Mot pour mot | automne 2020

Page 1

No. 7

Revue Littéraire | Automne 2020

Mot

Mot pour


Mot pour mot est la revue littéraire du DUG d’études françaises et francophones à Brown University. La publication est soutenue par le Département d’études françaises et le Curricular Resource Center. Le travail ici est représentatif des étudiants. Sur la couverture : Pourchasser le crépuscule Photographe : Cici Osias Pour plus de ses photos, voir p. 46


Curieuse langue française, et prophétique, qui fait commencer l’amour comme la guerre par une déclaration ! — Jean Simard


L’Équipe Hannele Hellerstedt

Rédactrice en chef | Directrice de création

Poom Andrew Pipatjarasgit

Rédacteur en chef | Directeur de publicité

Brown Bulloch, Ekin Secilmis, James Langan Réviseurs agrégés/Réviseures agrégées

Gidget Rosen, Haley Joyce, Yasmeen Gaber Réviseures adjointes

Isabelle Yang, Reeno Hashimoto Agentes adjointes de publicité

Catherine Nelli, Charlotte Balliett, Emma Amselem, Emma Giventer-Braff, Jaden S. Rose, Josiah Blackwell-Lipkind, Laura Meshnick, Mamaswatsi Kopeka, Wyatt Woodbery Écrivains/Écrivaines

Cici Osias, Isabelle Yang Photographes

Nous remercions particulièrement Prof. Thangam Ravindranathan, conseillère du DUG

2


Table des matières

6 9 10 11 12 23 24 29

La Poésie L’Art n’est rien qu’une recette pour vivre La Neige la nuit qui danse Laisse les banalités !

6 6 7 8

En Bref L’Art, moyen de sublimation La Maison

10 11

Les Opinions Embrassez le changement et débarrassez-vous du penny Media Analysis: French National Identity and Islam in “From Niqab to N95” Pensées à propos de la pornographie et des médias lesbiens

12

30 34

Le Voyage

35 38

La Narration

39 44

L’Histoire

45 53

La Photographie

13

Sans la « merde », l’Auvergne n’aurait pas de fromage Un souvenir bouché de la France

Chaque coup de pinceau La Véritable Histoire du serpent

Corsets and Control: Nineteenth-Century Fashion’s Battle between Form and Function

31 33

35 36

39

17

L’Analyse littéraire Cyrano de Bergerac : Quelqu’un qui a soufflé mais qui n’a jamais été oublié 24 L’Illusion, le rêve et la folie : aucun une perte de raison 26

Cici Osias : L’Été solitaire Isabelle Yang: Jaune Room

46 52

3


Un mot

des rédacteurs

4


Un mot des rédacteurs Cher tous, chère toutes, Nous sommes ravis de vous présenter le septième numéro de Mot pour mot ! Publié pour la première fois en 2016, Mot pour mot a été fondé dans le but de promouvoir la création d’une communauté francophone à Brown qui permettrait aux étudiants de partager leurs créations artistiques et littéraires. L’année 2020 a été marquée par des épreuves qui ont révélé l’importance de la solidarité et la valeur de notre communauté. Pendant ces quatre dernières années, Mot pour mot a continué de se développer et de se réinventer ; ainsi, ce numéro marque une nouvelle étape dans son histoire puisque notre but était de rendre la publication plus accessible à nos lecteurs. Nous sommes très reconnaissants de toutes les contributions que nous avons reçues. Les sélections qui apparaissent dans ce numéro représentent la compilation d’un large échantillon du corps étudiant undergraduate à Brown. Nous voudrions également remercier les professeurs du Département d’études françaises, qui ont encouragé leurs étudiants à utiliser le français pour explorer leur créativité et leurs intérêts. Enfin, la publication de ce numéro n’existerait pas sans l’excellent travail et le dévouement de toute notre équipe. Nous remercions tous les étudiants qui nous ont aidés et qui ont participé à sa rédaction. Nous vous en souhaitons une bonne lecture, Hannele Hellerstedt ’21 et Poom Andrew Pipatjarasgit ’21 Rédacteurs en chef de Mot pour mot Leaders du DUG d’études françaises et francophones

5


La Poésie

Poésie La

L’Art n’est rien qu’une recette pour vivre Ni de peinture ni de fusain Ni de papier ni de toile Perdu sans le plaisir de l’art L’amour de la création pour l’artiste qui l’a créée En courant vers de la forêt Mais en oubliant tout le paysage Perdu sans le plaisir de l’art La capacité de se rappeler avec l’image Reproduire un souvenir avec une brosse D’exprimer les rêves d’âmes Perdu sans le plaisir de l’art De créer la joie dans une existence sans intérêt Absolument sans une raison d’être Simplement en mouvement à travers la vie Perdu sans le plaisir de l’art Qui donne à l’oiseau une raison de chanter Malgré une pénurie de matériaux L’espoir ne mort pas grâce à La possibilité de produire d’art avec tout Pour peindre le ciel avec les lumières Pour dessiner sur la terre avec les brindilles Pour brûler des visages dans les feuilles Pour décalquer votre cœur dans le vent Pour créer la beauté avec l’esprit humain.

par Catherine Nelli

6

La Neige Il neige et elle a disparu Dans le blanc du paysage Perdue dans l’histoire Et personne ne peut témoigner d’elle À présent, Nous pensons qu’elle n’a jamais existé Elle est la preuve que nous ne savons rien Parce que loin Dans le blanc de la neige Il fait froid

par Wyatt Woodbery


la nuit qui danse

la nuit qui danse l’opéra commence maintenant comme un immense silence du cœur. toi, tu me prends dans ton embrasse ; la jeunesse approche, et je ne crois pas en la nuit qui danse. je t’entends, tu m’attends ; nous ne nous comprenons jamais. les fleurs tombent, les fleurs noires. la tristesse – nous la remercions avec plusieurs grands oiseaux qui volent loin, loin, et à plumes et plein de chansons. je t’entends, tu m’attends ; nous ne nous comprenons jamais. la nuit danse plus forte, mais elle n’existe pas. l’hiver frissonnant est toujours là-bas dans les rues, dans les vagues, les blanches de la neige. les vérités de la colère– je crains, je crains plus encore. je t’entends, tu m’attends ; nous ne nous comprenons jamais. nos fenêtres sont brisées et je n’arrête pas mes cris. je suis désolée ; je serai toujours désolée ; je n’avais jamais rien compris. nous vivons aujourd’hui dans un vide profond. je t’entends, tu m’attends ; nous ne nous comprenons jamais. je t’oublie et tu me manque ; les nuages pleurent, et tu pars, tu pars, tu pars toujours. dans la nuit qui danse bien... la nuit qui danse quoi qu’il arrive comme les flammes, comme l’amour. l’amour qui est mort.

par Jaden S. Rose

7


La Poésie

Laisse les

! s é t i l a

ban

Ça ne m’intéresse pas ! Ton nom ? Tes ancêtres ? Ton âge ? Tes habitudes ? Ton travail ? Tes films préférés ? Ton anecdote ? Je peux extraire cette information dans une minute ! Tous les jours, nous rencontrons beaucoup de gens, des gens drôles, des gens amusants, des gens charismatiques. Nous nous parlons, nous rions, et après, nous les oublions. Ils ne nous connaissent pas parce que la société a créé les banalités, suffisantes pour prolonger une conversation mais insuffisantes pour y réfléchir après deux semaines. Ça serait génial si nous rencontrions les autres, apprenions leurs noms—les histoires de ces noms—et nous nous en rappelions dix ans après ! Non, je suis sérieuse, Dis-moi, qui es-tu ? La personne devant moi, Qui me sourit ? Ces ridules autour de ta bouche, Ces lignes de froncement des sourcils, Oui, ces marques d’étirement aussi. Parfois, je doute que l’autre personne veuille me connaître. On a un petit cahier où on garde son résumé en quelques secondes et ses blagues. Donc, en écoutant l’autre personne, je récite ce que j’ai l’intention de dire. Je lui dis, « tu es drôle » et « c’est intéressant ça », parce que je n’écoute pas, j’attends impatiemment et nerveusement. Je ne dis pas que je veux avoir ton adresse après t’avoir rencontré(e), non, mais je dis que je voudrais partager un sourire sincère avec un(e) inconnu(e), et m’en rappeler après notre conversation.

8


Laisse les banalités !

Je veux comprendre ta vie, Complètement ! Je veux ressentir ta douleur Je veux sourire avec toi, Je veux rire de tes erreurs stupides—avec toi ! Je veux te connaître, s’il te plaît. Honnêtement, nous sommes des créatures complexes, chacun d’entre nous. Nous avons les aspects doux, nous avons les aspects un peu méchants et nous avons les aspects que nous voulons changer aussi. Malheureusement, nous essayons seulement de sembler parfaits, comme une feuille de papier blanche. Mais nous ne sommes pas vides; nous portons notre passé, notre présent et les inspirations de notre futur avec nous. Donc, partageons les histoires avec le monde ! Moi, je voudrais écouter ces histoires plutôt que la biographie que je peux trouver sur Facebook ou LinkedIn. Oui, je suis sérieuse Donc, dis-moi, qui es-tu ? La personne devant moi, Qui rit bruyamment comme mes jeunes sœurs, Qui sourit doucement comme ma mère gentille, Qui fronce les sourcils comme notre ancien premier ministre, Qui marche gracieusement, comme une femme forte. En conclusion, je crois que nous voyons les gens que nous aimons dans les autres personnes. Soit c’est leur rire brillant et contagieux, soit leur sens d’humour (ou un manque de celui-ci), soit leur personnalité plus généralement. Non, je voudrais savoir vraiment, Tes histoires, douloureuses et joyeuses de même Tes amours, qui ont brisé et réanimé ton cœur de même, Tes enfants, qui t’ont stressé et t’ont rendu fier de même, Je ne m’intéresse pas à la météo, Je veux te connaître, s’il te plaît. Toi-même, entier, La personne devant moi.

par Mamaswatsi Kopeka

9


En Bref

En Bref. L’Art, moyen de sublimation L’art est un moyen de sublimation. Nous pouvons distinguer le poète Apollinaire qui a utilisé la poésie pour échapper à sa souffrance. Il désirait une femme qui ne le désirait point : amour impossible. Au lieu de se torturer internement, il a transformé en beauté son malheur. Dans son poème « La Chanson du mal-aimé » du recueil Alcools, il commence par parler de cette femme, Annie, lui attribuant des caractéristiques de voyou, de vampire. Il expose sa souffrance. Mais, peu à peu, Apollinaire utilise des procédés et des mots aux connotations positives jusqu’au moment où il parvient à se sublimer. Il finit par dire qu’il a appris des « chants pour les sirènes », c’est-à-dire qu’il a réussi à se délivrer du désir impossible que représente l’amour d’Annie. Ainsi, la transformation de sa souffrance lui a permis de trouver un équilibre. L’art constitue donc un outil de satisfaction de l’impossible.

par Emma Amselem

10


La Maison

La Maison En face de ma maison, au-delà d’une pelouse qui supporte une verdure vivace, plus loin qu’un trottoir qui dirige une pléthore de marcheurs exceptionnelle, derrière une rue étrangement sans voiture, se trouve une autre maison : moitié bleue, moitié blanche parce que les magasins de peinture sont fermés, entourée de jouets et de craie et de poussettes. Cette maison connaît de la nouvelle vie – trois petits garçons qui courent, qui hurlent, qui rient. Puisque les écoles sont fermées, puisqu’il n’y a nulle part où aller, ils restent chez eux dans la maison à moitié bleue. Cette maison a vécu plusieurs couleurs de peinture : le rouge pendant la Deuxième Guerre mondiale, le gris pendant la guerre froide, le jaune pendant la guerre du Viêt Nam, le marron pendant la crise du sida. Tout au long de ces temps, la maison a abrité une vie normale. Pendant sa période rouge, elle a protégé les parents d’un soldat en Europe, mais ils ont pu acheter de la peinture grise. Pendant sa période grise, elle a abrité des enfants qui jouaient avec des G.I. Joe contre l’URSS, mais leurs parents ont pu acheter de la peinture jaune. Et puis pendant la guerre du Viêt Nam, elle a protégé de jeunes adultes qui portaient des brassards noirs, mais eux aussi ont pu acheter de la peinture marron. Et finalement pendant la crise du sida, elle a logé deux amants craignant de se toucher, mais pas d’acheter de la peinture blanche. Mais elle n’a jamais abrité une telle vie comme dans sa période moitié bleue. En effet, elle a abrité des enfants, elle a protégé des ouvriers et elle a logé des étudiants. Mais elle n’a jamais été ni la crèche, ni le lieu de travail, ni l’université pour ses locataires. Enfin, elle a abrité la vie, mais elle n’a jamais été le seul lieu de vie. Comme la couleur de sa peinture, la maison est à moitié touchée de pouvoir servir un rôle tellement polyvalent, à moitié triste pour ses enfants qui grandissent emprisonnés dans ses chambres. Heureusement, elle reconnaît qu’elle n’est pas seule. La petite maison violette à côté abrite aussi une vie isolée, un professeur qui enseigne à travers son ordinateur. Et la grande maison rouge de deux rues au nord sert également comme crèche, lieu de travail et université pour les deux parents et quatre enfants qui y habitent. En fait, elle sait que toutes les maisons de la ville, de l’État, du pays, du monde (!) abritent de telles vies absolues et isolées. Jamais auparavant, ni pendant la Deuxième Guerre mondiale, ni pendant la guerre froide, ni pendant la guerre du Viêt Nam, ni pendant la crise du sida n’a-t-elle vécu une telle solidarité entre ses maisons compatriotes.

par Josiah Blackwell-Lipkind

11


Les Opinions

Les

Opinions Embrassez le changement et débarrassez-vous du penny Pourquoi nous permettons-nous de maintenir les coutumes que nous savons inutiles ? Les êtres humains s’accrochent à ce qui contient une valeur sentimentale longtemps après qu’elle reste encore nécessaire. Nous sommes comme un adolescent qui continue à utiliser sa veilleuse car il l’a toujours fait et il ne peut pas se résoudre à rompre cette habitude. Mais comment se passe-t-il lorsqu’un pays entier ne veut pas abandonner un artéfact de l’antiquité  ? Pourquoi chérissons-nous une pièce de monnaie insignifiante qui fait plus de mal que de bien ? À cause de la nostalgie, les évolutions rationnelles sont souvent bloquées. Nous vivons dans une communauté où l’argent s’utilise pour faciliter l’échange des biens et services. Vous pouvez payer avec le crédit, le chèque, les billets d’argent, même les pièces. Imaginez une personne qui veut acheter une collation. Elle fait un saut à la petite épicerie la plus proche et elle choisit un croissant et du fromage qui coûtent 4,96 $ après l’impôt. À la caisse, la caissière lui donne sa monnaie, quatre centimes. Mais elle dit, « gardez la monnaie ». Elle ne désire pas ces pièces, car elle ne les utilisera jamais. Le distributeur automatique à son travail ne prend pas de pennies, et ils alourdissent sa poche. Elle les fourrerait quelque part dans un bocal ou les jetterait dans un puits à souhait. Il est plus logique pour elle de laisser son argent

12

derrière elle. En ce moment, c’est apparent qu’une forme de la monnaie dont quelqu’un ne veut pas n’ait pas de forme fonctionnelle. Évidemment, il est temps pour les États-Unis de se débarrasser du penny. C’est certes un trésor sentimental pour de nombreuses personnes, mais il faut que nous embrassions le changement. Il y a tellement de raisons d’abolir le penny, mais voici les trois principaux : ils sont devenus superflus, ils gaspillent l’argent du gouvernement, et ils nuisent à l’environnement. Premièrement : le penny est inutile, car il échoue dans son travail de stimuler l’activité économique.

« ...un pays entier ne veut pas abandonner un artéfact de l’antiquité... » Autrefois, vous pouviez acheter des trucs pour un penny ou deux, mais cela a changé. De nos jours, on ne peut rien obtenir avec cette somme. Une barre chocolatée qui coûtait deux pence en 1965 aujourd’hui coûte 1,50 $, et si vous payez tous avec des centimes, le caissier vous détesterait ! Donc, la majorité des individus n’utilisent pas de pennies. La plupart des individus ne s’arrêtent pas lorsqu’ils voient un penny sur le trottoir. En fait, tant de gens jettent des centimes dans la poubelle ou dans un bocal poussé sous le lit. Cela pose un problème. Puisque ces centimes échappent à la circulation, le gouvernement doit produire plus. Cependant, produire un penny coûte 0,017 $, ou 1,7 penny. En d’autres termes, le coût d’un penny dépasse sa valeur nominale ! Le gouvernement perd plus de 55 millions de dollars chaque année à cause de la production des pennies. Voulonsnous l’autorité à gaspiller nos impôts sur une pièce de monnaie effectivement sans valeur, qui va finir dans notre poubelle ou des fontaines ? Bien sûr que non. De plus,


Embrassez le changement quand nous dépensons des ressources et de l’énergie pour fabriquer des trucs pas nécessaires, nous détruisons le climat avec des émissions des hôtels de monnaies et nous contaminons l’eau avec les métaux toxiques. Pour protéger l’environnement, pour ne pas gâcher nos taxes, pour ne pas façonner une forme de monnaie qu’on n’utilise pas dans le commerce économique, nous devons nous débarrasser du penny.

« L’argument le plus répandu parmi les partisans du penny exprime la nostalgie. » Il y a quelques assertions que les gens qui soutiennent le penny emploient, mais on peut en réfuter beaucoup assez facilement. Par exemple, on contredirait l’argument qu’on doit garder le penny pour souvenir et honorer Abraham Lincoln par l’exclamation, « mais il reste encore sur le billet de cinq dollars ». Certains disent que l’abolition du penny hausserait les prix puisque tout serait arrondi. Pourtant, le Canada a cessé la fabrication de son penny, mais il n’a vu aucune augmentation des coûts ou de l’inflation. L’argument le plus répandu parmi les partisans du penny exprime la nostalgie. Le peuple américain aime le penny. Ils ont de bons souvenirs et ne veulent pas le changer bien que l’abolition apparaisse plus logique. Toutefois, ils devraient envisager le billet de deux dollars. Tandis qu’il ne soit plus produit ou en circulation, beaucoup de personnes les ont encore dans des collections et ainsi de suite.

« Par exemple, on contredirait l’argument qu’on doit garder le penny pour souvenir et honorer Abraham Lincoln par l’exclamation, ‘mais il reste encore sur le billet de cinq dollars.’ »

Quelquefois dans l’histoire, comme avec le billet de deux dollars et le demi-penny, quand cela n’a plus de sens de les fabriquer, nous les avons retirés de la circulation. Ce moment est également venu pour le penny. Ne détestez pas le changement. C’est une force parfois nécessaire et naturelle. Mais rassurez-vous, les pennies vivront dans nos collections de pièces et nos puits à souhait.

par Catherine Nelli

Media Analysis: French National Identity and Islam in “From Niqab to N95”

The mask mandates that have arisen in response to the COVID-19 pandemic have relit flames under societal debates. In the United States, many people have refused to don masks with the argument that this requirement infringes on their freedom. The other side of this American debate argues that mask mandates are not only legal but enforce an imperative civic duty that protects all members of the community. The issues raised by mask mandates differ by country. In France, the pandemic has unearthed the hypocrisy, irony, and Islamophobia of a law in direct opposition to France’s set of mask mandates that is at the heart of many French debates about national identity. The National Public Radio (NPR) segment

13


Les Opinions

Rough Translation explores this question of national identity and face coverings through the perspective of the current global pandemic in a story titled “From Niqab to N95” published on May 27, 2020. The host, Gregory Warner, provides an array of perspectives on the issue while subtly criticizing the cognitive dissonance of France’s current position on face coverings. The episode delves into factors of the issue, including historical context and French media coverage, that relate to the politics of memory and the othering of Muslims. In addition, the tagline of Rough Translation is “far-off stories that hit close to home” (Warner 00:01:32). Each episode explores a story that is similar to a contemporary issue in the United States—in this case, how national identity relates to Islam and religious symbols—and this story looks at a French cultural context for an issue that has broader implications for the entire Western world.

“The coronavirus pandemic and subsequent mask mandate provide a unique opportunity to reassess the reasoning behind the original prohibition on face coverings...” 14

Rough Translation uses the lens of the pandemic to dig into a topic that is hotly contested in France. The issue of how religion and national identity relate is inflammatory, as seen by Marine Le Pen’s nationalistic and populist run for president in 2017. Warner begins the Rough Translation episode by explaining President Emmanuel Macron’s mask mandate, which requires everyone in France to wear masks in certain public places; this, however, conflicts with a previous law that states “you cannot dissimuler your face— cover your face, conceal your face—in public” (00:00:50). In order to diffuse some of the tension surrounding this subject, Rough Translation broaches the ironic contradiction of these two laws through humor: they include audio from a meme on Tiktok that points out the absurdity of having both laws by joking that people will get fined for not wearing masks and then will get fined when they put on a mask in an endless circle, and that this is a genius move by Macron to fill the French government’s coffers. After broaching the topic with this amusing and light hook, the story takes a more serious turn. Warner says, “Today we look at how the mask is changing the way people relate to each other in a country where, until very recently, you were told that your duty as a citizen was to show everybody your face” (00:02:32). The coronavirus pandemic and subsequent mask mandate provide a unique opportunity to reassess the reasoning behind the original prohibition on face coverings and how it holds up in light of the contemporary public health crisis. Decade-old national debates first linked French national identity with not wearing face coverings. When Warner asks Eleanor Beardsley, an NPR correspondent in France, why this connection exists, she responds, “Well, it leads back to Islam, whether anybody wants to say it or not” (00:05:27). In further describing the debates, Beardsley


French National Identity

“...What they see as French, Warner and Berdsley assert, is diametrically opposed to an entire religous faith.” says, “One of the most talked about subjects at these debates was something that directly affected relatively few French people. And that was the niqab, which is the Muslim face covering that hides the nose and mouth, often just leaves a gap for the eyes. French officials wanted to ban it” (00:05:33). Rough Translation claims that at the crux of the tension in the debate over what it means to be French is the country’s relationship with Islam. This statement also implicitly references the theories of the politics of memory and ideational security. While the story could have further explored the history of French colonialism in what are now majority-Muslim North African countries, it acknowledges that this reality lingers in the non-Muslim national conscience that has taken issue with religious symbols of Islam. Rough Translation argues that non-Muslim French people view Islam as a threat to their ideational security: what they see as French, Warner and Beardsley assert, is diametrically opposed to an entire religious faith.

“The othering of women who choose to wear the niqab—and of Muslim people in general—is not isolated to France.” Warner also refers to the idea of laïcité, which is France’s version of the separation of church and state. A few years before the national debates, France had prohibited the wearing of any religious symbols in public school; however, “officials in these national debates wanted to go even further. They said that the niqab—the face covering—should not be allowed anywhere in public. And with the threat of terrorism, they said, the niqab was a security risk” (00:06:27). This determination to ban the niqab—and

confounding being a terrorist with wearing it—is a form of othering. Rough Translation draws the listener’s attention to how French Muslim women who wear the niqab are seen as less French than their non-niqabwearing counterparts and are penalized and ostracized as a result. This focus elicits shock from the listener; it’s designed to make them perturbed by the mistreatment of a minority group in France. Warner further explores the idea of othering through an interview with Manal Shehab, a woman in Melbourne, Australia who wore the niqab for twenty-one years. She explains that she loved wearing it, but that she stopped because of how she was perceived by others. The othering of women who choose to wear the niqab—and of Muslim people in general—is not isolated to France. Rough Translation shows the othering of Muslim people in the larger Western world by looking at the United States and Australia as well. Warner introduces Diaa Hadid, an NPR correspondent in Pakistan who is from a traditional Muslim family in Australia, who then reads a tweet from a person with the Twitter handle @talkmaster. The tweet reads, “you think COVID-19 is bad? Give me a break. Wait till Muslims hit critical mass in America. You’ll look back on these times fondly” (00:12:18). Hadid also says that in Australia, “my mother wears a hijab. My sisters wear the hijab. Just about everyone in

15


Les Opinions my family except me wears one. And it’s hard. Like, I’ve stood in lines with my sister who doesn’t look like me at all, and I’ll see people glaring at her” (00:13:18). These examples place a story about French face covering laws in a larger context of Islamophobia in the Western world. They also show that Muslims have been vilified for what is now being done (covering faces) by everyone.

“And how would the average French citizen feel who had been reminded day after day that their civic duty was to keep their face exposed?” An important feature of “From Niqab to N95” is its inclusion of perceptions of the correlation between mask laws and anti-face covering laws in the French media versus in the Muslim community. At the time of the national debates over face coverings and French identity, the French Parliament released a study saying that in a free and democratic society, social life required uncovered faces. That, however, has changed because of the pandemic—now you’ll be hard pressed to find someone in a public space in France who isn’t covering their face. Warner notes that “you might expect—what is it? —three months or so into the quarantine, with masks on everybody’s faces, that the French press would at least be taking note of this irony, of this sudden reversal in social norms. And how would the average French citizen feel who had been reminded day after day that their civic duty was to keep their face exposed? Would they now feel unnerved?” (00:09:35) Beardsley responds by saying that while people are unnerved by the virus, no one is unnerved by seeing a face, and that the French press has not been reporting on the contradiction. However, Beardsley says, “I would go into some neighborhoods where a lot of Muslims lived. And I talked to them? And they would say yes, yes, of course. We’ve all

16

thought of this” (00:10:08). Rough Translation presents the imbalance of these responses to demonstrate the dissonance between the importance of the issue at stake—of hypocrisy and Islamophobia in relation to national identity—and the impact of the issue, which has been minimal in France. As asserted in the American Political Science Review, “Media might determine what the public takes to be important. In contemporary parlance, this is known as agenda setting” (Iyengar et al. 848). The French media, and as a result the French people who are not Muslim, do not see the contradiction between face covering laws as a cause of concern and are not reevaluating the idea of French identity that is tied to it. When the connection between masks and niqabs was more widely established, the press and much of the public expressed outrage that people could compare covering one’s face for public health with wearing religious face coverings. NPR presents varying opinions to paint a full picture of the story. The story ends without a concrete solution or prediction. While Beardsley believes that the pandemic may change how the French view covering one’s face, Hadid is more cynical; she thinks people view the two cases as too philosophically different. This story asks us to consider what the pandemic reveals about how we treated each other before and what our obligations are now, and it encourages the listener to consider—in France, the United States, and in the Western world—what national identity is and to what lengths people are excluded from it.

by Catherine Nelli


La Pornographie et des médias lesbiens Works Cited: Iyengar, Shanto, et al. “Experimental Demonstrations of the ‘Not-So-Minimal’ Consequences of Television News Programs.” Political Psychology, 2004, pp. 139–149. doi:10.4324/9780203505984-7. Warner, Gregory. “From Niqab to N95.” Rough Translation, season 2020, episode 22, National Public Radio, 27 May 2020.

Pensées à propos de la pornographie et des médias lesbiens

Il y a environ sept ans, j’ai découvert pour moi-même les médias lesbiens. C’était un péché mignon selon moi : j’ai passé le weekend seule en trouvant de plus en plus de films saphiques. C’était la seule raison pour laquelle je ne me suis pas sentie complètement seule : j’ai vu une énorme quantité de femmes qui aiment les femmes dans le monde. Cherchant sur Internet, trouvant de nouveaux films lesbiens, qu’elles soient de mauvais goût et quel que soient les clichés, je me suis trouvé chaque weekend avec ma porte sûrement fermée, contre les yeux de ma mère, et mon navigateur en mode privé. J’ai vu de très mauvais films, par exemple, Jenny’s Wedding et Loving Annabelle, mais aussi, j’en ai vu de jolis et bien écrits, comme La Vie d’Adèle et Saving Face. Aussi mauvais et mal écrits soientils, je les voyais avec envie et espoir. J’ai vu une énorme quantité de films saphiques pendant cette époque, et pour la plupart desquels, les scènes de sexe étaient sérieusement bizarres. Parfois, il y avait des scènes dans lesquelles les deux femmes héroïnes commençaient à se faire l’amour, et après avoir se baisé, elles se sont ouvert les jambes et elles ont commencé à avoir des relations sexuelles dans une manière de ciseaux. Si je ne me sentais pas tellement seule, j’aurais cessé de regarder ces scènes. Pourtant, je continue de les regarder et je trouve bien plus de problèmes avec eux. La pornographie lesbienne est une forme de média curieuse ; bien qu’elle soit populaire parmi les femmes

queers, les films ne dépeignent pas de façon réaliste les expériences des lesbiennes parce qu’ils ne sont pas faits pour elles comme l’audience principale.

« Pourquoi est-ce que nous continuons regarder ces films tellement lamentables ? » Pourquoi est-ce que nous continuons à regarder ces films lamentables ? Certains de ces films racontent des histoires importantes et émouvantes pour la communauté queer. Cependant, ce qui pose probleme est : pourquoi la plupart de la pornographie lesbienne sur Pornhub, le plus grand site de pornographie dans le monde, est faite pour le monde non-lesbien ? En 2019, la « pornographie lesbienne » était le terme le plus recherché en Amérique du Nord, mais intéressement, les femmes ont regardé plus de pornographie lesbienne que les hommes. En fait, les femmes ont regardé 149% de la pornographie lesbienne, par rapport aux hommes. (Ces données viennent des surveillances de Google.) Souvent les femmes queers parlent du contenu « fait par les hommes, pour les hommes » mais en fait, les femmes hétérosexuelles en font une grande partie des spectateurs, alors que la pornographie lesbienne et les représentations des lesbiennes et du sexe lesbien dans les médias mondieaux sont parfois bizzares. En particulier, je voudrais voir pourquoi la pornographie lesbienne est tellement mauvaise, même dans les films qui sont pour l’égalité de droits pour les couples hétérosexuels et homosexuelles. J’ai regardé mes films lesbiens préférés et aussi les films pornographiques pour mieux comprendre l’industrie des pornos lesbiens. J’ai fait un sondage pour demander aux femmes queers ce qu’elles en pensent, et si

17


Les Opinions elles regardent la pornographie lesbienne, et pourquoi ou pourquoi pas. Ce sondage était un truc difficile pour moi. Pour le rendre plus accessible, je l’ai écrit en anglais, pour que mes amies qui ne parlent pas français aient pu le prendre. C’est difficile de distribuer un sondage comme celui-ci, car on ne peut pas le distribuer sur Facebook, où en général c’est facile de requêter que du monde en fasse. Je l’ai texté à quelques bonnes amies queers, une qui est anti-porno, une qui s’occupe avec beaucoup d’autres choses, ainsi qu’une qui n’est pas une très « proche » amie, etc. De ce grand envoi du sondage, je n’ai reçu que trois réponses. Donc, j’ai envoyé le sondage à mes camarades de classe, et puis j’ai reçu en total huit réponses. J’en ai un petit avertissement : mes chiffres viennent d’une maigre population d’individus, qui sont pour la plupart, des étudiantes et des jeunes femmes. Ce sondage n’est pas le plus précis, car je n’ai pas les ressources d’une chercheuse avec une bourse disponible.

S’il vous plaît, lisez mes informations comme si elles peignaient un tableau impressionniste de « ce que les femmes queers pensent de la pornographie. » J’ai posé aux sondées quelques questions à propos de leurs identités et leurss consommations de la pornographie. 62,5% des sondées s’identifient comme des « femmes queers ». Je leur ai demandé si elles regardaient de la pornographie, et les options à choisir étaient « oui, souvent », « oui, parfois », « non, mais

18

peut-être seulement une ou deux fois au passé » et « je n’aimerais pas vous dire, merci ». Seulement 12,5% des sondées regardent souvent des pornos ! La plupart des sondées regardent des pornos, mais pas souvent. Une minorité de 25% des sondées ne regarde pas de pornographie.

« 100% des répondants ont pensé que [la pornographie lesbienne] est pour des hommes hétéros... » Ces réponses m’expliquent que les femmes queers sont des consommatrices de la pornographie, ce qui est intéressant parce que selon les recherches Jason Carroll de 2008, pendant douze mois aux États-Unis, 90% des jeunes hommes regardent de la pornographie, et un peu moins de la moitié la regardent hebdomadaire. Par contraste, qu’un tiers des jeunes femmes aux États-Unis regardent de la pornographie, avec 3% qui la regardant hebdomadaire. Ces recherches sont un peu vieilles, donc bien sûr on doit faire augmenter les chiffres un peu pour avoir une représentation juste pour aujourd’hui. Néanmoins, par rapport aux chiffres de mon sondage, les femmes queers américaines regardent la pornographie plus souvent que regardent les femmes hétérosexuelles et homosexuelles égales aux États-Unis. Du monde qui regarde la pornographie (six personnes), 83,3% regardent des pornos hétérosexuelles, 50% des pornos gais (avec des hommes), 50% des pornos lesbiennes, et 16,7% des pornos bisexuelles. J’ai inclus dans les options « Queer/non-binary porn » parce que je sais que parfois il y a des scènes dans lesquelles les acteurs sont ni complètement femmes ni complètement hommes. Personne n’a sélectionné cette option.

J’ai demandé au monde qui ne


La Pornographie et des médias lesbiens Do you identify as a queer woman?

Do you watch porn? Yes, frequently

Yes

No

No

Sometimes

If you don’t watch porn, why don’t you watch it? (Check all that apply) It offends me

1

I don’t get the appeal I don’t see myself represented

1

It is culturally inappropriate for me

2 2

Who do you think is the target audience for lesbian porn? (Check all that apply) Straight men Straight women

Gay men

0

8

1

Gay women Queer/non-binary individuals

2

regarde pas de pornos, pourquoi pas ? Parmi ces personnes, 66,7% des répondants ne comprennent pas pourquoi le regarder en premier lieu ; 66,7% ne se voient pas bien représentées dedans ; pour 33,3% ils sont offensifs ; et pout 33,3% des répondants c’est une mauvaise chose pour la société. Ça fait un pourcentage du monde contre la pornographie. Je leur ai demandé aussi pour qui elles pensent que la pornographie lesbienne est produite. 100% des répondants ont pensé que c’est pour des hommes hétéros ; 50% pour des lesbiennes ; 25% pour du monde queer et non binaire ; et 12,5% pour des femmes hétéros. Je voulais comprendre si le monde qui ne regarde pas maintenant des pornos, les regarderait s’il y avait une bonne sélection de pornos faits pour les femmes queers. À cette fin, je leur ai demandé : « Si vous ne pensez pas que les pornos lesbiens sont faits pour vous, et vous les regarderiez si ils étaient

4

faits pour vous, de quelle(s) manière(s) pensez-vous que le genre peut changer pour se rendre plus à votre goût ? » Comme prévu, beaucoup des répondants veulent du progrès au sein de l’industrie de la pornographie lesbienne. Elles m’ont donné quelques commentaires qui suggèrent comment améliorer la pornographie lesbienne (en anglais, pour garder l’esprit des conseils) : « less super long nails and fake signs of pleasure », « more butchlooking actors who actually have chemistry », « I love a good plot! More toys - I’ve watched lesbian porn before but always get a bit bored … I’ve talked to some of my lesbian friends and they watch straight porn more than lesbian porn because they find it a bit boring too. » Ces commentaires m’ont expliqué qu’on peut améliorer les pornos lesbiens pour les femmes queers ; c’est une question d’y ajouter quelques notes de romance, ou de jouets sexuels, ou

19


Les Opinions d’échanger les actrices « bimbos » pour des actrices bien tatouées, avec des coupes de cheveux alternatives. En outre, quelqu’un m’a laissé une note intéressant à propos de ces préférences, qui me fait repenser à ce qui est la meilleure option pour les femmes queers : Part of it is seeing women with hair down there!!!! That’s the biggest reason why I don’t watch porn overall because it just makes me feel weird about my body. Also wanting to see women with a wide range of body types (not simply v skinny or v thick), and women doing a wide range of things. I feel like when it comes to straight porn, it’s easy to find whatever niche thing, but I struggle with that more with queer, womxn porn. I have started using this erotic listening app called Dipsea, that makes me feel like I can listen to pornographic content w/o feeling the male gaze on me... because I feel the male gaze so heavily in any sort of porn just because that is the foundation of the industry in many ways. For me what is necessary is a larger overhaul. It can’t simply be different types of lesbian / queer videos on Pornhub, especially because under these videos are just more straight videos that sometimes I really don’t want to see (penetration can be v violent!!!). It needs to be a larger shift in the industry, in approach, in reflexivity and intentionality. Ce commentaire me rappelle les différences entre les catégories pornographies gaies et lesbiennes. Pornhub a deux sites : Pornhub (en général pour mettre en ligne et regarder les pornos hétéros) et Pornhub Gay (exclusivement présentant des actes de sex entre seulement hommes). Pornhub n’a aucun site comme Pornhub Gay, exclusif à la pornographie lesbienne. Pourquoi est-ce qu’il y a un site exclusif pour une orientation sexuelle, mais pas pour son contraire ? En lisant « The 2019 Year in Review » de Pornhub, j’ai vu un commentaire d’un représentatif de Pornhub qui répond à cette

20

question : « Because so many straight oriented videos are already tagged as ‘lesbian’, we can not determine which of these might be designed for lesbian women to watch, or simply straight men or women that enjoy watching two women. However, when content is tagged ‘gay’ it’s more likely to be for gay men who do not want to see women in the videos, so we can more easily feature that content on the ‘Pornhub Gay’ site. We try our best to accommodate the tastes of all visitors, but that is why we do not have a separate site for Lesbian women at this time » (mike_pornhub). Est-ce qu’on peut voir ici un relation entre le « male gaze » à propos duquel la répondante m’a écrit et les frustrations à cause de cette inégalité ? Mais, aussi, il faut qu’on pense au point de vue du système capitaliste d’un libre marché : s’il y aurait un vrai auditoire pour « Pornhub Lesbian », il est probable qu’il y en avait déjà. Tout simple : c’est la loi de l’offre et de la demande.

« ...I feel the male gaze so heavily in any sort of porn just because that is the foundation of the industry in many ways. » - une reponse des sondées

Maintenant, il faut que je vous explique la divergence entre les données de Pornhub et la vie réelle. Selon le commentateur que nous avons rencontré ci-dessus, mike_pornhub, il y a un site uniquement pour la pornographie gaie masculine, mais pas pour la pornographie gaie féminine, parce que les marchés pour les deux genres se sont tellement différents. J’ai fait des recherches sur Google Trends pour voir la prévalence des recherches sur Google, et pour chacun, les termes les plus recherchés en même temps. Quand on


La Pornographie et des médias lesbiens recherche sur Google Trends « gay porn » contre « lesbian porn », il y a une grosse divergence entre les deux.

« ...les femmes queers qui veulent un échange dans l’industrie en font une toute petite minorité. » Par rapport au terme « gay porn », « lesbian porn » est recherché 15-35% du temps. C’est beaucoup moins populaire pour rechercher que « gay porn », qui est une bonne évidence pour le commentaire de mike_pornhub. En plus, les termes recherchés avec « gay porn » et « lesbian porn » racontent aussi une histoire intéressante : bien corrélé avec « gay porn » est le terme « gay bars near me ». Ça explique qu’une proportion significative du monde qui recherche « gay porn » sur Google est gaie elle même. Par contre, tous les termes bien corrélés avec « lesbian porn » sont des termes qui n’en recherchent que de plus spécifiques genres, comme « lesbian scat porn ». Bien que les femmes queers, selon mon sondage espèrent que l’industrie de la pornographie lesbienneelle deviendra plus comme celle de la pornographie gaie, il y a une réalité grave : les marchés sont complètement différents. En plus, les femmes queers qui veulent un échange dans l’industrie en font une toute petite minorité. Pornhub est un site gratuit, et si on tient compte des dépenses pour avoir un grand site web, ce n’est pas si profitable d’avoir un site pour des lesbiens que pour des hommes gays. Après avoir lu les réponses de mon sondage, j’ai fait des recherches sur Internet pour voir s’il y a un marché, en dehors de Pornhub, exclusif aux désirs des femmes queers. J’ai trouvé un blog sur le site Bustle à propos des meilleurs lieux pour trouver de la pornographie féministe et vraiment queer. Le meilleur de ces sites s’appelle « Indie Porn Revolution ». Selon Bustle, « Indie Porn Revolution (NSFW), formally No Fauxxx, claims to be the longest running

queer porn site in history. ‘Subversive smut made by ladies, artists, and queers,’ their site has a little of everything … NoFauxxx. Com was created by Courtney Trouble in 2002 and is the longest-running indie queer porn site on the internet » (Emery). Bien sûr, un vieux site comme celui-ci doit avoir une bonne sélection survivante, essayée et approuvée par des femmes queers.

J’ai exploré le site moi-même, et la description du créateur était : « gorgeous women, femmes, couples, dykes, bois, trans women, punks, sex workers, ftms, queer men, bbws, lesbians, husbands, gender queers, gender fuckers, bisexuals, queer porn stars, people of color, people of size, people of love, people of indie porn » (Indie Porn Revolution). Ça me ressemble plus à ce que mes sondées veulent voir. Pourtant, quand je voulais en sampler la sélection, il me fallait une adhésion payée. L’adhésion me coûterait 20$ par mois, où si je voulais acheter quelques films à la carte, ça m’aurait coûté 20$ par film. Par rapport à Pornhub, qui est gratuit, Indie Porn Revolution est hyper cher. De plus, le site ressemble aux sites louches que je ne ferais jamais confiance aux chiffres de ma carte bancaire.

« Pourtant, Dipsea est quelque .chose de tout nouveau. » Je suis retournée au commentaire du répondant de sondage qui a écrit à propos d’une nouvelle application de la pornographie féministe en forme des podcasts : Dipsea. Une start-up, fondée en

21


Les Opinions décembre 2018, dont le but est de créer une atmosphère sûre et progressive, même d’exciter. En plus, ce qui rend l’application unique, est que ce n’est que de podcasts sans vidéo. Les créatrices de la start-up, Gina Gutierrez et Faye Keegan, ont beaucoup utilisé le terme anglais « wellness » pour expliquer le but de leur application. Selon Carole Reeves et Rachel Wingfield en 1996, la pornographie créée pour les femmes queers est toujours bizarre, violente et pas sûre pour les elles : « Unsurprinigly, the little pornography there has been produced by and for lesbians in this country has all revolved around traditional ‘lesbian’ pornographic scenarios … a story about a lesbian who breaks into women’s houses at night and rapes them (and surprise, surprise they loved it) » (Harne et Miller 66).

d’Indie Porn Revolution. Une adhésion coûte 47,99$ par an (3,99$ par semaine dans ce cas), ou 8,99$ par mois. Il y a une période gratuite d’une semaine, pour que des consommateurs potentiels puissent l’essayer avant d’acheter une adhésion. Avec le conseil de la répondante, j’ai essayé tout gratuitement l’application, pour apprendre s’il s’agit d’une bonne alternative à Pornhub pour les femmes queers. J’ai trouvé que l’application crée une atmosphère sûre, mais pas suffisamment diverse et intéressante. Toutes les scènes sont en anglais et la plupart des actrices ont l’accent de Californie du Sud. Pourtant, pour celles qui pensent que la pornographie lesbienne sur Pornhub est dangereuse, en prennant partie de l’objéctification des femmes : voilà un bon produit.

« ...l’application crée atmosphère sûre, mais suffisamment diverse intéressante. »

Indie Porn Revolution, avec ses images des femmes dans des situations de SM, est un exemple de ce vieux genre de la pornographie queer. Pourtant, Dipsea est quelque chose de tout nouveau. Ça fait partie d’un mouvement du moment : de créer des euphémismes pour donner la pornographie féministe une raison d’exister, mais dans tous les cas, l’application peut être un compromis entre ce que veulent les personnes qui s’intéressent au « wellness » et ce que veulent les femmes queers sondées : de la pornographie faite pour elles. En outre, car il y a plus de désir (par rapport à la pornographie « alternative et visuelle »), cette start-up vendrait un produit à un coût plus raisonnable que celui

22

une pas et

Après avoir analysé les données à propos de la pornographie lesbienne, sondé des femmes queers, appris ce qui se passe avec les termes de recherche sur Google, et recherché des lieux dans lesquels on peut trouver de la pornographie lesbienne féministe, j’ai décidé que le problème avec la pornographie lesbienne est difficile de résoudre, parce que c’est hyper-compliqué. La plupart des spectateurs ne sont pas des femmes queers, donc il y a une motivation économique de ne pas la révolutionner. En plus, il n’y a pas suffisamment de dedonnées pour conclure que les lesbiennes regarderaient plus de pornographie lesbienne s’elle répondait à leurs goûts. Ce qui peut marcher comme alternative est la pornographie faite pour les féministes, mais aussi pour un public plus large que les femmes queers, comme Dipsea et ses


La Pornographie et des médias lesbiens concurrents. Pourtant, c’est un beau geste, et il sera intéressant de voir l’avenir de ces start-ups.

« ...le problème avec la pornographie lesbienne est difficile de résoudre, parce que c’est hyper-compliqué. » Si les films pornographiques lesbiennes restent comme contenu pour les non lesbiens, c’est possible que les films lesbiens avec des scènes de sexe resteront aussi les mêmes. À l’avenir, les films indépendants peuvent explorer des scènes plus réalistiquement chorégraphiées, mais pour l’instant, c’est bon à tout prix d’avoir des films populaires lesbiens de grand budget. La plus grande priorité est d’avoir des films lesbiens qui présentent les relations réelles pour promouvoir la bonne représentation filmique des thèmes saphiques.

par Emma Giventer-Braff

Bibliographie : Carroll, Jason S., et al. “The Porn Gap: Differences in Men’s and Women’s Pornography Patterns in Couple Relationships.” Journal of Couple & Relationship Therapy, vol. 16, no. 2, avril 2017, pp. 146–163. EBSCOhost. Emery, Lea Rose. “6 NSFW Sites You’re Gonna Wanna Check Out Tonight.” Bustle, 8 décembre 2017, https://www.bustle.com/p/the-best sites-for-lgbtq-friendly-porn-7428306. Consulté le 27 novembre 2020. Harne, Lynne et Elaine Miller, rédactrices. All the Rage: Reasserting Radical Lesbian Feminism. Teachers College Press, 1996. Jennings, Rebecca. “How do you sell erotica to millennial women? Make it more like podcasts.” Vox, 6 décembre 2018. https:// www.vox.com/the-goods/2018/12/6/18126 382/dipsea-app-porn-erotica-stories millennial-women. Consulté le 4 décembre 2020. mike_pornhub. Commentaire sur “The 2019 Year in Review.” Pornhub Insights, 14 janvier 2020, 10:56 a.m., https://www.pornhub.com/ insights/2019-year-in-review. Consulté le 27 novembre 2020. “The 2019 Year in Review.” Pornhub Insights, 11 décembre 2019. Consulté le 26 novembre 2020.

23


L’Analyse littéraire

L’Analyse littéraire Cyrano de Bergerac : Quelqu’un qui a soufflé mais qui n’a jamais été oublié

C

yrano de Bergerac incarne la définition d’un personnage qui respire le leadeur serviteur. Tout au long de la pièce Cyrano de Bergerac par Edmond Rostand, Cyrano protège, défend et s’occupe des gens autour de lui sans jamais dévier de ses principes. Cependant, pour récapituler sa vie juste avant sa mort à la fin de l’intrigue, il dit : « Oui, ma vie / Ce fut d’être celui qui souffle — et qu’on oublie ! » (344). Cette vue ne représente pas un bon résumé de sa vie. Cyrano transforme la vie de plusieurs personnes, comme celle de Lignière par son héroïsme, celle de Christian par son souffle et celle de Roxane par ses paroles. Il reste toujours fidèle à lui-même et à son panache. Tout d’abord, Lignière serait mort sans l’aide de Cyrano. Sans lui, cent hommes recrutés par de Guiche auraient tué Lignière à la fin du premier acte. Au moment où Lignière s’approche de Cyrano et le supplie de le protéger, Cyrano dit immédiatement, « Cent hommes, m’as-tu dit ? Tu te coucheras chez toi ! » (85) et puis, « Et marche ! — Je te jure / que c’est moi qui ferai ce soir sa couverture ! … » (86). Quand Le Bret lui demande pourquoi il va aider un ivrogne, Cyrano explique effectivement que

24

Lignère est gentil. Or, à ce moment, Cyrano est l’individu dont la gentillesse brille. Son héroïsme sauve aussi ses cadets pendant la lutte d’Arras. À la fin de l’acte quatre, les Espagnols sont en train de tendre une embuscade contre les Gascons. Après le décès de Christian, Cyrano court au centre du combat contre les Espagnols. C’est une bataille sanglante et ils meurent tous, pourtant, cela n’effraie pas Cyrano. Après qu’un officier espagnol demande, « Quels sont ces gens qui se font tous tuer ? » (308), Cyrano commence à chanter la chanson des Cadets de Gascogne tandis qu’il défend ses soldats et leur honneur. Cyrano, toujours courageux, se sacrifie pour les autres, mais pas seulement pendant la guerre.


Cyrano de Bergerac De plus, Cyrano sacrifie son bonheur pour Christian et Roxane avec une loyauté résolue. Même si Cyrano a écrit les lettres à Roxane au nom de Christian en partie pour une raison égoïste (soit pour déclarer sa flamme à Roxanne en secret, soit parce qu’il manque de la confiance pour faire preuve de son amour en son vrai nom), ce qui est important est qu’il continue à protéger Christian au profit de Roxane, même après sa mort. Cyrano aurait pu révéler la vérité à Roxane sur les lettres après la mort de Christian, mais il continue d’honorer la mémoire de Christian. À la fin de la pièce quand Cyrano dit, « Oui, ma vie / Ce fut d’être celui qui souffle — et qu’on oublie ! » (344), ce mot, « souffle », nous rappelle la scène du balcon. C’est là que Cyrano souffle, littéralement, ses mots d’amour à Christian qui les articule à Roxane qui se tient au-dessus. La présence de Cyrano n’est qu’un souffle, un chuchotement au début. Ensuite, c’est Cyrano qui s’adresse directement et souffle avec éloquence à Roxane. C’est-à- dire que Cyrano possède un rôle fondamental dans la relation entre Roxane et Christian. Sans les paroles de Cyrano, Christian n’aurait jamais su l’amour de Roxane ; Cyrano lui donne une relation amoureuse. Bien qu’il souffle (littéralement pendant la scène du balcon et métaphoriquement dans les lettres dont il est l’auteur secret), on n’a jamais oublié Cyrano. Cela est évident lors de la scène finale dans laquelle il continue, même après la tombée de la nuit, à lire la dernière lettre qu’il a écrite pour Roxane sous l’identité de Christian. Elle exprime, « Mais… que je n’entends pas pour la première fois ! » (338) et elle entreprend la réalisation, « C’était vous » (339). Après quatorze ans, elle n’a toujours pas oublié la voix de Cyrano sous le balcon. Il a peut-être soufflé, mais il n’a jamais été oublié.

En outre, même si Roxane pense aimer une autre personne, Cyrano lui montre comment chérir quelqu’un pour son âme plutôt que pour sa beauté. Au début, elle admire seulement l’apparence de Christian. Toutefois, elle tombe amoureuse de l’âme de l’auteur des lettres. Roxane se rend à Arras pendant le quatrième acte et Christian demande pourquoi elle est venue. Elle commence par dire, « Je viens te demander pardon (et c’est bien l’heure / de demander pardon, puisqu’il se peut qu’on meure !) / De t’avoir fait d’abord, dans ma frivolité, / l’insulte de t’aimer pour ta seule beauté ! » (287). Elle dit ensuite qu’elle l’aime pour son âme et sa beauté ensemble, et maintenant, « toi-même enfin l’emporte sur toi-même, / et ce n’est plus que pour ton âme que je t’aime ! » (287). Grâce à Cyrano, Roxane comprend mieux le véritable amour et elle devient plus profonde. Tout au long de la pièce, Cyrano touche la vie de nombreuses personnes, et pour cette raison il est plus que quelqu’un qui souffle et qu’on oublie. Il est vrai qu’il se débat avec un manque de confiance et le sentiment de ne pas recevoir la reconnaissance pour son travail, alors on peut comprendre le sentiment d’être soufflé. Néanmoins, Cyrano change profondément l’existence des autres. C’est la marque d’une vie importante et dont on se souvient.

par Catherine Nelli Ouvrage consulté: Rostand, Edmond. Cyrano de Bergerac. Pocket, 2019.

« Après quatorze ans, elle n’a toujours pas oublié la voix de Cyrano sous le balcon. »

25


L’Analyse littéraire

L’Illusion, le rêve et la folie : aucun une perte de raison

D

ans les Méditations métaphysiques, René Descartes mène une enquête pour découvrir de quoi on peut être certain. Pour y arriver, il utilise une méthode de doute qui démolit les édifices métaphoriques de sa connaissance pour laisser seulement les fondements certains. Cette méditation met en question les limites du doute contre la certitude. Autrement dit, Descartes approche une perte de la raison avant d’y retourner. Mais peut-on vraiment perdre la raison ? Utilisant la structure de doute mise en place par Descartes, on trouvera que l’expérience d’une perte de raison est contradictoire et que si on oublie vraiment la raison on n’en serait pas conscient. Arriver à cette conclusion va requérir, premièrement, une analyse de la notion de perte. On constatera que la perte nécessite au moins une expérience consciente de cette perte, encore mieux un souvenir de possession en plus. Il faudra ensuite considérer les trois classes d’un manque de raison à l’époque : l’illusion, le rêve et la folie. Cette considération montrera que l’illusion constitue une perte, mais pas une perte de raison. Elle indiquera ensuite que le rêve constitue un oubli de doute. Et finalement elle suggérera que la folie ne constitue pas une perte, mais plutôt un oubli de raison ; autrement dit : un état sans raison ni même un souvenir de celui-ci. Commençons par un examen du concept de la perte. Tout simplement, « perdre » est défini par le Dictionnaire Larousse comme « cesser d’avoir, de posséder quelque chose. » Cette définition clarifie que « perdre » nécessite aussi un contraste entre la possession et un manque de possession. Enfin, il serait illogique de dire qu’on a perdu quelque chose qu’on n’a jamais possédé. Mais le mot « perdre » a beaucoup plus de nuance que cette définition simple. « Perdre » nécessite aussi une conscience de ce contraste de possession.

26

Puisque la perte requiert une conscience d’un tel contraste de possession, un souvenir d’une possession précédente et aussi une conscience d’un manque de possession actuel sont tous les deux nécessaires. Sans ces deux conditions, on ne peut pas parler de perte. Les trois brefs exemples suivants le préciseront. Supposons que j’ai de l’argent dans ma poche que j’avais oublié et qu’il tombe dans le métro sans que je le voie. Puisque je n’avais ni souvenir de posséder l’argent ni une conscience d’un manque de cet argent, je n’ai pas à ma disposition un contraste de possession. Et donc je n’ai pas perdu l’argent. Supposons plutôt que je me souviens avoir eu de l’argent dans ma poche, mais que je ne le vois pas tomber dans le métro. Même dans ce cas, puisque je n’étais pas conscient d’un manque d’argent, je n’ai pas à ma disposition un contraste de possession. Et alors, en ce qui me concerne, je n’ai pas perdu l’argent. Et finalement, supposons que je ne me souviens pas avoir eu de l’argent dans ma poche, mais que je le vois tomber dans le métro. Ce cas est différent. Dans la mesure où je deviens conscient d’un manque de possession de cet argent, je peux déduire rétrospectivement une possession précédente qui imite un souvenir. Ainsi, puisque j’ai un type de souvenir de possession et une conscience d’un manque de possession, on peut dire que j’ai perdu l’argent.

« ...“perdre” est défini par le Dictionnaire Larousse comme “cesser d’avoir, de posséder quelque chose.” » Comme note finale, pour clarifier complètement la discussion sur la perte, il faut revenir au deuxième exemple du paragraphe précédent où on a un souvenir de possession, mais on n’est pas conscient du manque de cette possession. Du point


L’Illusion, le rêve et la folie de vue de la personne en question, elle n’a rien perdu. Accordé, du point de vue d’un tiers qui connaît les intentions et la situation exacte de la personne en question, il dirait que l’autre a perdu son argent. Mais ce point de vue requiert l’omniscience, ce qui n’est pas réaliste. Pour préciser la discussion, on évitera d’aborder ce type de pensées d’autrui. On se concentra plutôt sur l’expérience individuelle d’un sujet. Pour l’individu, la perte nécessite au moins une expérience consciente d’un manque de possession, encore mieux un souvenir de possession en plus.

« La perte de raison nécessite un souvenir de la raison précédente. »

Suite à cette discussion de perte, on peut revenir à la question plus large de la possibilité de perdre la raison. La perte de raison nécessite un souvenir de la raison précédente et une conscience d’un manque de cette même raison. Une telle perte de raison entraînera une expérience consciente où on identifie un souvenir de la raison et puis on se rend compte de ne plus la posséder. Selon le Dictionnaire Larousse, la raison est une « faculté propre à l’homme, par laquelle il peut connaître, juger et se conduire selon des principes. » Cette définition souligne que la raison nous mène à agir selon des principes, des règles acceptées comme certaines. Une telle condition exige qu’on trouve une frontière entre le doute et la certitude. Sinon on perdrait les principes nécessaires pour la raison et on pencherait vers un doute interminable. Ainsi, la perte de la raison devient la perte d’une expérience de certitude fondamentale. À l’âge classique de Descartes, trois classes d’une telle expérience sont reconnues : l’illusion, le rêve et la folie. Il suffit maintenant de les examiner séparément pour déterminer si dans une de ces expériences on perd véritablement la certitude des principes fondamentale–si on perd la raison. Concentrons-nous d’abord sur l’illusion, qui est simplement une maladie des sens, une

erreur sensible. On pourrait entendre un bruit qui n’existe pas. On pourrait sentir un membre qui a été amputé–le membre fantôme. On pourrait même voir des hommes avec des chapeaux et des manteaux qui sont vraiment des automates, comme le dit Descartes. En effet, tous les cas où nos sens nous trompent constituent des illusions. Et ces illusions constituent certainement des pertes–des pertes temporaires dans la certitude des sens. Mais les erreurs occasionnelles des sens ne définissent pas une perte de la raison. Entendre un bruit qui n’existe pas ne change pas le fait qu’un et un font deux. Sentir un membre perdu n’altère pas que les angles d’un triangle font 180 degrés. Et voir des automates qui ressemblent à des hommes ne modifie pas le fait que je suis moi-même. Les principes de base de la raison restent intacts. En réalité, les illusions de cette sorte pourraient bien renforcer certains principes fondamentaux de la raison. Puisque les illusions peuvent altérer le monde autant, le fait qu’elles ne peuvent pas atteindre une distorsion de la conscience de la pensée elle-même suggère que, comme le dit Descartes, « il n’y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit » (Descartes 93). Autrement dit, le taux de certitude dans le sujet de soi-même est élevé en comparaison à l’essence relativement manipulable des sens. De toute façon, il devrait être clair que les illusions ne sont pas des expériences de perte de raison. Le rêve est un peu plus compliqué que l’illusion. Il y a certains, comme Derrida, qui pensent que le rêve est une expérience de la folie. D’autres, comme Michel Foucault, pensent que le rêve est plus proche de l’illusion et que les deux nous mènent vers la certitude. Dans Méditations métaphysiques, Descartes présente un exemple de rêve extrêmement ordinaire pour l’éloigner de la folie. Pour résoudre ce problème, regardons l’expérience typique du rêve en évitant de la

27


L’Analyse littéraire polariser ni vers l’illusion ni vers la folie. Quand on rêve, plusieurs situations anormales se présentent. Parfois on vole comme un oiseau, parfois on voit des créatures bizarres, parfois on devient roi. Mais commun à tous les rêves est le fait qu’on ne doute rien ; on prend tout comme certain. Ceci explique pourquoi on se réveille effrayé après un cauchemar ou bien de bonne humeur après un bon rêve, comme si le rêve était la vraie vie. Comme le dit Arthur Schopenhauer dans Le Monde comme volonté et comme représentation, lorsqu’on rêve, l’effet de distorsion fait par la volonté individuelle de l’homme s’éteint, nous laissant comme « pur sujet de la volonté-moins le savoir ». Dans un tel état de savoir, on arrête de douter et on devient complètement crédule. Le rêve devient une sorte de vue transcendantale où tout est possible. La frontière entre le doute et la raison disparaît.

« La frontière entre le doute et la raison disparaît. » Au réveil, on récupère les principes de la raison individuelle, ce qui nous permet d’examiner le rêve. En le faisant, on se rend compte de la niaiserie de l’état du rêve, on comprend que ne rien douter est insensé et on se rappelle de l’importance d’une frontière entre le doute et la certitude. Le rêve renforce, alors, la raison rétrospectivement. Mais Foucault affirme que, comme l’illusion, le rêve n’altère même pas les principes fondamentaux de la raison en premier lieu. Même si le rêve nous montre des scénarios étranges, ils restent dans les limites de la raison fondamentale. Le cercle reste un cercle. Un et un font deux. Les angles du triangle mesurent 180 degrés. En principe, l’idée du sujet luimême comme principe de base reste aussi préservée dans le rêve malgré la perte de conscience. En effet, le souvenir du rêve indique que nous étions nous-mêmes dans le rêve et pas quelqu’un d’autre. Après tout, on parle de « je » et « moi » en le racontant et non de « il » ou

28

« lui ». Par conséquent, la raison de base reste intacte dans le rêve.

« Le rêve renforce, alors, la raison rétrospectivement. » L’examen de l’état du rêve révèle qu’il ne constitue pas une perte de raison, mais alternativement une perte temporaire de doute. Il est important de noter que comme on n’est conscient ni d’un manque de possession du doute ni d’un souvenir de doute quand on rêve, il vaudrait mieux modifier la terminologie : un oubli temporaire de doute. (On parlera du mot « oubli » encore plus tard.) Évidemment, un état comme celui du rêve pourrait facilement se confondre avec l’illusion ou la folie. L’illusion et le rêve préservent tous les deux une raison de base tout en présentant des expériences étranges. Néanmoins, l’illusion est une erreur sensible tandis que le rêve est un oubli temporaire de doute. La folie et le rêve sont aussi confondus parmi les philosophes, comme Derrida, qui traitent le rêve comme expérience de la folie. Il reste à discuter la folie pour comprendre pourquoi ce n’est pas le cas. Selon Louis Sass dans Les Paradoxes du délire, la folie, comme le rêve, est marquée par une incapacité de distinguer la frontière entre le doute et la certitude. Mais contrairement au rêve, la folie se penche vers le doute total. Arriver à un tel point requiert qu’on lâche toute raison, même les principes de base de la raison qu’on préserve toujours dans l’illusion et le rêve. Par conséquent, dans la folie on perd le principe de raison le plus élémentaire : qu’on existe. Le fou doute qu’il est vraiment lui-même. Une telle condition est illustrée par le délire de négation où le patient prétend que ni son corps ni sa personne même ne lui appartiennent. Il parle même à la troisième personne comme s’il n’existait


L’Illusion, le rêve et la folie plus. Dans ce délire on reconnaît aussi une absence de toute pensée typiquement rationnelle. Les docteurs qui essaient de les traiter échouent à trouver un terrain d’entente sur les croyances. Il n’est même pas clair si les patients avec ce délire de négation peuvent logiquement tenir des croyances puisque supposément ils n’existent pas. En tout cas, le délire de négation implique que la folie enlève la certitude du sujet.

« ...la folie se penche vers le doute total.. » Quand Descartes penche vers le doute pour déterminer les bases de la connaissance dans Méditations métaphysiques, il approche un état de folie similaire. Mais il l’évite en trouvant une faille dans sa méditation qui lui permet d’échapper à la folie : en se demandant s’il existe, il répond déjà à sa question. Autrement dit, il ne peut pas douter de lui-même sans déjà confirmer une certitude de son existence en le faisant. Il ressemble à poser la question « suisje vivant ? » où la réponse est nécessairement « oui » dès qu’elle est posée. Descartes est don c conduit non seulement à son cogito célèbre « je pense, donc je suis », mais aussi à éviter la folie. En effet, comme Descartes ne peut pas logiquement douter qu’il existe, il ne perd pas le principe élémentaire de la raison, ce qui exclut la folie. En réalité, le doute ne peut paradoxalement jamais conduire à la folie. Dès qu’on doute, on existe, ce qui interdit le doute du sujet requis pour la folie. Ce paradoxe suggère que la folie n’arrive pas progressivement à travers un doute de plus en plus extrême, car ainsi on ne pourrait jamais surmonter la nature circulaire du doute du sujet. La folie doit arriver plutôt par un doute extrême et soudain qui assomme toutes certitudes et qui remplace la conscience de soimême. Il est peut-être pour éviter un tel choc de doute que Descartes spécifie l’importance d’un « âge mûr » qui renforce la confiance en soi ; l’absence de l’inquiétude et la passion qui

pourraient affaiblir l’esprit ; et un séjour dans un lieu familier pour aider la concentration. La discussion jusqu’ici a abordé la folie comme une absence de raison. Il reste à discuter pourquoi elle n’est pas une perte de raison selon la définition proposée antérieurement. Comme rappel, la perte nécessite un souvenir de possession et une conscience du manque de possession. La folie supprime le sujet, ce qui signifie que ni le souvenir ni la conscience n’est possible. Donc, puisqu’il n’est pas conscient de luimême, le fou ne peut rien perdre. Une terminologie plus appropriée serait que le fou a oublié sa raison. L’oubli extrême ne requiert aucun souvenir, aucune conscience, aucun sujet. Comme le processus de la folie, nous n’arrivons pas à oublier comme choix, mais plutôt au hasard par des forces extérieures. Il convient donc d’appeler la folie un oubli de la raison. Après avoir considéré les trois classes reconnues comme expériences d’une perte de certitude à l’époque classique, on constate qu’aucune des trois ne constitue une véritable perte de raison. L’illusion est une perte temporaire de la certitude des sens. Le rêve est un oubli temporaire du doute. Et la folie est un oubli de la raison.

par Josiah Blackwell-Lipkind Bibliographie : Descartes, René, Jean-Marie Beyssade et Michelle Beyssade. Méditations métaphysiques : Objections et Réponses. Paris : GF Flammarion, 2011. Dictionnaire français - Dictionnaires Larousse français monolingue et bilingues en ligne. Consulté le 27 février 2020. https://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais. Foucault, Michel. Histoire de la folie à l’âge classique, n.d. Sass, Louis. Les Paradoxes du délire, n.d. Schopenhauer, Arthur. Le Monde comme volonté et comme représentation, n.d.

29


Le Voyage

La Lumière rose Photographe : Josiah Blackwell-Lipkind


L’Auvergne n’aurait pas de fromage

Sans la « merde », l’Auvergne n’aurait pas de fromage Sur la route en Auvergne, le brouillard couvre tout. Parfois le brouillard s’écarte et dévoile des montagnes foncées, des anciens volcans. Mais la plupart du temps, même la rue est couverte d’une brume grise. Les voies de la rue apparaissent soudainement et exigent des virages dans tous les sens. Il serait facile de tomber malade. Après une demi-heure la route descend dans une vallée en dessous du brouillard et révèle une petite ville entourée par des montagnes escarpées et un ciel nuageux. Un vent gelé souffle et apporte une pluie froide. Dans un hôtel, deux Anglais sont assis dans un bar. Ils boivent et rigolent. Ils soutiennent que, pour eux, ce cadre est parfait pour leur retraite ; ils l’appellent « un paradis ». Dehors, la neige tombe lourdement et les fenêtres claquent. Mais les Anglais ne semblent pas reconnaître l’ironie de leurs mots. Il faut attendre un peu pour comprendre. Le lendemain, le brouillard s’est dissipé. Une lumière rose fleurit au-dessus de plusieurs montagnes majestueuses, saupoudrées de neige. Cette vue est véridiquement comme un paradis et elle compense toute la misère du jour précédent ; une catharsis naturelle. Sans un chaos naturel, la joie de sa disparition ne serait pas possible. Une telle antithèse semble l’attrait de l’Auvergne et la source de tout son charme magique. Par exemple, après l’effort fatigant de gravir une montagne, l’Auvergne récompense le randonneur avec des vues étendues de pins couverts de neige, des lacs volcaniques, des plateaux de beauté désolée et des petites empreintes d’animaux dans la neige. Au bord d’une falaise, des panneaux jaunes triangulaires avertissent sinistrement des « falaises et corniches » et des « avalanches ». Elles servent de rappel que ce lieu paradisiaque n’est possible qu’en raison d’un chaos naturel. L’antithèse chaos-paradis imprègne

toute la culture auvergnate. Un guide qui présente les thermes célèbres de la région compare la terre à chewing-gum. Quand on étire le chewing-gum, quelques endroits du chewing-gum deviennent plus fins et ces endroits ont la plus grande possibilité de se déchirer. La terre est la même ; il se trouve que l’Auvergne repose sur un de ces endroits les plus fins. Cela permet au magma et aux gaz géologiques de se libérer et de former des volcans, des lacs et des sources thermaux. Malgré les origines infernales de cette région, les volcans ne sont plus actifs et les eaux thermales sont célèbres depuis des siècles pour leurs capacités de guérison. Apparemment, ces eaux peuvent traiter l’asthme, les allergies, les maladies de peau, le rhumatisme et l’obésité. Un paradis qui provient du chaos. Le paradis de la région n’est pas seulement naturel. Les habitants ont une longue histoire de profiter des environs naturels chaotiques pour créer leur propre paradis. On voit partout dans la région des églises et des maisons noires, bâties avec des roches volcaniques. Un Auvergnat est

Les Panneaux sinistres Photographe : Josiah Blackwell-Lipkind

31


Le Voyage

La Vue des montagnes Photographe : Josiah Blackwell-Lipkind

connu pour utiliser un petit avion qui lui permet de voler avec les oiseaux pour qu’il puisse les aider à changer leurs modèles de migration. Quelqu’un d’autre sculpte des pierres volcaniques. Et même quelqu’un d’autre utilise les vents d’Auvergne pour propulser des petites voitures. Le film Être et avoir examine une petite école réconfortante où l’instituteur crée une oasis d’apprentissage au milieu de la nature sévère auvergnate. Tous taillent une tranche de paradis dans un endroit de chaos naturel. En Auvergne, plusieurs ont décidé de tailler cette tranche de paradis dans le fromage. Par conséquent, le fromage est un grand contributeur à l’économie locale. Encore une fois, ces fermiers apprivoisent la nature pour produire des fromages. Il serait facile de se demander pourquoi quelqu’un choisirait un tel métier en entrant dans une ferme de SaintNectaire. Le chaos est partout. Une puanteur se présente sans modestie. Les vaches sautent les unes sur les autres dans la chaleur. Des meuglements remplissent la grange et parfois on entend le son de petites cascades. Mais ce

32

ne sont pas des cascades d’eaux comme celles qui tombent à travers les montagnes de l’Auvergne. Ces cascades viennent de l’arrière des vaches. Ce sont elles la source de la puanteur écrasante. Mais comme les Anglais dans le bar de l’hôtel, les fermiers ne sont pas du tout déphasés. Et il suffit de goûter le fromage résultant de cette ambiance chaotique pour comprendre pourquoi. Le Saint-Nectaire fleurit dans la bouche comme ce premier matin après le brouillard. L’Auvergne provient du chaos, mais ce chaos est nécessaire pour produire le paradis qui l’accompagne. Sans le brouillard, l’Auvergne n’aurait pas de révélations paradisiaques. Sans les falaises et les avalanches, l’Auvergne n’aurait pas de montagnes. Sans volcans et magma, l’Auvergne n’aurait pas de thermes magiques. Et sans la « merde », l’Auvergne n’aurait pas de fromage.

par Josiah Blackwell-Lipkind


Un souvenir bouché de la France Comme les vins, les souvenirs peuvent prendre plusieurs formes. Les rouges, sombres et amers. Les blancs, légers et sucrés. Les rosés, excentriques et heureux. On les trouve même parfois avec une énergie pétillante qui soulève un sourire de l’estomac jusqu’à la tête. Quelques-uns se gardent pour des célébrations. D’autres soulagent la tristesse. On revient à déguster même d’autres sans savoir pourquoi, aimant le caractère visuel, olfactif et gustatif particulier. La Ferme Saint-Nectaire Photographe : Josiah Blackwell-Lipkind

Un souvenir bouché de la France « [La mélancolie habite] dans la Joie, dont la main esquisse à ses lèvres un éternel adieu » — John Keats (trad. Alain Suied) Le cours de dégustation a eu lieu le 27 janvier 2020 à 6 rue Guillaume Bertrand à Paris, presque exactement sept semaines avant mon départ inattendu de la France. Pendant qu’on parlait de cépage et de région, d’examen visuel, olfactif et gustatif, le virus se propageait à travers la Chine et le monde. Plus qu’une simple leçon de comment apprécier le vin, la dégustation sert rétrospectivement comme une prémonition didactique de la fugacité de la vie et de la permanence de la mémoire. On descelle une bouteille de vin comme si on ouvrait une capsule témoin. Chaque bouteille conte une histoire d’une variété de raisin (son cépage) dans un endroit (sa région) dans une année. Les vins de Bordeaux chantent la mélodie de l’Atlantique. Les vins de la vallée de la Loire racontent les histoires sinueuses du fleuve. Les vins de Provence rayonnent le soleil de la Méditerranée. Chaque vin est un souvenir, une histoire.

De nombreuses personnes boivent du vin sans se concentrer. Ils boivent et ignorent le vin pour se soûler, pour oublier, pour passer le temps, pour calmer leurs émotions. Ce sont les mêmes personnes qui prennent des photos au lieu d’en faire l’expérience eux-mêmes. Ils mangent comme s’ils accomplissent simplement une corvée pour apaiser leur faim. Pour eux, la dégustation est prétentieuse. Ils diraient « c’est juste le vin » ou « c’est un mensonge que tu puisses goûter du chocolat dans ce vin » ou « il y a des choses plus importantes que se concentrer sur le vin. » Moi, j’étais une de ces personnes. Tourbillonner et aérer le vin pour sentir des arômes de chocolat et de fruits et pour goûter des accents de citron– tout ceci me paraissait inutile. Pourquoi s’asseoir pendant des heures pour examiner quelques raisins fermentés ? À quoi cela

33


Le Voyage sert-il ? Il n’est que lorsque je suis rentré de la France dans un monde bouleversé par un virus, le monde d’avant perdu tout d’un coup, que j’ai vu la valeur de savourer le moment. Il est vrai que si on boit sans savourer, on se réveille avec la gueule de bois sans se souvenir de la plupart de la nuit d’avant. Et si on voyage sans l’apprécier, on retourne mélancolique et nostalgique, sans pouvoir se rappeler des détails. Les meilleures choses dans la vie disparaissent toujours, nous laissant plus malheureux qu’avant. Si on ne traverse pas la vie avec intention, la joie du moment sera perdue pour toujours. La dégustation nous enseigne qu’on doit savourer exagérément pour profiter du moment, un moment qui ne reviendra jamais. Il n’est qu’à travers cette attention délibérée quand on savoure qu’on développe un souvenir du moment, bouchée dans sa tête comme une bouteille de vin.

moment est passé. Mais cette méditation le préserve pour qu’on puisse le déboucher plus tard. En effet, les meilleurs souvenirs restent bouchés, stockés dans la cave de la tête. Ces bouteilles de pensée vieillissent. Elles mûrissent comme le vin. Des jours, des mois, des années après– quand on est prêt– on la débouche et tout revient à ses sens. Dans le Connecticut, je débouche une bouteille– Champagne, Île-de-France, hiver 2020– pendant une quarantaine américaine et je la déguste avec modération. Le matin sur le métro parisien : les passagers qui se balancent en unisson comme des brins d’herbe dans le vent ; l’odeur de pisse et de sueur ; le goût de café dans la gorge qui se décompose. La rue La Fayette : un arc-enciel de visages ; une fragrance collante de cigarette ; un goût d’énergie pétillante. La nuit au bar : des écharpes, des sourires, un vin rouge ; les arômes de murs et de noix dans la mémoire des raisins ; le goût d’un moment disparu, mais pas perdu.

par Josiah Blackwell-Lipkind

Déboucher la mémoire d’un vin est méthodologiquement analogue à boucher un souvenir d’un moment. Ainsi, déguster du vin est une leçon qui nous apprend à boucher nos souvenirs en permanence, une pratique de méditation dans un moment donné. On examine en premier les couleurs, les propriétés physiques, tout ce qu’on peut voir. Ensuite, on fait tourbillonner le liquide du vin, de l’air ; on inspire les arômes ; on les identifie. Et finalement, on prend tout et on apprécie les goûts ; on le tient dans sa bouche, dans sa tête, pour y faire attention. Enfin, la bouteille est v ide et le

34


Narration

Chaque coup de pinceau

La

Chaque coup de pinceau On rentre chez soi. Le soleil nous dit « au revoir » alors qu’il fond aux câlins des nuages qui baillent rose et orange et l’on ouvre la porte et l’on se défait du travail de cette journée. Après avoir dévoré le dîner que l’on a pris du garde-manger, on se hâte vers le sanctuaire. Et voilà. C’est une autre vitrine, mais peu importe. Ce Narnia protège les outils sacrés de l’art. Au fond d’un tiroir poussiéreux se trouve un trésor de toiles, teintes, gobelets, palettes et brosses. Avec le soin d’une admiratrice fidèle, on retire ces trucs éblouissants et l’on monte le chevalet. On commence une œuvre. Une odeur de peinture à l’huile remplit la pièce. On pourrait presque engloutir le vin de chaque tube de peinture. La toile devient imprégnée de la coloration mouillée avec chaque trait de pinceau. Les rugosités de la toile ressemblent à de la chair de poule. Bien entendu. En marquant cette toile, cette tranche de fantaisie, c’est en peinant une extension de l’âme. Le poids de la brosse est comme une alliance. C’est familier et constant et tout va mal sans cela. Avec les musiciennes qui chantonnent dans le tournedisque dans le coin, on forme une chaîne des créateurs qui s’ajoutent aux travaux l’un l’autre. Et les couleurs ! On badigeonne une pomme rouge confite, on étale un vert aiguilles de pin. Et puis, un goût du jaune ocre, une crème de beurre épaisse sur cette pâtisserie. Ce rite représente un voyage vers le ciel. On est quelque chose de léger qui flotte.

Et pour un bref moment, on rentre à l’enfance, sans responsabilités ni anxiété à cause des avis des voisins et collègues. On laisse les pensées de la journée derrière. Rien de plus qu’une petite artiste et sa toile, partenaires pendant un jive. On jette les teintes sur le tableau. Avec ce jeu bizarre, l’œuvre et le sol deviennent en désordre. Mais on reste pur, léger. Aucune espérance de la vie, juste un grand plaisir, l’enfant se baigne dans une giboulée des motifs et couleurs qui nourrit l’âme. Et puis on rentre de l’hébétude ? Oui. C’est un souvenir d’un temps passé. On range les affaires avec lenteur et l’on accroche le nouveau tableau au mur avec les autres, chuchotements de la vivacité d’autres fois. La lune nous dit bonne nuit avec une lumière douce qui chauffe les éclaboussures de peinture sur le sol, chaque petit puits de joie enfantin. Mais on se couche. Demain, ce sera la prochaine journée de travail.

par Catherine Nelli 35


La Narration

La Véritable Histoire du serpent Écoutez bien parce que je vais vous raconter la vraie histoire de Genèse. C’est l’histoire de ma mère, de sa mère, et de la grandmère de ma grand-mère, et de mon arrièrearrière-arrière-grand-mère, et cetera. L’histoire a commencé avec Ève, l’ancêtre commune des humains. Ce que je vais vous raconter maintenant, c’est une histoire orale aussi vieille que les humains. Ce n’était pas un secret, mais les hommes n’ont jamais écouté : Au commencement, Dieu a créé le ciel et la terre. En fait, il a créé le ciel, mais la terre existait déjà, et elle s’appelait la Terre Mère. De plus, ce n’était pas vide du tout, elle était pleine de vie complètement différente de ce que Dieu a créé. La Terre Mère dormait quand Dieu est arrivé. Elle a été réveillée par une force furieuse. Il a bougé les montagnes de la Terre Mère, et il a redirigé ses fleuves. Il a surpeuplé ses terres sacrées avec les bêtes, les mauvaises herbes, et les deux animaux nus—les humains. Le monde qu’elle gardait paisible et harmonieux pendant des années était maintenant souillé. C’était une spirale baissière de chaos et d’entropie. Donc, après avoir vu cet intrus qui envahissait son jardin, la Terre Mère s’est inquiétée pour son arbre sacré. Ainsi, elle s’est déployée comme une créature rusée, dont elle a nommé le serpent, pour mettre son arbre en sécurité. Même si elle était perturbée par les changements de cette force, elle a concédé qu’il y avait de la beauté dans ses créations. En particulier, Dieu a créé une femme, qui s’appelait Ève, dont la Terre Mère a regardé de la distance, et avec laquelle elle s’est crue d’avoir une connexion instantanée. Enroulée autour de son arbre sacré, qui apportait le cadeau et le fardeau de la connaissance à tous ceux qui goûtaient de ses fruits, elle regardait Ève marcher dans le jardin. Quand Ève s’est approchée de l’arbre, la Mère a pensé de l’appeler, mais elle a hésité pour ne pas perturber son appréciation de l’arbre sacré. Elle savait qu’Ève aussi sentait avoir un lien avec

36

elle et son arbre. Ève a admiré le fruit succulent, suspendu aux branches solides de l’arbre et s’est penchée vers lui. Mais avant de l’atteindre, une voix grave a retenti par-derrière. C’était lui, la force qui s’appelait Dieu, s’approchant d’en haut comme une tempête.

« Vous ne mangerez pas du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, » Dieu a dit, « Vous n’y toucherez pas sous peine de mort. » Ève a reculé du fruit. La Mère, dans sa petite forme délicate, se sentait vulnérable et se taisait. Mais c’était son arbre—elle l’avait planté depuis l’aube des temps, et l’avait élevé. Elle s’était occupée de l’arbre depuis que ce n’était qu’un germe, et elle l’avait aidé à grandir et à observer le monde, jusqu’à ce qu’il soit devenu l’être le plus sage du monde, prêt et disposé à transmettre ses vastes connaissances à tout autre être vivant qui voulait goûter ses fruits. Donc, elle a entendu les paroles de Dieu à Ève, et son mensonge l’avait dégoûtée. Comment pouvait-on être aussi gourmand au point de vouloir voler toute la connaissance de cet arbre ? Notamment, quand l’arbre sacré a toujours voulu partager. Et la pauvre Ève impressionnable, qui a entendu l’appel de l’arbre et qui était si près d’avoir la connaissance, a été contrecarrée par l’abus de son créateur.


La Véritable Histoire du serpent Ensuite, après Dieu a tourné le dos, la Mère a appelé Ève. Ève l’a regardée avec surprise, elle n’a pas remarqué le petit serpent de l’arbre, et elle s’approchait de la voix avec la prudence d’un enfant après une réprimande. « Bonjour », Ève a appelé, « Qui est-ce ? » « C’est moi, ma fille », la mère a dit. « Je suis la mère de cet arbre, et j’ai vécu ici avant toi et ton Dieu. Dieu pense qu’il m’a créée, mais il s’est trompé. » « Il est méchant », Ève a dit. « Il ment aussi », la Mère a répondu, « Cet arbre est bon. Ses fruits sont pleins de connaissances égales aux connaissances de Dieu. Tu ne mourras pas si tu les manges. Au contraire, tu deviendras plus forte qu’avant. » « Vous êtes sûre ? » Ève a demandé, « J’ai peur de ce qui m’arrivera si je désobéis à Dieu. » « Ne t’inquiète pas, ma fille. Je suis là. L’arbre et moi te protégerons de Dieu. »

« Merci », elle a dit à la Terre Mère, « Mais vous voyez, il faut qu’Adam essaie le fruit aussi, sinon il ne comprendra jamais sa responsabilité à la terre. » « Non, ma fille. Si tu partages le fruit avec Adam, les conséquences seront graves. » Alors, Ève a gardé le fruit en secret. Chaque nuit, elle retournait à l’arbre pour profiter de l’offre de nouvelles connaissances, le bien et le mal. Ève a veillé à ce que personne ne la voie manger de l’arbre. Chaque fois, elle a appris quelque chose de nouveau : la faim, la plénitude, la richesse, la pauvreté. Mais, un jour, elle a irrésistiblement eu envie du fruit, puisqu’elle a connu le désir, donc elle est partie pour l’arbre pendant la journée. Elle a vérifié que ni l’homme ni l‘ombre ne la suivaient. Quand elle est arrivée à l’arbre, elle a atteint le fruit. Soudainement, Adam s’est révélé des arbres derrière elle. Ève a sauté de choc. « Ève ! Tu as mangé le fruit de l’arbre, maintenant tu vas mourir ! » « Non, Adam », Ève lui a dit, « Le fruit de cet arbre n’amène que la connaissance de bien et de mal. Je ne vais pas mourir. »

Ève a souri, et l’arbre a baissé ses branches vers elle. Il a mis devant elle le fruit le plus succulent et mûr. Ève a tiré le fruit de l’arbre, mais avant qu’elle puisse le goûter, la Terre Mère lui a dit, « Ève, goûte le fruit à une condition. L’homme ne doit pas savoir ce que tu as fait, parce qu’il va corrompre le pouvoir de connaissance. » Ève a accepté la condition, et elle a mis le fruit sur ses lèvres. À cet instant, un sentiment de joie l’a surmontée. Elle a compris la qualité sucrée, nourrissante du fruit, mais de plus, elle a compris qu’elle l’a blessé. Elle a compris que c’est la nature des humains de se nourrir de l’épuisement de la terre.

Après avoir entendu cela, Adam a sauté pour le fruit qu’Ève tentait, et il l’a goûté. « Incroyable ! » Adam a hurlé, « J’ai le pouvoir de Dieu ! » Mais malheureusement, Adam s’est vanté trop fort, alors Dieu l’a entendu. Tout à coup, un vent froid a balayé le jardin, et Dieu a crié d’une voix sérieuse : « Adam. Tu m’as désobéi en mangeant le fruit d’arbre de connaissances. Tu vas souffrir par conséquent. »

37


La Narration Après avoir mangé le fruit de l’arbre, Adam a gagné les connaissances du bien et du mal, et donc il savait mentir.

saignerez pour tes péchés. Adam dominera sur toi. Maintenant, tu connais le bien et le mal. »

« C’était Ève ! Sa séduction m’a forcé à manger le fruit. Elle est coupable ! »

Adam n’a reçu aucune malédiction, sur la base qu’il était séduit par Ève. Ève n’a pas essayé d’expliquer la vérité à Dieu, elle n’aurait pas été crue de toute façon. Finalement, Dieu a décidé de détruire l’arbre de connaissance afin qu’aucun de plus de ses humains ne puisse jamais rivaliser son pouvoir à l’avenir.

Puis, Dieu s’est tourné vers Ève avec toute sa rage. « Qu’as-tu fait là ? Toi, tu es une tentatrice impure ! Tu dois avoir honte de ton corps nu. Habille-toi tout de suite ! » Ève s’est dépêchée de se cacher le corps dans les arbres. La Terre Mère, déguisée comme serpent, se glissait à Ève. « Ève, Dieu est convaincu par les mensonges d’Adam. Même si je suis plus âgée que lui, je ne suis pas capable de te protéger de ses malédictions. Donc, dis-lui que c’était moi qui t’ai séduite, pour qu’il me punisse au lieu de toi. » Ève sortait des feuilles avec le serpent à côté. « Épargnez-moi, mon dieu. Parce que c’était le serpent qui m’a séduite pour que je goûte le fruit, et j’ai mangé. » dit,

Dieu s’est tourné vers la Terre Mère et il a « Parce que tu as fait cela, tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre durant toute ta vie. »

Avec ses mots, les jambes de la Terre Mère ont disparu, et elle a glissé vers l’arbre et s’est enroulée autour de lui une dernière fois. « Ève, je multiplierai les peines de tes grosses. Toi et tous tes enfants connaîtrez la douleur de l’accouchement, et vous

38

« Terre Mère », dit Ève, « Dieu va détruire cet arbre, vous devez fuir pendant que vous pouvez. » « Non, ma fille », La Terre Mère lui a dit, « Laisse-lui me détruire, car il ne peut que détruire ce corps. Tôt, je retournerai à la terre où est ma place. Il pense qu’il a la providence de ce monde, mais j’étais ici avant, et ici je reste. Je veillerai sur toi pour l’éternité. Ne laisse personne te faire honte de ton corps naturel, même si les hommes essaieront toujours. Souvienstoi de moi et de la vérité de l’histoire, car ce sont les hommes qui écriront l’histoire à partir de ce moment. » Puis Dieu a détruit l’arbre et le serpent. Ensuite, il a banni Adam et Ève du jardin et il a fermé les portes. La Terre Mère a créé plus de serpents pour garder un œil sur Dieu et les humains, et protéger sa planète. Ainsi, Adam et Ève ont commencé à vivre sur la terre sous la providence divine d’une mère bienveillante. Voilà la vraie histoire de notre création. Il y a une Terre Mère qui nous occupe toujours. Son Écriture est dans les arbres, les fleuves, et les montagnes magnifiques. C’est dans chaque pièce de fruit, succulent et sucré, et c’est dans chacune de ses enfants.

par Laura Meshnick


Corsets and Control

L’ H I S T O I R E

Corsets and Control: NineteenthCentury Fashion’s Battle between Form and Function

Housed in the Metropolitan Museum of Art’s Costume Institute is an elegant 1891 corset with a dark history. In the eighteenth and nineteenth centuries, Paris served as the world’s center for couture. Wealthy women from all over the world would travel annually to get fitted for custom-made evening gowns, day dresses, bustles, hats, shoes, and corsets. Structured out of stiff whalebones adorned with fine fabric, the corset was a staple of nineteenth-century fashion meant to mold the female body into an idealized feminine figure. Maison Léoty, the designer of the 1891 corset at the Met, was a premier fashion house in nineteenth-century France that specialized in high-end corset making. Ernest Léoty’s corsets combined technology with aesthetics by producing corsets with innovative lacing techniques and intricate embroidery. In Léoty’s book, Le Corset à travers les âges, the designer deceptively describes his corsets as “an object of art of an incomparable flexibility that facilitates the movement of the body instead of impeding it” (Pyke). Even though Ernest Léoty’s artistry was highly coveted, Maison Léoty was operating during a period of time when corsets were facing increased scrutiny. The ostensibly “flexible” design of Maison Léoty’s 1891 corset signifies how gender inequality was insidiously perpetuated through fashion in nineteenth-century France: corsets were marketed to promote an ideal body type that was physically constraining, socially oppressive, and surreptitiously detrimental to female health. Maison Léoty was known for its innovative and intricate corsets that were supposedly more flexible, fashionable, and accommodating than others of its time. Léoty’s 1891 corset is made out of silk and rigid busks, which were stiffening strips made out of whalebones that provided structure to nineteenth-century corsets. Although Léoty’s corset would have been worn as an undergarment, it is quite heavily embroidered with a pink, green, yellow, and ivory floral pattern. (Figure 1) In this way, its visual aesthetic is one of luxury, ornamentation, and artistic craftsmanship. On the top of the corset, there is a thick border of ivory lace, as well as a light pink bow. (Figure 2) Down the center of the corset are five decorative

39


L’Histoire Léoty’s corsets. Both the form and function of the corset could only be realized when the corset was tightly laced and painfully adorned all day, every day. As Figure 4 illustrates, nineteenth-century Maison Léoty corsets had to be so tightly laced that they required an aide. The illustration, featuring a noblewoman clenching her left hand and clutching her chest as if to signal that her breath is being constricted, also depicts a servant in a leaned-back posture that suggests she is using quite a bit of force to fasten the laces of her employer’s corset. Thus, visual evidence negates Léoty’s claims that his corsets were flexible. In this way, corsets were not just fashionable works of art, but they were active signifiers of nineteenthcentury women’s constriction, oppression, and dependence on others.

Figure 1. Maison Léoty, Corset, silk,1891. The Metropolitan Museum of Art, New York, NY

brass-colored buttons. On the bottom of the corset, there is another border of gold thread. The general shape of the corset is a hyperbola, or hourglass shape. The center section of the object, which signifies the waist of a woman, is concave. The convex top and bottom portions of the corset, which symbolize the bust and hips, serve to emphasize and maintain the slimness of the waist. On the whole, the rigidity of the corset’s stays and its overall unmalleable form suggests structure, control, and discomfort, despite Léoty’s claims of flexibility and ease. As evidenced by the restrictive structure of the 1891 corset, Léoty’s ostensibly flexible design was more likely a result of clever marketing than its actual cut or materials. Although the Metropolitan Museum of Art does not provide images of the back of Léoty’s corset, Léoty’s book, Le Corset à travers les âges, provides a reference. Figure 3 illustrates the complex lacing that adorned the backside of

40

“...corsets were not just fashionable works of art, but they were active signifiers of nineteenth-century women’s constriction, oppression, and dependence on others.” Nineteenth-century France was a time of women’s oppression, but it was also an era that saw a rise in feminism and, as a consequence, a rising concern with the risks of daily-corset use. As evidenced in Claire Moses’ French Feminism in the 19th Century, French women were economically, politically, and socially dependent on men: they could not vote, own property, enter politics, get a proper education, or even have legal rights to their children. Therefore, “the seemingly constant nature of the subjugation of the female sex was the most powerful argument that nineteenth-century patriarchalists could muster in its defense” (Moses 1). The corset was thus a physical embodiment of female oppression as a result of its uncomfortable nature, the difficult process of removal, and


Corsets and Control

Figure 2. Detail, Maison Léoty, Corset, silk,1891. The Metropolitan Museum of Art, New York, NY

due to its sole function to make women into an object of desire.

“The corset was thus a physical embodiment of female oppression... due to its sole function to make women into an object of desire.” In the 1830s, both feminism and criticism about corsets were on the rise. Despite the growing list of the risks of corset-wearing, which included “consumption, palpitations, aneurysms, cephalgia, stomach pains, hysteria, leucorrhea, amenorrhea, and miscarriages,” corsets remained a trend supported by most fashion designers and even some doctors who believed that the so-called “weak constitution” of the female body demanded constant constraint and control (Perrot 157). As evidenced in Philippe Perrot’s fashion biography, Fashioning the Bourgeoisie, one Dr. Beauvoir went as far as to argue that the “aesthetics and the social role of women ought to encourage the physician to permit corsets” (Ibid 156). In this way, there existed a growing tension between resistance to women’s oppression and restrictive fashion trends, which designers like Ernest Léoty had to diffuse and deflect.

“In the 1830s, both feminism and criticism about corsets were on the rise.”

Figure 3. Léoty, Ernest and Sainte-Elme Gautier. Le corset à travers les âges. Paris: P. Ollendorff, 1893. Page 36.

Figure 4. Léoty, Ernest and Sainte-Elme Gautier. Le corset à travers les âges. Paris: P. Ollendorff, 1893. Page 63.

41


L’Histoire Furthermore, Maison Léoty’s 1891 corset exemplifies how lacing design became a popular marketing tool that served as a defense against the growing concerns that corsets were inherently dangerous to women’s health. Léoty’s 1893 book, Le Corset à travers les âges, is essentially a historiography of the corset that functions as a marketing tool in favor of Maison Léoty’s allegedly superior corset designs. Cementing his status as a sympathetic corsetmaker, Léoty insidiously acknowledged the dangers of corsets: “If the abuse of corsets has sometimes been followed by accidents, their use, methodically directed, can, on the other hand, become a powerful means of effective action” (Léoty 93). However, in characterizing the risks of corset-wearing as “accidents,” Léoty stealthily redirected his reader’s attention to his ostensibly safe yet “effective” corsets. As evidenced by Philippe Perrot, Fashioning the Bourgeoisie, Ernest Léoty must have been acutely aware that “tight lacing was the principal danger” of corset-wearing (Perrot 153). Léoty’s marketing therefore adapted to nineteenthcentury health concerns, as evidenced by his postulation that his corsets “fitted better at the waist, throat and hips, was more comfortable to wear, and a new mode of lacing, paresseuse, was adapted to it” (Léoty 83). Thus, Léoty’s corsets can be attributed to slight innovations in technology, but more so to cunning advertising.

“...if the nineteenth-century economic market of corsetry had been truly thriving, would an esteemed fashion couturier like [Léoty] really feel compelled to defend his trade in a 150-page book?” Léoty goes as far as to argue that despite the sicknesses and deformities caused by corsets, “in all branches of its activity, the Parisian industry has grown in leaps and bounds and

42

accomplished true wonders” (Ibid 101). Such a desperate, defensive tone undermines the mission of his work, begging the question that if the nineteenth-century economic market of corsetry had been truly thriving, would an esteemed fashion couturier like himself really feel compelled to defend his trade in a 150-page book?

“...by the early twentieth century, the petticoat, a loose undergarment, began to replace the corset.” Even though Maison Léoty’s artistry was highly coveted in the nineteenth century, Léoty’s 1893 book is proof that the fashion house was operating during a time when corsets were facing increased scrutiny due both to health concerns and growing feminist-sentiment. In the nineteenth century, as industrialization was on the rise, growing industries demanded “enormous expenditures of energy by the patronal family—husband, wife, and even adolescent children” (Smith 36). As such, women began to enter the workforce and break free of their confinement within the domestic sphere. The constricting nature of the corset, therefore, was impractical for laboring women, and by the early twentieth century, the petticoat, a loose undergarment, began to replace the corset.

“...Léoty attempted to capitalize on the nineteenth-centry female desire for incresed independence.” As illustrated by figure 5, which depicts a woman lacing up her own corset, Léoty attempted to capitalize on the nineteenth-century female desire for increased independence. Although the illustration seems to be an attempt to market


Corsets and Control many risks of corsetry. The economic motivations behind Léoty’s beguiling marketing techniques elucidate the nineteenth-century tension between female beauty standards and general societal disregard for women’s health.

“However, the female body is not a canvas, and a corset is not paint...”

Figure 5. Léoty, Ernest and Sainte-Elme Gautier. Le corset à travers les âges. Paris: P. Ollendorff, 1893. Page 103.

Léoty’s flexible lacing craftsmanship, the image is not successful. The woman is depicted in an unnatural, contorted form in which her arms reach impossibly behind her back to tie the corset. The image’s accidental commentary on impossible beauty standards is further reflected in the text where Léoty argues “a corset which possesses the required qualities is suitably laced, its pressure, everywhere moderate” so that “ its laxity or its extensibility are such that it impedes neither the movement of the ribs and the abdomen in breathing, nor the amplification of the stomach and intestines in digestion…” (Léoty 106). As evidenced by Léoty’s effort to explain his product, he was clearly aware of the

Even though Léoty’s 1891 corset was designed and marketed in an appeal to women’s health, the impossible beauty standards for nineteenth-century women explicate how contemporaneous fashion perpetuated gender oppression. Ernest Léoty’s book, Le Corset à travers les âges, emphasizes how corsets served as a signifier for the female’s place in society; women were meant to be obedient, beautiful, and controllable. Léoty argued for “the modern corset which [he] regard[ed] as the perfection of gender, when it is established on the principles of feminine hygiene and aesthetics” (Ibid X). In this way, the 1891 Léoty corset is an aesthetic idealization of the forms of the feminine. When viewed in light of artistic works such as the likes of Alexandre Cabanel’s 1863 painting, The Birth of Venus (figure 6), it is clear that artistic idealization of the feminine extended across all mediums of art in the nineteenth century. Just like Cabanel’s painting seeks to purify the female body through artistic control, which places the naked, sculpted body of Venus against a backdrop of cherubs and glistening, purifying water, the function of corsets was to manipulate and exaggerate the female body in order to reach formal, aesthetic perfection. However, the female body is not a canvas, and a corset is not paint; a corset, rather, has real physical consequences on female health and mobility. Despite Ernest Léoty’s concerted

43


L’Histoire Note: All quotations from Le Corset à travers les âges are translations by the author from their original French. Bibliography:

Figure 6. Cabanel, Alexandre. (1823-1889). The Birth of Venus. Oil on canvas. H. 106; W. 182.6 cm (The Metropolitan Museum of Art) 1875.

effort to market his corsets flexible and comfortable, the unforgiving structure of the 1891 corset is evidence of the insidious ways in which women were oppressed and controlled in nineteenth-century France. In defense of corsets, Ernest Léoty wrote in his book, Le Corset à travers les âges, that “the corset nowadays is no longer a prison” (Léoty 105). Maison Léoty’s “flexible” designs, therefore, must be contextualized within the French fashion house’s urgent desire to hold onto their market at a time when women were becoming increasingly disillusioned with highly restrictive corsets. Even though corsets fell into disuse as women gained autonomy, mobility, and education in the twentieth century, the twenty-first century has seen a resurgence in corset fashion. In 2019, Kim Kardashian wore a dress by Thierry Mugler and a corset by Mr. Pearl to the Metropolitan Museum of Art Gala, a function designed to support the Costume Institute where Léoty’s 1891 corset is housed. After wearing the corset ensemble, Kardashian was quoted saying, “I have never felt pain like that in my life” (Gonzalez). In this way, it is clear that no matter how a corset is marketed, whether as ostensibly flexible or painfully fashionable, the corset at its essence perpetuates a dangerous beauty standard that reflects fashion’s tenacious tendency to place form over function.

par Charlotte Balliett 44

Bruna, Denis. 2015. Fashioning the body: an intimate history of the silhouette. New York : Published for Bar Graduate Center, Decorative Arts, Design History, Material Culture by Yale University Press, 2015. Glasscock, Jessica. “Nineteenth-Century Silhouette and Support.” In Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, 2004. Gonzalez, Erica. “Kim Kardashian’s Painful Met Gala Corset Left “Indentations” on Her Back and Stomach” Harper’s Bazaar. 2019. Fields, Jill. “’Fighting the Corsetless Evil’: Shaping Corsets and Culture, 1900-1930.” Journal of Social History 33, no. 2 (1999): 355-84. Accessed October 8, 2020. Léoty, Ernest and Sainte-Elme Gautier. Le corset à travers les âges. Paris: P. Ollendorff, 1893. Moses, Claire Goldberg. French Feminism in the Nineteenth Century. New York: State University of New York Press, 1984. Perrot, Philippe. Fashioning the Bourgeoisie: A History of Clothing in the Nineteenth Century. Princeton: Princeton University Press, 1994. Pyke, Abigail. “Where to Find Original Léoty Corsets.” Ernest Léoty website. Accessed October 2020. Smith, Bernard. “Market Development, Industrial Development: The Case of the American Corset Trade, 1860-1920.” The Business History Review 65, no. 1 (1991): 91-129. Accessed October 8, 2020. Smith, Bonnie G. Ladies of the Leisure Class: The Bourgeoises of Northern France in the 19th Century. Princeton: Princeton University Press, 2020.


La Photographie

Titre : Pourchasser le crépuscule Photographe : Cici Osias


La Photographie

Titre : L’Obscurité Photographe : Cici Osias

Cici Osias : L’Été solitaire

J’ai été entourée par la photographie depuis mon enfance. Pendant ma jeunesse, mes parents ont tout documenté avec leurs appareils photo et des albums photos. Ma passion pour la photographie argentique a été lancée quand mon frère a découvert un ancien appareil photo (un Olympus Infinity Stylus, 35mm) que mon père a utilisé pendant ses études universitaires. La photographie argentique capture des éléments de profondeur et émotion qui ne sont pas aussi accessibles par la matière numérique. Je prends des photos pour capturer des moments fugitifs dans ma vie ; en tant que photographe, j’essaie d’évoquer la nostalgie. À mon avis, la matière de la photographie ellemême est nostalgique à cause de sa manière démodée, car on ne peut voir les résultats d’une photo qu’après le long processus de développement. D’une certaine façon, la photographie argentique m’offre des souvenirs avec un côté mystère. La beauté, pour moi, c’est l’esprit de la collectivité, et donc la raison pour laquelle les sujets principaux de mon travail sont la famille, l’amitié, et la nature. Je vise à encapsuler la beauté du quotidien avec mes œuvres — les gens ordinaires ou les espaces physiques qui m’encerclent. Je montre que l’ordinaire peut être aussi charmant. Appareil photo : Olympus Stylus Epic Zoom 115

46


Titre : La Première Coupe Photographe : Cici Osias


Averse de pétal

Photographe : Cici Osias

48


Nous deux

Photographe : Cici Osias

49


Faire de l’ondulation

Photographe : Cici Osias

50


Glace à l’eau

Photographe : Cici Osias

51


Isabelle Yang

Title: Jaune Room My introduction to photography started at a young age since my dad was a photographer. Recently, I have become more interested in portrait and Polaroid shots. This photo depicts a girl staring at the ceiling of one of the exhibits installed at the Louvre (2019). The photo intends to amplify the yellow and beige tones of the environment with the girl’s coat. There is a sense of smallness and appreciated isolation as no one else is near. Through this moment of solitude, the photo hopes to translate a sense of quiet and a certain tranquility.

52



Un mot :

54


Fin. 55


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.