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mercredi 21 mai 2008

évasion

Spécial Rabat

Le café-hôtel Balima

Témoin de l'histoire contemporaine de Rabat MYTHIQUE. D’aspect sommaire, il offre en son antre des salons cossus et des chambres confortables qui ont gardé le charme et l’esprit d’antan. Le Balima est, aujourd’hui, un monument du patrimoine r’bati.

Une situation idéale

Situé le long de l'avenue Mohamed V, en plein coeur de Rabat et à trois minutes à pied de la gare, le Balima est le café-restaurant-hôtel mythique de l’histoire contemporaine de la ville. Construit à partir de 1928 et opérationnel depuis le 1er octobre 1932, il porte sur ses murs la trace de l’architecture propre à

Lyautey. Comme un signe de la destinée, son ouverture était déjà un évènement. “Ouverture d’un bar américain – salon de thé ” titrait, en grande page, le journal local de l’époque – La vigie marocaine . Ainsi, le bar américain s’est lentement transformé en café cosmopolite, recevant plusieurs générations d’érudits.

Même le Che était là

Dans ces murs, ils ont été nombreux à se succéder et à écrire la légende du lieu. Le Balima compte parmi ses illustres passages : Oum Khaltoum, Le Pacha El Glaoui, l’ex président

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algérien Houari Boumediene, Charles Trénet, Maurice Chevalier ou encore le glorieux poète-écrivain marocain Mohamed Khaïr Eddine. Celui-ci, d’ailleurs épris par le lieu, séjournera presque un an dans la chambre 550 de l’hôtel, située au 5ème étage. Le Balima est vite devenu le fief des artistes, ministres, journalistes, hommes de théâtre ou bien encore des peintres. Che Guevara y a également séjourné en 1959, il y fut arrêté et assigné à résidence, puis libéré en grande pompe par Abdellah Ibrahim en personne, alors premier ministre.

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Vers la fin du protectorat, on organisait au Balima des bals sur la terrasse et les R’batis, particulièrement "les gens lettrés", se retrouvaient là.

Mémoire d'une époque

Car le Balima a également

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• PHOTO Poétique intimité

faisant croire que les problèmes allaient être réglés, se faisant ainsi frauduleusement payer. Entre anecdotes, incidents, illustres passages et situation privilégiée dans la ville, le Balima incarne une trace unique d’un Rabat révolu. Par sa légende, il attire toujours autant de touristes qui profitent d’un plongeon dans l’histoire, d’un accueil familial pour un tarif modique. Quoi qu’il en soit, il est un lieu apprécié, convivial et raffiné- à la terrasse toujours bondée -, qui inspire aux multiples voyageurs l’envie de revenir.

• M.T

Noredine Ben Mansour à la recherche de son Rabat perdu PORTRAIT. Cela fait plus de

trois décennies maintenant qu'il "roule sa bosse" dans le journalisme, précisément au fameux quotidien L'Opinion, dans la rubrique "Télégramme". Noredine Ben Mansour est un bon vivant, quelque peu nostalgique du Rabat de sa jeunesse, une jeunesse plutôt Rock&Roll et au diapason de son époque, comme il aime à le dire.

■ Il y a des lieux dont on tombe amoureux comme des chiffres qui deviennent des symboles. 550 est de ceux-là... 550 pour le numéro de chambre occupé au Balima, pendant presque une année, par le célèbre écrivain et poète marocain Mohamed Khair-Eddine. Révolutionnaire des principes fondamentaux de l'écriture maghrébine de langue française, il avait abandonné sa maison pour cette chambre d'hôtel. Lorsque le soleil décline, le lieu révèle son secret... Un écrin de lumière dorée et un apaisant silence qui ont été une foisonnante mine d'inspiration pour ce poète éclairé.

été le lieu d’évènements historiques de grande ampleur. Il a ainsi été la cible d’un attentat à la grenade, en octobre 1954, faisant trois victimes américaines sur la terrasse du café. Le Balima fut aussi le lieu de naissance de mythes comme celui du Sultan de Balima. Une histoire que tout bon R’bati connaît ou a déjà entendu... Le Sultan? Un homme vêtu d'une djellaba à la manière du roi, mais imposteur dans l'âme. Celui-ci se plaçait en face de l'actuel Parlement de Rabat (ancienne Cour d'appel) et disait pouvoir régler les problèmes des passants. S’adressant alors aux parlementaires, il revenait en

Nous étions paumés, fauchés comme le blé certes, mais on sortait tous les soirs. On ne pensait qu'à s'amuser dans une capitale constamment en effervescence

, confie t-il, le regard triste, nostalgique de ce passé qu'il a du mal à croire révolu!

Son Rabat d'aujourd'hui? Il s'excite, à la limite du courroux: “Non, ce n'est pas mon Rabat, c'est le leur! Ils ont kidnappé celui que je connais sous prétexte de moderniser la ville... On ne modernise pas en tuant l'âme de ce qu'on veut moderniser!” “La ville de Rabat a perdu sa vitalité populaire: les gens des quartiers "chaabi" ont été poussés vers les banlieues. Je suis né dans une ambiance populaire au quartier Sania Gharbia. Où sont passés les fours à pain, les hammams... Et même les mosquées?”, s'interroge t-il, la gorge serrée. Nordine Ben Mansour ne reconnaît plus Rabat... Effervescent et bouillonnant jadis, mais devenu hélas selon lui, une ville “pudique, silencieuse comme une vieille qui cache son jeu”. En tout cas, le Rabat d'antan ne saurait ressembler à celui d'aujourd'hui, le Rabat des tramways, des marinas

■ Noredine Ben Mansour. / BB

au niveau du Bouregreg... Dommage pour Noredine Ben Mansour, qui peut tout de même étouffer ses sanglots en lisant et relisant son ouvrage consacré à cette dolce vita r'batie: "Chroniques des années de fraises". C'est peut-être la seule consolation qui lui reste... • BB


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