Mauvaise graine #18

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MISS ARTEMIS Artémis est arrivée en ville et découvre le peuple qui grouille, toute cette vie qui ne demande qu’à exploser. C’est sans crainte qu’elle a pris le train ce matin de septembre en direction de la cité. Artémis a bien l’intention d’explorer tout ce que jusque là elle n’a eu ni le temps ni les moyens de connaître, si ce n’est au travers de revues, de livres, ou bien par le biais de l’image floue et le commentaire nébuleux de Télé, déesse des foyers modernes. Artémis écoute son cœur battre par dessus le balcon de sa chambre d’hôtel dans lequel elle est venue séjourner. Il bat si fort. Au-dessus d’elle, le ciel est dégagé et la lune pâle lui tend un sourire complice, un regard malicieux qui ne la laisse pas de glace. Elle commande une bouteille de San Peregrino et une corbeille de fruits exotiques. Le groom frappe à la porte, il lui sourit et lui paraît fort sympathique. Alors Artémis l’invite à passer la soirée avec elle, mais il ne peut accepter : il travaille et n’a pas le droit de quitter son poste comme ça. -Hey, little bell-boy, ne sois pas si traître face au désir de la femme. Le groom ne sait que répondre, alors il dépose juste un baiser sur les lèvres humides d’Artémis qui essaie de l’attirer un peu plus vers elle, mais il a déjà pris ses jambes à son cou. Tony, le bell-boy, est amoureux de Fab, le serveur du restaurant gastronomique au troisième étage. Artémis pèle une mangue et ne réussit pas à la découper. Alors elle sort et va se fondre dans la nuit, dans un club branché du quartier dans le vent et bouge son corps sur la piste de danse. Là, elle fait la connaissance d’une bande de garçon, le regard fier, la chemise unie, à rayures ou à carreaux, largement décolletée. Ils la prisent longuement sans se soucier de ce qu’elle peut penser. Elle a beau les narguer, Artémis n’en fait qu’à sa tête et se fiche pas mal de la leur. Elle va droit au bar et commande un autre whisky-coca avec de la glace pilée ; le troisième ; la tête lui tourne, elle est grisée. La femme en cuir et bottes cuirasses la regarde fixement sans oser lui parler. Artémis plonge sa main dans le seau à glaçons posé sur le bar et en sort une pleine poignée qu’elle colle fichtrement dans le dos de sa prédatrice qui écrase lamentablement son mégot dans le gros cendrier et va s’incruster sur Artémis. Viviane est une luxueuse brune vampire qui lui sucerait le sang jusqu’à plus soif, utilisant de ses charmes les plus secrets et d’un scalpel en titane pour donner un peu de piment, histoire d’envenimer la situation déjà bien assez glauque pour Artémis qui, malgré tout, susurre un gros « kiss me deep honey » à l’oreille suave de Viviane. Véhémente, sans filin de sécurité, Viviane s’exécute sans plus attendre, ni se faire prier. Le barman, estomaqué, plonge la tête dans le seau à glace : dans leur élan, Vivi et Artie ont échangé un cube de glace que chacune avait gardé dans la bouche. Après avoir consolé Herman, le barman, les deux femmes vont se rafraîchir au toilettes et en profitent pour échanger un long baiser langoureux sans attirer trop d’attention sur elles. Viviane propose d’héberger Artémis pour la nuit qui accepte sans hésiter; quitte à se retrouver enchaînée au mur par des menottes d’acier, entourée d’un doberman et d’une panthère aux dents et griffes acérées, et de se faire flageller et pincer les tétons par Viviane, sous les feux d’un Scialytique. Mais au lever du soleil, Artémis se trouve fort déçue. Viviane vieille frustrée, nympho romantique pathétique pathologique, ne lui a ni brûlé les fesses à la cigarette, ni tortillé les seins dans tous les sens, ni fait boire la ciguë, ni donné de viande pour chatte en chaleur à consommer, ni rien qui ait pu apporter un peu d’excitation à cette nuit fastidieuse, laborieuse et vraiment chiante ! Au petit matin, Viviane ronfle comme un loir qui aurait des végétations ; ce n’est pas très agréable pour Artémis qui décide de décamper avant que cette petite joueuse ne se réveille. Elle va dans le premier troquet venu pour se restaurer : café-crème-croissant et clin d’œil allumeur au garçon de café au passage, et pourquoi ne pas non plus lui pincer les fesses ? Il en profiterait sans doute lui14


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