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CONSERVATOIRE DU LITTORAL : 50 ANS AU SERVICE DE LA PROTECTION DES RIVAGES

Établissement public sans équivalent en Europe, le Conservatoire du littoral fête ses 50 ans. Sa mission : acquérir des parcelles menacées par l’urbanisation ou dégradées pour en faire des sites restaurés, aménagés et accueillants, dans le respect des équilibres naturels. État des lieux et perspectives en outre-mer, où 29 % du linéaire côtier est protégé.

INTERVIEW

ALAIN BRONDEAU, DÉLÉGUÉ OUTRE-MER AU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

Alain Brondeau
• Le Conservatoire du littoral a été créé en 1975. Que représente pour vous cette longévité ?

- Je suis très fier de pouvoir apporter ma pierre à ce bel édifice qu’est le Conservatoire et auquel je suis attaché. Même si l’établissement reste assez modeste par sa taille – avec 180 agents au niveau national dont 30 en poste en outre-mer – il obtient grâce à toutes ses acquisitions quelque chose de tout à fait considérable. Un demi-siècle plus tard, le littoral et les rivages lacustres ultramarins forment un bien précieux, commun à tous. Aujourd’hui, 29 % du linéaire côtier en outre-mer, soit 216 sites, sont désormais protégés, avec une maîtrise foncière suffisante pour pouvoir y mener des actions. Le Conservatoire du littoral assure la protection de 220 000 hectares d’espaces naturels, dont 70 000 en outre-mer.

• Comment se déroule actuellement en outre-mer le cinquantenaire du Conservatoire ?

- Il est célébré dans toute la France, dont huit territoires ultramarins, lors d’événements labellisés « 50 ans de littoral en commun ». Portés par des associations locales, par nos partenaires et les gestionnaires de nos sites, ces balades, expositions, spectacles, conférences et autres ateliers invitent le public à découvrir, fêter et partager cette aventure collective. Le 18 octobre, nous proposons par exemple une balade-découverte sur le site des marais de Port-Louis, en Guadeloupe, pour mieux faire connaître nos actions. Lors de ces rencontres avec les visiteurs, nous mettons en évidence le fait que sur le littoral, il y a une place pour de nombreux usages : les activités humaines, l’urbanisation, les infrastructures, l’agriculture... et pour la nature, qui ne doit pas être oubliée.

Le Conservatoire n’a pas la prétention de pouvoir tout protéger, mais il apporte des contributions et l’anniversaire permet de le souligner. Quand l’établissement a été créé, il était urgent de mettre en place des outils pour éviter que l’on construise partout, donc il fallait devenir propriétaire de ces terrains. Sans cette structure, les usagers du littoral ne pourraient plus se promener librement. Certains de ces sites seraient aujourd’hui privatisés, artificialisés et il n’y aurait plus autant de paysages remarquables.

Aménagement de l’observatoire de l’étang de Chevrise à Saint-Martin.
© Alain Brondeau / Conservatoire du littoral 
• À quels principaux enjeux les littoraux sont-ils exposés en outre-mer ?

- Tout d’abord à une forte pression foncière et urbaine. Les populations se concentrant près des rivages, un équilibre est à trouver entre le développement des infrastructures et la préservation des espaces naturels. Il s’agit notamment de contribuer à maintenir durablement des coupures d’urbanisation. Cette approche

nécessite un dialogue permanent avec les services de l’État et les collectivités locales ou associations auxquelles nous confions la gestion des sites. Par ailleurs, nous composons aussi avec de nouveaux usages des territoires littoraux, à l’image de certaines activités comme les courses de trail, qui s’y développent de plus en plus. Sur le littoral comme ailleurs, les Hommes ont besoin de la nature pour se sentir bien, et notre rôle est de sensibiliser les usagers au respect de la faune et la flore peuplant ces écosystèmes fragiles. Notre opération « Attention, on marche sur des œufs ! » vise ainsi à préserver les oiseaux nichant sur les côtes. Dans nos missions, nous devons également prendre en compte les enjeux globaux que sont l’influence du changement climatique, l’érosion côtière et de la biodiversité, domaine dans lequel le Conservatoire et ses gestionnaires conduisent d’ambitieux projets de restauration écologique et de sauvegarde d’espèces menacées.

Agents du Conservatoire du littoral des rivages de l’océan Indien. La délégation Outre-mer du Conservatoire intervient dans huit territoires ultramarins de l’océan Indien et de l’océan Atlantique.
© F. Chenel
• Quelques actions phares menées en outre-mer ?

- Les mangroves insulaires des Antilles et de Mayotte sont pratiquement toutes protégées et c’est près de la moitié en Guyane. À travers la mise en protection du site du Cap La Houssaye, dernière grande savane de l’ouest de La Réunion, l’objectif était d’éviter une urbanisation continue. Nous pouvons évoquer aussi la presqu’île de la Caravelle, l’un des fleurons paysagers et naturels de la Martinique. C’était d’ailleurs l’une des premières acquisitions du Conservatoire, tout comme la Pointe des Châteaux en Guadeloupe, où nous avons inauguré cette année une plateforme d’observation et de sensibilisation sur l’avifaune.

Nous travaillons aussi sur le patrimoine culturel, comme en Guyane où nous avons acquis il y a une quinzaine d’années, à Montsinéry-Tonnegrande, le bagne des Annamites : un vestige de grande valeur patrimoniale au milieu d’une forêt extrêmement riche en biodiversité.

En Guadeloupe, la Pointe des Châteaux dispose des protections les plus fortes : forêt domaniale du littoral, classement au titre de la loi de 1930, Opération Grand Site, pour prendre en compte la fréquentation touristique et instaurer une gestion durable.
© Frédéric Larrey / Conservatoire du littoral
• L’état de l’océan et des littoraux vous inquiète-t-il ?

- Les milieux évoluent car le climat change. La mer monte, le trait de côte a plutôt tendance à reculer, l’eau avance dans les terres et salinise les sols... Raisonnablement, l’état de l’océan est source d’inquiétudes : baisse des quantités de carbone absorbées en raison de l’élévation des températures de surface, quantités considérables de plastiques déversés tous les jours en mer... De plus, l’état de santé des récifs coralliens est particulièrement préoccupant. Si ces tendances persistent, il risque d’y avoir un effondrement, qui impactera directement les habitants des littoraux. En outre-mer, nous remarquons aussi de fortes progressions démographiques. Il faut loger la population qui arrive et, de plus en plus, les résidences secondaires. En Guadeloupe et Martinique, beaucoup de communes perdent de la population, mais presque toutes veulent continuer à développer la construction sur le littoral.

Mangrove de Guyane en formation. Cette forêt atypique constituée de palétuviers se développe à l’interface terre-mer des régions intertropicales. Aujourd’hui, près de la moitié des mangroves guyanaises sont protégées par le Conservatoire du littoral.
© Frédéric Larrey / Conservatoire du littoral
• Votre rêve pour les 50 prochaines années, c’est de voir ces terres à jamais protégées ?

- Oui, j’aspire au maintien de cette conservation du domaine public, c’est une évidence ! Et je souhaite plus de connexions vers l’intérieur des terres, c’est-à-dire nous éloigner du littoral pour remonter le long des fleuves et des bassins versants. Et puis, le rêve, c’est un accès libre et continu tout au long du rivage. Il reste encore en outre-mer beaucoup de travail. Actuellement, nous travaillons par exemple sur le projet de Sentier Littoral Ouest à Saint-Paul, en partenariat étroit avec le Territoire de l’Ouest, une nouvelle offre de randonnée pédestre aux Réunionnais et aux touristes, accessible à tous. D’ici trois ans, nous devrions ouvrir neuf kilomètres. Le parcours est encore long, c’est un véritable travail de fourmi. Comme, en définitive, chacun des projets que le Conservatoire du littoral porte et défend, depuis 50 ans !

Rédaction et interview : Solène Anson
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