Numéro 4 - Partie 2 (Mars, Avril 2015)

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l’édito Après une première partie publiée au début du mois dernier, nous publions ce mois-ci la deuxième partie composée elle aussi de trois articles et d’une interview. Nous espérons qu’elle vous plaira autant que la ­première et on se donne rendez-vous le mois prochain pour un numéro spécial « séries adaptées de comic books » Bonne lecture à tous.

l’équipe et remerciements Rédacteurs : Corentin Pondaven, Maxime Devanne et Julien Lesbegueries. Correcteurs : Aude Métayer, Jérôme Raffin, Lily Hoang et Mélanie Seree. Traducteur : Mélanie Seree. Merci à Prutha S. Patel et Lauren Holly pour l’interview et leur temps.


sommaire

04

#SocialTV séries tv et réseaux sociaux

10

Entretien avec Lauren Holly DR. Betty Rogers dans la série motive

14

sherlock du détective à l’homme machine

19

déclaration universelle des droits du sériphile


dossier

#SocialTV Séries tv et réseaux sociaux

La démocratisation des réseaux sociaux a transformé nos habitudes, notre façon de discuter, d’échanger et de se rencontrer, mais aussi notre manière de consommer les séries télévisées. Loin d’être seul, le téléspectateur peut désormais échanger avec d’autres fans, mais aussi influencer les scénaristes. Petit tour d’horizon de cette révolution télévisuelle. par corentin pondaven photo Rick Diamond


Ryan Murphy

LE TÉLÉSPECTATEUR AU COEUR DU PROGRAMME Les médias sociaux permettent de ­donner la parole à n’importe quel ­utilisateur qui souhaite faire connaître son avis.

« certains scénaristes vont jusqu’à se baser sur les attentes observées sur les plate-formes d’échange »

La ­télévision influence ces outils pour se constituer un panel d’exception afin de

Story, nombreux étaient les adeptes à

Dans l’Hexagone, c’est la série What

développer au mieux ses programmes.

tweeter « #AHSCircus » afin de montrer

Ze Teuf, lancée en décembre 2013 sur

Bien plus que de simples consomma-

leur désir de voir le thème du cirque être

D8, qui a suivi ce mouvement en étant

teurs, les téléspectateurs deviennent

développé lors du ­quatrième chapitre de

la première « tweet-série » française. Le

aujourd’hui des membres à part entière

cette série d’anthologie. Le résultat est

concept est simple : le téléspectateur se

de l’équipe ­scénaristique, puisqu’ils

là : moins de deux mois après le début

glisse dans la peau du scénariste. Grâce

peuvent, grâce à de simples tweets,

du phénomène, Ryan Murphy annonce

à un tweet de 140 caractères contenant

influencer l’avenir de leur série.

sur son compte Twitter que la saison 4

le hashtag #WZT, il peut décider de la

En effet, les réseaux sociaux permettent

sera consacrée à l’univers du cirque avec

direction du programme qui est alors

aujourd’hui de constater en temps réel

l’appellation : American ­Horror Story :

produit du jour pour le lendemain. Le

le succès rencontré par une production.

FreakShow.

succès des quinze épisodes diffusés a

Les chaînes peuvent donc décider au plus

Outre American Horror Story, c’est

prouvé que l’intégration du téléspec-

vite de l’avenir du programme. Bien que

aussi dans la série Glee que Murphy a

tateur est aujourd’hui un facteur de

cela reste rare, certains scénaristes vont

répondu aux attentes des fans, en créant

­réussite à l’heure de la Social TV.

jusqu’à se baser sur les attentes obser-

le couple Brittany/Santana, ou encore

Mais toutes les séries n’utilisent

vées sur les plate-formes d’échanges, afin

pour la dernière saison diffusée le mois

pas les réseaux sociaux comme source

d’offrir aux fans ce qu’ils souhaitent et

dernier sur la FOX, puisque le créateur

­d’information. Certaines s’adaptent à

donc prolonger la durée de la série.

du show ­musical a déclaré en octobre

notre époque, et utilisent ces médias

Ryan Murphy est coutumier de ce genre

dernier : « Nous avons écouté ce que vou-

comme source d’inspiration.

d’action pour ses différentes créations.

laient les fans. Ils vont avoir tout ce qu’ils

L’une des premières à intégrer un

Dès la fin de la saison 3 d’American ­Horror

demandent depuis quatre ans ».

média social dans son scénario fût

5


d o s s i e r # S o c i a lTV

Grey’s Anatomy. Le 3 février 2011,

se concentre sur les dégâts causés par

marketing des différents programmes

« Don’t Deceive Me (Please Don’t Go) »,

les nouvelles technologies dans un

l’ont bien compris, et n’hésitent pas à

le ­treizième épisode de la saison 7 est

futur qui nous apparaît très proche. À

s’appuyer sur ces différentes plate-

diffusé sur ABC. Une des intrigues de

travers les sept épisodes diffusés à ce

formes sociales procurant une m ­ eilleure

l’épisode s’intéresse alors au personnage

jour, la création de Charlie Brooker

visibilité de l’engouement autour du

du Dr Miranda Bailey qui décide d’uti-

met notamment en avant les dérives

programme.

liser ses internes pour tweeter durant

créées par la collecte des données

L’univers du show télévisé dépasse désor-

ses opérations, et ce afin de partager ses

­personnelles via les réseaux sociaux,

mais les frontières imposées par notre

connaissances avec de nombreux autres

mais aussi ­l’instantanéité et l’absence

écran de télévision. ­Bandes-annonces,

chirurgiens à travers le monde.

de t­ ransparence. Loin de c­ ritiquer ces

sneak-peeks, photos exclusives. Le

Lancée en septembre 2014, Selfie a tenté

nouveaux outils, Black ­Mirror ­s’interroge

contenu proposé suscite l’intérêt et

de livrer une critique de cette ­addiction

surtout sur la ­mauvaise u ­ tilisation de

s’intègre parfaitement dans le monde

aux réseaux sociaux de manière

ceux-ci par l’espèce humaine. Une série

réel, notamment grâce à la création de

­humoristique. Pendant treize épisodes,

percutante qui donne à r­ éfléchir sur nos

faux-profils pour les protagonistes de

la série met en scène Eliza Dooley, une

récentes habitudes dictées par Internet.

­différentes séries. C’est notamment le cas

obsédée par son statut de célébrité sur Instagram. La série n’a pas brillé par ses

Réseaux sociaux et STRATÉGIES MARKETING

de la série Glee, diffusée sur la FOX, qui avait créé une trentaine de profils pour ses personnages lors de son ­lancement

audiences et a été annulée le 7 novembre

Nous sommes bien loin de l’époque

dernier, obligeant les fans à terminer la

où nous étions seuls devant la trilogie

Dernière action en date, Stalker, ­lancée

série sur la plate-forme de visionnage

du samedi sur M6, obligés d’attendre le

à la rentrée 2014 aux États-Unis, a

Hulu.

lundi pour en discuter avec nos amis.

effectué sa promotion en Belgique via

Enfin, la série de référence dans

­D ésormais, l’échange se fait avant,

le réseau professionnel LinkedIn. Un

­l’utilisation des réseaux sociaux reste

­pendant et après la diffusion des séries

­faux-profil, contenant des informations

la britannique Black Mirror. Celle-ci

télévisées. Ce phénomène, les équipes

sur le ­programme et sa diffusion, a visité

Grey’s Anatomy

en 2009.

randy holmes / abc

jeune fille superficielle et narcissique,


« cette notion de ‘live-tweet’ correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui ‘together alone’, soit être seul face à son écran de télévision, mais connecté à des milliers de personnes » plus de 12 000 comptes LinkedIn. Le site

des milliers de personnes via les réseaux

qui les poussaient le plus à tweeter.

­permettant de voir les personnes ayant

sociaux. De véritables communautés se

« La mort de Sybil était sans doute le

consulté vos informations, ce sont plus

sont créées. En parlant d’une série, le

moment où l’envie de tweeter était la

de 7 500 personnes qui ont alors visité

téléspectateur affirme son ­appartenance

plus forte, car ce décès est si soudain et

la page du fameux Stalker, offrant ainsi

à cette c­ ommunauté dont les codes sont

inattendu, que le besoin d’interaction

une belle publicité au programme avant

très précis : inutile de se prétendre

avec les autres personnes est important

son lancement.

­Gladiator si l’on ne sait pas ce qu’est

afin de connaître leur ressenti. »

Mais cette tendance à introduire

Olitz ! Afin de favoriser les échanges,

L’humour est également source de tweets

des personnages dans notre quotidien

les chaînes ­n’hésitent plus désormais à

d’après les sujets de cette étude. Selon

semble avoir fait son temps. C’est main-

faire apparaître un hashtag directement

eux, les dramas sont aujourd’hui très

tenant avec les interprètes eux-mêmes

sur l’écran de télévision lors de moments

nombreux, et une touche d’humour

que les téléspectateurs interagissent.

clés du show, et ce, afin de faciliter la

­permet ainsi de sortir de cette ambiance

Le phénomène de « live-tweet » avec les

­conversation sur les médias sociaux.

sombre à laquelle la série a habitué ses

acteurs s’est installé dans les ­habitudes,

Steven Schirra, Huan Sun et Frank

téléspectateurs. Il est d’ailleurs é ­ galement

devenant une véritable stratégie de la

­Bentley, trois étudiants à l’université

monnaie courante pour ces utilisateurs

part des chaînes. Les acteurs étant des

MIT, ont d’ailleurs réalisé une recherche

de retweeter des comptes parodiques,

influenceurs directs, ils sont les plus

sur ce phénomène de live-tweeting en

afin de dédramatiser certains passages

à même de fédérer autour de la série

­janvier 2013, lors de la diffusion de la

de la série.

­diffusée. Il est désormais coutume de voir

­troisième saison de la série Downton

D’un point de vue commercial, ces

les acteurs organiser une soirée entre eux

Abbey aux États-Unis. Attention, le pro-

pratiques sont devenues une vraie mine

où ils se retrouvent pour t­ weeter avec les

chain ­paragraphe contient des ­spoilers

d’or. Les chaînes peuvent désormais

fans et partager des photos de l’équipe

sur la saison 3 de Downton Abbey.

compter sur Twitter comme ­indicateur

de tournage via Instagram. C’est le cas,

Le graphique ci-dessous montre claire-

d’audiences. Les séries suscitant le plus

par exemple, des équipes de ­Scandal,

ment que les moments les plus chargés en

de conversations en ligne sont ainsi

Nashville, Bones ou de Chicago Fire.

émotion sont favorables à la ­publication

souvent assurées d’être reconduites.

Cette notion de « live-tweet » c­ orrespond

de tweets. Les personnes interrogées

­L’Institut Nielsen a d’ailleurs dévoilé les

à ce que l’on appelle aujourd’hui

lors de cette étude ont d’ailleurs déclaré

dix programmes les plus tweetés durant

« Together Alone », soit être seul face à

que la tristesse et le deuil étaient les

la saison 2013/2014 aux États-Unis.

son écran de télévision, mais connecté à

deux émotions transmises par la série

Un résultat qui montre les séries les

7


d o s s i e r # S o c i a lTV

� plus populaires. Cette méthode se

L’été 2014 a donc été une période clé

­d émocratise également en France,

pour ABC afin de promouvoir cette soi-

puisque Médiamétrie vient d’intégrer

rée. La première étape a été d’élever

l’outil de mesure pour la Social TV

Shonda Rhimes au rang de déesse de la

depuis le 28 janvier dernier.

télévision. Grâce à une série de vidéos

les 10 des séries l e s p lu s t w e e t é e s a u x u s a

1

Enfin, grâce aux outils ­statistiques

rappelant les meilleurs moments de

mis en place, les équipes sont ­désormais

Grey’s Anatomy et Scandal, la chaîne

capables de connaître au mieux les

a ainsi créé une sensation de manque

­téléspectateurs et leurs ­habitudes.

dans l’esprit des téléspectateurs en

T witter est d’ailleurs le meilleur ­

­rappelant l’attachement aux produc-

exemple ! ­Véritable miroir culturel, la

tions de Shonda. En profitant de cette

plate-forme de microblogging en dit

addiction, How To Get Away with M ­ urder

­beaucoup plus sur vous que vous ne

a été présentée comme la prochaine

pensez ­communiquer en 140 carac-

« obsession ­télévisuelle ». Le message est

tères. Loin d’être passif, en commen-

simple : vous avez aimé Grey’s Anatomy

2

tant la série, l’utilisateur émet un avis,

et Scandal ? Vous allez aimer How To

the walking dead

partage son opinion, ses goûts. Donc

Get Away with Murder. Bien que Shonda

par e ­ xtension, se dévoile. Ces informa-

Rhimes soit seulement la productrice de

tions implicites p ­ ermettent aux chaînes

cette nouveauté, la chaîne n’hésite pas à

Chaîne : AMC Audience unique : 5 168 000 Tweets : 576 000

d’offrir une meilleure visibilité aux

utiliser le succès des séries portées par

annonceurs afin de cibler au mieux

Ellen Pompeo et Kerry Washington afin

les téléspectateurs lors de ­messages

de s’assurer une communauté de fidèles

publicitaires.

pour son nouveau drama.

#TGIT : Analyse d’un succès

Les semaines passent, et le jour J approche. Le samedi 20 septembre 2014,

br e a k i n g b a d Chaîne : AMC Audience unique : 6 026 000 Tweets : 521 000

3 pretty little liars Chaîne : ABC Family Audience unique : 4 778 000 Tweets : 675 000

TGIT, littéralement « Dieu merci, c’est

les acteurs des trois séries ­estampillées

jeudi », présente déjà cette S ­ hondaNight,

ShondaLand sont réunis au Palihouse

comme une soirée à ne pas ­manquer.

à West Hollywood. Le hashtag #TGIT

L’agence LUISSER, chargée de la cam-

est partout : des murs aux ballons, en

pagne de communication autour du

passant par les coussins. Durant cette

#TGIT, n’a qu’un seul but : inviter les

soirée, les acteurs se prêtent au jeu

4

téléspectateurs à regarder leurs séries

des selfies et des photocalls qui sont

t h e b a c h e lo r

en direct afin de se sentir inclus dans

­immédiatement partagés sur T ­ witter,

cet évènement.

Instagram, ­Facebook...

Chaîne : ABC Audience unique : 3 620 000 Tweets : 196 000

5 game of thrones Chaîne : HBO Audience unique : 3 507 000 Tweets : 153 000

6 Teen wolf 7 american horror story: coven 8 scandal 9 The Voice 10 Dancing with the stars

8


Inutile de chercher plus loin, cette

millions de téléspectateurs pour son

année, le jeudi soir se passera devant

pilot !

ABC et sur votre smartphone.

Les médias sociaux ont donc ­révolutionné l’univers sériel, tant pour

Le #TGIT est un succès, et celui-ci ne

les équipes créatives, que pour les chaînes

Afin de terminer en beauté l­ ’introduction

se dément pas pendant la pause hiver-

de diffusion ou le c­ onsommateur. Les

de la série portée par Viola Davis, les

nale, puisque l’agence LUISSIER met

séries se consomment désormais bien

acteurs vont tous se mélanger lors des

en place le #TGITWithdrawal (Sevrage)

plus qu’au travers de l’écran de télévi-

photos, peu importe leur série d’origine.

où les fans sont invités à partager leurs

sion, elles se partagent et font naître un

scènes préférées lors

véritable lien social. Il n’y a donc plus

des soirées #TGIT.

aucun doute, l’avènement de la Social

Puis, le #TGITisBack

TV est bien en marche.

En bref, les trois séries sont indissociables ! Il n’est pas question d’en laisser une de côté, elles se regardent ensemble. Le 25 septembre,

« la stratégie #TGIT a été grandement travaillé, et le résultat est là »

est lancé lors du retour des trois séries, le 29 janvier dernier. Entre temps, les

l’a u t e u r

tous les acteurs sont accrochés à leurs

fans découvrent chaque semaine des

J’ai grandi devant La trilogie du samedi

smartphones, ventant les mérites de

­contenus exclusifs sur Facebook, T ­ witter,

et cette passion pour le genre sériel

leurs séries, mais aussi ceux des deux

­Instagram ou même Snapchat ! La série

n’a fait que croître depuis toutes ces

autres ! La conversation se crée avec

Scandal y propose chaque semaine un

années. Je teste tous les pilotes pour

les fans, et #TGIT est dans les ­Trending

aperçu de l’épisode à venir, avec des

être sûr de ne rien rater, et je choisis de

Topics dès le matin (Dix sujets les plus

indices placés sous forme d’Emojis. Des

discutés sur Twitter). Cette opération est

concours sont également lancés afin

une réussite et les chiffres le prouvent

de gagner des kits de survie au #TGIT :

dès le lendemain : près de dix millions

popcorn, musique, livre, verres à vin...

de ces différentes séries d’un point de

de ­téléspectateurs pour le début de la

(Le vin étant la boisson préférée des

vue économique comme sociologique,

onzième saison de Grey’s Anatomy,

pensionnaires de ShondaLand).

tout en me goinfrant de M&Ms devant

près de douze millions pour le lance-

En bref, la stratégie #TGIT a été

les-dites séries. Sinon je suis aussi sur

ment de la quatrième saison de Scandal.

­grandement travaillée, et le résultat est

How To Get Away with Murder dépasse

là. Le jeudi soir est devenue une soirée

alors toutes les attentes avec quatorze

incontournable pour ABC.

façon à regarder uniquement ce qu’il me plaît. Aujourd’hui âgé de 21 ans, en dernière année de master e-marketing, je m’intéresse aux facteurs de succès

Twitter où je raconte ma vie entre deux ou trois épisodes.

9


entretien

lauren holly ABC Motive’s Dr. Betty Rogers par prutha s. Patel photo Max Abadian


Lauren Holly, qui incarne le docteur Betty Rogers dans la

ABC Motive’s Dr Betty Rogers, LAUREN HOLLY, talks working

série Motive, nous parle de son travail avec Mark Harmon, de

with Mark Harmon, her fashion line with Le Château, what

sa ligne de vêtements en partenariat avec Le Château, dans

comedy series she would love to be on and a bit of what fans

quelle comédie elle aimerait jouer et à quoi il faut s’attendre

should expect in Motive’s third season currently airing on CTV.

dans la troisième saison de Motive, actuellement diffusée sur la chaîne canadienne CTV.

What is one of your favorite things about working on a show like NCIS?

Qu’avez-vous préféré lors de votre passage dans NCIS ?

It was a great gig, especially since it was my first series after

C’était une très bonne expérience. Encore plus, sachant que

becoming a Mom.

c’était mon premier rôle, suite à ma grossesse. You have worked with Mark Harmon on both Chicago Hope Vous avez travaillé avec Mark Harmon sur Chicago Hope

and NCIS. If you had the choice to work with him again,

et NCIS. Si vous deviez retravailler avec lui, quel genre de

what kind of TV show would it be?

séries vous plairait ?

A comedy would be fun. Like The Three Stooges. Something

Une comédie, ce serait marrant. Du genre Les Trois Stooges.

where I could bop him on the head or tweak his nose.

Une série dans laquelle je pourrais lui taper sur la tête ou pincer son nez.

You already have a background in the comedy realm as well. If you could be on any comedy current on air, which

Vous avez déjà tourné dans des comédies. Si vous deviez

would it be? Why that one?

avoir un rôle dans une des comédies du moment, laquelle

I’m currently loving Brooklyn Nine-Nine. It reminds me of The

choisiriez-vous ? Et pourquoi ?

Mary Tyler Moore Show’s group of unique and well-rounded

En ce moment, j’adore Brooklyn Nine-Nine. Ça me rappelle

characters. A true ‘situation’ comedy.

The Mary Tyler Moore Show, avec ce groupe équilibré de ­personnages uniques, avec de vraies situations comiques.

You are currently on ABC’s Motive, what are some of your favorite things about this role, the cast and the show

Vous jouez actuellement dans Motive sur ABC, qu’est-ce qui

overall?

vous enchante le plus, au niveau du rôle, de la d ­ istribution

I love how Motive turned it’s genre inside out- revealing the

et de la série en elle-même ?

killer from the start. Our cast is different, none of us are

J’adore comment Motive a réinventé le genre, en révélant

‘shiny’ people- we are relatable. Playing Dr. Betty is a ­pleasure-

­l’assassin dès le départ. Aucun personnage n’est hors du

I really enjoy the combo of smart and sassy.

­commun, donc on peut s’identifier à eux. Jouer le Dr Betty est un réel plaisir, entre l’intelligence et l’impertinence.

Has it been difficult at all to get the medical terminology down?

Cela a dû être compliqué de retenir tous les termes

I have certainly had a mouthful! The Ship and commander

médicaux.

names I had to learn for NCIS MTAC scenes probably got me

Oui, il y a beaucoup de termes compliqués. Mais les noms des

ready.

commandants et bateaux dans NCIS m’ont bien entrainée. What can you tell us about season three? Qu’est-ce que les fans doivent attendre de la saison 3 ?

This is our best season yet, in my opinion. The audience is

À mon sens, c’est notre meilleure saison. Les téléspectateurs

going to learn a lot more about each of us.

vont en apprendre plus sur chacun des personnages. What do you think about the evolution of your character? Que pensez-vous de l’évolution de votre personnage ? Vous

Any news or hopes for what’s coming up for her as well?

pouvez nous parler de ce qui va lui arriver ?

A lot goes on for Dr. B in season 3. Something happens at work

Il va se passer plein de choses pour le Dr B en saison 3. Un

that reverberates in her personal life. More than one of the

évènement, au travail, va se répercuter sur sa vie privée.

team is involved...

­Plusieurs personnes de l’équipe seront impliquées.

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Vous avez récemment collaboré avec Le Château pour

You recently collaborated with Le Chateau for a personal

développer une collection personnelle, comment était

collection, what was that like?

cette expérience ?

I did. It has been thrilling. I love the clothes and I am so proud

C’était génial. J’adore ces vêtements et je suis très fière de

of the collection.

cette collection. Is fashion something that you’ve La mode vous a toujours intéressée ?

always been interested in?

Être une personnalité publique implique

Being in the entertainment ­Industry

de rester à la mode. Les deux sont

demands that you keep up with

­souvent liés. Au fil du temps, j’ai appris

fashion. The two frequently go hand

ce qu’une femme, mère, bien occupée

in hand. I think I’ve learned what

et en déplacement a besoin dans ses

a woman/mother/busy/on-the-go

placards. Lauren’s Closet est fait pour

­person could use in her closet. That’s

ces femmes.

what Lauren’s Closet is all about.

Y a-t-il un autre projet, au niveau de

What is another fashion related

la mode, qui vous intéresserait ?

project you would like to be

Je suis suffisamment occupée pour

­involved in?

l’instant ! Nous allons bientôt sortir la

Oh, I think this is enough to keep me

­collection printemps. Vous la retrouve-

busy for now! We are in the process

rez sur LeChateau.com.

of releasing the Spring line. Check it out on LeChateau.com.

Pouvez-vous nous en dire plus sur After the Ball, le film dans lequel vous

Can you tell me a bit more about

jouez ?

your recent movie After the Ball?

C’est un conte de fées dans le milieu de

A Fairy Tale set in the world of

la mode. J’incarne la vilaine belle-mère qui est la reine. Chris

fashion. I am the evil step-mother/ Queen. Chris Noth is my

Noth joue le rôle de mon mari et Portia Doubleday a le rôle

husband and Portia Doubleday is our lead. Fun and frothy,

principal. C’est drôle et frivole, un vrai plaisir.

it was a delight.

Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?

Any other things you’d like to tell the readers?

Merci de regarder !

Thanks for watching!

l’ i n t e r v i e w e u s e Prutha S. Patel est une fervente adepte de beaucoup de choses et a grandi en entendant sa mère lui répéter sans arrêt qu’elle regardait tout simplement trop de films et de séries télévisées. Mais au lieu d’écouter sa mère, elle a décidé de plonger encore plus dans cet univers en déménageant sur le côte ouest des ÉtatsUnis pour étudier le droit à Los Angeles. Prutha aspire à devenir une avocate spécialisée dans le divertissement, et espère apprendre autant qu’elle le peut de ce vaste de domaine des personnes incroyables qu’elle rencontre et rencontrera tout au long de ses études. Heureusement pour elle, cela ne dérange plus ses parents qu’elle soit autant passionnée par ce milieu là, et ils la soutiennent quelque soit ces décisions.

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the interviewer Prutha S. Patel is an avid fan of many things and has grown up being told by her mother that she simply watches too many films and TV shows. Instead of listening to her mother, she decided to delve even further by moving to the west coast from the east coast to study at Southwestern Law School in Los Angeles. Prutha aspires to become an entertainment attorney and hopes to learn as much as she can about the vast realm of entertainment from the amazing people she happens to meet along the way. Fortunately for her, her parents not only don’t mind her being a fan of so many things now, but they are also fully supportive of her aspirations.


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a n a ly s e

sherlock

du détective à l’homme machine


Du canon littéraire de Conan Doyle à l’adaptation la (presque) plus contemporaine d’aujourd’hui de Steven Moffat, du Londres victorien à celui des années numériques, Sherlock Holmes a voyagé et s’est transformé. On l’a adapté, fait évoluer pour coller au plus près de notre époque et c’est la métamorphose d’un personnage qui s’effectue sans en bouleverser les fondamentaux. Cette époque numérique, c’est forcer le personnage - et donc les scénaristes - à tout repenser, à réinventer un monde, un mode d’enquête dans un espace qui donne une large place au numérique et au cyberespace par maxime devanne photo sherlock, BBC

C’est bien ce qui est en jeu dans

prolifération - et ­continué par l’image.

­s’agirait plus de garder la g ­ randiloquence

­Sherlock : un détective en proie avec

Quand vint l’idée de ­ressusciter, pour

des chutes du ­Reichenbach (endroit où,

le réseau. Ce réseau, c’est celui de

une énième fois, le personnage de

au terme d’un combat à mains nues, les

­l’information, de la communication et

­Sherlock Holmes et les c­ aractéristiques

deux hommes tombent dans le vide),

de ce que cela implique sur nos vies et

ainsi que ­l’environnement particulier

mais de lui donner une contemporanéité

notre cerveau aujourd’hui, à l’heure de

qui ­l’accompagne, M ­ offat a dû se dire

et une saveur n ­ ouvelle. Les s­ cénaristes

­l’informatique. L’intelligence de ­Moffat

qu’une simple a ­ daptation en costumes

jouent d’ailleurs souvent de ce travail

et son équipe aura donc été de faire

d’époque et mystères résolus par la force

de ­transposition et de narration par un

des aventures de Sherlock Holmes, une

de l’indice et de l’intellect n’était pas

jeu humoristique de références : dans

­fiction transmédiatique où le « héros »

­envisageable. Il faut désosser le détective

le pilote intitulé « A Study In Pink », une

remet en question les règles de narration

et l’oeuvre pour en revenir à la moelle

conversation prend place entre Sherlock

à la fois littéraire et télévisuelle.

et lui trouver une résonance autrement

et Lestrade suite à la découverte d’une

plus contemporaine.

femme morte dans un tailleur rose :

« Sherlock Holmes, the ­ i mmortal

D’abord, une structure similaire. La

­character of fiction created by Sir Arthur

forme première de l’oeuvre de Conan

Sherlock - « You’ve made a mistake »

Conan Doyle, is ageless, ­invincible and

Doyle, c’est la nouvelle. Il développe ainsi

Lestrade - « What mistake ? »

unchanging. In solving significant pro-

un feuilleton que le lecteur peut prendre

Sherlock - « Pink ! »

blems of the present day he remains - as

en cours ou suivre dès le début. C’est,

ever - the supreme master of deductive

à un média près, l’ancêtre de la série

Il faut y voir ici un clin d’oeil au ­lecteur,

reasoning ».

­télévisée qui est désormais le ­format

une subtile référence de Gatiss et ­Moffat

le plus c ­ omplet et logique où Steven

à l’oeuvre canonique : la première

Une mutation narrative s’opère dans

­Moffat peut transposer son récit avec

­nouvelle mettant en scène le détective

le processus d’adaptation ­entrepris

un ­univers et des codes qu’il s’agirait de

s’intitule A Study In Scarlet. Ainsi, les

par l’équipe créatrice de ­Sherlock : il

(dé)­ménager. La narration ne s’en trouve

showrunners nous font comprendre

faut repenser l’univers policier et ses

pas modifiée dans son ADN, même si cela

que le ­travail d’adaptation ne sera pas

codes. Ne pas reproduire un schéma

actualise certains de ses éléments comme

fidèle à la virgule près, mais que l’oeuvre

prévisible, balisé depuis des années

le cliffangher incontournable et le plus

­originale n’est en aucun cas perdue de

par le roman ­policier - dont Conan

célèbre : la mort de Sherlock Holmes

vue et que la référence plutôt que la plate

Doyle a ­participé à l’édifice et à sa

et de son ennemi juré, Moriarty. Il ne

transposition sera leur amie.

15


Le plus grand écart sera de développer

l’oeil qui se confond : notre perception

dans ce savoir apporté par les livres

un personnage en totale adéquation avec

de la fiction qui rejoint la perception

et une ­curiosité ­profonde pour divers

son contexte temporel, sociologique et

de ­l’élément fictionnel. Quand un texto

domaines, il actionne ce socle par la

surtout technologique. Disparaissent les

apparaît à l’écran, la ­simultanéité de sa

déduction, arme imparable - ou presque -

livres théoriques, techniques ­policières

lecture par le p ­ ersonnage qui le reçoit

pour enquêter et démasquer le c­ oupable.

d’époque, pipe, chapeau et missives

se joint à la nôtre, de même ­lorsqu’un

De la recherche d’indices à sa compréhen-

­délivrées, apparaissent les ­smartphones,

message est rédigée par un personnage

sion, puis sa confrontation avec la réalité

ordinateurs, GPS et autres outils de l’ère

ou que celui-ci manipule ­différentes

des choses, cette méthode o ­ bservatrice

numérique. Si c’est présent pour ­signifier

­applications. L’image se dédouble entre

lui permet une rapidité de réflexion

un contexte différent, il ne faut pas en

fiction et perception et devient le ­résultat

­impressionnante. La série ­télévisée se

voir là la limite. Ce nouvel état des choses

simultané de ce qui se passe dans la

charge d’optimiser cette rapidité à une

force le personnage et la narration à faire

fiction.

époque où l’information circule aussi

preuve d’une inventivité pour ne pas

Mais cette histoire de perception - même

vite que la vitesse de la lumière.

rendre les méthodes - et donc ­aventures

si elle repousse ou plutôt réinterroge

- du détective obsolètes. Moffat et Gatiss

les limites entre fiction et réalité - est

« Is it Iraq or Afghanistan ? »

font ainsi le pari de dynamiter une

­primordiale pour notre appréhension

(Sherlock à Watson lors de leur pre-

­narration établie et de lui donner une

d’un nouveau Sherlock.

mière rencontre).

nouvelle dimension, celle de la virtualité.

Réécrire Sherlock Holmes, si c’est

Tout comme les méthodes policières

pour lui faire changer de sexualité

Si la question surprend a ­posteriori

évoluent, le détective doit u ­ tiliser des

ou d’appartement n’a d’intérêt que

par sa précision et son caractère

moyens de plus en plus performants.

pour se démarquer simplement d’une

­incongru, il en est autre chose à l’écran

Et, au 21ème siècle, quel autre moyen

­adaptation. Or, ce retour du détective

: des indices sur le comportement et les

­qu’Internet ? Présent constamment

en 2010 va plus loin que cela. Il reprend,

manières de Watson nous apparaissent,

à l’écran comme dans le récit en lui-

par exemple, la méthode déductive qui

­faisant ainsi défiler devant nos yeux, le

même, ­Internet révolutionne la ­collecte

fait sa r­ éputation de fin limier pour la

­cheminement de pensée que Sherlock

d ’indices, leur mise en relation et ­

­transformer profondément et, ainsi,

entreprend. L ­ ’association d’idées s’ef-

­l’exposition finale. Le réseau ­mondial

métamorphoser le personnage.

fectue, ­permettant à Sherlock et à nous

devient ­constitutif à la fois d’un monde en

Cette méthode déductive est basée

dans un même mouvement, de déduire

constant changement, mais aussi d’une

sur un savoir solide et complet dans

qu’une canne et un boitement léger pour

narration qui se tisse autour de cela.

un champ de connaissances vaste et

un homme de l’âge de John Watson n’est

Sherlock plus que quiconque absorbe

­impressionnant. Puisant constamment

pas habituel et qu’il a dû souffrir d’un

cette idée : dans le premier é ­ pisode, face au corps mort en face de lui, il utilise son smartphone pour enlever un doute qu’il a sur la ­provenance de la victime grâce aux prévisions météo. La technologie devient un ressort et un enjeu narratif à part entière. Ces entités numériques dont la recherche Internet et le texto en sont les plus représentatifs - sont ­l’objet d’incrustations à l’écran, leur d ­ onnant ainsi une valeur à la fois informative pour le téléspectateur dans l’instant, mais surtout narrative puisque - même si cela échappe à la plupart des ­personnages - ils permettent de faire avancer la réflexion de Sherlock, et donc, le récit. Ce s­ urgissement à l’écran, c’est surtout

16

Benedict Cumberbatch

sherlock / bbc

a n a ly s e s h e r lo c k


traumatisme dans un contexte actuel où le plus probable devient la guerre. Là où le roman ne nous fait pas accéder à ce processus de réflexion, la série ­choisit de nous le montrer tel quel. Là

« conan doyle a imaginé un homme au comportement psychologique déviant, asexué, aux limites de la sociopathie »

où le ­mystère est gardé, la série télévisée ­propose une exposition en « temps réel

connecté. Son ­cerveau se construit en

a évacué tout affect, ­provoquant une

» des méthodes de Sherlock. En quelque

réseau (de connaissances, prolongés par

lente ­déshumanisation du personnage.

sorte, Sherlock nous propose d’entrer

l’incroyable abondance ­d’informations

Condescendance, arrogance, tout est mis

dans la tête de Sherlock et non plus de

sur le net) et lui ouvre les portes d’un

en oeuvre pour faire de l’enquêteur, un

le considérer comme un p ­ ersonnage

espace de savoir presque infini, lui

homme froid, n’ayant aucune ­compassion

somme toute banal. L’incrustation

conférant les mêmes « pouvoirs » qu’un

pour les victimes de ses enquêtes. Seul

­suggère une entrée dans le cerveau du

robot. Les incrustations nous s­ uggèrent

le jeu de Cluedo qui se déroule épisode

détective qui se présente comme un

alors parfaitement cette création d’une

après épisode le s­ timule, la r­ éalisation de

écran ­d’ordinateur à l’affichage calibrée

mémoire interactive, numérique où

l’énigme étant son ­climax. P ­ ragmatisme,

et ordonnée. L’indice à l’écran accom-

­Sherlock tisse une toile d’araignée où

rigueur informationnel (et désormais

pagne ­systématiquement un zoom de

l’enquête se mue en « mind map », où

­informatique) ont remplacé toute carac-

caméra qui nous signifie le regard de

ses pensées se joignent à l’utilisation des

téristique humaine avec la mise en

Sherlock, nous place dans son oeil,

outils technologiques à sa d ­ isposition. On

avant de ses capacités cognitives comme

dans son cerveau. Steven Moffat pousse

a un Sherlock upgradé.

­analogie du monde numérique. Elles

ainsi la ­réactualisation de la méthode

Lorsqu’il a pensé son personnage,

ont évolué avec l’époque, exacerbant la

­d’enquête du détective à son paroxysme,

Sir Arthur Conan Doyle a imaginé un

connexion de l’homme à l­’ordinateur

à l’image d’une logique i­nformatique

détective pourvu d’une grande intelli-

pour le m ­ étamorphoser en autre chose

: chaque indice et chaque pensée se

gence, certes, mais surtout un homme

de moins humain, plus machine. ­L’affect

trouvent liés à une idée ­soutenue par

au ­ c omportement psychologique

qui fera aimer les personnages et la série

une incrustation conjointe des technolo-

déviant, arrogant, asexué, aux limites

ne sera plus porté par le personnage

gies ­numériques et des ­pensées à l’écran.

de la ­sociopathie. Il est convaincu de

­principal, mais par son acolyte, Watson.

Il y a alors une mise en exergue de la

sa ­supériorité intellectuelle et ­n’hésite

Dans un article consacré à ­l’adaptation

rigueur professionnelle du personnage et

pas à le faire savoir à des hommes

en série télévisée, Jean-Pierre ­Naugrette

donc d’une rationalisation extrême, vidée

qu’il ­ c onsidère comme des êtres

pose la question : « ­Comment être

de sentiment - prolongeant la supposée

­intellectuellement inférieurs. D’une

­Sherlock dans une société i­ nformatisée

­sociopathie et asexualité du personnage.

­certaine façon, il méprise l’humain

? », Moffat lui « retire » sa dimension

­Sherlock - et par extension le lecteur -

dans son ensemble, à quelques excep-

humaine - bien que celle-ci pointe par

entre ainsi de plein pied dans le monde

tions près - Moriarty, Irene Adler et John

moments dans sa relation avec Watson -

­informatique, le temps de la connectivité

Watson, bien qu’il garde une réserve sur

le faisant accéder, que ce soit par l’image

et de la connexion, niant ainsi une ­partie

l’intelligence de ce dernier. Concernant

et ses incrustations, mais aussi par son

de l’humanité que le détective pouvait

la femme, alors que le canon littéraire

comportement, à un statut d’entité supé-

conserver dans l’oeuvre littéraire.

laisse planer le doute sur sa sexualité

rieure qui peut m ­ aîtriser n’importe

Il ne s’agit pourtant pas de réécrire

- homosexuel, asexuel ou tout simple-

quelle information, seulement obnubilé

­entièrement le personnage, mais de le

ment misogyne, Sherlock y répond de

par la dimension p ­ erformative de son

faire évoluer en analogie avec le monde

manière plus ­frontale : il n’a aucun attrait

cerveau et les moyens ­technologiques et

qui l’entoure. Même si a ­ vancer qu’il

pour la relation intime sauf si elle sert

virtuels à sa disposition pour cela.

devient un ordinateur peut paraître

ses propres objectifs. Face à la non-rela-

Agissant comme par écho et r­ épercussion

un peu forcé, une c ­ omparaison claire

tion et le rejet qu’il entretient avec Molly

à son personnage principal, Steven

entre l’homme et la machine a ­ pparaît.

Hooper, la médecin légiste, force est de

­Moffat étend sa déshumanisation à

L’homme, que ce soit avec un s­ martphone,

constater que les s­ entiments envers ses

­l’ensemble. C’est d’autant plus flagrant

un ordinateur ou même dans un taxi pour

comparses sont plus que ­limités. De ce

par le t­raitement de la mort dans la

trouver un chemin, semble constamment

fait, la série construit un personnage qui

série : la caméra ne s’attarde jamais

17


sur la v ­ ictime, sur son visage, seule-

de l’éthique et de la morale s’opère alors

W. : « It’s true but he wasn’t a very nice

ment sur les parties qui vont aider

chez les personnages : la vengeance n’est

man »

­Sherlock dans sa recherche d’indices. Un

pas en ligne de mire, l’arrestation non

­parti-pris f­ ilmique qui finit d ­ ’asseoir une

plus. On évacue la justice du processus

Là encore, par extension, aucune

­suppression ­d’identification à ­l’humain,

de l’enquête, c’est cette dernière qui est

­compassion, aucune culpabilité. À la

à l’objet de l’enquête et qui nous plonge

le but. Sherlock n’est pas intéressé par

manière de et pour un homme qu’il

directement dans son p ­ rocessus, ce qui

la capture du chauffeur de taxi dans « A

connaît à peine, Watson semble ­entamer

intéresse Sherlock. La victime n’est que

Study In Pink » mais par les raisons qui le

un ­processus de ­déshumanisation, une

le déclencheur, ­l’outil de travail du jeu

poussent à agir ainsi, comme en témoigne

évacuation du pathos par un ­détachement

auquel Sherlock va se prêter. À l­ ’inverse

le face-à-face final. « You’re not the only

d’une réalité où, en tant que d ­ octeur pour

de nombreuses séries ­policières jouant

one who does enjoy a good m ­ urder » lui

l’un et « représentant » de la j­ ustice pour

sur le rapport à la famille et le rôle de

dit le meurtrier. Mais ce qu’il ­souligne en

l’autre, devait se côtoyer des valeurs

­l’humain dans le crime (CSI, Criminal

réalité, c’est que le ­détective a dépassé

humaines. Il n’en est rien et seul la pos-

Minds, Law and Order), S ­ herlock ­n’accorde

le simple statut de justicier, la dualité

sibilité du jeu subsiste.

à son téléspectateur et à ses person-

­détective/meurtrier pour entrer dans

nages aucune place pour la ­compassion

celle du joueur sans pathos. Alors que

et le rapport humain. On assiste à une

la morale aurait voulu que le tueur

­déshumanisation de la ­victime, du lien

soit emprisonné et que l’éthique aurait

qui peut se créer avec pour mettre

poussé les protagonistes à le laisser vivre

en exergue la ­d éshumanisation de

pour qu’il soit traduit en justice, il est tué

mémoire sur l’adaptation ­télévisuelle

­l’enquêteur. Il ne ressent plus, il pense,

d’une balle dans la tête par Watson. Et

du mythe de Sherlock Holmes et ses

sans qu’aucun sentiment n’entre dans

là où l’homme aurait pu éprouver des

effets de déplacements dans le monde

­l’équation. « You’re a dead man walking

regrets, il a cet échange avec Sherlock

» lui assène le chauffeur de taxi, tueur,

Holmes :

Un bouleversement, un basculement

18

S. : « You just killed a man »

Sérivore en désintox et sériephile ­perpétuellement débutant, j’ai écrit un

numérique d’aujourd’hui. Je voue un culte polythéiste à Six Feet Under, The Good Wife, Friends, Parks and ­Recreation et Buffy.

sherlock / bbc

lors du premier épisode.

l’a u t e u r


dossier

déclaration universelle des droits du sériephile Quand on est sériephile, pur et dur, on fait parfois peur et on doit souvent se justifier. Il est donc temps de déclarer les droits universels du sériephile, histoire de sanctifier des comportements qu’on n’a pas à justifier. Ces éléments s’apparentent à des névroses, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre (Oui, citons la Bible pour plus de solennité). par Julien Lesbegueries photo ITV / Kudos


1

le droit de considérer des personnages comme ses amis

Regarder une série, c’est laisser les personnages entrer

2

le droit de pouvoir regarder plus de cinq épisodes par jour

Et par extension, le droit de regarder des saisons, voire

dans nos vies. On commence à connaître leurs mimiques

la totalité d’une série. Pour aller plus loin, on peut même

par coeur et à anticiper leurs faits et gestes. Du coup,

arrêter de compter le nombre de séries que l’on suit grâce

une grande majorité d’entre eux deviennent comme des

à BetaSeries. Quand on tombe amoureux d’un programme,

amis, des visages que l’on voit régulièrement, même plus

qu’est-ce qui nous empêche d’enchaîner les épisodes si

­souvent que les amis de la vie de tous les jours. C’est le

­l’intrigue ou les personnages nous captivent ? C’est ­justement

même ­phénomène qu’à la radio, les premières voix que l’on

là l’intérêt, pouvoir faire du binge-watching ! Mais ce droit

entend au réveil sont celles des animateurs et non celles de

peut également consister à suivre une vingtaine de séries

nos amis ou de notre famille. Mieux encore, ces ­personnages

silmutanément et d’avoir chaque jour entre deux et huit

­interviennent à un moment stratégique de la journée, les

­nouveaux épisodes. Cela nous pousse à passer plusieurs

instants où l’on ­souhaite rester seul et passif. Ils sont là

heures, par jour et par semaine, à regarder des séries. Mais

pour nous ­réconforter après une dure journée de travail

comme le dit si bien le dicton : quand on aime, on ne compte

ou nous accompagner lors d’une matinée de paresse avec

pas.

un plaid, un jogging et un pot de Nutella. Ce sont des amis

D’après un article de Konbini, le binge-watching serait un

fidèles, toujours là pour nous. Nous partageons les mêmes

syndrome de la dépression. C’est vrai, regarder trop de

sentiments qu’eux : on rit et on pleure ensemble. Certains

séries peut être interprété comme un moyen d’échapper

créateurs prennent alors un malin plaisir à nous faire souf-

à la réalité, mais il ne faut pas pour autant se perdre dans

frir avec des disparitions plus que soudaines. Une pensée

les méandres de la fiction jusqu’à en oublier de vivre. Il est

pour Game of Thrones, Steven Moffat ou Downton Abbey.

très facile de vivre sa vie par procuration devant son poste

Mais il ne faut pas oublier qu’ils restent des personnages

de télévision, cependant n’oublions pas qu’il faut nourrir

fictifs, on n’est pas complètement fous non plus.

les moineaux et les pigeons.

20


3

le droit de connaître tous les second rôles

Quand on passe beaucoup de temps devant son écran, on reconnaît souvent les acteurs secondaires qui apparaissent dans plusieurs séries. Ils enchaînent les apparitions et gâchent des épisodes, car l’envie soudaine d’aller consulter leur filmographie est trop prenante et nous déconcentre pendant quelques ­instants. Le petit jeu peut consister à trouver où on les a déjà vus, sans se ­servir d ­ ’Internet, ce qui peut rendre fou. Mais soyons honnêtes, ces apparitions peuvent avoir de bons côtés, s’il s’agit d’un acteur qu’on apprécie. Comme Brun Gorman présent dans Torchwood,

puis dans Game of Thrones, ensuite dans The Dark Knight Rises, et enfin dans Forever. Il existe des acteurs qui quittent des séries, apparaissent dans d’autres avant de retrouver une série faite pour eux. Jennifer Morrison entre parfaitement dans cette catégorie. Tous ces visages familiers nous donnent l’impression d’appartenir à une grande famille qu’on retrouve avec plaisir chaque soir.

david M. Russell / CBS

4

21

5

droit de regarder ses séries sans sous-titres

Oui, parce que les sous-titres coupent l’image et déconcentrent. On se sent

6

le droit d’utiliser des expressions de séries

Oui, les séries peuvent être source

presque obligés de les lire, et ils sont

d’inspiration. Entre les « That’s what

souvent mal traduits, ce qui nous fait

she said », les « Bazinga » et autres

parfois louper des actions cruciales.

« Suit up », il y a de quoi faire. Barney

On frime, comme si on était bilingues

Stinson est un exemple pour ce genre

(­Norman si tu nous lis), mais croyez-

de répliques cultes. Les t-shirts « Wait

Jusqu’à en connaître les dialogues

nous, six ou sept ans comme ça et

for it » ou « It’s going to be legend, wait

par coeur, au risque d’effrayer votre

votre niveau en anglais va ­s’améliorer.

for it, dary ! » se vendent très bien et

­entourage. Encore une fois, quand on

Entendre la langue de Shakespeare

ce n’est pas prêt de s’arrêter.

aime, on ne compte pas. Ainsi, qui n’a

tous les jours est le meilleur moyen de

Lorsqu’on est légèrement intoxiqué

pas vu l’intégrale de Friends des dizaines

­l’apprendre (Ayez confiance).

par les séries, il se peut qu’on utilise

de fois ? On ressort nos vieux épisodes

Cependant, pour certaines séries,

ces expressions délibérément ou sans

lorsqu’on a juste envie de voir quelque

les sous-titres sont nécessaires. L’ac-

en prendre en conscience. Ces phrases

chose de familier, une valeur sûre qui

cent écossais de David Tennant dans

peuvent avoir un effet humoristique

ne nous décevra pas.

­Broadchurch ou celui de Mads ­Mikkelsen

notable, surtout si nos interlocuteurs

Cette activité a un avantage : c­ omprendre

dans Hannibal sont tellement ­prononcés

les connaissent. Toutefois, attention à

les blagues qui nous avaient échappées

que sans aide, on est vite perdus. Entre

ne pas trop en user pour éviter d’être

au premier visionnage. C’est agréable

nous, il ne serait pas ­surprenant que les

catalogué comme le mec ou la fille

de voir à quel point la série peut encore

anglophones aient eux-mêmes du mal

­spécialiste en blagues séries.

nous surprendre.

à comprendre.

le droit de regarder encore et encore ses séries préférées


10

le devoir de faire découvrir ses séries préférée

Quand on a une passion, il faut la partager, la faire découvrir et ­expliquer pourquoi elle est si belle à nos yeux. Là encore, il faut veiller à ne pas ­parler que de ça à moins d’être entouré de sériephiles. N’en faites pas trop, comme dire que The Big Bang Theory, c’est pour les noobs ou qu’une certaine série austro-hongroise des années 1980 sur la culture du maïs dans l’ouest de l’Ukraine est beaucoup mieux tant sur le plan comique que sur le monde oriental décadent qu’elle dépeint. L’équilibre est difficile à trouver, ­restez simples avant de passer pour un snob. Cela dit, certains programmes sont ­tellement bons qu’on souhaite les

le droit de plus stresser pour un final que pour sa vie

Il arrive que l’on soit plus préoccupé par l’avenir d’une série ou d’un ­personnage, lorsqu’on nous place devant un cliffhanger, que par les ­problèmes de sa propre vie. Au hasard, les partiels. Difficile de ne pas penser au s­ urprenant midseason finale de la saison 3 ­d’Arrow, diffusé en pleine période de révisions, à tel point qu’on en vient à passer plus de temps sur Wikipédia que la tête dans les livres.

8

9

avec notre entourage et se sentir moins seul. Si toutefois on n’y parvient pas,

le droit aux plaisirs coupables

Être sériephile ne signifie pas ­regarder

d’autres choix s’offrent à nous. Créer un blog, ouvrir un compte Twitter ou même faire de la radio associative.

uniquement des chefs d’oeuvres. On peut aussi éteindre son cerveau de temps en temps et visionner des séries qu’on estime mauvaises. On remarque les failles béantes dans le scénario, les dialogues vides et le mauvais jeu des acteurs, mais on ne peut pas ­s’empêcher d’apprécier ces séries pour des raisons qui nous échappent. Elles deviennent alors un plaisir ­coupable, et en viennent parfois à faire partie de nos préférées.

le devoir de ne pas spoiler ses amis

Qui dit droits dit devoirs. Maîtriser ses pulsions et s’abstenir de spoiler ses amis, au risque de ne plus en avoir, est un bon départ. Rien de pire que gâcher la chose que l’on attend le plus depuis le début de la saison. Certains ont essayé, ils ont eu des problèmes.

Que ce soit une teen série, un copshow

l’a u t e u r

ou une série fantastique, on peut être

Julien Lesbegueries : multidisciplinaire,

séduit par des muscles saillants, des

sérivore invétéré, bloggeur motivé sur

formes généreuses, un univers, une

Geeks and Shows, twittos irrégulier,

ambiance déjanté ou encore par un

apprenti sorcier juriste tout en rêvant

humour particulier. En général, on

de devenir journaliste, animateur/

ne fait pas trop de publicité pour ces guilty pleasures, mais il faut les ­assumer. On a tous nos faiblesses.

crieur public à la radio. Bref, honoré d’écrire pour vous dans ce magazine. En espérant que ça vous plaise !

The escape artist - house of cards

7

faire connaître pour pouvoir en parler

22


En Mai

Numéro spécial

séries adaptées de comics


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