Le cinéma un art cinéma païne (1)

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Le cinéma, un art moderne Le

Wm. aJlégorie de la machine·cinéma

Le miroitement

Plutar qu'une probJémarique, j'évoquerai ici une obsessio n de specra­ reur. Depuis rres longtemps, je suis revenu en effer Sur une meme impression, proche de certe sone de renversemenr décrit par Serge Daney a propos de cer­ rains films qui semblent nous regarder au [erme de leurs visions mujriples. Voir des films devrair en effer ne plus erre aujourd'hui un acte de perceprio n d'évidences. Face aux aurres types de producrion d'images récentes, le ciné­ ma des grands aureurs du passé er que1ques films d'artisres de cinéma incon­ resrables d'aujourd'hui, sonr - en tout cas devraienr erre a mes yeux _ des acres pour inguiérer le regard, des acres d'ébranlemenr des cerrirudes percep­ ríves, el' donc mentales. j'aurais dQ rjrrer : une certaine impression au cinéma. Ou mieux : une cerraine impression de cinéma. Ceree impression pourraír re1ever de ce que Georges BataiJJe nomme dans sa recherche sur l'érorisme _ el' c'esr peu r-erre ainsj gue je décrirais une érorigue du cinéma - un trouble élémentaire ou en­ core, un renversement q1.li ch41/ire. Quelle esr cerre inquiétude aurour de laquel1e je commence déja rourner '

a trop

Il s'agir en fair d'un miroiremenr, d'une palpitaríon, d'un barremenr, ou d'un moirage de l'image cinémarographigue qui s'inscrir priorirairemenr Sur tes visages, lllars gui rouche au plus,essentie1 de ce qui fonde le cinéma, sojr le passage incessanr de l'érar d'une figure a une aurre. Ceja concerne l'art du film en enrier: sa perceprion, l'interprérarion, la dramarurgie, le ryrhme... Le miroiremenr de l'image cinémarographique, c'esr le « refler » de sa puissance de réversibiJité, de rransformaríon a vue, d'incenirude, d'índiscernabiljré,

donr les plus grands cinéastes Onr parfois su jouer jusgu'a l'angoisse absolue

du spectareur. Cesr le propre de l'image cinématographigue que de conrenir l'incCL'ri­ rude, la réversibiliré, la démulriplicarion des facerres d'une réaliré, le miroite­ mene. Le mouvemenr, l'enchal'nemenr inéversible des phorogrammes des que le film eS( lancé Sur la machine a projerer sonr-i1s a l'origjne de ce faral scjn­ rillernenr, de cerre farale palpitarion ? Le specrareur doir s'en accommoder. On sajr que du seul poinr de vue ophra!mologique, le cinéma a dú mon­ rrer « parre blanche » aux médecins de ce débur de siecle. Une cerraine « ci­ némarophtalmíe " a meme éré une maladje diagnosriguée du fair du scin­

riHemenr découlanr de l'alrernance de l' obturarion er de l' éclairemenr du dis­ osirif de la projecrion d'images anirnées. Gaumont invenra d'ailleurs une grille en forme d'évenrail, qui se renair de maniere comparahle, afln de s'in­ [t~rposer enrre I'ímage projerée er les yeux fragiles. Peut-on voir dans ces anec­ Jores médico-specraculaires les échos de ce qui fonde le plus essenriellement un des effers principaux de I'image cinémarographique : son miroiremenr enrre ombee er lumiere, son moirage entre présence er absence, sa réversjbili­ ré entre specracle er effer de réaliré ) Limage de cinéma bar, comme on le dir du co:ur, entre immobiliré el' mouvemenr q ui s'inquietent muruellemenr. Limage de cinéma bar entre surfa­ ce er profondeur dans une réussire illusionnisre jamais égalée avan r elle. Mer­ leau-Ponry parle jusrement de la surface d'une profondeur, mais sans se référer au cinéma. Pourranr, c'esr le cinéma qu'il parair décrire lorsqu'il dir: « PuiJque

le visible est toujourJ derriere, 01.1 aprh, ou entre les aspects qu'on en voit, il n.y ti acres vas lui que par une expérience qui, cornme lui, soit toute 170rs d'elle-meme. ,,' Si l'on prend « au pied des mors ), la pensée de Merleau-Ponry, la surface d' une profondeur seraie peur-etre au cinéma une surface lumineuse de I'image quí donnerair avoir une airernarive sombre, une énergie invisible quj rroue le vi­ sible évídent, qui le rrouble er le chavire, pour reprendre les mors de Bataille, soir un mouvement incessant enrre la plongée el' la résurgence, I'affirmarion simul­ ranée d' une flgurarion ee de sa négarion. Je poinrerai ici les pulsations de l'íma­ ge cinémarographique enrre ce qui se montre et ce qui se masque, ce ,( ryrh­ mique suspens du sinistre >l seJon les mors de Mallarmé dans son Coup de dés. Ce barremenr, cene palpitarion de l'image, cerre réversibiliré de I'image en son con[raire, qui viendrair de la rechnique meme de projecrion, j'en per­ <;:ois la 10calisarion aux fromieres de deux approches : I'une de naeure phéno­ ménologique, I'aurre de nature sémiologique. Mon ambition serajr, idéale­ ment, de faire rravailler ces deux approches pour décrire la norion de flgura­ biliré au cinéma. Gilles Deleuze a décrit un érar crisrallin de J'image dOnt les deux faces ne se confondenr paso Il disringue bien l'indiscernabilité comme illusion objec­ tive, d'une pan, er d'aurre pan la confusion entre le réel er J'ímaginaire. De­ leuze dir encore : « L'indiscernabilité ne supprirne pas la distinction des deux

faces mais la rend inassignable, cIJaqueface prenant le róle de I'autre dans une re­ I.ation qu'i!faut qualifier de présupposition réciproque, ou de révmibilité.... C'est le Ctlraetere objectifde certaines images ex;stantes, doubles par nature. »¿ Cerre

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