LA LETTRE N°80

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ACTUALITE grie. Qu’écrit Mme X ? Qu’à la suite d’un accident de la circulation, elle portait « une gouttière occlusale depuis une dizaine d’années ». Les soins étant très onéreux en France, explique-t-elle, il lui était impossible d’en assumer les frais. En novembre 2006, écrit-elle, elle voit un reportage à la télévision « pour les soins dentaires pratiqués en Hongrie à moindre coût et pour la même qualité de soins qu’en France ».

récit qui méritait d’être publié dans La Lettre afin de dénoncer l’illusion dangereuse du tourisme dentaire à bas prix et les pratiques de certains praticiens crapuleux qui abusent des patients et entachent notre réputation. Ce récit, nous le tenons d’une patiente à propos de son aventure en Hon-

LE PLAN DE TRAITEMENT… PAR TÉLÉPHONE ! Elle entame des recherches et finit par entrer en contact avec une association. Elle explique : « La possibilité d’être suivie en France par un dentiste français m’a mise en confiance. » Elle contacte donc cette association par mail et reçoit un coup de téléphone d’une personne qui lui indique qu’un praticien va entrer en contact avec elle. Le praticien l’appelle effectivement et lui demande de lui envoyer un cliché panoramique. Monter un plan de traitement à distance, s’agissant qui plus est de notre pratique, voilà qui n’interpelle pas notre patiente, dont le jugement semble quelque peu obscurci par l’idée de se faire soigner à moindres frais. Le praticien la rappelle et s’ensuit une discussion, au téléphone, sur les traitements possibles : « Il me précise qu’il faut tout démonter, tout tailler, tout refaire, qu’il y a beaucoup de travail à faire et que je dois rester 10 jours sur place. » Notre praticien lui annonce un devis de 6 500 euros. Par ses propres moyens (l’association ne répond plus à ses mails, encore moins à ses coups de téléphone), elle se rend donc en Hongrie à Budapest. 6 500 EUROS RÉGLÉS EN ESPÈCES Très vite, Mme X sent que le travail est bâclé. Les consultations sont expédiées et les « soins » prodi-

Malgré les nombreuses complications survenues après un traitement expéditif, le praticien dénué de scrupules conseille à sa patiente de ne pas consulter en France.

gués ne sont pas conformes à ce qu’elle serait en droit d’attendre. Il ne s’agit bien sûr que d’une intuition, mais elle va se confirmer : « Au niveau esthétique, je n’avais rien à redire », mais les problèmes occlusaux restent rigoureusement les mêmes. La patiente repart avec des explications très sommaires sur le résultat de son « traitement », le « praticien » lui promettant de la revoir en France. « J’ai réglé le solde, écrit la patiente, au total j’ai payé 6 500 euros en espèces (les chèques étant plus longs à encaisser en Hongrie, d’après le praticien) comme l’indiquait le devis pour 24 céramiques. » La suite ne surprend pas : « Dix jours après être rentrée, j’ai eu deux petites plaies au niveau des gencives au-dessus des canines, écrit Mme X. Elle poursuit : Je ressentais une douleur vive dès que je mangeais sucré ou froid. Comme j’avais énormément souffert toutes les nuits pendant ces dix jours du côté droit, j’ai pensé que c’étaient les molaires non dévitalisées qui étaient sensibles. Puis une mauvaise haleine est apparue. » DIAGNOSTIC A POSTERIORI : UN ÉTAT DE LA BOUCHE CATASTROPHIQUE Elle cherche alors à joindre le « docteur », qui lui répond après plusieurs tentatives. Mme X écrit : « Concernant la mauvaise haleine, il m’a dit que ça arrivait, que lui aussi avait un bridge et que parfois des restes de nourriture restent coincés quelque part. Pour la douleur à droite, c’était normal. Pour le claquement des dents, il aurait fallu que je retourne en Hongrie pour une gouttière. Il n’était pas nécessaire que je consulte. » Mme X finit par consulter un vrai chirurgiendentiste qui l’informe de l’état exact de sa bouche, on s’en doute catastrophique. Pour la petite histoire, l’escroc n’a finalement eu affaire ni à la justice pénale, civile ou ordinale puisqu’il est décédé, en Hongrie.

Septembre 2009 NO 80 LA LETTRE 13


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