La crise de 2009 en Guadeloupe : le rôle des statistiques dans le dialogue social

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Conclusion

transparence semble avoir reconduit les hiérarchies plus qu’elle ne les a remises en cause. Des exemples comme les prix des carburants montrent comment la négociation peut se déplacer sur le terrain technique, et ne pas réellement changer les rapports de force, même s’ils sont reformulés. Des espaces de dialogue sont néanmoins ouverts et la contestation politique trouve dans le chiffre un point d’appui ; • la multiplication des instruments visant à apporter de la transparence cache une grande ambivalence. Nous avons mis en évidence une situation confinant à une certaine « anarchie bureaucratique », où les travaux se perdent dans une réalité administrative souvent indémêlable. Aujourd’hui, le fait est que ce manque de clarté, à l’opposé des intentions de l’ « impératif de communication » exprimé à la suite du mouvement social, est la matrice d’un doute important sur la réalité de l’action de l’État, et contribue à la poursuite de la contestation et du malaise social ; • in fine, les questions de la pwofitasyon et de la vie chère paraissent pratiquement secondaires dans la lecture de la crise, qui a surtout permis le redéploiement des formes et des terrains du conflit social. Les travaux sur les prix trahissent souvent un manque d’intérêt pour le fond de la question de la vie chère elle-même, qui apparaît avant tout comme un répertoire et un mode d’énonciation du politique (Bayart, 1985). Le chiffre a gagné les médias guadeloupéens et est devenu un élément essentiel du paysage politique depuis la crise de 2009, et le terrain des analyses économiques devient de manière croissante le réceptacle des débats et des affrontements. En témoigne en particulier la crainte que les chiffres suscitent au sein des services de l’État, qui adoptent parfois des raisonnements d’ordre quasisécuritaire lors de leur publication ; • l’État est irrégulier dans sa mise en œuvre des recommandations issues de 2009 et un flou existe sur ses contributions. Ceci peut-être attribué à la complexité administrative, qui fait dépendre la vie économique et sociale aux Antilles de politiques, voire même de routines administratives, déterminées bien loin. Du point de vue de la politique statistique et de la transparence, la multiplication des dynamiques administratives hétérogènes crée un puzzle qui rend la trajectoire économique et politique très contingente et, comme nous le disions, soumise à une véritable anarchie bureaucratique. Il existe cependant une réponse effective de l’État à la crise, qui a souvent été sous-estimée par le public, notamment parce que prise dans ces mailles bureaucratiques.

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© AFD / Février 2012 / La crise de 2009 en Guadeloupe : le rôle des statistiques dans le dialogue social


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