STRASBOURG, L’INTELLECTUELLE ?
STÉPHANE LITOLFF « ST RASBO URG NE PEU T PAS TOU T ASSUMER À EL L E SEU L E... » Stéphane Litolff, 46 ans, dirige avec brio le centre culturel de Vendenheim, au nord de Strasbourg. En bon pro de l’animation culturelle, il pose la question de la place de l’intellectuel dans la société contemporaine et son analyse des politiques culturelles locales est particulièrement pertinente… /// TEXTE JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS MÉDIAPRESSE
C’est d’abord l’histoire de la découverte d’un centre culturel de la seconde couronne de Strasbourg. Honte à nous ! A la rédaction de Or Norme, les communiqués culturels sont si nombreux que ce qui se programmait à Wendenheim avait jusque là échappé à nos radars… Il a fallu que l’artiste Cathy Meyer nous insère dans son jury du concours de mail-art « Je suis Charlie » pour qu’on découvre le lieu. Deux jours plus tard, Stéphane Litolff nous invitait à la journée « Portes ouvertes » de son centre culturel avec un sibyllin « Venez, ça n’a rien de classique. C’est conçu comme un spectacle… ». On est venu et on a été emballé par la métamorphose totale du lieu et une mise en scène d’une folle habileté : nous sommes devenus l’espace d’un après-midi des visiteurs d’un futur millénaire, redécouvrant les vestiges d’un centre culturel du lointain XXIème siècle encore habités par des zombies qui avaient été, à l’origine, des comédiens. Décoiffant ! Enfin, deux mois plus tard, la conjuration des amitiés avait encore fait son œuvre: la découverte des « Cavaliers », une pièce de théâtre inspirée du roman de Joseph Kessel. Ou comment un acteur et un metteur en scène de très grand talent (Eric Bouvron) parvient à restituer les grands espaces de l’Afghanistan sur quelques mètres carrés de scène… Superbe ! Le flair de Stéphane Litolff est alors apparu en pleine lumière : en juillet dernier, la pièce, superbement servie par le Molière 2014 de la révélation masculine, Grégori Baquet, et l’extraordinaire talent du comédien-bruiteur Khalid K, a fait un carton au Off d’Avignon. « Les cavaliers » sont programmés à Paris l’hiver prochain. On vous prédit d’ores et déjà un triomphe… qui ne
60
surprendra pas les près de quatre cents spectateurs qui on découvert ce petit bijou théâtral à Vendenheim au printemps dernier. Alors évidemment, au moment de fabriquer le dossier de ce numéro d’Or Norme consacré à Strasbourg l’Intellectuelle ? nous avons pensé que Stéphane Litollf avait sans doute deux ou trois choses à nous dire sur le sujet. Et nous n’avons pas été déçus… Transversalités… L’homme a écumé les lieux les plus divers, centres sociaux, associations… et se souvient avoir fait ses armes en matière culturelle en montant Avalanche, un collectif rock qui avait pour objectif, il y a vingt ans, « d’aider et valoriser la scène locale ». « L’électro pointait le bout de son nez » se souvient-il, « avec Yann Gilg, on a fait le même constat : Strasbourg était un peu une ville morte côté musiques actuelles. Yann n’arrêtait pas de dire : il faut se battre ! Et moi, j’organisais concert sur concert. Je suis devenu objecteur de conscience chez Alsace-Nature puis j’ai migré petit à petit vers le milieu de la culture. Lors du premier mandat de Catherine Trautmann, tout a été axé sur le concept Strasbourg : capitale européenne, ce prestige de la ville capable d’attirer et satisfaire avant tout les classes moyennes. Un vrai glissement s’est produit à ce moment-là et, selon moi, il a commencé à pénaliser les lieux modestes. Je l’ai remarqué car j’ai travaillé près de dix ans au centre culturel du Fossé des XIII où on a programmé Renaud, Noir désir entre autres… La spécialisation a commencé à se mettre en place : les musiques
ORNORME STRASBOURG / septembre 2015