Magazine1

Page 37

_37

VoilĂ  trente-huit heures que Maldonado est allongĂ© dans la une cellule pour douze dĂ©tenus. L’air est lourd et humide, la piĂšce pue la pisse. Il est trempĂ© de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’aprĂšs la loi fĂ©dĂ©rale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrĂ©e illgĂ©ale d’un Ă©tranger sur le sol amĂ©ricain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lĂšve, le suit. En chemin, il perd Ă  moitiĂ© ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retirĂ© ses lactes et sa ceinture pour l’empĂȘcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupĂ©s trĂšs court, plombage sur l’incisive gauche. Les donnĂ©es sont comparĂ©es ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé

Pendant huit ans, il avait envoyĂ© des sous Ă  sa famille, Ă  Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, aprĂšs avoir payĂ© le loyer, le tĂ©lĂ©phone et de quoi manger. Les dimanches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le tĂ©lĂ©phone. Pour Maldonado, ses enfants Ă©aient deux vois devenant un peu plus graves avec les annĂ©es. Mais un dimanche de 2009, la mĂšre de Maldonado ne vnt pas rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupĂ©e, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupĂ©e, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas Ă  la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent». Il ne perdra pas sa mĂšre sans l’avoir vue une derniĂšre fois. Il prend la route:4000 kilomĂštres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil Ă  ses papiers au poste-frontiĂšre. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est dĂ©jĂ  au Mexique. «Ta mĂšre va mieux, le rassure la voisine. Elle Ă©tait Ă  l’hĂŽpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combinĂ©. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas Ă  la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants Ă  l’école, sinon?» «J’aurais dĂ» rĂ©flĂ©chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado. Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»LĂ , tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans aprĂšs sa premiĂšre traversĂ©e de la frontiĂšre, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gar ‱

neon magazine n4

NAM JULI_ Journaliste NEON

2.3

voi r

une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vĂ©rifiĂ© son permis de sĂ©jour.»Tu Ă©tais dĂ©jĂ  sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui de la tĂȘte. Nus sommes Ă  l’étĂ© 2009, et c’est la deuxiĂšme fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire amĂ©ricain. La premiĂšre fois, c’était en 2001, et ça avait marchĂ©. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des rĂ©coltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.