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La Paroles Des Concerne.e.s : Mohammad
La Paroles Des Concerne.e.s : Mohammad
J’avais 18 ans, lorsque j’ai quitté la Syrie. J’étais diplômé du bac et je voulais accéder à l’université. La révolution avait commencé. Mon dossier était bon mais les universités ne m’acceptais pas. Je voulais absolument étudier. C’était justement à cause du contexte, que les universités devenaient très sélectives. Puis ma mère m’a conseillé de quitter le pays et partir pour pouvoir étudier. Alors je suis parti pour le Liban. Là bas, on me questionna énormément, sur mes opinions politiques et ma vie privée. Les agents étaient agressifs, ils me provoquaient. Mais j’ai réussi a m’inscrire à science po. Puis j’ai assisté à des marches pour dénoncer les crimes qui se faisaient en Syrie et dont j’étais, jadis, témoin. C’était un ami à moi libanais, qui m’avait dit de venir.
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Puis, j’ai été emprisonné par Hezbollah et j’ai subi la torture. On m’a dit de dénoncer les personnes contre le régime syrien de Bachar si je voulais en sortir sain et sauf, mais je n’ai pas voulu, ce serait lâche de ma part et je refuse de l’être. Ils ont fini par me relâcher. Finalement je n’ai pas pu suivre mon cursus universitaire. J’étais en danger permanent. Puis j’ai entendu à la télévision que le gouvernement algérien accueille tous les syriens voulant s’intégrer et étudier en Algérie. Comment refuser une telle opportunité ? Je suis partie à l’ambassade algérienne et j’ai exprimé ma volonté. On m’a dit qu’il ne fallait qu’une attestation d’hébergement. Puis arrivé en Algérie, je suis partie dans des universités mais à chaque fois on me disait qu’il fallait avoir une autorisation de l’ambassade syrienne. Je suis parti pour faire la demande à l’ambassade syrienne et on m’a dit “on a rien à voir, c’est à eux que tu dois parler”. Je ne savais plus quoi faire. Puis, j’ai décidé de partir en Egypte.
On m’a retenu à l'aéroport pendant 3 jours pour qu’à la fin l’agent me dise “retourne de là où tu viens” et lorsque j’ai dit “mais Morsi nous a promis d’être accueilli" il répliqua “Morsi n’est plus là, il est en prison, bye bye”. Alors je n’avais pas d’autres solutions, je suis retourné en Algérie. Là bas, j’ai appris que la demande que j’avais faite à l’université d'Ain Shams du Caire avait été acceptée. Alors, je me suis dirigé vers l’ambassade pour faire une demande de visa malgré qu’elle ne soit pas obligatoire évitant ainsi d'éventuels soucis. Ma demande a été refusée sans cause valable. Je suis resté 3 ans et demi en Algérie, j’ai travaillé dans une entreprise libanaise implanté en Algérie. Puis un ami à moi, au Soudan, m’a conseillé de m’inscrire dans une université à Khartoum. Seulement, c’était difficile d’y accéder car je devais travailler et étudier en même temps alors j’ai laissé tomber.
Puis je me retrouve à tourner en rond sans étude ni situation stable alors j’ai décidé de rejoindre l'Europe. J’ai traversé les frontières algériennes pour aller au Maroc et rejoindre l'Espagne. J’ai rencontré des difficultés mais je me suis retrouvé à melilla territoire espagnol. On m’a pris dans un bateau et j’ai pu rejoindre l'Espagne. En espagne, on m’a obligé de mettre mes empreintes et signé comme quoi j’étais réfugié alors que je ne voulais pas. On m’a dit que j’étais obligé de rester 8 mois voir 1 an pour pouvoir passer les frontières. J’ai été mis dans un centre de réfugié, je me sentais comme un prisonnier. Je n’étais pas libre, même boire un café dehors était sous autorisation. D’autres réfugiés marocains traînent avec des couteaux et en bande, ils nous agressaient et prenaient nos téléphones. Je n’étais pas accueilli, ni même aidé par les autorités. J’ai décidé de partir pour la France chez des amis que j’ai connus sur facebook, ils habitaient dans un CADA et m’ont dit que c’était possible d’être aidé en France et qu’une famille pouvait m'accueillir. Je suis resté 3 jours dans leur logement et je suis parti à Calais, c’était difficile, nous étions nombreux et mal pris en charge. Ils n’ont pas voulu me donner de droit d’asile car j’étais déjà enregistré en Espagne. Puis j’ai voulu aller en Belgique, à Bruxelles, j’ai rencontré des amis égyptiens et on a voulu partir ensemble pour l'Angleterre. Nous avons tenté d’entrer dans un camion chargé de tapis mais on nous a démasqués puis dans une valise et d’autres tentatives qui ont toutes échoué. Alors je suis retourné en France.
Puis je me suis dit pourquoi pas partir au Pays-bas, alors je l’ai fait et 5 mois plus tard on a découvert que j’avais mis mes empreintes en Espagne et ils ont voulu me retourner là bas. Alors j’ai fui pour me retrouver en Allemagne. En Allemagne, ils m’ont retourné au Pays-Bas de force et m’ont pris 150 euros. De retour en Hollande on m’a emprisonné comme si j’étais un criminel. Puis on m’a tiré de force et maltraité pour me prendre dans l’avion et retourner en Espagne. Arrivé à la case départ je me suis retrouvé livré à moi même. J’étais fatigué de tout ce qui m'arrivait. Pourquoi m'arrive t-il cela? J’étais traité comme un criminel alors que ma seule volonté était d’étudier et de réussir.
Je ne voulais pas rester en Espagne, car je tournais en rond, j’avais personne pour m’aider. Je suis alors parti pour la France, j’ai été accueilli par une très belle famille à Grenoble. Après 2 ans, j’ai eu le droit d’asile et j’ai réussi à m’inscrire à science po grenoble pendant 1 an j’y ai étudié mais j’ai dû la quitter car je devais maîtriser mieux le français. De plus, je devais faire une licence ou équivalence pour pouvoir passer en Master. On m’a alors conseillé de partir à l’Inalco. Actuellement, j’envisage de suivre une formation pour devenir développeur web.
En France, je me sens mieux accueilli, c’est un pays qui aide les personnes à s’intégrer. Mais socialement, j’ai dû faire face à plusieurs personnes racistes, j’ai l’impression qu’ils sont retissant car j’ai un accent ou que je viens de Syrie. Certaines personnes me posent des questions qui n’ont pas de sens “vous avez des machines à laver en Syrie ?” “Vous connaissez le coca cola en Syrie ?” comme si la Syrie était un pays hors de la terre. Je trouve aussi que le monde du travail pour nous autres réfugiés est difficile d’accès et que nous sommes exploités dans les métiers de livreur et d’autres métiers dans lesquels les patrons n'hésitent pas à exploiter les salariés.
Le plus difficile lorsqu’on quitte le pays pour vivre ailleurs c’est qu’on a pas forcément l’opportunité de voyager librement, d'aller voir sa famille. Cela fait plus de 10 ans que je n’ai pas vu ma famille. Mon père est décédé récemment et je n’ai pas pu le voir avant ni même assister à ses funérailles. La vie est difficile loin d’eux mais j'essaye d’oublier sinon je ne vivais plus, je crois au destin et j’essaye d'avancer. Ce qui est sûr c’est que je n’aurais jamais cru rencontrer tous ces périples pour enfin avoir une vie stable.
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