FOLIO #2 - Presse Ecrite ISCPA

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CULTURE SOCIÉTÉ INTERVIEW

Caroline Mécary: «On peut être un homme, gay, sans avoir de multiples rapports sexuels» Caroline Mécary est une avocate spécialisée dans le droit de la famille au barreau de Paris. Depuis plusieurs années, elle s’occupe de procès défendant les droits des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT). Sa dernière affaire en date: le procès attenté par Geoffrey Léger, un jeune homosexuel, afin de faire ouvrir le don du sang aux hommes homosexuels. Quand et pour quelles raisons Geoffrey Léger a t-il déposé plainte ? Il a saisi le tribunal administratif d’une requête le 9 juillet 2009. Il a contesté le refus qui lui avait été opposé par le médecin responsable de la collecte du sang à Metz. Il a indiqué qu’il se sentait victime d’une discrimination lorsqu’on lui a refusé de donner son sang, lors d’une collecte le 29 avril 2009, au motif qu’il est homosexuel. Il a donc déposé plainte pour discrimination ? Oui, il a invoqué l’illégalité de l’arrêté sur le fondement duquel la décision de refus du don du sang lui a été opposé. Quand la décision sera t-elle prise ? Le tribunal administratif devrait examiner cette requête vraisemblablement en mars ou avril 2012. Cette décision, quelle soit positive ou non, pensez-vous qu’elle fera jurisprudence ? Aucune décision de justice en droit français ne fait jurisprudence parce que chaque décision de justice ne vaut que pour le cas qu’elle tranche. Néanmoins, si le tribunal 12

administratif venait à considérer que le refus de donner son sang qui a été opposé à monsieur Léger était illégal, ce serait un pas important en direction de l’égalité de traitement pour les personnes qui veulent donner leur sang, notamment pour les homosexuels. Le soutien des associations estil important dans ce combat ? Dans ce combat, oui. Je pense que le soutien des associations est important parce qu’elles ont une expertise que n’a pas le ministère de la Santé. Ce ministère a pris un arrêté, qui est daté du 12 janvier 2009, qui fixe les critères de sélection des donneurs de sang. Dans ce texte, il est dit expressément que si la personne qui veut donner son sang fait partie des personnes qui risquent de transmettre le VIH (notamment les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes), et bien il s’agit d’une contre-indication permanente pour accepter ce don du sang. Pensez-vous que des raisons politiques soient derrière cette interdiction ? Il me semble que cette interdiction a une base erronée. Elle se fonde uniquement sur le

fait que des hommes aient pu avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes, donc elle vise les gays. Or, en réalité on sait que le risque ne résulte non pas de l’homosexualité, mais de la multiplicité de rapport que l’on peut avoir. Et ça, ça concerne aussi bien les hétérosexuels que les homosexuels. Le critère pour refuser un don du sang devrait être le type de pratique de celui qui veut donner son sang. On peut être un homme, gay, sans avoir de multiples rapports sexuels et donc être sans risques. Mais à côté de ça on peut être un homme hétérosexuel, avoir de multiples rapports et donc être une personne «à risques». Comment et quand la situation peut-elle évoluer ? La situation peut évoluer de deux manières: soit on a une décision judiciaire du tribunal administratif qui remet en cause l’arrêté du 12 janvier 2009, soit on a une décision politique du ministère de la Santé qui abroge cet arrêté et qui définit de nouveaux critères pour refuser le don du sang. Des critères qui ne seraient pas fondés sur l’orientation sexuelle. Propos recueillis par Margot Ziegler et Kahina Sekkai

Caroline Mécary, avocate spécialisée dans le droit de la famille au barreau de Paris.

«ON SAIT QUE LE RISQUE NE RÉSULTE NON PAS DE L’HOMOSEXUALITÉ, MAIS DE LA MULTIPLICITÉ DE RAPPORTS»


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