Pays de Lons 42

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A L’ H O N N E U R ■ BRESSE DU JURA

Des solutions contre le “péril noir” ?

SOS pisciculteurs !

Pour Hervé Gimaret, hydrobiologiste et maire de Champrougier, la disparition des derniers pisciculteurs pourraient avoir de lourds impacts environnementaux.

Depuis longtemps déjà, les pisciculteurs des étangs de la Bresse jurassienne ont tiré la sonnette d’alarme. Et pour cause, il ne reste que cinq représentants de la profession. Principal accusé : un prédateur à la concurrence rude, le cormoran, qui tire sa conséquente pitance dans les étangs. Gisèle Fevre nous accueille à Champrougier où elle élève avec passion depuis 23 ans toutes sortes de poissons destinés à la vente. Zoom sur une pratique en voie de disparition. De l’état d’œuf à la papillote dans votre assiette, c’est un travail de longue haleine auquel se livre le pisciculteur ! Pendant trois ans, Gisèle Fevre bichonne, dorlote ses poissons, car avant de les vendre, elle doit les élever. Carpes, brochets, black bass, sandres, perches, gardons, tanches sont au petit soin avant de devenir de grands gaillards. “On fait grossir les petits poissons dans un étang d’alevinage pendant leurs deux premières années. La troisième année, toutes les espèces sont mélangées dans un autre étang. La pêche débute en octobre-novembre pour la commercialisation,

puis en janvier-février, l’alevinage recommence.” Dès juin, la piscicultrice se livre à l’entretien des étangs, le nettoyage des digues, et en juillet, elle s’attelle au faucardage, le fauchage des plantes aquatiques. Une phase essentielle permettant à la lumière de se diffuser et au plancton de se développer.

Une évolution des mentalités Quand Gisèle Fevre a repris l’exploitation des étangs de famille il y a 23 ans dans cet univers très masculin, force fut de constater que l’égalité homme-femme dans ce milieu était un concept… assez flou. Première femme à

s’installer en Franche-Comté, elle s’est heurtée à une misogynie patente. “Aujourd’hui, les pisciculteurs sont beaucoup plus ouverts d’esprit. J’ai appris à les connaître au fil des années, et je travaille aujourd’hui beaucoup plus dans le Jura qu’avec d’autres départements.”

Un milieu précaire Gisèle Fevre reconnaît volontiers qu’il est difficile, voire impossible de vivre décemment de ce métier. “Je ne me plains pas, ajoute-t-elle, j’ai la chance d’avoir un conjoint qui travaille à côté. Le prix du poisson n’a pratiquement pas augmenté depuis vingt ans,

Dès juin, Gisèle Fevre doit s’atteler à l’entretien de ses étangs.

alors que les charges augmentent et qu’il faut continuellement investir dans du

Le cormoran en ligne de mire

nouveau matériel. De plus, nous sommes dévastés par les cormorans. Nous avons tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme auprès de Monsieur Raquin, le président du Conseil général.

Lors d’un cycle annuel ou bisannuel, la vidange est une étape essentielle de l‘entretien, permettant à l’étang de se refaire une santé. En effet, sans vidange, le plan d’eau s’encrasse et s’envase, occasionnant un brusque apport de sédiments qui se répercute sur les rivières. “Les étangs sont une création de l’homme, on ne peut pas les laisser à l’abandon, alerte Hervé Gimaret. S’il n’y a plus de pisciculteurs, que va-t-on faire ?” Si le pisciculteur est une espèce en voie d’extinction, l’accusé numéro un est ce grand oiseau noir glouton, le cormoran. “Depuis quinze ans, il colonise le Jura et dévaste les étangs, déplore l’hydrobiologiste.” En effet, originaire des Pays scandinaves, l’oiseau a migré car la consommation de ses œufs y fut interdite, entraînant une surpopulation et une raréfaction de la nourriture. “On observe un dortoir sur la réserve naturelle du Jura et ils viennent régulièrement sur la Bresse. Il se pourrait qu’il commence à nidifier dans la région. Lors d’une “opération commando”, un groupe peut vider un étang en trois jours !” Concernant de potentielles solutions, Hervé Gimaret se veut pessimiste : “la seule alternative est d’agir sur les œufs, mais certains pays européens s’opposent à cette solution, nous sommes donc coincés”. Un système d’effraiement n’apparaît pas non plus comme la panacée, puisqu’il ne ferait que déplacer le problème chez les confrères. En quelque sorte, l’histoire du serpent qui se mord la queue… La pose de filet sur de si vastes superficies semble également compliquée. “La solution la plus rationnelle serait de réussir à chiffrer les pertes afin de les indemniser” conclut Hervé Gimaret. Dans son récent “contrat de développement durable pour l’agriculture jurassienne”, le Conseil général s’engage à soutenir les pisciculteurs de la Bresse.

Céline Garrigues

Copyright Daniel Bouvot, LPO FC

Depuis les années 80, on assiste à une croissance exponentielle des populations du cormoran. Un groupe de ces prédateurs à l’appétit particulièrement vorace pourrait vider un étang en quelques jours, représentant un véritable fléau pour le rendement des pisciculteurs. Celui qu’on appelle le “péril noir” fait partie des espèces protégées en Europe, et dès septembre, des colonies vont déferler sur le Jura. Sébastien Mereau, jeune pisciculteur qui assiste impuissant au pillage de ses étangs, milite pour la régulation de l’espèce, voire son éradication. “On veut juste travailler” tonne Sébastien Mereau, impuissant face aux assauts du cormoran. Pour les autres pisciculteurs professionnels des étangs de la Bresse jurassienne, Christine Roubez, Philippe Collin, Jean-Philippe Bardy et Gisèle Fevre, le constat est le même. L’arrivée massive de l’oiseau, qui a délaissé les embruns maritimes pour se rabattre sur une nourriture à portée de bec, leur laisse un goût de cendres tièdes dans la bouche. Depuis cinq ans, Sébastien Mereau exploite six étangs en production, et en parallèle propose des activités de pêche de loisirs sur quatre étangs en “no-kill”. Mais son activité d’élevage est aujourd’hui au point mort : “il est impossible d’en

vivre, je ne peux en retirer aucun salaire. Il y a eu une hécatombe cette année, les oiseaux ont tout vidé. On a la demande, mais aucune production, j’ai dû refuser des clients tout l’hiver. Depuis cinq ans on ne fait plus rien. Pourtant l’élevage pourrait être une alternative à l’épuisement des réserves de poissons”. Face aux différentes solutions apportées pour sortir les pisciculteurs de ce marasme, Sébastien Mereau opte, lui, pour une alternative bien plus radicale : “je ne veux pas d’indemnités, mais juste travailler. Il faut éradiquer cet oiseau qui n’a rien à faire sur notre territoire !” Une problématique qui met en exergue une nouvelle fois la délicate conciliation entre écologie et économie. C.G.

“Un bouc émissaire idéal” “Depuis plusieurs années, le cormoran continental a petit à petit rejoint les terres à la faveur des grands cours d’eau. On l’observe presque uniquement en hiver” éclaire Chritophe Morin, biologiste à la Commission de protection des eaux (CPEPESC). “Il y a environ 3 000 individus pour la FrancheComté, mais ils ne nichent pas dans notre région”. Les effectifs sont stables et les ornithologues n’enregistrent pas d’augmentation significative de la population à ce jour. Cette espèce du nord de l’Europe aurait connu une expansion récente. Il se nourrit essentiellement d’espèces communes des grands cours d’eau, notamment le poissonchat, à raison de 500 g environ de poissons par jour . “Le cormoran peut faire des dégâts en ce qui concerne l’élevage” reconnaît le biologiste. Si l’impact économique est réel

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pour lui, les tirs n’ont aucun intérêt et ne répondent pas au problème. En effet, les quotas autorisés en matière de tirs auraient un impact négligeable sur la population. Le spécialiste pointe du doigt d’autres problématiques liées à la gestion des étangs par les pisciculteurs. “La politique d’alevinage et de vidage des étangs qui intervient très tôt au printemps ne permet pas de respecter la biodiversité. Le cormoran n’est pas tout blanc, mais il n’est pas tout noir non plus. C’est un bouc émissaire idéal”. Concernant d’éventuelles solutions, Christophe Morin suggère le recrutement d’un garde qui effectuerait des patrouilles le long des étangs afin d’effrayer la bête. Mais il déplore le manque de moyens et d’aides financières alloués aux pisciculteurs qui leur permettraient une meilleure structuration.

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