PAPELES DE ERMUA nº Especial Francia

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Éducation et délinquance

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l’objectif de ce manuel est d’enseigner la philosophie à des élèves étudiant en euskara). Au chapitre concernant les « Caractéristiques du pouvoir dans la société. Types de pouvoirs : privé et public », l’élève découvre abruptement que « dans la plupart des cas, le pouvoir ne revient pas à l’État. Nous ne savons pas qui est le maître véritable des pouvoirs de la société, ni quelle est leur finalité, et nous sommes soumis à ces pouvoirs. » L’élève a eu l’occasion de se préparer à cette réflexion en lisant seulement une introduction théorique selon laquelle : « les relations avec le pouvoir sont toujours du type dominant/dominé. C’est cet ensemble de relations que l’on appelle la société politique ». S’agissant d’un manuel d’éducation destiné à des élèves qui, un an plus tard, vont exercer le droit de vote dans un pays européen, nous pourrions nous attendre à ce qu’après une introduction aussi dramatique, les éditions Ibaizábal nous offrent quelques-unes des réponses que, au fil des siècles, les philosophes ont apportées à ces questions. Mais Francisco de Vitoria, Locke, Kant, Bentham, Stuart Mill, Tocqueville ou Habermas, les opinions qu’ils expriment concernant le pouvoir, le droit et les limites du pouvoir, ne sont pas cités. Seule une photographie du fondateur du nationalisme basque personnalise cette Éducation et délinquance. PAPeLeS de

analyse sur le pouvoir. Vient ensuite : « Seul le pouvoir politique a la possibilité d’employer légalement la violence physique quand il joue le rôle d’intermédiaire dans des situations de conflit. Cependant, cela ne concerne certainement pas toutes les situations. Quant aux autres pouvoirs de la société, ils ne possèdent pas légalement cette possibilité, bien qu’ils puissent avoir l’intention d’employer la violence dans des situations graves. » Un professeur aura-t-il cité Hobbes en commentant ce texte ? Cela pourrait être utile pour illustrer une phase intermédiaire, inconnue de la philosophie politique, entre la lutte de tous contre tous et la fondation de l’État, maître légitime de la violence. Mais les possibilités que ce texte offre au commentaire vont plutôt dans le sens d’une version léniniste pour catéchumènes. La théorie des structures oppressives et de leur reflet superstructurel n’explique-t-elle pas ce que tout professeur ou élève peut déduire en lisant ces manuels ? Que la démocratie est une espèce de droit administratif nouveau sous lequel les vieilles oppressions gisent intactes. Il convient donc que les élèves de 9 et 10 ans connaissent déjà, même s’ils ne les conceptualisent pas encore, ces phénomènes qui configurent le jeu des pouvoirs dans les structures et les superstructures so-

eRMUA. Numéro spécial en français. NOV 2003.

“ Le manuel Euskara (éditions Erein, 1993) est en ce sens un bon outil. Les pédagogues recommandent de construire les fables modernes destinées à l’apprentissage du basque à partir des valeurs et des expériences que leur entourage offre aux élèves : « L’ETA n’est pas un obstacle pour présenter Euskal Herria à l’extérieur ». Et sur la même page, « Le 27 mai une grève générale aura lieu dans Euskal Herria sud ». Quelques pages plus tard, les lectures proposées sont les suivantes : « La police a exécuté le musulman » ; « L’explosif a provoqué la mort de deux personnes. » ; et enfin, un peu moins générique : « Hier, dernier jour de la marche en faveur de l’insoumission, on a brûlé un drapeau français à Bayonne... les jeunes se sont réunis devant le Patxoki, où ils ont mis le feu au drapeau » ”

ciales du Pays basque. Le manuel Euskara (éditions Erein, 1993) est en ce sens un bon outil. Les pédagogues recommandent de construire les fables modernes destinées à l’apprentissage du basque à partir des valeurs et des expériences que leur entourage offre aux élèves : « L’ETA n’est pas un obstacle pour présenter Euskal Herria à l’extérieur ». Et sur la même page, « Le 27 mai une grève générale aura lieu dans Euskal Herria sud ». Quelques pages plus tard, les lectures proposées sont les suivantes : « La police a exécuté le musulman » ; « L’explosif a provoqué la mort de deux personnes. » ; et enfin, un peu moins générique : « Hier, dernier jour de la marche en faveur de l’insoumission, on a brûlé un drapeau français à Bayonne... les jeunes se sont réunis devant le Patxoki, où ils ont mis le feu au drapeau ». Mais si la société politique est une simple interaction de forces et de pouvoirs, « la nation est une communauté humaine qui a une histoire et une mémoire communes, et qui est convaincue qu’elle possède une culture propre. » (Gizarte Zientziak, Erein, 1996). En partant d’une définition aussi subjective et sublime, il était à prévoir que la politique constitue un inconvénient au long de l’histoire. Même le statut d’autonomie est mis en cause : « Un texte sur l’autonomie manifeste en premier lieu une réalité et un désir


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