Le Philotope 12

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MaT(i)erre(s)

maîtrise de la chaîne de production du bois permettent par exemple aux Suisses de construire des cheminées en bois. Cette technicité n'est pas seulement liée à ce que nous faisons du bois au moment où il arrive dans l'atelier, mais c'est le concours des savoir-faire de toute la chaîne de transformation qui permet de repousser les limites techniques du bois massif, sans nécessairement recourir à des transformations industrielles. Il est évidemment possible de créer un objet fait de bois, ne faisant apparaître aucun défaut, un objet « parfait », « pur », témoignant le moins possible de l'hétérogénéité du bois. Encore une fois, c'est un curseur sensible. On accepte ou pas de refaire une pièce. Mais en même temps que les systèmes de production changent, que l'accès aux ressources évolue, et que le niveau même des ressources tend à diminuer, l’esthétique de toute la production de l'architecture et du design se transforme, et il est alors essentiel de faire évoluer avec elle nos standards de perfection. L'objet ne peut plus se suffire à lui même. Il est causes et conséquences, et ne peut plus exister indépendamment d'elles. Il nous appartient, en tant que concepteur, créateur, fabricant, de faire apparaître dans la réalité de l'objet fabriqué les liens entre causes et conséquences. C'est, il me semble, la condition pour donner un sens contemporain à l'objet. Accepter l'hétérogénéité, les défauts, l'imperfection du bois dans ce qui construit, conceptuellement un objet en fait partie. C'est en quelque sorte accepter les conditions de vivants des êtres qui nous entourent, et faire avec.

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