3rve mai 2006

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P O U R Q U O I L I M I T E R L’ U S A G E D ’ U N O U T I L F I A B L E ?

Au Québec, l’approche la plus courante consiste à utiliser les critères génériques applicables aux sols des terrains à usages résidentiel et industriel. Ces critères sont mieux connus sous l’appellation « critères B et C1 ». L’approche consiste essentiellement à comparer les concentrations mesurées dans les sols à ces critères. Il est aisé de comprendre que cet outil est très facile à gérer par les autorités gouvernementales. Il ne faut cependant pas oublier que la seule façon d’établir des critères génériques consiste à utiliser une approche quantitative d’évaluation des risques basée sur un scénario spécifique. En d’autres termes, un critère générique est un critère spécifique applicable à un scénario dit « générique ». Dans un article récent2, le MDDEP et le MSSS présentaient la méthodologie retenue pour la validation, en termes de santé humaine, de certains des critères B et C, même pour les composés organiques volatils présents dans les hydrocarbures pétroliers. De leur propre aveu, les scénarios retenus étaient très conservateurs. À titre d’exemple, le scénario résidentiel repose sur le fait que la personne exposée vit continuellement à la maison de 0 à 70 ans et que les sols de la propriété sont à nu; aucun aménagement en 70 ans !

Sur la base de ces assertions, le terme « conservateur » paraît faible. Il est en effet assez rare que des individus restent à la maison 24 heures par jour, 7 jours par semaine et jusqu’à 70 ans. À mon humble avis, ce scénario est impossible à envisager si l’on respecte les lois et règlements en vigueur au Québec. Je crois que les jeunes sont obligés de fréquenter l’école au moins jusqu’à 16 ans, ce qui se fait rarement à la maison. De plus, les règlements municipaux obligent les propriétaires de résidences à compléter l’aménagement de leur terrain dans un délai qui excède rarement 12 mois suivant la construction. Le choix d’un scénario « conservateur » pour valider ou établir des critères génériques est certainement défendable puisque les critères doivent être valables pour la variante la plus sensible du type d’usage visé. Cependant, lorsque les critères sont établis sur la base de scénarios extrêmes et irréalistes, ces derniers ne doivent pas être imposés dans la grande majorité des cas spécifiques qui ne correspondent pas aux scénarios retenus. Certains fonctionnaires dénigrent à mots à peine couverts le recours à l’analyse de risques pour la gestion des terrains contaminés et souhaiteraient sa disparition. Pour-

tant, cette approche est incontournable puisque c’est le seul outil disponible pour développer ou valider des critères génériques ou spécifiques. Limiter l’usage de l’analyse de risques n’est certainement pas souhaitable d’un point de vue économique ni justifiable d’un point de vue scientifique. Si le MDDEP et le MSSS désirent augmenter la qualité des analyses réalisées et réduire leur charge de travail reliée à l’étude de ces dossiers, une des solutions que le Québec devrait considérer serait le recours à la revue par les pairs (peer review), notamment utilisée en Ontario. ■ 1

Les valeurs B et C des critères génériques correspondent aux normes du Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains. Selon la situation, les critères ou les normes s’appliquent. Pour fins de simplification, nous référerons uniquement aux critères dans cet article.

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Beausoleil, M. et Gauthier, R, 2006. « Validation des critères B et C de la Politique de protection des terrains contaminés – Protection de la santé humaine », VECTEUR environnement, volume 39, numéro 3, mai 2006.

Le magazine des matières résiduelles au Québec 3Rve VOL. 2 NO 2 PRINTEMPS/ÉTÉ 2006

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