Dimanche Express - 2011 n°11

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DERNIÈRES MINUTES

N°11 - 20 mars 2011

AFRIQUE DU NORD Le testament de

PAKISTAN

uyant les atrocités des troupes pro-Kadhafi, plus de 125.000 réfugiés sont déjà passés en Tunisie, où les habitants appauvris, à peine sortis de leur propre révolution, se mobilisent de partout dans un élan de générosité exemplaire. “Du jamais vu”, reconnaissent les humanitaires onusiens aussi médusés que dépassés.

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“De hautes responsabilités au gouvernement m’ont été proposées et on m’a dema ndé d’a ba ndonner ma ba ta ille, mais j’ai toujours refusé, même si je sais que je risque ma vie. Ma réponse a toujours été la même: ‘Non, moi je veux servir Jésus en ta nt qu’homme du peuple’. “Cette dévotion me rend heureux. Je ne cherche pas la popularité, je ne veux pas de position de pouvoir. Je veux seulement une place aux pieds de Jésus. Je veux que ma vie, mon caractère, mes actions parlent pour moi et disent que je suis en train de suivre Jésus Christ. Ce désir est si fort en moi que je me considérerai comme un privilégié si – dans mon effort et dans cette ba taille qui est la mienne pour aider les nécessiteux, les pauvres, les chrétiens persécutés du Pakistan – Jésus voulait accepter le sacrifice de ma vie. Je veux vivre pour le Christ et pour Lui je veux mourir. Je ne ressens aucune peur dans ce pays. “À de nombreuses reprises, les extrémistes ont tenté de me tuer et de m’emprisonner; ils m’ont menacé, poursuivi et ont terrorisé ma famille. Les extrémistes, il y a quelques années, ont même demandé à mes parents, à ma mère et à mon père, de me dissuader de continuer ma mission d’aide a ux chrétiens et aux nécessiteux, autrement ils m’auraient perdu. Mais mon père m’a toujours encouragé. Moi, je dis que tant que je vivrai, jusqu’à mon dernier soupir, je continuerai à servir Jésus et cette pauvre humanité souffrante, les chrétiens, les nécessiteux, les pauvres. “Je veux vous dire que je trouve beaucoup d’inspiration dans la Bible et da ns la vie de Jésus Christ. Plus je lis le Nouveau et l’Ancien Testament, les versets de la Bible et la parole du Seigneur et plus ma force et ma détermina tion sont renforcées. Lorsque je réfléchis sur le fait que Jésus a tout sacrifié, que Dieu a envoyé Son Fils pour notre rédemption et notre salut, je me dema nde comment je pourrais suivre le chemin du Calvaire. Notre Seigneur a dit: ‘Prends ta croix et suis-moi.’ Les pa ssa g es que j’a ime le plus dans la Bible sont ceux qui disent: ‘J’a va is fa im, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi!’. Ainsi, lorsque je vois des personnes pauvres et dans le besoin, je pense que c’est Jésus qui vient à ma rencontre sous leurs traits.“

Une solidarité sans précédent

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Shahbaz Bhatti nitialement publié en 200 8 dans un livre d’entretiens, le testament poignant de Shahbaz Bhatti, ministre des minorités religieuses du gouvernement pakistanais, revêt aujourd’hui une acuité brûlante, après son assassinat le 2 mars dernier.

FRONTIÈRE TUNISIE-LYBIE

Dans l’aéroport de Djerba, en cette deuxième semaine de mars, des cars venus de la frontière libyenne déposent chaque jour des flots de migrants dans la longue attente d’un rapatriement. La majorité d’entre eux proviennent du Bengladesh, d’autres de pays fragilisés d’Afrique. Les avions ne suivent pas. Devant un comptoir s’étire une longue file. Derrière la vitre, une ruche de bénévoles tunisiens découpent des baguettes, les fourrent et les distribuent à un rythme soutenu. “Les troubles ont commencé en Lybie un mois après la chute de notre président Ben Ali“, explique Samir, un commerçant ayant lâché ses activités pour coordonner l’aide dans l’aéroport. “Les premiers à fuir ont été les Tunisiens et les Égyptiens, accusés par Kadhafi d’avoir importé la rébellion. Dans toutes les mosquées de Djerba, les imams nous ont invités à accueillir les réfugiés, quelle que soit leur nationalité, au nom du devoir humanitaire. Les jeunes qui ont participé à la révolution ont pris l’initiative. Ils ont organisé des récoltes de vivres et d’argent, sont venus nettoyer le camp de tentes, distribuer la nourriture, organiser des soins médicaux… Les habitants ont ouvert leurs portes, l’un a reçu 130 Égyptiens chez lui, d’autres ont amené des matelas et aménagé tantôt un réfectoire de lycée, tantôt une salle de sport. Ma femme a préparé 400 repas complets, comme pour un mariage“, poursuit Samir en route vers la ville afin de réapprovisionner l’équipe en pains. Dans toute la Tunisie, les cliniques privées ont annoncé des soins gratuits en faveur des victimes libyennes. Malheureusement, les blessés ne sont toujours pas autorisés à passer la frontière et sont abandonnés à leur sort, voire achevés, selon certaines sources non vérifiables. En attendant, ici, chacun fait ce qu’il peut. Les agences de voyages et de transports n’ont pas attendu les instructions

©Béatrice Petit

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Des volontaires tunisiens au service des réfugiés dans le camp de Choucha, voisin de la frontière lybienne à Ras Jedir

d’un gouvernement encore en formation pour transporter gratuitement les réfugiés des portes de la Tunisie jusqu’à Djerba, distant de quelques 130 kilomètres. Liberté, couleur de solidarité Au sud de la Tunisie, dans la région limitrophe, le camp de Choucha gonfle à vue d’œil, avec déjà plus de 18.000 migrants. Des volontaires de tout le pays sont accourus leur porter secours avant même les grandes organisations humanitaires. Ainsi, par exemple, une douzaine de jeunes gens partis de Sousse, à 450 kilomètres de là, avec un semi-remorque chargé de matelas, vêtements, vivres et médicaments campent parmi les réfugiés et proposent leurs services au groupe de coordination des bénévoles, au HCR ou à l’armée qui gère le camp.

“ Ava nt la chute du Président Ben Ali, nous n’aurions jamais pu prendre pareille initiative, indépendamment du pouvoir“, commente Sahran, le responsable du groupe. “Aujourd’hui, notre liberté, nous la prenons pour aider. Nous avons ouvert une parenthèse dans nos vies, quittant nos familles et nos occupations.” “Et nous sommes nousmêmes stupéfaits“, enchaîne le jeune Ahmed, “de partager le même élan avec tant d’autres Tunisiens. Hier soir, des bénévoles ont lancé une animation festive dans le camp, d’autres ont aménagé un terrain de foot.“ “Des dépôts ont été organisés dans les villages, les vivres affluent de partout, alors que le pays est pauvre“, conclut un autre jeune de cette formidable équipe. Béatrice PETIT

NOUVELLES VIOLENCES AU CAIRE La colère des coptes

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lors que l’Égypte traverse une période particulièrement difficile suite à la chute du président Hosni Moubarak, des affrontements d’une rare violence entre coptes et musulmans ont éclaté, le 8 mars dernier, dans le quartier misérable de Moqattam, à l’est du Caire. Bilan: treize morts et cent quarante blessés, en grande majorité des chrétiens. Le mardi 8 mars, des musulmans et des coptes se sont affrontés dans le quartier de Moqattam, où vivent principalement des chiffonniers. Les violences ont éclaté après que des chrétiens aient bloqué la périphérique à trois voies qui passe non loin de chez eux, afin de protester contre l’incendie, quelques jours plus tôt, d’une église de la banlieue du Caire par un groupe de musulmans (voir encadré). Chargée d’assurer la sécurité, l’armée n’a, semble-t-il, que trop mollement tenté de protéger les chrétiens, lorsque ceux-ci ont été attaqués à coups de pierres et de bâtons par des extrémistes musulmans. Une attitude qui a probablement contribué à alourdir le bilan: 16 morts et 140 blessés, selon le ministère égyptien de la santé et de la population. “Nous nous attendions à ce que

l’armée nous défende“, confie l’un des habitants. “Mais maintenant, nous savons qu’elle est contre nous, comme la police.” Depuis le 5 mars, des milliers de chrétiens campaient devant le bâtiment de la télévision d’État, près de la place Tahrir, pour les mêmes raisons: ils juraient de ne pas quitter les lieux tant que l’église incendiée n’aura pas été reconstruite, et leurs droits reconnus par le nouveau pouvoir. Mais face à leur ténacité, l’armée, en charge des affaires du pays depuis la chute du président Hosni Moubarak, a décidé de reconstruire l’édifice religieux à leurs frais. “Le travail sera mené par les ingé-

nieurs de l’armée sur le même site“, a annoncé le général Adel al-Qorashi. De coup, les manifestants ont décidé de suspendre leur sit-in. P. A. (avec CtB)

Une querelle familiale qui a dégénéré Samedi 5 mars, l’église de Saint-Mina et Saint-Georges dans le village de Soul, dépendant du gouvernorat de Hélouan et situé à 30 km au sud du Caire, a été incendiée par des musulmans mécontents. Le prêtre qui était à l’intérieur de sa chapelle, ainsi que deux autres fidèles, en sont sortis indemnes. Selon les premières enquêtes, la mise à feu de l’église a été envisagée comme un acte de vengeance. La veille, une querelle avait éclaté à cause d’une relation amoureuse entre un chrétien et une musulmane du village – en Égypte, ce type d’union est illégal, à moins que le chrétien ne se convertisse à l’islam –, et s’est soldée par la mort de leurs pères respectifs. Après les funérailles du père chrétien, plusieurs villageois musulmans en colère se sont rassemblés autour de l’église et y ont mis le feu. L’armée est intervenue après cet incident pour entamer un dialogue avec les deux familles.

PAKISTA N – Paul Bhatti pourrait succéder à son frère. Paul Bhatthi, le frère aîné de Shahbaz, ministre chargé des minorités assassiné le 2 mars dernier, semble sur le point de prendre la place de son frère, a rapporté l’agence missionnaire Fides. La nomination pourrait être ratifiée dans les prochains jours. ÉTATS-UNIS – 40% des A méricains estiment que l’islam encourage la violence. Selon un sondage du Pew Research Center, quelque 40% des Américains estiment que l’islam encourage davantage la violence que les autres religions. En 2002, ils n’étaient que 25% à le penser.

TA Ï W A N – L’ Ég l i s e c a t hol i q ue a pp el l e à l ’ a bol i t i on de l a pe i ne de mor t . Suite à l’annonce par le ministre taïwanais de la Justice d’une nouvelle série d’exécutions capitales d’ici quelques semaines, les opposants à la peine de mort n’ont pas tardé à se manifester. “Notre gouvernement doit commuer la peine de mort en emprisonnement à vie, afin de montrer au monde que Taïwan respecte la vie humaine“, a déclaré Cheng Tao, président de l’Association catholique chinoise des aumôniers de prison. Le problème, c’est que la majorité des habitants de l’île (environ 80%) sont favorables à la peine de mort. (Ct B)


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