Le Mag Gnaoui

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samedi 26 juin 2010

Interview

“En repartant d’Essaouira, tout le monde est surpris, spectateurs comme artistes, par la diversité rythmique présente au Maroc.” Abdelghani Krija, musicien, percussionniste.

• Karim Ziad, batteur et directeur artistique du Festival

“Les fusions ne fonctionnent que si les artistes invités aiment la musique gnaoua”

Q

ui a dit qu'il était difficile de combiner plusieurs casquettes? Pas Karim Ziad en tout cas, musicien et batteur hors pair, directeur artistique émérite du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d'Essaouira depuis 2001. Pour "Le Mag", il revient sur la programmation 2010, sa participation en tant que musicien mais aussi sur l'évolution du Festival. Rencontre.

,Karim Ziad, batteur de renom et directeur artistique du Festival depuis 2001, lors d'une entrevue en 2008 à Dar Souiri.

/MT

Interview.

Q: Vous êtes en concert fusion “Chez Kébir” ce soir, aux côtés du maâlem Saïd Boulhimas, du claviériste Scott Kinsey, du bassiste Matthew Garrison ainsi que de Arto Tunçboyaciyan de l'Armenian Navy Band. Comment envisagez-vous cette fusion à venir?

» » Nous avons décidé de donner une place importante à la danse cette année car elle est très importante dans la musique gnaoua.

Ce concert “Chez Kébir” a pour principe de ne pas se préparer. Je l'envisage ainsi avec la volonté de rentrer dans la fusion avec toute la fraîcheur de la découverte. C'est un véritable concert-rencontre, même si l'on se connait bien et que l'on sait comment procéder pour que cette fusion fonctionne.

Q: Au-delà d'être musicien, vous êtes également un des directeurs artistiques du Festival. Il semble, lorsque l'on regarde le programme de cette édition, que la danse prend -pour ce 13ème opus- une place importante notamment avec la venue du Georgian national ballet et de Step Afrika. Était-ce une volonté affichée? Comment se sont faits ces choix?

C'est effectivement une volonté de notre part. Nous avons décidé de donner une place importante à la danse cette année car elle est très importante dans la mu-

sique gnaoua. Pour le Georgian national ballet, j'ai particulièrement voulu les inviter car étant en concert en Géorgie, j'ai eu l'occasion de les voir et il m'a semblé que l'énergie incroyable qu'ils dégagent était semblable à l'"énergie africaine". De plus, il me semblait intéressant de faire se rencontrer une danse qui se transmet par le biais de la famille [ndlr. la danse gnaoua] avec une des danses les plus techniques et les plus étudiées dans le monde. Quant à Step Afrika, c'est Neïla Tazi (directrice fondatrice du festival, ndlr), qui a pensé à les faire venir car leur danse raconte l'histoire de l'esclavage, et correspond donc tout à fait au thème qui nous intéresse.

Q: Cela fait quelques années maintenant que vous officiez en tant que directeur artistique du Festival. Comment avez-vous vu le Festival évoluer sur le plan artistique?

Je fais partie de la direction artistique du Festival depuis 2001. A l'époque, les fusions étaient très aléatoires et évoluaient grâce à un travail en amont. Les gnaouas apprenaient la façon de travailler des artistes étrangers, et vice-versa. Aujourd'hui, les gnaouas sont beaucoup plus à l'aise et les musiciens invités sont, d'une manière ou d'une autre, davantage initiés à la musique gnaoua. Néanmoins, même aujourd'hui, les fusions ne fonctionnent que si les artistes invités aiment la musique gnaoua. Actuellement, les fusions lors du Festival sont une sorte de laboratoire; à l'époque, nous construisions à peine le laboratoire (rire).

De fait, nous avons constaté une évolution qualitative des fusions. D'autres, au fur et à mesure des années, pensent par contre que le Festival en grandissant a perdu de son charme premier, mais c'est une évolution obligatoire. Si le Festival est victime de son succès, la meilleure des choses reste néanmoins d'avancer. Depuis, que j'ai pris cette fonction de directeur artistique, on peut dire que le festival est sorti de l'optique du “boeuf entre copains”, et pour cela il a fallu et il faut encore travailler.

Q: Enfin, au-delà du Festival, où en êtes-vous dans vos projets musicaux personnels? Et de la tournée de l'album Bozilo Live, sorti en 2009?

Bozilo Live est né du travail avec Bojan Z. et Julien Lourau avec qui je fais des concerts depuis sept ou huit ans. Nous aimions cette formule piano, saxophone et batterie et nous avons voulu en faire un album. Nous sommes actuellement à la fin de la tournée et l'album a eu beaucoup de succès. Actuellement, j'ai aussi un nouveau projet musical aux côtés de Hamid El Kasri (maâlem gnaoui, ndlr). Nous allons sortir ensemble un album en septembre prochain intitulé Yobadi, qui signifie les amis en bambara car autour de cet album, il n'y a que des amis. Par ce projet, à la sortie mondiale, nous souhaitons universaliser la musique gnaoua, qu'elle passe au même rang que d'autres styles musicaux mondialement connus. ■■Propos recueillis par Muriel Tancrez


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