La Guerre Sainte

Page 84

maladie, mais les Diaboloniens, eux, prospéraient ; c'est en vain qu'ils eussent cherché à les exterminer. Mieux valait s'accommoder de ce qu'on ne pouvait empêcher. L'ennemi observait avec joie cette rapide décadence. L'heure lui semblait venue de frapper le coup qui assujettirait définitivement l'Âme à Diabolus, et ils le lui firent savoir. Dans leur message, ils recommandaient que l'armée survînt un jour de marché alors que les indigènes étaient tous occupés de diverses manières et rassemblés sur la Place. Ce jour-là, la surveillance des portes et des remparts était moindre, forcément, et ils pourraient plus facilement du dedans seconder l'action des assaillants. Or, Shaddaï n'avait jamais tout à fait abandonné la ville de l'Âme, même si celle-ci ne s'en apercevait point, à cause du nuage qu'élevaient sa défection son manque d'amour ses doutes sa langueur ses péchés, nuage dont elle était comme enveloppée. Il y avait dans la Cité un M. Étroite Surveillance, dont les soins vigilants s'exerçaient jour et nuit, car il pressentait ce qui se passait effectivement. Une nuit qu'il passait près de la Colline d'infamie, il entendit un bruit de voix sortant d'une maison qui servait aux Diaboloniens pour leurs rencontres. Il s'approcha avec précaution et entendit ainsi toutes les précisions du complot une fois la victoire remportée, les indigènes et les chefs de l'armée seraient passés au fil de l'épée quant aux soldats, ils seraient jetés hors de la ville. Immédiatement, Étroite Surveillance alla prévenir le Maire, qui envoya chercher le Prédicateur M. Conscience. Celui-ci convoqua immédiatement les indigènes, en faisant sonner la cloche qui appelait aux réunions. Dès que l'assemblée fut réunie, il communiqua les graves nouvelles : lettres échangées entre Diaboloniens et Diabolus, conspiration contre la ville de l'Âme ; levée d'une armée dans les enfers puis, il appela M. Surveillance, le priant de dire lui-même les propos que sa vigilance avait surpris. Ensuite, M. Conscience se leva et dit: « Nous avons abandonné notre Roi ; quoi d'extraordinaire que notre cruel ennemi relève la tête au dedans et au dehors ; et qu'au dedans la trahison n'attende que l'instant favorable pour ouvrir les portes et livrer la ville. Nous avons laissé vivre nos ennemis mortels et même nous sommes en bons termes avec ceux qu'Emmanuel nous avait dit d'exterminer. Aussi sommes-nous réduits aujourd'hui en cette cruelle extrémité. » Alors, les auditeurs s'humilièrent et versèrent beaucoup de larmes. Avertis, les chefs de l'Armée doublèrent les gardes aux portes de la ville ; ils décrétèrent qu'on ferait subir un sérieux examen à tous ceux qui

84


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.