Paris Montmartre décembre 2019

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PAROLES ET MUSIQUE

PAR PIERRE PASSOT

PM 13-114

GILLES DREU

85 ANS DE TALENT !

À

l’issue du déjeuner suivant les intronisations des nouveaux membres de la République de Montmartre le dimanche 13 octobre dernier, les deux-cents convives ont fait un triomphe à Gilles Dreu qui les a gratifiés d’un superbe intermède à La Bonne Franquette. À l’écouter, il est difficile de croire que ce chanteur exceptionnel ait fêté en musique ses quatre fois vingt ans il y a déjà... cinq ans ! Gilles Dreu, de son vrai nom Jean-Paul Chapuisat, est en effet né le 31 juillet 1934 d’un père franc-comtois et d’une mère bretonne. Son géniteur étant militaire de carrière dans l’infanterie coloniale,

Quelle chance pour nous que Gilles Dreu ne soit pas devenu prof de gym grâce à une cuite providentielle au TireBouchon !

c’est au hasard d’une de ses affectations qu’il voit le jour à Dreux, d’où son pseudonyme dont il supprimera le X final qu’il trouvera, selon ses dires, inesthétique et rébarbatif. De garnison en garnison, il bourlingue de l’Afrique noire aux Antilles avant que ses parents se fixent à Marseille en 1949. À 15 ans, il pratique l’athlétisme à haut niveau et le rugby à outrance. Sa voie est toute tracée. Après le bac, il entrera au CREPS d’Aix en Provence, il sera prof de gym. Durant ses presque trente mois de service militaire en Algérie, il compose ses premières chansons pour vaincre l’ennui. À son retour à la vie civile en 1959, il ter-

mine ses études à l’ENSEP, l’École Nationale Supérieure d’Éducation Physique, à Vincennes. Pendant les vacances de Noël, il monte à Montmartre pour faire la fête avec une bande de copains rugbymen, déjà bien imbibés avant de pousser la porte du Tire-Bouchon. Comme il le confie à Pascal Ritter qui l’interviewe dans son émission Bienvenue chez Vous, c’est cette soirée qui va décider de son avenir. Les joyeux drilles se comportent comme des goujats, interrompant à tout propos les artistes qui se produisent au cabaret. Le patron, Henri Valbert, excédé par leur conduite, met l’un d’eux au défi de monter sur scène pour chanter. Ce sera le challenge de Gilles. Lui qui se décrit comme le barde des troisièmes mi-temps de rugby, ne possède alors qu’un répertoire de chansons paillardes peu adaptées à la circonstance. Heureusement, il a appris par cœur Quand on n’a que l’amour qu’il interprète miraculeusement bien, malgré son état d’ébriété avancé, soutenu par le pianiste ayant accompagné Jacques Brel, tout débutant, en ce même lieu quelques années plus tôt. Sa performance est acclamée par sa bande de potes, suivis par obligation par le reste des spectateurs, craignant peut-être en cas de sifflets, des représailles de la part de ces impressionnants piliers de l’ovalie. Toujours est-il que Valbert est conquis et engage Gilles pour donner quatre chansons dès le jeudi suivant. Restent à les trouver,

ces chansons. Elles seront conçues avec son ami Bob Sellers dans la semaine suivante, dont l’immortelle Filles de Garches et enfants de Puteaux. C’est cette même œuvre qu’interprètera l’artiste dans l’émission télévisée Les Tréteaux de France présentée en 1964 par Michèle Arnaud, destinée à faire connaître les Révélations de l’année et parrainée en l’occurrence par Georges Brassens, en personne. Gilles va ensuite se produire dans tous les cabarets de la rive gauche, devenus aujourd’hui mythiques, tels que L’Écluse, L’Échelle de Jacob et Le Port du salut. Sur la Butte, il fréquente Bernard Dimey, Monique Morelli, François Deguelt, et croise dans le métier de nombreux débutants qui s’appellent Pierre Richard, en duo comique avec Victor Lanoux, Daniel Prévost, Serge Lama, et Barbara qui n’est pas encore en haut de l’affiche. En 1962, Léo Missir lui permet d’enregistrer trois « super 45 tours » chez Riviera, dont le succès est mitigé. Gilles est parallèlement attiré par le cinéma où il apparaît dans des films tels que Les Cracks d’Alex Joffé, en 1967, ou, plus tard, Le Cri du Hibou. Plutôt que de jouer dans des petits rôles, il choisira définitivement la chanson en écoutant le conseil d’Hugues Auffray qui vient de créer son propre label en 1966 : La Compagnie. Sur son instigation, Gilles Dreu change de style et enregistre Emiliano


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