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Talents

D

evenir un héros «woodyallenien», Joaquin Phoenix en rêvait. Il cite toujours Annie Hall et Stardust Memories parmi ses films préférés. Quand il ne tourne pas, l’acteur fétiche de James Gray et Paul Thomas Anderson, ce splendide caméléon beaucoup plus solaire qu’on ne le croit, adore regarder des comédies et traîner dans sa maison de Los Angeles avec ses chiens. Mais le cinéma le rattrape toujours. A 41 ans et trois décennies de travail derrière lui, le si touchant Joaquin Phoenix, regard de jade plus sexy que jamais et quelques seyants cheveux gris, donnera à l’automne la réplique à Amy Adams, Kim Basinger et Jake Gyllenhaal dans Nocturnal Animals, le deuxième film en tant que réalisateur de Tom Ford, produit par George Clooney. Vous avez dit haut de gamme ?

(Rires) Je lui ai dit: «Mais putain, c’est la description même de mon boulot, je dois passer d’une émotion extrême à l’autre, excuse-moi si je ne te raconte pas de blagues pendant la pause !» (Rires) Quand je travaille, oui, c’est vrai, je suis ultra-sensible et cela fait partie de mon boulot d’acteur. Que faites-vous lorsque vous ne tournez pas ?

Pendant six mois, je suis aux anges à ne rien faire du tout et je dis à mon agent de ne rien m’envoyer, et puis les six mois suivants, je panique, car ce qu’on me fait lire est nul et je vais pleurnicher auprès de mon agent et lui dis: «Dois-je baisser mes critères ?» Et puis soudain, miracle, on m’envoie un scénario auquel j’ai envie de me frotter.

Joaquinphoenix

«Etre ultra-sensible, cela fait partie de mon boulot d’acteur» Vous venez de participer au film Unity, de Shaun Monson, pour qui vous aviez déjà dit le commentaire sur le remarquable documentaire Earthlings, dénonçant la cruauté envers les animaux. Pouvez-vous nous parler de vos engagements ?

Un film avec Woody Allen se passe comme vous imaginiez ? JOAQUIN PHOENIX. Pas du tout ! Woody Allen choisit un

acteur pour une raison spécifique. Il m’a dit: «Quoi que tu fasses, tu projettes toujours une certaine complexité.» A partir de là, j’étais encouragé à en faire le minimum. J’ai regardé travailler un mythe qui n’a rien à voir avec son personnage. Sur son plateau, Woody Allen est un putain de général. Pas une trace de malaise, jamais de temps perdu à suranalyser la scène. Il est… boum, droit au but, solide, confiant, à l’opposé de son image névrotique.

J’avais vraiment admiré le courage de Shaun, qui avait dénoncé, au moyen de caméras cachées, le traitement atroce des animaux destinés à la nourriture, à l'habillement, aux divertissements et aux recherches scientifiques. Cette fois, Unity raconte la façon dont nous, les humains, nous éloignons les uns des autres au lieu de nous unir sur tout ce que nous avons en commun. Le pacifisme est une autre cause qui me tient à cœur, et dans laquelle ma mère est très impliquée. Pour Unity, je trouvais égocentrique d’en être le seul narrateur. Le projet a donc une centaine de narrateurs, des voix de tous les pays : c’est un film choc qui va sortir prochainement et peut, j’espère, éveiller, réveiller, les consciences.

Qu’avez-vous trouvé de plus difficile, sur le tournage du film?

A part supporter qu’Emma Stone soit incapable de prononcer mon prénom ? Elle m’appelait Ja-Keen. (Rires) Tout le monde à Hollywood sait dire (il imite l’accent français) «Marion Cotillard», mais le mien, non… Mais je m’égare… (Rires) J’ai grandi en imitant avec mes sœurs la façon de parler de Woody Allen, donc le plus difficile était d’éviter de le copier. Le talent d’acteur de Woody Allen n’est pas assez reconnu. Il est génial dans Guerre et amour. La dernière scène de Manhattan est incroyablement difficile. On devrait le trouver antipathique, mais il joue ça de façon si droite, sans faux regret, qu’il en devient formidablement touchant. Cette scène m’a toujours émerveillé.

Propos recueillis par J U L I E T T E M I C H A U D Photographie Michael Muller / Agence A. «L’Homme irrationnel», sortie le 14 octobre.

Vous avez pas mal grossi pour devenir le prof de philo…

Ce genre de décision est particulièrement jouissive pour moi. C’est au personnage d’entrer en vous, non le contraire. J’adore le côté métamorphose, travailler avec les costumiers, les accessoiristes… A tel point que Woody et le chef-opérateur français, Darius Khondji, ont dû m’ordonner de cesser de me cramponner à mon cartable de professeur ! (Rires) Comment vivez-vous toutes les transformations émotionnelles nécessaires pour tous vos rôles ?

Pour Her, de Spike Jonze, je devais tourner une scène très émotionnelle le matin, et l’après-midi une scène très joyeuse. Au déjeuner, Spike m’a accusé de sautes d’humeur !

Joaquin Phoenix’s role in Woody Allen’s Irrational Man is a dream come true. The actor has always idolized the director and Annie Hall and Stardust Memories are among his favorite films. He also believes that Allen’s talents as an actor have underappreciated. “For the last scene in Manhattan,” he says, “you should find him unlikeable, but he plays it so straight that he becomes incredibly touching. That scene has always amazed me.” Phoenix put on weight for the role inIrrational Man, because, he says, “The character reveals itself to you, not the other way around”. He says that when he’s not working he’s ecstatic for six months, then spends the next six months panicking that he’ll never find another script he likes. “And then suddenly, the miracle,” he says. “I get sent a script I want to do.” Then it’s back to work where he says his sensitivity becomes an integral part of doing his job.

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