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Nouvelle ère

Welcome to cabaret ! « Les grandes tâches critiques n’excluent pas le plaisir. » Bertold Brecht l’affirme et le démontre par l’heureuse décadence qui parsème ses pièces. En 1928, L’Opéra de quat’sous est l’un des plus grands succès théâtraux de la République de Weimar, bien que bâti sur un malentendu. Car derrière les lumières et les numéros de cirque, les fards et les meutes de clowns, se profile une société allemande de l’entre-deux-guerres corrodée par la montée d’une utopie destructrice. Transposé dans les bas-fonds de Londres, le récit est celui d’une guerre des clans animée par une lutte pour le pouvoir et le cœur à prendre d’une fille de gangster. Éric Perez et Olivier Desbordes redonnent à ce divertissement 100 % satirique sa valeur originelle : la parole mordante de Brecht – associée aux codes du cabaret – fait rejaillir le carnavalesque de nos existences. Tout n’est que fantasmes, illusions et faux-semblants pour le plus grand plaisir d’un auditoire que le maître allemand voulait intentionnellement très large. Le livret du compositeur Kurt Weill ajoute à cette fusion des genres, associant sans complexe consonances jazz, références à Bach, à l’opérette et au chœur luthérien. Depuis, La Complainte de Mackie – chanson d’ouverture de l’opéra – est passée à la postérité en s’élevant au rang de standard de jazz. Une célébration populaire qu’on ne se lasse pas de redécouvrir.

C’eût été une (belle) surprise si nous n’avions pas déjà saisi les signes d’une ouverture certaine : les Percussions de Strasbourg s’associent au duo Ork, adepte d’une esthétique hybride entre sonorités électriques et acoustiques, d’un voyage sans limites vers le rock, le jazz et les musiques contemporaines. Une collaboration en forme de concert offrant relectures des productions du duo – qui vient tout juste de sortir son premier album Orknest –, et interprétations de deux pièces : 6 Marimbas de Steve Reich, et 24 Loops de Pierre Jodlowski. Quand l’homme et la machine se rencontrent… L’instant – qui s’annonce réjouissant – est aussi l’occasion de constater les nouvelles amitiés gravitant autour de l’ensemble contemporain. Olivier Maurel, moitié du duo Ork, a rejoint les Percussions l’année dernière, quand Pierre Jodlowski, compositeur adepte de l’interdisciplinarité et de la porosité des genres, est un fidèle compagnon de route de son nouveau directeur artistique, Jean Geoffroy. « Partir du rock, s’en affranchir, pour mieux y revenir, questionner le répertoire contemporain à l’aune de cette musique, forte et généreuse, c’est là le sens de cette rencontre entre Ork et les Percussions de Strasbourg », écrit-il. Cette programmation judicieuse vient ratifier la libre circulation souhaitée – et encore trop rare (quoi qu’en disent les fanatiques du conservatisme) – entre le répertoire classique et les musiques actuelles. Par Cécile Becker

Par Claire Tourdot – Photo : Nelly Blaya

L’OPÉRA DE QUAT’SOUS, opéra le 1er mars au théâtre La Coupole, à Saint-Louis www.lacoupole.fr

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LES PERCUSSIONS DE STRASBOURG & ORK, concert le 18 mars au Théâtre de Hautepierre www.percussionsdestrasbourg.com


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