Portraits de femme - Liberation - Diagonale de l'Art

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Portraits de Femme Philippe Godin 28 septembre 2017

Stephane Thevenon - collaboration bijoux et parure Les Ailes Enchainées - Muse Elisabeth Ndala

Au nom de l’art, Elisabeth Ndala, fondatrice de la « BAB’s Galerie », ose être l’objet de toutes les attentions. A travers son projet Totally Mégalo, elle invite chacun de nous, à s'interroger sur le regard que l’on porte sur soimême.

Juste un rappel… Pendant longtemps le miroir - inventé au 15ème siècle - a été le seul moyen de se voir et de se représenter soi-même. Avec le portrait photographique, le XIXème siècle ouvre un âge démocratique de la représentation de soi. Le portrait peint était réservé à une caste aristocratique, obsédée par le souci de la lignée, ou à une élite bourgeoise, soucieuse de poser pour la postérité.



Goya La Contesse de Carpio Le portrait photographique s’offre indistinctement à la foule. Baudelaire le condamne et exècre alors cette «société immonde [qui] se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal.» Mais désormais les ateliers de photographes ne désempliront pas. Le portrait devient vite l’objet fétiche de l’art et de la pratique photographique notamment, dans la mesure où il s’est construit, à l’origine, sur la coïncidence historique de l’apparition d’une technique et des progrès de l’individualisme, le photo-portrait est à la fois célébration du sujet - un art de la personne - et genre artistique, - un art de l’image. Pourtant la photographie de portrait ne laisse que rarement une place à la rêverie ou à l’imagination. Il faut être Roland Barthes pour se laisser à rêver devant un célèbre portrait d’enfant : «Il est possible qu’Ernest, jeune écolier photographié en 1931 par Kertész, vive encore aujourd’hui (mais où ? comment ? quel roman !)».


Mannequinat, Anorexie et image de soi L’intérêt de la démarche d’Elisabeth Ndala est de réintroduire une pratique de la photographie, dans laquelle le sujet photographié se réapproprie et participe pleinement à la construction de l’image, loin de la passivité courante à l’œuvre dans le mannequinat. Une exposition salutaire au


moment où s’ouvre dans la capitale les fashion week traditionnelles de l’automne, avec leur « lot » de corps «anorexiés» au service d’une photographie pour le coup désincarnée, à seule fin de valoriser les accessoires de l’industrie de la mode.


Monika Nowak, Eliasbaeth Ndala Shooter, tirer, viser, recharger, etc., autant de mots qui traduisent effectivement sur le plan du vocabulaire un régime d’images photographiques qui est de l’ordre de la capture, du scoop ou du vol. Photographier, c’est « figer » l’Autre dans son regard, comme aurait dit Sartre. Elisabeth Ndala manifeste une fierté qui n’est pas sans rappeler le refus de certains indiens de se faire prendre en photo par peur de perdre leur âme. Contre cette violence photographique qui correspond à une forme de « mise à mort » symbolique, Elisabeth Ndala a pris le taureau par les cornes !

Certains artistes performer l’avait précédé, dans cette participation active à la construction d’une image de soi, comme Cindy Sherman, Matthieu Laurette ou encore Yasumasa Morimura. En se travestissant, c’est-à-dire en se déguisant avec des vêtements et des accessoires d’un autre sexe (un homme en femme ou le contraire), Elisabeth Ndala parvient à introduire une esthétique du jeu, là où la plupart des sujets sont généralement


dépendants d’une identité, d’un genre, d’une classe d’âge et sociologique. La galeriste joue, et parvient parfaitement à se glisser dans la peau d’autres personnages, et ainsi à remettre en question leur identité et leur culture...

À L’ÂGE DU SELFIE A l’âge du selfie où la seule faculté d’allonger un bras suffit pour obtenir des autoportraits aussi insignifiants que dérisoires, Elisabeth Ndala offre par ailleurs à ses photographes préférés une pratique de la photographie aussi iconoclaste qu’exigeante, où le corps de la galeriste devient la muse ! Sans être une star, Elisabeth Ndala se prête au jeu, et devient la muse de 13 grands photographes, dont sa fille de 8 ans… De fait Elisabeth Ndala a la grosse tête. Sur toutes les coutures. C’est pourquoi, elle a choisi d’être le principal sujet de sa nouvelle exposition photographique « Elisabeth Ndala est #TOTALLYMEGALO ».


Nicolas Obery, Elisabeth Ndala Un pari rĂŠussi ! Du haut de ses 1,63m la galeriste en impose. Elle en


inspirera plus d’un(e) au-delà de son parcours exemplaire ! Elle a choisi pour cela ses photographes comme autant de sujets porteurs de regards et d’univers différents sur sa propre personne. Portraits de Femme. Ils n’ont qu’à bien se tenir !



Elle démontre que le mot « portrait » ne se résume pas au simple selfie et qu’il se conjugue avec talent, au pluriel artistique, fruit d’une illustre tradition plus ancienne. Alors, sous le regard croisé et les flashs de 15 photographes de renom, elle s’expose sans tabou, elle pose sans retenu. Elisabeth Ndala s’invite dans chacun de leur univers ; tantôt féroce avec Nicolas Obery, underground avec Stéphane Thévenon, ancêtre de la Smala de Séverine Métraz et pétillante avec Tanahé artiste en herbe, de 8 ans, sa fille...L’exposition propose donc une superbe déclinaison infinie de portraits d’une galeriste passée de l’autre côté du miroir, pour devenir muse de l’estime de soi assumé ! Elle nous aide ainsi à travers son œuvre à prendre conscience du rapport que nous entretenons avec les images du monde et avec notre image, une manière de résister à cette immersion et imprégnation collective continue que nous subissons et nourrissons, et de réaffirmer notre présence au monde.


Séverine Metra, Elisabeth Ndala L’exposition ne commence-t-elle pas par un merveilleux collage en forme de clin d’œil au surréalisme, comment pour nous inviter à passer «de l’autre côté du miroir», afin d’explorer cet inconscient du regard où les identités vacillent ? Comment arracher la photographie à son usage mimétique, et comment déconstruire nos regards ? Les questions sont toujours là, insistantes et pressantes ! La notion de «subversion des images» reste un programme à venir, condensé par la phrase de Breton que les futurs photographes ne sauraient oublier : «Changer la vue, cet espoir qui peut paraître insensé, n’en aura pas moins été l’un des grands mobiles de l’activité surréaliste». Mona Lisa... Maintenant Elisabeth Ndala... Mégalo ? Non #TOTALLYMEGALO ! Venez découvrir l’expérience artistique qui vous ressemble, du 25 septembre au 9 octobre à la FNAC des Ternes. Babs Gallery


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