Images des mondes agricoles dans la société : l’état de chocs ?
d’engagements passés très militants. C’est d’ailleurs par ces réseaux-là que j’ai pu accéder à mon terrain, notamment à travers les mouvements de revendication des terres publiques. Tomás García Azcárate : Permettez-moi une comparaison. Imaginez que la fonction publique soit vieillissante, qu’elle peine à se renouveler et que l’on réserve l’accès aux aides aux fils de fonctionnaires, en les obligeant par ailleurs à racheter la table et l’ordinateur qui va avec. C’est exactement ce qu’on fait avec le monde agricole : cela fait cinquante ans qu’on installe des jeunes avec une politique de soutien et cela fait cinquante ans que ça dure. Et comme il est de coutume de dire dans mon gymnase : si tu continues à faire les mêmes choses, n’espère pas des résultats différents. Il y a un vrai problème avec la Pac telle qu’elle est aujourd’hui. Si la nouvelle Pac entre en vigueur en 2022, il y a là une vraie fenêtre d’opportunité, puisque l’on passerait à une stratégie avec des objectifs à atteindre au niveau national. Ne pourrait-on pas alors envisager d’élargir la politique d’installation des fils d’agriculteurs aux Nima ? Bruno Macias : Pour revenir sur une vision plus européenne, je dirais qu’en France, si je compare avec l’Espagne ou en Italie, on se plaint beaucoup mais on est quand même très bien loti. Je pense à des organismes ou des associations comme la Safer et Terre de Liens, qui n’existent pas ailleurs. En Espagne, à chaque fois que je parle de la France, on me regarde avec des grands yeux en me disant : « Waouh ! Quel pays merveilleux, vous savez prendre soin de vos paysans ! » Là-bas, cela fait déjà dix ans qu’une association comme Terre de Liens (Terra Franca) tente de s’implanter, sans succès.
GRAND TÉMOIN
Cessez d’être défensifs, prenez votre destin en main !
Saadi Lahlou, titulaire de la chaire de psychologie sociale, London School of Economics.
Il était intervenu en 2003, lors de la 9e édition, pour expliquer en quoi les représentations sont des espèces vivantes. C’est en tant que grand témoin qu’il prend place à la tribune d’aujourd’hui. Non pas pour avoir le dernier mot mais pour tirer les fils saillants de nos échanges. Intervention sans filet.
Je ne vais pas essayer de résumer les débats qui ont été extrêmement riches et, par moments, enthousiasmants. Première remarque : je retrouve ici des gens que je connais depuis longtemps, ce qui m’inquiète un peu. Cela signifie une certaine dominance de notre génération et je me demande si nous ne sommes pas un petit peu dans un entre soi. Du coup, se pose-t-on les bonnes questions ? Peut-être oui, peut-être non, je ne sais pas ! Je trouve dommage en particulier qu’il manque un certain nombre de parties prenantes telles que les distributeurs et les acteurs de la bioingénierie, dont je reparlerai tout à l’heure, tant cette dernière me fait penser à un éléphant dominant tout le chapiteau où nous sommes, et que nous n’aurions pas vu. On m‘a demandé de réexaminer, 15 ans après, la question de l’image des agriculteurs. Je me suis dit : tiens, si on faisait de nouveau l’exercice dans quinze ans, en 2034, que pourrions-nous dire ? Prenez ce que nous évoquions en 2003. Nous commencions alors à nous interroger sur les aspects sanitaires et nous évoquions surtout les relations entre agriculture, nature, industrie et transformation. Et puis les choses se sont précipitées car cette année-là, le 14 avril, on annonçait l’achèvement du séquençage complet du génome humain. Puis a eu lieu de manière massive la révolution internet, mais aussi la transition climatique, qui n’était pas un sujet en 2003, puis aujourd’hui arrive quelque chose dont tout le monde parle, l’Intelligence Artificielle. Face aux évolutions très rapides des P 46 25ES CONTROVERSES EUROPÉENNES À BERGERAC