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VoilĂ trente-huit heures que Maldonado est allongĂ© dans la une cellule pour douze dĂ©tenus. Lâair est lourd et humide, la piĂšce pue la pisse. Il est trempĂ© de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? DâaprĂšs la loi fĂ©dĂ©rale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 â Improper entre by alien», entrĂ©e illgĂ©ale dâun Ă©tranger sur le sol amĂ©ricain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lĂšve, le suit. En chemin, il perd Ă moitiĂ© ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retirĂ© ses lactes et sa ceinture pour lâempĂȘcher de se pendre. On prend lâempreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupĂ©s trĂšs court, plombage sur lâincisive gauche. Les donnĂ©es sont comparĂ©es ave celles de la base du FBI. Lâordinateur affiche: «Trouvé».
Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé
Pendant huit ans, il avait envoyĂ© des sous Ă sa famille, Ă Santo Domingo dans la province dâOaxaca, aprĂšs avoir payĂ© le loyer, le tĂ©lĂ©phone et de quoi manger. Les dimanches, il leur parlait un quart dâheure en appelant chez les voisins car sa famille nâavait pas le tĂ©lĂ©phone. Pour Maldonado, ses enfants Ă©aient deux vois devenant un peu plus graves avec les annĂ©es. Mais un dimanche de 2009, la mĂšre de Maldonado ne vnt pas rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle nâest pas occupĂ©e, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas Ă la maison, je tâen prie. Nous avons besoin dâargent». Il ne perdra pas sa mĂšre sans lâavoir vue une derniĂšre fois. Il prend la route:4000 kilomĂštres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil Ă ses papiers au poste-frontiĂšre. Lorsquâil rapelle chez lui, il est dĂ©jĂ au Mexique. «Ta mĂšre va mieux, le rassure la voisine. Elle Ă©tait Ă lâhĂŽpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combinĂ©. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas Ă la maison, je tâen prie. Nous avons besoin dâargent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants Ă lâĂ©cole, sinon?» «Jâaurais dĂ» rĂ©flĂ©chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado. Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas dâargent.»LĂ , tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as dâargent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans aprĂšs sa premiĂšre traversĂ©e de la frontiĂšre, il est devenu quasiment impossible dâentrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gar âą
neon magazine n4
NAM JULI_ Journaliste NEON
2.3
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une amande sans faire dâhistoire et personne nâavait vĂ©rifiĂ© son permis de sĂ©jour.»Tu Ă©tais dĂ©jĂ sur le territoire?» demande lâofficier en espagnol. Il fait oui de la tĂȘte. Nus sommes Ă lâĂ©tĂ© 2009, et câest la deuxiĂšme fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente dâentrer sur le territoire amĂ©ricain. La premiĂšre fois, câĂ©tait en 2001, et ça avait marchĂ©. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et dâautres Etats, en fonction des rĂ©coltes, il gagnait pres de dix dollars de lâheure: dix fois plus quâau Mexique.