NOVO N°20

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Rencontres par Philippe Schweyer photo : Vincent Arbelet

Michel Houellebecq bien adapté Rencontre avec le romancier visionnaire Michel Houellebecq au sortir de sa toute première visite de l’exposition Le Monde comme volonté et comme papier peint au Consortium à Dijon.

Lorsque Michel Houellebecq arrive au Consortium le jour du vernissage de l’exposition adaptée de son dernier roman La Carte et le Territoire, on nous prévient qu’il ne souhaite pas en parler avant d’avoir pris le temps de réfléchir. Pendant que Stéphanie Moisdon lui fait visiter une exposition qu’elle a imaginée “non pas comme un système de narration, mais plutôt comme un système de juxtaposition” après avoir lu son livre, on le sent particulièrement concentré. Pratiquement chaque pièce de l’exposition appelle un commentaire, une interrogation ou une digression. Particulièrement attentif, l’écrivain se mue en reporter, n’hésitant pas à dégainer son appareil photo. Dès la visite terminée, Michel Houellebecq, manifestement satisfait par “l’adaptation” de son roman, nous livre ses toutes premières impressions, verre de blanc et clope à la main. Quel effet ça vous a fait de parcourir cette exposition ? Comme l’artiste qui est le personnage principal du livre, Stéphanie Moisdon a choisi de s’intéresser au travail humain. Ce n’est pas le thème le plus facile à aborder, ni en littérature, ni au cinéma, ni en art, pourtant c’est important ! Tout le monde travaille, mais c’est plus facile de parler des sentiments humains, des questions de filiation. Le rapport au travail est quelque chose de difficile à aborder. Avez-vous retrouvé les thèmes de votre roman ? Le thème du travail est très présent dans le livre et dans l’exposition aussi. Il y a d’autres choses que le travail, mais on peut commencer par parler de ça. Les artistes dans l’histoire ont eu du mal avec l’industrie…

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Il y a Fernand Léger… En fait, il n’y a que Léger qui représente vraiment des ouvriers au travail. Dans l’histoire de la peinture, il y a beaucoup plus de représentations du travail agricole que du travail industriel. Même chez les peintres du Réalisme socialiste. En fait, en y réfléchissant bien, je ne connais pas bien le Réalisme socialiste. Par contre, j’ai beaucoup lu la revue La Chine en construction et en y repensant, c’est plutôt des scènes agricoles que je revois. Pouvez-vous nous dire deux mots sur William Morris ? Je me souviens avoir découvert Morris à travers un livre bizarre de Chesterton qui s’appelle Le retour de Don Quichotte et qui est une espèce de livre révolutionnaire médiéval. J’ai compris que Morris est une personne très étrange qui a des conceptions sociales très étranges… C’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser à William Morris, mais c’est assez difficile d’en parler. Quand on entre dans l’exposition, on voit bien qu’il reste une réelle étrangeté chez Morris. Penser qu’il a fondé une fabrique est stupéfiant. C’est déjà étonnant en soi que Morris ait eu un projet industriel, mais ce qui m’a fasciné, c’est que ce projet industriel ait marché économiquement. Il m’arrive de me dire en lisant William Morris qu’il avait peut-être raison et que l’industrie a pris une mauvaise voie. Que la production en général a pris une mauvaise voie et qu’il fallait effectivement garder une dimension artisanale au sein de l’industrie. C’est un déchirement de penser ça, parce que j’adore l’esthétique allemande. Trouver William Morris beau est une espèce de changement pour moi… Je ne suis pas allé jusqu’à aimer les Préraphaélites, mais en tant que papier peint, c’est sublime. Je suis dans une position bizarre : j’aime bien l’Art nouveau, le mobilier Art nouveau, mais je n’aime pas vraiment les


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