennes car il marquait le retour du soleil après l’obscurité hivernale. Selon un mythe populaire rappelant les Isis et Osiris égyptiens, Yarilo et Morana sont des amants frère et sœur, qui représentent la vie et la mort, le feu et la glace, le printemps et l’hiver. Leur danse amoureuse culmine au solstice d’été, pour s’effondrer dans la trahison en automne et mourir dans la séparation en hiver. L’exaltée Morana se transforme en effroyable sorcière qui porte la mort et le givre dans son sillage. Les récoltes flétrissent tandis que Yarilo se retire aux enfers. Mais à la fin de l’hiver, les Slaves païens brûlaient une effigie en paille de Morana sur un bûcher de neige, pour rappeler Yarilo. Pendant ce temps, ils

Dans maslenitsa, il y a « maslo », (le beurre), même si certains savants prétendent qu’il s’agit d’une version archaïque de « myasapustny », (sans viande). Quelle que soit l’étymologie, c’est une occasion de se régaler, sans état d’âme, de beurre, de fromage et de crème. La maslenitsa est aux Russes ce que Mardi gras est aux Français : une célébration populaire du retour de la lumière et des beaux jours, le dernier festin ludique avant les privations du Carême.

GEO PHOTO

Les Slaves païens brûlaient une effigie en paille de Morana sur un bûcher de neige, dansaient, luttaient et festoyaient en se gavant de blinis.

Architecture La polémique persiste autour de la reconstruction du Mariinsky

Sommets lyriques... et abysses financières JULIA KOUDINOVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le Mariinsky, comme son grand rival le Bolchoï de Moscou, s’enlise dans une reconstruction interminable et frustrante pour les mélomanes. Sans parler des contribuables. Le gouvernement

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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114

russe vient de redéfinir, début février, les paramètres budgétaires de l’aide fédérale consacrée à la reconstruction de la célèbre maison d’opéra dirigée aujourd’hui parValéri Gherguiev. Il en ressort que l’ouvrage aboutira à l’opéra le plus onéreux du monde après celui d’Oslo (qui a coûté 612 millions d’euros). On se souvient que l’architecte français Dominique Perrault, qui avait remporté l’appel d’offres

en 2003, en avait finalement été écarté dans des conditions controversées en 2007, à cause de « retards ». Vladimir Poutine avait alors demandé à ce que la construction soit achevée pour mars... 2008. Le projet architectural de Perrault consistait en un vaste cocon asymétrique en verre et aluminium doré pour un coût de 175 millions d’euros. Finalement, en 2008,Valéri Gherguiev et le ministre de la Cultu-

canadien Diamond and Schmitt. Jack Diamond est réputé pour être très mélomane et soucieux avant tout de la qualité acoustique. Le projet canadien comprend des façades transparentes

KOMMERSANT

La seconde scène de l’opéra de Saint-Pétersbourg n’ouvrira qu’en 2012 et pour un coût record de 472 millions d’euros.

re Alexandre Avdeïev se sont aperçus que la « coupole dorée » de Perrault « jurait » avec l’architecture du quartier et ont opté pour un projet beaucoup plus sobre du cabinet d’architecture

Le nouveau projet possédera une architecture plus utilitariste.

« afin de permettre aux gens d’avoir davantage confiance en eux pour s’y rendre ». Une conception anti élitiste destinée à rendre le théâtre populaire chez les jeunes. La nouvelle scène de 2 000 places cohabitera avec les 1 600 places de l’ancien théâtre (appelé Kirov à l’époque soviétique) conçu en 1860 par l’architecte français Xavier Fabre. Reste que 137 millions d’euros ont déjà été dépensés alors que le gros du travail n’a pas encore été entamé. Dans le meilleur des cas, Valéri Gherguiev devrait inaugurer la nouvelle scène au cours du festival des nuits blanches de 2012. Peut-être son talent aidera-t-il alors à faire oublier la gabegie.


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