Le Philotope 12

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MaT(i)erre(s)

C’est ce rapport constant d’architectures qui, nourri par l’être en relation, parviendra à déconstruire nos habitations et mues successives pour atteindre l’épigenèse des lieux. Or n’est-ce pas là le grand défi de notre temps que de retrouver ce lien ancestral et de le réassocier à la valeur intrinsèque de l’homme ? Déconstruire pour reconstruire là où l’homme a détruit, refusionner avec la matière comme liant, comme affect et comme habitation. Faire sa fragilité nôtre, reconnaître notre indissociabilité et épouser le monde avec une perspective mésologique. Autrement dit, embrassant l’ensemble des êtres vivants et leur interrelation avec le milieu. C’est la seule issue viable, et nous pouvons espérer reconquérir ces architectures, cet écosystème malade, tant les imaginaires sont fertiles face aux menaces planétaires, tant la nature même de la plastique est dynamique. Preuve en est, le liage perceptif décrit en neuroscience comme l’association d’objets mentaux aux phénomènes d’apprentissage ou d’attention13 ou la description méticuleuse des interfaces plastiques découlant de la co-implication de la matière et de la forme comme la courbure espace-temps, le lien étroit entre le percept et le concept ou entre l’expérience et la conscience (la plasticité de l’esprit)14. Prenons le cas du percept comme liant, il implique la corrélation spatio-temporelle et la synchronisation de l’activité de neurones spécialisés co-activés par un même objet du champ visuel. Ces mêmes mécanismes sensoriels pourraient être liés aux synesthésies (association mot-couleur-son). À chaque fois, des complexes plastiques essentiels15 se forment indiquant l’inextricabilité du couplage formé au point d’ancrage de dimensions ou d’expressions irréductibles et la prégnance de la plasticité dans cette complexion unique16. Et cette représentation plastique de la réalité a un écho fondamental sur le plan de la noèse comme de l’épistémè. C’est d’un carrefour ontologique et d’un processus de co-signification qu’il s’agit, tous deux ouvrant au tiers et à la transversalité.

13. Jean Lorenceau, limsi, cnrs http://cogimage.dsi.cnrs.fr/projets/dyco/dyco_themes.htm 14. Marc-Williams Debono, « États des lieux de la Plasticité : 1- Les Interfaces plastiques ; 2- La Plasticité de l’esprit », in Implications Philosophiques, mars & mai 2012 15. Par exemple : ETP : espace-temps-plasticité ; NMP : neural-mental-plasticité, CCM : cerveaucorps-monde… 16. Marc-Williams Debono, « Le complexe de Plasticité : état des lieux et immersion », PLASTIR n°18, 2010/3.

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