Sophie Jouve
ARTISTE PEINTRE

Sophie JOUVE est née entourée d'œuvres d’art dans la boutique de ses grands-parents antiquaires restaurateurs et également dans l'atelier de son grand-père artiste peintre. Elle a pourtant fait un choix d’orientation bien différent puisqu’après ses études en khâgne à Bordeaux, elle a passé l’agrégation d’anglais pour à son tour enseigner en classe préparatoire à Lille pendant des années. Néanmoins le besoin de création artistique s’est graduellement imposé à elle. Fascinée par le verre, sa transparence, sa lumière et ses couleurs, Sophie Jouve s’est formée aux différentes techniques (fusing, soufflage, etc) aux ateliers du Musée du Verre de SarsPoteries auprès d’artistes renommés comme Udo Zembok. Elle a pratiqué le fusing pendant une dizaine d’années, a participé à des salons et a exposé dans les locaux d’Arques International. C'est de manière naturelle que Sophie Jouve, inspirée par des peintres comme Gao Xingjian, s'est orientée peu à peu vers la peinture. Aujourd’hui, les encres sur papier lui permettent de transmettre sa vision poétique de l’univers.
Après de nombreuses expositions individuelles personnelles, Sophie Jouve est représentée depuis 2019 par Myl’art Gallery à Lille.
Sophie Jouve évoque dans sa peinture abstraite une nature puissante, vibrante de couleurs, d’ors et de lumière, des paysages rêvés, sans humains, des constructions imaginaires et inhabitées. Elle explore des mondes où le vide s’impose.
L'Artiste Peintre recherche en permanence un équilibre entre liberté et cadrage qui s’articule autour de deux formes géométriques que sont la ligne et le cercle. La ligne et l'horizon ouvert poussent le regard vers l’infini. Le cercle, comme un hublot ou un télescope vient cadrer la vision et rappeler paradoxalement que l’audelà est possible, absent mais pas inexistant.
Sophie Jouve manipule le papier coton, presque comme un tissu en lui donnant forme et mouvement. L'Artiste allie sa souplesse, sa texture et la fluidité des encres pour donner à son geste une liberté qui lui permet d’élargir notre champ de vision et de nous faire oublier comme le temps et l’espace nous sont comptés et contés.
C’est une invitation à chacun à appréhender les éléments constitutifs du monde pour se créer des espaces irréels mais possibles, qu’il importe de croire probables.
Le papier :
J’ai durant plusieurs années travaillé le verre, fusionné à plat, voir même en relief ou soufflé. Cela m’a permis d’explorer le paradoxe entre matérialité et transparence. Le verre ouvre en effet le passage vers un au-delà mais le bloque dans un même temps.
Par la suite, j’ai eu besoin d’un support plus léger, plus souple, plus modulable. J’ai alors choisi le papier. Toutes mes œuvres sont réalisées sur des papiers 100% coton qui, de ce fait, peuvent parfois sembler avoir été peintes sur du tissu. Ces papiers de textures variées (torchons, rugueux, doux, fins ou satinés) offrent un aspect visuel différent mais aussi un toucher différent. C’est une grande chance pour un artiste d’avoir un rapport tactile avec ses œuvres.
SOPHIE JOUVE
L’eau : Pour faire voyager les couleurs et les encres, j’utilise beaucoup d’eau C’est elle qui va permettre la liberté des matières et des mou déminéralisée : cela n’a pas d’intérêt technique mais un s paraît ainsi plus fluide, aussi peu solide que possible, un araît totalemen vre : c’est un lav
Papier et encres renvoient bien sûr aussi à l’écriture, ce sont les clefs de l’écrivain. Certains ont réussi brillamment dans les deux disciplines (je pense en particulier à Gao Xinjiang, prix nobel de la littérature dont les encres exposées à Art Paris il y a quelques années m’ont inspirée ou encore aux encres de Victor Hugo). Lorsque je parle de mon travail, je dis : « je fais des encres », ce qui est souvent confus pour les gens. C’est important pour moi, je ne peins pas, j’encre ; quand je travaille, j’encre mes mains, mes bras… je me sens alors profondément ancrée contrairement aux encres auxquelles je laisse tout le loisir de flotter.
Ces encres sont des couleurs, des pigments très dilués. Je recherche le moins de matière possible et favorise le papier sousjacent, sa texture, son grain, son toucher. J’aime que les liquides s’échappent, m’échappent. Je ne cherche pas à les contrôler, je laisse vivre la matière et mon imaginaire. Ce qu’il advient est le résultat d’un hasard désiré. Des univers naissent, se créent dans un monde poétique, liquide et coloré.
Mon fil rouge, ma ligne directrice, ce sont les couleurs. J’ai changé les supports de mes créations au fil des ans, mais j’ai gardé l’amour et le besoin des couleurs. C’est une harmonie fondamentale pour moi, une musique visuelle. Vous verrez également beaucoup de pigments or et d’argent qui apportent un peu de matière mais surtout de la lumière, de l’éclat. Ils créent des reflets vivants et pétillants ; c’est l’énergie du monde qui fait surface.
La ligne : La première forme récurrente dans mon travail est la ligne, cela peut sembler paradoxal dans mes univers souvent flous, rarement graphiques (à l’exception de la série de tableaux intitulés charades). Pourtant, vous trouverez beaucoup d’horizons (plus que je n’en pourrai jamais parcourir). Ces horizons naissent d’une ligne qui souvent s’impose à moi, une ligne d’accroche (comme une ancre), une ligne de vie ou d’écriture, un équilibre propice au calme et au rêve.
Mais ces horizons infinis évoquent aussi l’éternité, ils sont pour moi le moyen d’introduire dans l’espace, la quatrième dimension qu’est le temps dans une représentation symbolique. Et si un soleil s’y couche, l’horizon peut devenir le point de fusion des quatre éléments : l’eau, la terre, l’air et le feu.
Le rond ou disque :
Une autre forme de prédilection est le rond ou disque. Je réalise beaucoup d’œuvres rondes. Le plus souvent cette forme m’est naturelle, peut-être parce que notre champ visuel est à peu près circulaire. Quelle qu’en soit la raison, c’est la forme qui me convient le mieux, qui me paraît la plus parfaite, la plus harmonieuse.
Comme l’horizon, elle porte en elle l’infini, davantage que les rectangles qui, à mon sens, sont plus rigides, plus artificiels. Les peintres qui peignent sur toiles sont depuis longtemps, contraints par le châssis et limités à des variations de rectangles. Je profite, moi, du papier et de la liberté qu’il m’offre pour découper des ronds. Les peintres italiens de la renaissance peignaient sur des disques en bois des tondi qui étaient parfois offerts aux mères venant d’accoucher de leur premier enfant. Cette anecdote rappelle la thématique de l’eau porteuse de création et me plaît bien.
Le cadrage :
Enfin, étape ultime pour confirmer la forme et le sens, vient le cadrage. Je prends l’œuvre brute comme le photographe prend la nature, la ville ou l’humain : un sujet qui lui a été donné à voir mais qu’il n’a pas conçu de lui-même. De ce sujet, je prélève, je m’approprie, je choisis une partie qui, esthétiquement ou symboliquement, m’interpelle. C’est là que je reprends le contrôle après avoir laissé l’encre couler librement. Ce découpage qui permet de définir l’œuvre est une quête (comme un photographe choisit son cadrage). Je découpe et ce qui ne restera pas dans le cadre, je le jette. Cette partie du travail, cette chasse où je suis à l’affût d’une vision, m’apporte un grand plaisir créatif.
Vient enfin le cadre (qui d’ailleurs n’est pas toujours nécessaire) qui va rattacher l’œuvre au monde réel, aux murs des maisons, aux lieux d’exposition. Mais, même accrochées, j’aime que mes encres flottent, planent ou surgissent du cadre et gardent un peu de leur liberté. Certes, le cadre limite mais il ouvre aussi sur l’imaginaire, la suite est absente, décadrée mais possible, décadrée mais pas inexistante : pas morte en somme, juste de l’autre côté.
SERIE BAUDELAIRE
« Cette série est inspirée par le poème de Charles Baudelaire intitulé Rêve
Parisien
Il s’agit d’un rêve où prédomine la description visuelle et où Baudelaire entraîne le lecteur dans un univers lumineux, merveilleux, onirique pour ensuite s’éveiller dans une réalité plus sombre. C’est dans cette atmosphère féérique et fantasmée que j’ai puisé mon inspiration. »
« Pierres inouïes » 70x70–2022
« Murailles de métal » 60x60–2022
« Enivrantes monotonies » 60x60–2022
Cette série met en scène des villes imaginaires, sombres et lumineuses à la fois. Je cherche à y transcrire l’ambivalence des constructions humaines qui oscillent entre génie des lumières et gloire illusoire ou vaine. Ces œuvres questionnent les empreintes que l’humanité laisse derrière elle, sans apporter de réponse d’ordre éthique mais plutôt une vision esthétique.