Q-zine numéro 13

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-Les jeunes femmes noires -Les femmes noires âgées -Les femmes noires enceintes -Les femmes noires -Les travailleurs du sexe -Les HSH

HSH signifie « hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes ». C’est un acronyme très pratique mais il est répété si souvent que je pense que nos professeurs ont appris à le dire juste pour éviter d’utiliser d’autres termes. Quelques minutes avant que A ne pose sa question, E, la fille qui était dans ma paire, avait dit : « Oh, nous nous occuperons des travailleurs du sexe » ; ce qui incita F – qui était inconfortablement niché au coin de la table entre A et moi – à se tourner vers A pour dire : « Ah ben dans ce cas, on fera L-G-B-T-Barbecue. » J’ai été surprise de constater qu’une chose pareille, une chose même ridicule à écrire, m’avait blessé. Cela m’avait blessé. On pourrait penser que je me serais endurcie un petit peu au fil des années. Mais je suis comme une pomme, ferme au toucher, mais qui se serait faite facilement perforée par des ongles, ou des dents, ou un couteau ; une chose au noyau fragile. Je dis à F, « je ne comprends pas pourquoi les hétéros se sentent si offensés par l’idée que les gens puissent réclamer l’identité avec laquelle ils sont à l’aise. » Puis il y eut beaucoup de bruit. Il y eut plein de mouvements de mains très près de mon visage. De l’autre bout de la table, G dit timidement « Euh, elle essaye juste de dire que seuls les hétéros se sentiraient offensés par une chose pareille parce que les personnes queer sont… euh, elles sont… », et B de répondre « Qui se sent offensé ? Qui se sent offensé ? ». Et pendant tout ce temps, je pouvais sentir quelque chose d’un rouge vif s’effriter dans ma poitrine. F répliqua passionnément : « Non ! Non ! Tu ne peux pas généraliser de la sorte ! Ne vois-tu pas que généraliser à propos des hétérosexuels est tout aussi grave que généraliser à propos des homosexuels ? »

6 Je crois que je suis tombée amoureuse pour la première fois au lycée, mais il est difficile d’en être sûre. C’était il y a bien longtemps, et

je crois que j’essaye de me convaincre que j’étais amoureuse parce que ça en ferait une bonne histoire. Je ne rentrerai pas trop dans les détails. C’était une amie à moi ; elle était hétéro et je le savais, et je l’en appréciais d’autant plus parce que ça faisait très mal et je commençais juste à découvrir ce genre de douleur. Cela voulait aussi dire que je n’avais pas grand-chose à faire puisque je n’avais, de toute façon, aucune chance. Une fois, nous étions assises sur la petite parcelle de gazon derrière la salle de Physiques, et je lui racontais la première fois que j’avais vu du porno. Au lycée, j’ai raconté cette histoire à plusieurs reprises parce qu’elle faisait rire les gens. La première fois que j’ai vu du porno, il s’agissait d’une pub en encadré sur un site web sur lequel je m’étais retrouvé quand j’avais dix ou onze ans. Je ne me souviens pas du site, mais il s’agissait surement d’un site sur lequel je n’aurais pas dû me trouver. A cet âge, l’internet était pour moi un espace physique, un endroit avec des pièces et des couloirs à travers lesquels je pouvais me déplacer. Je savais déjà comment réduire instantanément une page lorsque l’un de mes parents entrait dans la pièce. Ils y auraient surement trouvé quelque chose de louche. J’avais toujours été douée pour faire ce qu’il ne fallait pas. Sur la pub, quelqu’un se masturbait avec un dildo. Bien qu’ayant un vagin, je n’y avais jamais vraiment prêté attention, alors j’étais terrifiée à la vue des parties génitales couleur chair de cette star de film X. Et les mouvements, la manière dont son poignet se tordait autour du dildo en plastique noir ; je n’avais jamais rien vu d’aussi effrayant. Je gardais les yeux braqués sur la scène pendant un long moment, obnubilée. Entre la rougeur et la violence des mouvements, j’étais persuadée qu’elle se ferait mal. Pour une raison quelconque, mes camarades du lycée trouvaient toujours cette histoire très marrante. Peut-être que mes histoires étaient meilleures à l’époque. Ce jour-là, derrière le labo de Physiques, quand je racontai l’histoire à celle sur qui j’avais un coup de cœur, elle éclata de rire et me rappela à quel point j’étais bête. Elle me disait souvent que j’étais bête. Cela me faisait un peu mal mais comme je l’ai dit plus tôt, je commençais tout juste à découvrir ce genre de douleur. Je lui avais confié que j’étais queer …, et après cela, des choses bizarres avaient commencer à se produire. Elle me touchait plus souvent. Ou était-ce juste mon imagination ? C’était surement juste une illusion. C’était il y a bien longtemps. Un soir, nous sommes allées à un bar et je me souviens que son copain me parlait, ou criait plutôt, mais la musique noyait sa voix. Je crois qu’il me racontait ce que c’était que de coucher

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