Catalogue ARTour 2013

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Oleg Dou se situe à la frontière entre photographie et image numérique. Le plasticien aborde la notion de mutation et d’hybridation a travers des portraits ultra aseptisés, irréels et hors du temps, ce que l’artiste appelle « post humans » (l’après-humains). L’ensemble du travail de cet iconoclaste russe, l’un des plus en vogue de sa génération, repose sur la question de l’identité. Il photographie des visages puis efface les caractéristiques de l’individu. Il ne garde que les yeux et les lèvres, effaçant cils, sourcils et tout autre signe distinctif. Le visage humain devient l’objet d’investigations minutieuses et de transformations chirurgicales d’une extrême précision. Tout ce qui pourrait rappeler la chair est effacé, gommé, lissé. La transparence de la peau et la déshumanisation des traits font de ces portraits des masques saisissants et dérangeants. Partant de clichés en très haute résolution auxquels il entremêle de la 3D, pour des détails tels que les yeux, celui qui a débuté comme designer de sites internet se plait à brouiller les pistes grâce à un logiciel de traitement d’images. Cubs, impression digitale montée sous diasec, édition de neuf pièces. Ces images sont inspirées par l’esthétique et l’ambiance de portraits funéraires d’enfants tels qu’étrangement en vogue au XIXe siècle. Ces portraits fantaisistes savamment métamorphosés en lapin, en cerf ou en singe procurent un sentiment angoissant de mort. Le choix de transformer des enfants en créatures hybrides provient de douloureux souvenirs. Lors de chaque anniversaire, la maman d’Oleg l’obligeait à se déguiser en animal. «Je ne pouvais pas faire semblant d’être heureux face à la caméra, je détestais être photographié, et finalement l’image reflétait mon malaise et mon chagrin. C’est encore souvent le cas aujourd’hui. J’essaie de recréer l’expression de ce malaise dans mes portraits, seulement, à présent c’est moi qui la provoque. Aussi pour la série Cubs tous les costumes ont été réalisés sur mesure par mère, à partir de mes croquis, comme elle le faisait quand j’étais petit. »

Berlinde De Bruyckere, Romeu my deer IV, 2010. Collection privée, Belgique. Prêt de longue durée au S.M.A.K, Stedelijk Museum voor Actuele Kunst, Gent. Inspirée du nom du danseur portugais Romeu Runa pour lequel Berlinde De Bruyckere a imaginé une performance où trône un cerf statufié, la sculpture évoque la fragilité à travers l’animal mythique réputé pour sa force et sa sagesse.

Plusieurs travaux ont été déclinés sur ce thème, comme ici cette paire de bois de cerf minutieusement modelés dans de la cire mais simplement pendus à un crochet comme une paire d’attributs désuets à moins qu’on y décèle la souvenance de quelques quartiers de viande dans la boucherie paternelle où, petite, l’artiste évoluait entre corps suppliciés et chairs à vif. Cette ambiguïté entre souffrance et rédemption, clé de l’œuvre de la Gantoise, renvoie aussi au double sens du titre, My deer (fr. «mon cerf») qui peut aussi être entendu par homophonie comme «my dear» (fr. «mon chéri»).

Oleg Dou

Né en 1983 à Moscou où il vit et travaille. www.olegdou.com Oleg Dou, Goat,120130 x 89 cm. Collection privée. 15


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