l’édito Après une première partie publiée au début du mois dernier, nous publions ce mois-ci la deuxième partie composée elle aussi de trois articles et d’une interview. Nous espérons qu’elle vous plaira autant que la première et on se donne rendez-vous le mois prochain pour un numéro spécial « séries adaptées de comic books » Bonne lecture à tous.
l’équipe et remerciements Rédacteurs : Corentin Pondaven, Maxime Devanne et Julien Lesbegueries. Correcteurs : Aude Métayer, Jérôme Raffin, Lily Hoang et Mélanie Seree. Traducteur : Mélanie Seree. Merci à Prutha S. Patel et Lauren Holly pour l’interview et leur temps.
sommaire
04
#SocialTV séries tv et réseaux sociaux
10
Entretien avec Lauren Holly DR. Betty Rogers dans la série motive
14
sherlock du détective à l’homme machine
19
déclaration universelle des droits du sériphile
dossier
#SocialTV Séries tv et réseaux sociaux
La démocratisation des réseaux sociaux a transformé nos habitudes, notre façon de discuter, d’échanger et de se rencontrer, mais aussi notre manière de consommer les séries télévisées. Loin d’être seul, le téléspectateur peut désormais échanger avec d’autres fans, mais aussi influencer les scénaristes. Petit tour d’horizon de cette révolution télévisuelle. par corentin pondaven photo Rick Diamond
Ryan Murphy
LE TÉLÉSPECTATEUR AU COEUR DU PROGRAMME Les médias sociaux permettent de donner la parole à n’importe quel utilisateur qui souhaite faire connaître son avis.
« certains scénaristes vont jusqu’à se baser sur les attentes observées sur les plate-formes d’échange »
La télévision influence ces outils pour se constituer un panel d’exception afin de
Story, nombreux étaient les adeptes à
Dans l’Hexagone, c’est la série What
développer au mieux ses programmes.
tweeter « #AHSCircus » afin de montrer
Ze Teuf, lancée en décembre 2013 sur
Bien plus que de simples consomma-
leur désir de voir le thème du cirque être
D8, qui a suivi ce mouvement en étant
teurs, les téléspectateurs deviennent
développé lors du quatrième chapitre de
la première « tweet-série » française. Le
aujourd’hui des membres à part entière
cette série d’anthologie. Le résultat est
concept est simple : le téléspectateur se
de l’équipe scénaristique, puisqu’ils
là : moins de deux mois après le début
glisse dans la peau du scénariste. Grâce
peuvent, grâce à de simples tweets,
du phénomène, Ryan Murphy annonce
à un tweet de 140 caractères contenant
influencer l’avenir de leur série.
sur son compte Twitter que la saison 4
le hashtag #WZT, il peut décider de la
En effet, les réseaux sociaux permettent
sera consacrée à l’univers du cirque avec
direction du programme qui est alors
aujourd’hui de constater en temps réel
l’appellation : American Horror Story :
produit du jour pour le lendemain. Le
le succès rencontré par une production.
FreakShow.
succès des quinze épisodes diffusés a
Les chaînes peuvent donc décider au plus
Outre American Horror Story, c’est
prouvé que l’intégration du téléspec-
vite de l’avenir du programme. Bien que
aussi dans la série Glee que Murphy a
tateur est aujourd’hui un facteur de
cela reste rare, certains scénaristes vont
répondu aux attentes des fans, en créant
réussite à l’heure de la Social TV.
jusqu’à se baser sur les attentes obser-
le couple Brittany/Santana, ou encore
Mais toutes les séries n’utilisent
vées sur les plate-formes d’échanges, afin
pour la dernière saison diffusée le mois
pas les réseaux sociaux comme source
d’offrir aux fans ce qu’ils souhaitent et
dernier sur la FOX, puisque le créateur
d’information. Certaines s’adaptent à
donc prolonger la durée de la série.
du show musical a déclaré en octobre
notre époque, et utilisent ces médias
Ryan Murphy est coutumier de ce genre
dernier : « Nous avons écouté ce que vou-
comme source d’inspiration.
d’action pour ses différentes créations.
laient les fans. Ils vont avoir tout ce qu’ils
L’une des premières à intégrer un
Dès la fin de la saison 3 d’American Horror
demandent depuis quatre ans ».
média social dans son scénario fût
5
d o s s i e r # S o c i a lTV
Grey’s Anatomy. Le 3 février 2011,
se concentre sur les dégâts causés par
marketing des différents programmes
« Don’t Deceive Me (Please Don’t Go) »,
les nouvelles technologies dans un
l’ont bien compris, et n’hésitent pas à
le treizième épisode de la saison 7 est
futur qui nous apparaît très proche. À
s’appuyer sur ces différentes plate-
diffusé sur ABC. Une des intrigues de
travers les sept épisodes diffusés à ce
formes sociales procurant une m eilleure
l’épisode s’intéresse alors au personnage
jour, la création de Charlie Brooker
visibilité de l’engouement autour du
du Dr Miranda Bailey qui décide d’uti-
met notamment en avant les dérives
programme.
liser ses internes pour tweeter durant
créées par la collecte des données
L’univers du show télévisé dépasse désor-
ses opérations, et ce afin de partager ses
personnelles via les réseaux sociaux,
mais les frontières imposées par notre
connaissances avec de nombreux autres
mais aussi l’instantanéité et l’absence
écran de télévision. Bandes-annonces,
chirurgiens à travers le monde.
de t ransparence. Loin de c ritiquer ces
sneak-peeks, photos exclusives. Le
Lancée en septembre 2014, Selfie a tenté
nouveaux outils, Black Mirror s’interroge
contenu proposé suscite l’intérêt et
de livrer une critique de cette addiction
surtout sur la mauvaise u tilisation de
s’intègre parfaitement dans le monde
aux réseaux sociaux de manière
ceux-ci par l’espèce humaine. Une série
réel, notamment grâce à la création de
humoristique. Pendant treize épisodes,
percutante qui donne à r éfléchir sur nos
faux-profils pour les protagonistes de
la série met en scène Eliza Dooley, une
récentes habitudes dictées par Internet.
différentes séries. C’est notamment le cas
obsédée par son statut de célébrité sur Instagram. La série n’a pas brillé par ses
Réseaux sociaux et STRATÉGIES MARKETING
de la série Glee, diffusée sur la FOX, qui avait créé une trentaine de profils pour ses personnages lors de son lancement
audiences et a été annulée le 7 novembre
Nous sommes bien loin de l’époque
dernier, obligeant les fans à terminer la
où nous étions seuls devant la trilogie
Dernière action en date, Stalker, lancée
série sur la plate-forme de visionnage
du samedi sur M6, obligés d’attendre le
à la rentrée 2014 aux États-Unis, a
Hulu.
lundi pour en discuter avec nos amis.
effectué sa promotion en Belgique via
Enfin, la série de référence dans
D ésormais, l’échange se fait avant,
le réseau professionnel LinkedIn. Un
l’utilisation des réseaux sociaux reste
pendant et après la diffusion des séries
faux-profil, contenant des informations
la britannique Black Mirror. Celle-ci
télévisées. Ce phénomène, les équipes
sur le programme et sa diffusion, a visité
Grey’s Anatomy
en 2009.
randy holmes / abc
jeune fille superficielle et narcissique,
« cette notion de ‘live-tweet’ correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui ‘together alone’, soit être seul face à son écran de télévision, mais connecté à des milliers de personnes » plus de 12 000 comptes LinkedIn. Le site
des milliers de personnes via les réseaux
qui les poussaient le plus à tweeter.
permettant de voir les personnes ayant
sociaux. De véritables communautés se
« La mort de Sybil était sans doute le
consulté vos informations, ce sont plus
sont créées. En parlant d’une série, le
moment où l’envie de tweeter était la
de 7 500 personnes qui ont alors visité
téléspectateur affirme son appartenance
plus forte, car ce décès est si soudain et
la page du fameux Stalker, offrant ainsi
à cette c ommunauté dont les codes sont
inattendu, que le besoin d’interaction
une belle publicité au programme avant
très précis : inutile de se prétendre
avec les autres personnes est important
son lancement.
Gladiator si l’on ne sait pas ce qu’est
afin de connaître leur ressenti. »
Mais cette tendance à introduire
Olitz ! Afin de favoriser les échanges,
L’humour est également source de tweets
des personnages dans notre quotidien
les chaînes n’hésitent plus désormais à
d’après les sujets de cette étude. Selon
semble avoir fait son temps. C’est main-
faire apparaître un hashtag directement
eux, les dramas sont aujourd’hui très
tenant avec les interprètes eux-mêmes
sur l’écran de télévision lors de moments
nombreux, et une touche d’humour
que les téléspectateurs interagissent.
clés du show, et ce, afin de faciliter la
permet ainsi de sortir de cette ambiance
Le phénomène de « live-tweet » avec les
conversation sur les médias sociaux.
sombre à laquelle la série a habitué ses
acteurs s’est installé dans les habitudes,
Steven Schirra, Huan Sun et Frank
téléspectateurs. Il est d’ailleurs é galement
devenant une véritable stratégie de la
Bentley, trois étudiants à l’université
monnaie courante pour ces utilisateurs
part des chaînes. Les acteurs étant des
MIT, ont d’ailleurs réalisé une recherche
de retweeter des comptes parodiques,
influenceurs directs, ils sont les plus
sur ce phénomène de live-tweeting en
afin de dédramatiser certains passages
à même de fédérer autour de la série
janvier 2013, lors de la diffusion de la
de la série.
diffusée. Il est désormais coutume de voir
troisième saison de la série Downton
D’un point de vue commercial, ces
les acteurs organiser une soirée entre eux
Abbey aux États-Unis. Attention, le pro-
pratiques sont devenues une vraie mine
où ils se retrouvent pour t weeter avec les
chain paragraphe contient des spoilers
d’or. Les chaînes peuvent désormais
fans et partager des photos de l’équipe
sur la saison 3 de Downton Abbey.
compter sur Twitter comme indicateur
de tournage via Instagram. C’est le cas,
Le graphique ci-dessous montre claire-
d’audiences. Les séries suscitant le plus
par exemple, des équipes de Scandal,
ment que les moments les plus chargés en
de conversations en ligne sont ainsi
Nashville, Bones ou de Chicago Fire.
émotion sont favorables à la publication
souvent assurées d’être reconduites.
Cette notion de « live-tweet » c orrespond
de tweets. Les personnes interrogées
L’Institut Nielsen a d’ailleurs dévoilé les
à ce que l’on appelle aujourd’hui
lors de cette étude ont d’ailleurs déclaré
dix programmes les plus tweetés durant
« Together Alone », soit être seul face à
que la tristesse et le deuil étaient les
la saison 2013/2014 aux États-Unis.
son écran de télévision, mais connecté à
deux émotions transmises par la série
Un résultat qui montre les séries les
7
d o s s i e r # S o c i a lTV
� plus populaires. Cette méthode se
L’été 2014 a donc été une période clé
d émocratise également en France,
pour ABC afin de promouvoir cette soi-
puisque Médiamétrie vient d’intégrer
rée. La première étape a été d’élever
l’outil de mesure pour la Social TV
Shonda Rhimes au rang de déesse de la
depuis le 28 janvier dernier.
télévision. Grâce à une série de vidéos
les 10 des séries l e s p lu s t w e e t é e s a u x u s a
1
Enfin, grâce aux outils statistiques
rappelant les meilleurs moments de
mis en place, les équipes sont désormais
Grey’s Anatomy et Scandal, la chaîne
capables de connaître au mieux les
a ainsi créé une sensation de manque
téléspectateurs et leurs habitudes.
dans l’esprit des téléspectateurs en
T witter est d’ailleurs le meilleur
rappelant l’attachement aux produc-
exemple ! Véritable miroir culturel, la
tions de Shonda. En profitant de cette
plate-forme de microblogging en dit
addiction, How To Get Away with M urder
beaucoup plus sur vous que vous ne
a été présentée comme la prochaine
pensez communiquer en 140 carac-
« obsession télévisuelle ». Le message est
tères. Loin d’être passif, en commen-
simple : vous avez aimé Grey’s Anatomy
2
tant la série, l’utilisateur émet un avis,
et Scandal ? Vous allez aimer How To
the walking dead
partage son opinion, ses goûts. Donc
Get Away with Murder. Bien que Shonda
par e xtension, se dévoile. Ces informa-
Rhimes soit seulement la productrice de
tions implicites p ermettent aux chaînes
cette nouveauté, la chaîne n’hésite pas à
Chaîne : AMC Audience unique : 5 168 000 Tweets : 576 000
d’offrir une meilleure visibilité aux
utiliser le succès des séries portées par
annonceurs afin de cibler au mieux
Ellen Pompeo et Kerry Washington afin
les téléspectateurs lors de messages
de s’assurer une communauté de fidèles
publicitaires.
pour son nouveau drama.
#TGIT : Analyse d’un succès
Les semaines passent, et le jour J approche. Le samedi 20 septembre 2014,
br e a k i n g b a d Chaîne : AMC Audience unique : 6 026 000 Tweets : 521 000
3 pretty little liars Chaîne : ABC Family Audience unique : 4 778 000 Tweets : 675 000
TGIT, littéralement « Dieu merci, c’est
les acteurs des trois séries estampillées
jeudi », présente déjà cette S hondaNight,
ShondaLand sont réunis au Palihouse
comme une soirée à ne pas manquer.
à West Hollywood. Le hashtag #TGIT
L’agence LUISSER, chargée de la cam-
est partout : des murs aux ballons, en
pagne de communication autour du
passant par les coussins. Durant cette
#TGIT, n’a qu’un seul but : inviter les
soirée, les acteurs se prêtent au jeu
4
téléspectateurs à regarder leurs séries
des selfies et des photocalls qui sont
t h e b a c h e lo r
en direct afin de se sentir inclus dans
immédiatement partagés sur T witter,
cet évènement.
Instagram, Facebook...
Chaîne : ABC Audience unique : 3 620 000 Tweets : 196 000
5 game of thrones Chaîne : HBO Audience unique : 3 507 000 Tweets : 153 000
6 Teen wolf 7 american horror story: coven 8 scandal 9 The Voice 10 Dancing with the stars
8
Inutile de chercher plus loin, cette
millions de téléspectateurs pour son
année, le jeudi soir se passera devant
pilot !
ABC et sur votre smartphone.
Les médias sociaux ont donc révolutionné l’univers sériel, tant pour
Le #TGIT est un succès, et celui-ci ne
les équipes créatives, que pour les chaînes
Afin de terminer en beauté l ’introduction
se dément pas pendant la pause hiver-
de diffusion ou le c onsommateur. Les
de la série portée par Viola Davis, les
nale, puisque l’agence LUISSIER met
séries se consomment désormais bien
acteurs vont tous se mélanger lors des
en place le #TGITWithdrawal (Sevrage)
plus qu’au travers de l’écran de télévi-
photos, peu importe leur série d’origine.
où les fans sont invités à partager leurs
sion, elles se partagent et font naître un
scènes préférées lors
véritable lien social. Il n’y a donc plus
des soirées #TGIT.
aucun doute, l’avènement de la Social
Puis, le #TGITisBack
TV est bien en marche.
En bref, les trois séries sont indissociables ! Il n’est pas question d’en laisser une de côté, elles se regardent ensemble. Le 25 septembre,
« la stratégie #TGIT a été grandement travaillé, et le résultat est là »
est lancé lors du retour des trois séries, le 29 janvier dernier. Entre temps, les
l’a u t e u r
tous les acteurs sont accrochés à leurs
fans découvrent chaque semaine des
J’ai grandi devant La trilogie du samedi
smartphones, ventant les mérites de
contenus exclusifs sur Facebook, T witter,
et cette passion pour le genre sériel
leurs séries, mais aussi ceux des deux
Instagram ou même Snapchat ! La série
n’a fait que croître depuis toutes ces
autres ! La conversation se crée avec
Scandal y propose chaque semaine un
années. Je teste tous les pilotes pour
les fans, et #TGIT est dans les Trending
aperçu de l’épisode à venir, avec des
être sûr de ne rien rater, et je choisis de
Topics dès le matin (Dix sujets les plus
indices placés sous forme d’Emojis. Des
discutés sur Twitter). Cette opération est
concours sont également lancés afin
une réussite et les chiffres le prouvent
de gagner des kits de survie au #TGIT :
dès le lendemain : près de dix millions
popcorn, musique, livre, verres à vin...
de ces différentes séries d’un point de
de téléspectateurs pour le début de la
(Le vin étant la boisson préférée des
vue économique comme sociologique,
onzième saison de Grey’s Anatomy,
pensionnaires de ShondaLand).
tout en me goinfrant de M&Ms devant
près de douze millions pour le lance-
En bref, la stratégie #TGIT a été
les-dites séries. Sinon je suis aussi sur
ment de la quatrième saison de Scandal.
grandement travaillée, et le résultat est
How To Get Away with Murder dépasse
là. Le jeudi soir est devenue une soirée
alors toutes les attentes avec quatorze
incontournable pour ABC.
façon à regarder uniquement ce qu’il me plaît. Aujourd’hui âgé de 21 ans, en dernière année de master e-marketing, je m’intéresse aux facteurs de succès
Twitter où je raconte ma vie entre deux ou trois épisodes.
9
entretien
lauren holly ABC Motive’s Dr. Betty Rogers par prutha s. Patel photo Max Abadian
Lauren Holly, qui incarne le docteur Betty Rogers dans la
ABC Motive’s Dr Betty Rogers, LAUREN HOLLY, talks working
série Motive, nous parle de son travail avec Mark Harmon, de
with Mark Harmon, her fashion line with Le Château, what
sa ligne de vêtements en partenariat avec Le Château, dans
comedy series she would love to be on and a bit of what fans
quelle comédie elle aimerait jouer et à quoi il faut s’attendre
should expect in Motive’s third season currently airing on CTV.
dans la troisième saison de Motive, actuellement diffusée sur la chaîne canadienne CTV.
What is one of your favorite things about working on a show like NCIS?
Qu’avez-vous préféré lors de votre passage dans NCIS ?
It was a great gig, especially since it was my first series after
C’était une très bonne expérience. Encore plus, sachant que
becoming a Mom.
c’était mon premier rôle, suite à ma grossesse. You have worked with Mark Harmon on both Chicago Hope Vous avez travaillé avec Mark Harmon sur Chicago Hope
and NCIS. If you had the choice to work with him again,
et NCIS. Si vous deviez retravailler avec lui, quel genre de
what kind of TV show would it be?
séries vous plairait ?
A comedy would be fun. Like The Three Stooges. Something
Une comédie, ce serait marrant. Du genre Les Trois Stooges.
where I could bop him on the head or tweak his nose.
Une série dans laquelle je pourrais lui taper sur la tête ou pincer son nez.
You already have a background in the comedy realm as well. If you could be on any comedy current on air, which
Vous avez déjà tourné dans des comédies. Si vous deviez
would it be? Why that one?
avoir un rôle dans une des comédies du moment, laquelle
I’m currently loving Brooklyn Nine-Nine. It reminds me of The
choisiriez-vous ? Et pourquoi ?
Mary Tyler Moore Show’s group of unique and well-rounded
En ce moment, j’adore Brooklyn Nine-Nine. Ça me rappelle
characters. A true ‘situation’ comedy.
The Mary Tyler Moore Show, avec ce groupe équilibré de personnages uniques, avec de vraies situations comiques.
You are currently on ABC’s Motive, what are some of your favorite things about this role, the cast and the show
Vous jouez actuellement dans Motive sur ABC, qu’est-ce qui
overall?
vous enchante le plus, au niveau du rôle, de la d istribution
I love how Motive turned it’s genre inside out- revealing the
et de la série en elle-même ?
killer from the start. Our cast is different, none of us are
J’adore comment Motive a réinventé le genre, en révélant
‘shiny’ people- we are relatable. Playing Dr. Betty is a pleasure-
l’assassin dès le départ. Aucun personnage n’est hors du
I really enjoy the combo of smart and sassy.
commun, donc on peut s’identifier à eux. Jouer le Dr Betty est un réel plaisir, entre l’intelligence et l’impertinence.
Has it been difficult at all to get the medical terminology down?
Cela a dû être compliqué de retenir tous les termes
I have certainly had a mouthful! The Ship and commander
médicaux.
names I had to learn for NCIS MTAC scenes probably got me
Oui, il y a beaucoup de termes compliqués. Mais les noms des
ready.
commandants et bateaux dans NCIS m’ont bien entrainée. What can you tell us about season three? Qu’est-ce que les fans doivent attendre de la saison 3 ?
This is our best season yet, in my opinion. The audience is
À mon sens, c’est notre meilleure saison. Les téléspectateurs
going to learn a lot more about each of us.
vont en apprendre plus sur chacun des personnages. What do you think about the evolution of your character? Que pensez-vous de l’évolution de votre personnage ? Vous
Any news or hopes for what’s coming up for her as well?
pouvez nous parler de ce qui va lui arriver ?
A lot goes on for Dr. B in season 3. Something happens at work
Il va se passer plein de choses pour le Dr B en saison 3. Un
that reverberates in her personal life. More than one of the
évènement, au travail, va se répercuter sur sa vie privée.
team is involved...
Plusieurs personnes de l’équipe seront impliquées.
11
Vous avez récemment collaboré avec Le Château pour
You recently collaborated with Le Chateau for a personal
développer une collection personnelle, comment était
collection, what was that like?
cette expérience ?
I did. It has been thrilling. I love the clothes and I am so proud
C’était génial. J’adore ces vêtements et je suis très fière de
of the collection.
cette collection. Is fashion something that you’ve La mode vous a toujours intéressée ?
always been interested in?
Être une personnalité publique implique
Being in the entertainment Industry
de rester à la mode. Les deux sont
demands that you keep up with
souvent liés. Au fil du temps, j’ai appris
fashion. The two frequently go hand
ce qu’une femme, mère, bien occupée
in hand. I think I’ve learned what
et en déplacement a besoin dans ses
a woman/mother/busy/on-the-go
placards. Lauren’s Closet est fait pour
person could use in her closet. That’s
ces femmes.
what Lauren’s Closet is all about.
Y a-t-il un autre projet, au niveau de
What is another fashion related
la mode, qui vous intéresserait ?
project you would like to be
Je suis suffisamment occupée pour
involved in?
l’instant ! Nous allons bientôt sortir la
Oh, I think this is enough to keep me
collection printemps. Vous la retrouve-
busy for now! We are in the process
rez sur LeChateau.com.
of releasing the Spring line. Check it out on LeChateau.com.
Pouvez-vous nous en dire plus sur After the Ball, le film dans lequel vous
Can you tell me a bit more about
jouez ?
your recent movie After the Ball?
C’est un conte de fées dans le milieu de
A Fairy Tale set in the world of
la mode. J’incarne la vilaine belle-mère qui est la reine. Chris
fashion. I am the evil step-mother/ Queen. Chris Noth is my
Noth joue le rôle de mon mari et Portia Doubleday a le rôle
husband and Portia Doubleday is our lead. Fun and frothy,
principal. C’est drôle et frivole, un vrai plaisir.
it was a delight.
Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?
Any other things you’d like to tell the readers?
Merci de regarder !
Thanks for watching!
l’ i n t e r v i e w e u s e Prutha S. Patel est une fervente adepte de beaucoup de choses et a grandi en entendant sa mère lui répéter sans arrêt qu’elle regardait tout simplement trop de films et de séries télévisées. Mais au lieu d’écouter sa mère, elle a décidé de plonger encore plus dans cet univers en déménageant sur le côte ouest des ÉtatsUnis pour étudier le droit à Los Angeles. Prutha aspire à devenir une avocate spécialisée dans le divertissement, et espère apprendre autant qu’elle le peut de ce vaste de domaine des personnes incroyables qu’elle rencontre et rencontrera tout au long de ses études. Heureusement pour elle, cela ne dérange plus ses parents qu’elle soit autant passionnée par ce milieu là, et ils la soutiennent quelque soit ces décisions.
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the interviewer Prutha S. Patel is an avid fan of many things and has grown up being told by her mother that she simply watches too many films and TV shows. Instead of listening to her mother, she decided to delve even further by moving to the west coast from the east coast to study at Southwestern Law School in Los Angeles. Prutha aspires to become an entertainment attorney and hopes to learn as much as she can about the vast realm of entertainment from the amazing people she happens to meet along the way. Fortunately for her, her parents not only don’t mind her being a fan of so many things now, but they are also fully supportive of her aspirations.
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a n a ly s e
sherlock
du détective à l’homme machine
Du canon littéraire de Conan Doyle à l’adaptation la (presque) plus contemporaine d’aujourd’hui de Steven Moffat, du Londres victorien à celui des années numériques, Sherlock Holmes a voyagé et s’est transformé. On l’a adapté, fait évoluer pour coller au plus près de notre époque et c’est la métamorphose d’un personnage qui s’effectue sans en bouleverser les fondamentaux. Cette époque numérique, c’est forcer le personnage - et donc les scénaristes - à tout repenser, à réinventer un monde, un mode d’enquête dans un espace qui donne une large place au numérique et au cyberespace par maxime devanne photo sherlock, BBC
C’est bien ce qui est en jeu dans
prolifération - et continué par l’image.
s’agirait plus de garder la g randiloquence
Sherlock : un détective en proie avec
Quand vint l’idée de ressusciter, pour
des chutes du Reichenbach (endroit où,
le réseau. Ce réseau, c’est celui de
une énième fois, le personnage de
au terme d’un combat à mains nues, les
l’information, de la communication et
Sherlock Holmes et les c aractéristiques
deux hommes tombent dans le vide),
de ce que cela implique sur nos vies et
ainsi que l’environnement particulier
mais de lui donner une contemporanéité
notre cerveau aujourd’hui, à l’heure de
qui l’accompagne, M offat a dû se dire
et une saveur n ouvelle. Les s cénaristes
l’informatique. L’intelligence de Moffat
qu’une simple a daptation en costumes
jouent d’ailleurs souvent de ce travail
et son équipe aura donc été de faire
d’époque et mystères résolus par la force
de transposition et de narration par un
des aventures de Sherlock Holmes, une
de l’indice et de l’intellect n’était pas
jeu humoristique de références : dans
fiction transmédiatique où le « héros »
envisageable. Il faut désosser le détective
le pilote intitulé « A Study In Pink », une
remet en question les règles de narration
et l’oeuvre pour en revenir à la moelle
conversation prend place entre Sherlock
à la fois littéraire et télévisuelle.
et lui trouver une résonance autrement
et Lestrade suite à la découverte d’une
plus contemporaine.
femme morte dans un tailleur rose :
« Sherlock Holmes, the i mmortal
D’abord, une structure similaire. La
character of fiction created by Sir Arthur
forme première de l’oeuvre de Conan
Sherlock - « You’ve made a mistake »
Conan Doyle, is ageless, invincible and
Doyle, c’est la nouvelle. Il développe ainsi
Lestrade - « What mistake ? »
unchanging. In solving significant pro-
un feuilleton que le lecteur peut prendre
Sherlock - « Pink ! »
blems of the present day he remains - as
en cours ou suivre dès le début. C’est,
ever - the supreme master of deductive
à un média près, l’ancêtre de la série
Il faut y voir ici un clin d’oeil au lecteur,
reasoning ».
télévisée qui est désormais le format
une subtile référence de Gatiss et Moffat
le plus c omplet et logique où Steven
à l’oeuvre canonique : la première
Une mutation narrative s’opère dans
Moffat peut transposer son récit avec
nouvelle mettant en scène le détective
le processus d’adaptation entrepris
un univers et des codes qu’il s’agirait de
s’intitule A Study In Scarlet. Ainsi, les
par l’équipe créatrice de Sherlock : il
(dé)ménager. La narration ne s’en trouve
showrunners nous font comprendre
faut repenser l’univers policier et ses
pas modifiée dans son ADN, même si cela
que le travail d’adaptation ne sera pas
codes. Ne pas reproduire un schéma
actualise certains de ses éléments comme
fidèle à la virgule près, mais que l’oeuvre
prévisible, balisé depuis des années
le cliffangher incontournable et le plus
originale n’est en aucun cas perdue de
par le roman policier - dont Conan
célèbre : la mort de Sherlock Holmes
vue et que la référence plutôt que la plate
Doyle a participé à l’édifice et à sa
et de son ennemi juré, Moriarty. Il ne
transposition sera leur amie.
15
Le plus grand écart sera de développer
l’oeil qui se confond : notre perception
dans ce savoir apporté par les livres
un personnage en totale adéquation avec
de la fiction qui rejoint la perception
et une curiosité profonde pour divers
son contexte temporel, sociologique et
de l’élément fictionnel. Quand un texto
domaines, il actionne ce socle par la
surtout technologique. Disparaissent les
apparaît à l’écran, la simultanéité de sa
déduction, arme imparable - ou presque -
livres théoriques, techniques policières
lecture par le p ersonnage qui le reçoit
pour enquêter et démasquer le c oupable.
d’époque, pipe, chapeau et missives
se joint à la nôtre, de même lorsqu’un
De la recherche d’indices à sa compréhen-
délivrées, apparaissent les smartphones,
message est rédigée par un personnage
sion, puis sa confrontation avec la réalité
ordinateurs, GPS et autres outils de l’ère
ou que celui-ci manipule différentes
des choses, cette méthode o bservatrice
numérique. Si c’est présent pour signifier
applications. L’image se dédouble entre
lui permet une rapidité de réflexion
un contexte différent, il ne faut pas en
fiction et perception et devient le résultat
impressionnante. La série télévisée se
voir là la limite. Ce nouvel état des choses
simultané de ce qui se passe dans la
charge d’optimiser cette rapidité à une
force le personnage et la narration à faire
fiction.
époque où l’information circule aussi
preuve d’une inventivité pour ne pas
Mais cette histoire de perception - même
vite que la vitesse de la lumière.
rendre les méthodes - et donc aventures
si elle repousse ou plutôt réinterroge
- du détective obsolètes. Moffat et Gatiss
les limites entre fiction et réalité - est
« Is it Iraq or Afghanistan ? »
font ainsi le pari de dynamiter une
primordiale pour notre appréhension
(Sherlock à Watson lors de leur pre-
narration établie et de lui donner une
d’un nouveau Sherlock.
mière rencontre).
nouvelle dimension, celle de la virtualité.
Réécrire Sherlock Holmes, si c’est
Tout comme les méthodes policières
pour lui faire changer de sexualité
Si la question surprend a posteriori
évoluent, le détective doit u tiliser des
ou d’appartement n’a d’intérêt que
par sa précision et son caractère
moyens de plus en plus performants.
pour se démarquer simplement d’une
incongru, il en est autre chose à l’écran
Et, au 21ème siècle, quel autre moyen
adaptation. Or, ce retour du détective
: des indices sur le comportement et les
qu’Internet ? Présent constamment
en 2010 va plus loin que cela. Il reprend,
manières de Watson nous apparaissent,
à l’écran comme dans le récit en lui-
par exemple, la méthode déductive qui
faisant ainsi défiler devant nos yeux, le
même, Internet révolutionne la collecte
fait sa r éputation de fin limier pour la
cheminement de pensée que Sherlock
d ’indices, leur mise en relation et
transformer profondément et, ainsi,
entreprend. L ’association d’idées s’ef-
l’exposition finale. Le réseau mondial
métamorphoser le personnage.
fectue, permettant à Sherlock et à nous
devient constitutif à la fois d’un monde en
Cette méthode déductive est basée
dans un même mouvement, de déduire
constant changement, mais aussi d’une
sur un savoir solide et complet dans
qu’une canne et un boitement léger pour
narration qui se tisse autour de cela.
un champ de connaissances vaste et
un homme de l’âge de John Watson n’est
Sherlock plus que quiconque absorbe
impressionnant. Puisant constamment
pas habituel et qu’il a dû souffrir d’un
cette idée : dans le premier é pisode, face au corps mort en face de lui, il utilise son smartphone pour enlever un doute qu’il a sur la provenance de la victime grâce aux prévisions météo. La technologie devient un ressort et un enjeu narratif à part entière. Ces entités numériques dont la recherche Internet et le texto en sont les plus représentatifs - sont l’objet d’incrustations à l’écran, leur d onnant ainsi une valeur à la fois informative pour le téléspectateur dans l’instant, mais surtout narrative puisque - même si cela échappe à la plupart des personnages - ils permettent de faire avancer la réflexion de Sherlock, et donc, le récit. Ce s urgissement à l’écran, c’est surtout
16
Benedict Cumberbatch
sherlock / bbc
a n a ly s e s h e r lo c k
traumatisme dans un contexte actuel où le plus probable devient la guerre. Là où le roman ne nous fait pas accéder à ce processus de réflexion, la série choisit de nous le montrer tel quel. Là
« conan doyle a imaginé un homme au comportement psychologique déviant, asexué, aux limites de la sociopathie »
où le mystère est gardé, la série télévisée propose une exposition en « temps réel
connecté. Son cerveau se construit en
a évacué tout affect, provoquant une
» des méthodes de Sherlock. En quelque
réseau (de connaissances, prolongés par
lente déshumanisation du personnage.
sorte, Sherlock nous propose d’entrer
l’incroyable abondance d’informations
Condescendance, arrogance, tout est mis
dans la tête de Sherlock et non plus de
sur le net) et lui ouvre les portes d’un
en oeuvre pour faire de l’enquêteur, un
le considérer comme un p ersonnage
espace de savoir presque infini, lui
homme froid, n’ayant aucune compassion
somme toute banal. L’incrustation
conférant les mêmes « pouvoirs » qu’un
pour les victimes de ses enquêtes. Seul
suggère une entrée dans le cerveau du
robot. Les incrustations nous s uggèrent
le jeu de Cluedo qui se déroule épisode
détective qui se présente comme un
alors parfaitement cette création d’une
après épisode le s timule, la r éalisation de
écran d’ordinateur à l’affichage calibrée
mémoire interactive, numérique où
l’énigme étant son climax. P ragmatisme,
et ordonnée. L’indice à l’écran accom-
Sherlock tisse une toile d’araignée où
rigueur informationnel (et désormais
pagne systématiquement un zoom de
l’enquête se mue en « mind map », où
informatique) ont remplacé toute carac-
caméra qui nous signifie le regard de
ses pensées se joignent à l’utilisation des
téristique humaine avec la mise en
Sherlock, nous place dans son oeil,
outils technologiques à sa d isposition. On
avant de ses capacités cognitives comme
dans son cerveau. Steven Moffat pousse
a un Sherlock upgradé.
analogie du monde numérique. Elles
ainsi la réactualisation de la méthode
Lorsqu’il a pensé son personnage,
ont évolué avec l’époque, exacerbant la
d’enquête du détective à son paroxysme,
Sir Arthur Conan Doyle a imaginé un
connexion de l’homme à l’ordinateur
à l’image d’une logique informatique
détective pourvu d’une grande intelli-
pour le m étamorphoser en autre chose
: chaque indice et chaque pensée se
gence, certes, mais surtout un homme
de moins humain, plus machine. L’affect
trouvent liés à une idée soutenue par
au c omportement psychologique
qui fera aimer les personnages et la série
une incrustation conjointe des technolo-
déviant, arrogant, asexué, aux limites
ne sera plus porté par le personnage
gies numériques et des pensées à l’écran.
de la sociopathie. Il est convaincu de
principal, mais par son acolyte, Watson.
Il y a alors une mise en exergue de la
sa supériorité intellectuelle et n’hésite
Dans un article consacré à l’adaptation
rigueur professionnelle du personnage et
pas à le faire savoir à des hommes
en série télévisée, Jean-Pierre Naugrette
donc d’une rationalisation extrême, vidée
qu’il c onsidère comme des êtres
pose la question : « Comment être
de sentiment - prolongeant la supposée
intellectuellement inférieurs. D’une
Sherlock dans une société i nformatisée
sociopathie et asexualité du personnage.
certaine façon, il méprise l’humain
? », Moffat lui « retire » sa dimension
Sherlock - et par extension le lecteur -
dans son ensemble, à quelques excep-
humaine - bien que celle-ci pointe par
entre ainsi de plein pied dans le monde
tions près - Moriarty, Irene Adler et John
moments dans sa relation avec Watson -
informatique, le temps de la connectivité
Watson, bien qu’il garde une réserve sur
le faisant accéder, que ce soit par l’image
et de la connexion, niant ainsi une partie
l’intelligence de ce dernier. Concernant
et ses incrustations, mais aussi par son
de l’humanité que le détective pouvait
la femme, alors que le canon littéraire
comportement, à un statut d’entité supé-
conserver dans l’oeuvre littéraire.
laisse planer le doute sur sa sexualité
rieure qui peut m aîtriser n’importe
Il ne s’agit pourtant pas de réécrire
- homosexuel, asexuel ou tout simple-
quelle information, seulement obnubilé
entièrement le personnage, mais de le
ment misogyne, Sherlock y répond de
par la dimension p erformative de son
faire évoluer en analogie avec le monde
manière plus frontale : il n’a aucun attrait
cerveau et les moyens technologiques et
qui l’entoure. Même si a vancer qu’il
pour la relation intime sauf si elle sert
virtuels à sa disposition pour cela.
devient un ordinateur peut paraître
ses propres objectifs. Face à la non-rela-
Agissant comme par écho et r épercussion
un peu forcé, une c omparaison claire
tion et le rejet qu’il entretient avec Molly
à son personnage principal, Steven
entre l’homme et la machine a pparaît.
Hooper, la médecin légiste, force est de
Moffat étend sa déshumanisation à
L’homme, que ce soit avec un s martphone,
constater que les s entiments envers ses
l’ensemble. C’est d’autant plus flagrant
un ordinateur ou même dans un taxi pour
comparses sont plus que limités. De ce
par le traitement de la mort dans la
trouver un chemin, semble constamment
fait, la série construit un personnage qui
série : la caméra ne s’attarde jamais
17
sur la v ictime, sur son visage, seule-
de l’éthique et de la morale s’opère alors
W. : « It’s true but he wasn’t a very nice
ment sur les parties qui vont aider
chez les personnages : la vengeance n’est
man »
Sherlock dans sa recherche d’indices. Un
pas en ligne de mire, l’arrestation non
parti-pris f ilmique qui finit d ’asseoir une
plus. On évacue la justice du processus
Là encore, par extension, aucune
suppression d’identification à l’humain,
de l’enquête, c’est cette dernière qui est
compassion, aucune culpabilité. À la
à l’objet de l’enquête et qui nous plonge
le but. Sherlock n’est pas intéressé par
manière de et pour un homme qu’il
directement dans son p rocessus, ce qui
la capture du chauffeur de taxi dans « A
connaît à peine, Watson semble entamer
intéresse Sherlock. La victime n’est que
Study In Pink » mais par les raisons qui le
un processus de déshumanisation, une
le déclencheur, l’outil de travail du jeu
poussent à agir ainsi, comme en témoigne
évacuation du pathos par un détachement
auquel Sherlock va se prêter. À l ’inverse
le face-à-face final. « You’re not the only
d’une réalité où, en tant que d octeur pour
de nombreuses séries policières jouant
one who does enjoy a good m urder » lui
l’un et « représentant » de la j ustice pour
sur le rapport à la famille et le rôle de
dit le meurtrier. Mais ce qu’il souligne en
l’autre, devait se côtoyer des valeurs
l’humain dans le crime (CSI, Criminal
réalité, c’est que le détective a dépassé
humaines. Il n’en est rien et seul la pos-
Minds, Law and Order), S herlock n’accorde
le simple statut de justicier, la dualité
sibilité du jeu subsiste.
à son téléspectateur et à ses person-
détective/meurtrier pour entrer dans
nages aucune place pour la compassion
celle du joueur sans pathos. Alors que
et le rapport humain. On assiste à une
la morale aurait voulu que le tueur
déshumanisation de la victime, du lien
soit emprisonné et que l’éthique aurait
qui peut se créer avec pour mettre
poussé les protagonistes à le laisser vivre
en exergue la d éshumanisation de
pour qu’il soit traduit en justice, il est tué
mémoire sur l’adaptation télévisuelle
l’enquêteur. Il ne ressent plus, il pense,
d’une balle dans la tête par Watson. Et
du mythe de Sherlock Holmes et ses
sans qu’aucun sentiment n’entre dans
là où l’homme aurait pu éprouver des
effets de déplacements dans le monde
l’équation. « You’re a dead man walking
regrets, il a cet échange avec Sherlock
» lui assène le chauffeur de taxi, tueur,
Holmes :
Un bouleversement, un basculement
18
S. : « You just killed a man »
Sérivore en désintox et sériephile perpétuellement débutant, j’ai écrit un
numérique d’aujourd’hui. Je voue un culte polythéiste à Six Feet Under, The Good Wife, Friends, Parks and Recreation et Buffy.
sherlock / bbc
lors du premier épisode.
l’a u t e u r
dossier
déclaration universelle des droits du sériephile Quand on est sériephile, pur et dur, on fait parfois peur et on doit souvent se justifier. Il est donc temps de déclarer les droits universels du sériephile, histoire de sanctifier des comportements qu’on n’a pas à justifier. Ces éléments s’apparentent à des névroses, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre (Oui, citons la Bible pour plus de solennité). par Julien Lesbegueries photo ITV / Kudos
1
le droit de considérer des personnages comme ses amis
Regarder une série, c’est laisser les personnages entrer
2
le droit de pouvoir regarder plus de cinq épisodes par jour
Et par extension, le droit de regarder des saisons, voire
dans nos vies. On commence à connaître leurs mimiques
la totalité d’une série. Pour aller plus loin, on peut même
par coeur et à anticiper leurs faits et gestes. Du coup,
arrêter de compter le nombre de séries que l’on suit grâce
une grande majorité d’entre eux deviennent comme des
à BetaSeries. Quand on tombe amoureux d’un programme,
amis, des visages que l’on voit régulièrement, même plus
qu’est-ce qui nous empêche d’enchaîner les épisodes si
souvent que les amis de la vie de tous les jours. C’est le
l’intrigue ou les personnages nous captivent ? C’est justement
même phénomène qu’à la radio, les premières voix que l’on
là l’intérêt, pouvoir faire du binge-watching ! Mais ce droit
entend au réveil sont celles des animateurs et non celles de
peut également consister à suivre une vingtaine de séries
nos amis ou de notre famille. Mieux encore, ces personnages
silmutanément et d’avoir chaque jour entre deux et huit
interviennent à un moment stratégique de la journée, les
nouveaux épisodes. Cela nous pousse à passer plusieurs
instants où l’on souhaite rester seul et passif. Ils sont là
heures, par jour et par semaine, à regarder des séries. Mais
pour nous réconforter après une dure journée de travail
comme le dit si bien le dicton : quand on aime, on ne compte
ou nous accompagner lors d’une matinée de paresse avec
pas.
un plaid, un jogging et un pot de Nutella. Ce sont des amis
D’après un article de Konbini, le binge-watching serait un
fidèles, toujours là pour nous. Nous partageons les mêmes
syndrome de la dépression. C’est vrai, regarder trop de
sentiments qu’eux : on rit et on pleure ensemble. Certains
séries peut être interprété comme un moyen d’échapper
créateurs prennent alors un malin plaisir à nous faire souf-
à la réalité, mais il ne faut pas pour autant se perdre dans
frir avec des disparitions plus que soudaines. Une pensée
les méandres de la fiction jusqu’à en oublier de vivre. Il est
pour Game of Thrones, Steven Moffat ou Downton Abbey.
très facile de vivre sa vie par procuration devant son poste
Mais il ne faut pas oublier qu’ils restent des personnages
de télévision, cependant n’oublions pas qu’il faut nourrir
fictifs, on n’est pas complètement fous non plus.
les moineaux et les pigeons.
20
3
le droit de connaître tous les second rôles
Quand on passe beaucoup de temps devant son écran, on reconnaît souvent les acteurs secondaires qui apparaissent dans plusieurs séries. Ils enchaînent les apparitions et gâchent des épisodes, car l’envie soudaine d’aller consulter leur filmographie est trop prenante et nous déconcentre pendant quelques instants. Le petit jeu peut consister à trouver où on les a déjà vus, sans se servir d ’Internet, ce qui peut rendre fou. Mais soyons honnêtes, ces apparitions peuvent avoir de bons côtés, s’il s’agit d’un acteur qu’on apprécie. Comme Brun Gorman présent dans Torchwood,
puis dans Game of Thrones, ensuite dans The Dark Knight Rises, et enfin dans Forever. Il existe des acteurs qui quittent des séries, apparaissent dans d’autres avant de retrouver une série faite pour eux. Jennifer Morrison entre parfaitement dans cette catégorie. Tous ces visages familiers nous donnent l’impression d’appartenir à une grande famille qu’on retrouve avec plaisir chaque soir.
david M. Russell / CBS
4
21
5
droit de regarder ses séries sans sous-titres
Oui, parce que les sous-titres coupent l’image et déconcentrent. On se sent
6
le droit d’utiliser des expressions de séries
Oui, les séries peuvent être source
presque obligés de les lire, et ils sont
d’inspiration. Entre les « That’s what
souvent mal traduits, ce qui nous fait
she said », les « Bazinga » et autres
parfois louper des actions cruciales.
« Suit up », il y a de quoi faire. Barney
On frime, comme si on était bilingues
Stinson est un exemple pour ce genre
(Norman si tu nous lis), mais croyez-
de répliques cultes. Les t-shirts « Wait
Jusqu’à en connaître les dialogues
nous, six ou sept ans comme ça et
for it » ou « It’s going to be legend, wait
par coeur, au risque d’effrayer votre
votre niveau en anglais va s’améliorer.
for it, dary ! » se vendent très bien et
entourage. Encore une fois, quand on
Entendre la langue de Shakespeare
ce n’est pas prêt de s’arrêter.
aime, on ne compte pas. Ainsi, qui n’a
tous les jours est le meilleur moyen de
Lorsqu’on est légèrement intoxiqué
pas vu l’intégrale de Friends des dizaines
l’apprendre (Ayez confiance).
par les séries, il se peut qu’on utilise
de fois ? On ressort nos vieux épisodes
Cependant, pour certaines séries,
ces expressions délibérément ou sans
lorsqu’on a juste envie de voir quelque
les sous-titres sont nécessaires. L’ac-
en prendre en conscience. Ces phrases
chose de familier, une valeur sûre qui
cent écossais de David Tennant dans
peuvent avoir un effet humoristique
ne nous décevra pas.
Broadchurch ou celui de Mads Mikkelsen
notable, surtout si nos interlocuteurs
Cette activité a un avantage : c omprendre
dans Hannibal sont tellement prononcés
les connaissent. Toutefois, attention à
les blagues qui nous avaient échappées
que sans aide, on est vite perdus. Entre
ne pas trop en user pour éviter d’être
au premier visionnage. C’est agréable
nous, il ne serait pas surprenant que les
catalogué comme le mec ou la fille
de voir à quel point la série peut encore
anglophones aient eux-mêmes du mal
spécialiste en blagues séries.
nous surprendre.
à comprendre.
le droit de regarder encore et encore ses séries préférées
10
le devoir de faire découvrir ses séries préférée
Quand on a une passion, il faut la partager, la faire découvrir et expliquer pourquoi elle est si belle à nos yeux. Là encore, il faut veiller à ne pas parler que de ça à moins d’être entouré de sériephiles. N’en faites pas trop, comme dire que The Big Bang Theory, c’est pour les noobs ou qu’une certaine série austro-hongroise des années 1980 sur la culture du maïs dans l’ouest de l’Ukraine est beaucoup mieux tant sur le plan comique que sur le monde oriental décadent qu’elle dépeint. L’équilibre est difficile à trouver, restez simples avant de passer pour un snob. Cela dit, certains programmes sont tellement bons qu’on souhaite les
le droit de plus stresser pour un final que pour sa vie
Il arrive que l’on soit plus préoccupé par l’avenir d’une série ou d’un personnage, lorsqu’on nous place devant un cliffhanger, que par les problèmes de sa propre vie. Au hasard, les partiels. Difficile de ne pas penser au s urprenant midseason finale de la saison 3 d’Arrow, diffusé en pleine période de révisions, à tel point qu’on en vient à passer plus de temps sur Wikipédia que la tête dans les livres.
8
9
avec notre entourage et se sentir moins seul. Si toutefois on n’y parvient pas,
le droit aux plaisirs coupables
Être sériephile ne signifie pas regarder
d’autres choix s’offrent à nous. Créer un blog, ouvrir un compte Twitter ou même faire de la radio associative.
uniquement des chefs d’oeuvres. On peut aussi éteindre son cerveau de temps en temps et visionner des séries qu’on estime mauvaises. On remarque les failles béantes dans le scénario, les dialogues vides et le mauvais jeu des acteurs, mais on ne peut pas s’empêcher d’apprécier ces séries pour des raisons qui nous échappent. Elles deviennent alors un plaisir coupable, et en viennent parfois à faire partie de nos préférées.
le devoir de ne pas spoiler ses amis
Qui dit droits dit devoirs. Maîtriser ses pulsions et s’abstenir de spoiler ses amis, au risque de ne plus en avoir, est un bon départ. Rien de pire que gâcher la chose que l’on attend le plus depuis le début de la saison. Certains ont essayé, ils ont eu des problèmes.
Que ce soit une teen série, un copshow
l’a u t e u r
ou une série fantastique, on peut être
Julien Lesbegueries : multidisciplinaire,
séduit par des muscles saillants, des
sérivore invétéré, bloggeur motivé sur
formes généreuses, un univers, une
Geeks and Shows, twittos irrégulier,
ambiance déjanté ou encore par un
apprenti sorcier juriste tout en rêvant
humour particulier. En général, on
de devenir journaliste, animateur/
ne fait pas trop de publicité pour ces guilty pleasures, mais il faut les assumer. On a tous nos faiblesses.
crieur public à la radio. Bref, honoré d’écrire pour vous dans ce magazine. En espérant que ça vous plaise !
The escape artist - house of cards
7
faire connaître pour pouvoir en parler
22
En Mai
Numéro spécial
séries adaptées de comics