20140215 mag

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david douard dérange le palais de tokyo

D

« Mo’SwALLow », De DAViD DouARD. PALAiS De Tokyo, 13, AV. Du PRéSiDenT-wiLSon, PARiS 16e. juSqu’Au 12 MAi.

Le plasticien David Douard installe son parcours entre sculptures déchirées, étranges femmes enceintes et fontaines d’eau, de lait…

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Sandra Rocha pour M Le magazine du Monde x5

En coulisses

e loin, ce soir-là au Palais de Tokyo, à Paris, David Douard, 31 ans, a moins l’air d’un artiste dans son exposition que d’un mécano dans son garage : épaisses godasses, sweat mauve sale, casquette sur la tête. Le plasticien s’exerce à diriger une sorte de tripode métallique à roues. Un robot qui grince et gémit quand l’artiste lui fait exécuter des rotations brusques. Pour l’instant, ce n’est qu’un triangle plat. Il portera une structure de tiges sur laquelle des tissus et des sacs à dos d’enfants s’accumuleront. Les mouvements les agiteront et feront osciller des lames d’étoffe grise qui dessineront des cloisons dans l’espace. Il faut un effort d’imagination pour entrevoir ce que cela donnera. Il en faut encore plus pour comprendre où et à quelle hauteur prendront place des sculptures aux formes déchirées qui s’achèvent toutes par un sein transparent. Mais, à mesure que Douard l’explique, son projet devient plus intelligible. La lecture d’Henri Michaux lui a suggéré l’idée de « l’enfant bouche ». Ce sera une histoire d’allaitement, de liquides organiques et de nourrices, mais aussi de maladie et de contamination. Il y aura des fontaines, déjà à peu près montées mais pas encore en action. « Dans l’une, de l’eau ; dans une autre, du lait. La troisième, je ne sais pas encore. » Il lui reste seulement une semaine avant le début de l’exposition. « J’aime mettre mes pièces en danger. » Il y aura aussi deux mannequins grandeur nature de femmes enceintes, dont les ventres révèlent des faces monstrueuses. Des textes passeront sur les murs, et en de nombreux endroits seront disposées des cages. « Je ne veux pas de pathos, dit Douard, mais que les visiteurs soient tantôt rassurés, tantôt mal à l’aise. » Des lampes au sodium, des architectures en bois et en aluminium, et un usage appuyé de la couleur jaune dans une nuance aigre y contribueront. Le parcours doit glisser entre assemblages, fontaines et vitres pour finir dans une chambre ovale où sera placée une œuvre de l’artiste japonais Tetsumi Kudo (1935-1990), qui a été le premier à faire de la destruction de la nature et de l’homme par la pollution l’objet de son œuvre. Kudo a souvent employé la cage, que Douard reprend en signe d’hommage. « Les murs sont courbes, explique-t-il à propos de cet espace, pour suggérer le ventre, la naissance… Dans les abattoirs aussi, les cloisons sont courbes, pour que les bêtes vivantes ne voient pas les bêtes que l’on est en train de tuer. » Il dit cela sur le ton de l’évidence. Ph. D.


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