maracanafoot1692 date 04-03-2012

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BENITEZ : «Je cherche un projet, pas un emploi» INTERNATIONALE

Depuis sa première nomination en 1995, Rafael Benitez n'avait pratiquement jamais pris de vacances. À ce titre, les 15 derniers mois ont dû paraître bien étranges au technicien espagnol. Sans club depuis son départ de l'Inter Milan fin 2010, Benitez se consacre désormais à d'autres passions. L'ancien entraîneur du FC Valence gère son propre site Internet, sur lequel il expose ses opinions et ses analyses sur les sujets qui agitent la planète football. En compagnie de sa femme, il poursuit également les œuvres caritatives lancées à son arrivée à Liverpool, en 2004. Enfin, Benitez participe actuellement au développement d'un programme consacré à la tactique qui devrait, selon lui, aider les entraîneurs de tous niveaux. Dans la première partie de cette interview exclusive accordée à FIFA.com, l'Espagnol explique les raisons qui l'ont poussé à créer son site Internet, comment garder le contact avec le milieu du football, ce qu'il attend de son prochain club et la domination exercée par le FC Barcelone.

Rafael Benitez, en quoi consiste votre site Internet ? Lorsqu'ils sont sans club, les entraîneurs choisissent souvent de se reposer. Certains suivent quelques matches à la télévision, en tant que consultants. Je ne voulais pas me contenter de ça. Il y a dix ou 15 ans, j'ai commencé à m'intéresser à Internet. J'ai voulu créer mon site mais ce n'est pas facile quand on entraîneur, car le temps manque. Aujourd'hui, mon emploi du temps est plus libre. Je me suis donc lancé dans l'aventure pour dire ce que j'avais à dire, avec mes propres mots. Je voulais aussi m'adresser aux jeunes entraîneurs. Quand j'étais plus jeune, je lisais tout ce qui me passait sous la main, j'achetais des DVD, j'assistais aux séances d'entraînement. Avec ce site, j'ai voulu leur donner l'opportunité de garder le contact avec moi. Je réponds à de nombreuses questions sur les forums et j'analyse les matches. De leur côté, ils peuvent poser des questions et donner leurs opinions. Ce site nous permet donc d'interagir. S'agit-il d'un simple passe-temps en attendant que vous retrouviez un poste ou est-ce une activité que vous aimeriez développer ? Je compte bien poursuivre dans cette voie. Bien entendu, il faudra s'adapter. Je ne peux pas parler de toutes les équipes. J'essaye aussi de respecter tout le monde. J'analyse donc les éléments objectifs, que chacun peut constater. Je ne peux pas me permettre de rentrer dans une polémique avec un autre entraîneur. Il arrive qu'on me demande mon avis. Quand on travaille avec un club, il faut souvent faire preuve de prudence dans ses analyses. Toutefois, cela ne change rien au concept initial : donner quelque chose aux entraîneurs qui débutent. Est-ce la première fois que vous restez si longtemps sans club ? Effectivement, cela ne m'était jamais arrivé auparavant. J'essaye de me détendre mais le football reste ma passion. Je crois que ma femme me comprend, même si elle me répète souvent de prendre mon temps, d'enregistrer les matches et de les regarder plus tard. Je pense tout de même qu'elle sait que c'est important pour moi. Nous nous connaissons depuis longtemps et elle connaît les obligations de mon métier. Je ne dors pas beaucoup, par exemple. Je me lève tôt le matin et je regarde des matches. Cela me permet de passer du temps avec mes enfants ensuite. Êtes-vous constamment en train de visionner des matches et de penser à la tactique ? J'essaye de me détendre quand je regarde un match mais analyser le jeu est devenu une seconde nature. Je pense toujours à ce qui va se passer et aux raisons pour lesquelles ça va arriver. Quand je suis un match avec ma femme, je crie souvent "but" deux secondes avant que le ballon se retrouve au fond des filets ! J'analyse intuitivement la position des défenseurs, je vois que le joueur sur l'aile est libre ou que le latéral est en retard… Je comprends la situation d'instinct, sans réfléchir. Vous avez déjà eu l'occasion de dire que vous cherchiez un club avec un projet. Qu'entendez-vous exactement par là ? Je ne cherche pas seulement un emploi. Quand je parle de projet, je pense à un club capable de satisfaire mon ambition et de gagner des titres. Si vous ne trouvez pas un club capable de gagner ou de s'inscrire sur le long terme parmi les candidats au titre, vous pouvez toujours prendre le poste mais ce ne sera pas la même chose. L'expérience accumulée en Italie, en Espagne et en Angleterre me permet aujourd'hui de porter un regard pertinent sur les projets qui me sont proposés. Avec la mise en place du fair-play financier de l'UEFA, il va falloir gérer prudemment ses budgets et miser

Maracana N°1692 — Mardi 3 Avril 2012

davantage sur les centres de formation. Il faut bien jauger son groupe car la Ligue des champions impose un certain nombre de joueurs locaux ou nationaux. Désormais, j'essaye de mettre à profit toute l'expérience acquise dans différents pays. Pourriez-vous mener un club modeste vers les sommets ? En toute honnêteté, je n'ai jamais connu le haut niveau en tant que joueur à cause d'une blessure. Je n'ai jamais joué en première division. J'ai intégré le centre de formation du Real Madrid et j'ai progressé à partir de là. Ensuite, j'ai travaillé dans de petits clubs. J'ai participé à la promotion d'Extremadura parmi l'élite, puis j'ai réédité l'exploit avec Tenerife. Par la suite, j'ai connu des clubs plus importants, comme Valence ou Liverpool. Là, les structures étaient déjà en place. Il faut analyser et comprendre pour progresser. Pour un entraîneur, il est toujours utile d'avoir connu des environnements différents. On peut choisir de construire en partant du bas ou de commencer au sommet. Vous êtes le dernier à avoir contesté la domination du FC Barcelone et du Real Madrid en Liga, lorsque vous étiez à Valence. Pensez-vous qu'une autre équipe y parviendra dans un avenir proche ? Je crois que le Real et le Barça ont encore de beaux jours devant eux mais Valence est troisième et se débrouille bien. L'Athletic Bilbao obtient des résultats intéressants, tout comme le FC Séville et l'Atlético de Madrid. Je pense que ces clubs peuvent revenir dans la course. Combien de temps cela leur prendra-t-il ? Difficile à dire. Barcelone et le Real ont toujours disposé d'importants moyens financiers mais avec l'explosion des droits de retransmission, l'écart s'est encore creusé. Mais les autres clubs travaillent dur. Ils font de bonnes choses et je pense qu'ils vont progresser. Le FC Barcelone est-il la meilleure équipe que vous ayez vue de votre vie ? Personnellement, j'étais un grand admirateur de l'AC Milan, à l'époque de Marco van Basten, Ruud Gullit et Arrigo Sacchi. En ce temps-là, les Milanais dominaient l'Europe du football. Barcelone évolue aujourd'hui à un niveau comparable mais on voit que le Bayern Munich et, parfois, Manchester United ou le Real Madrid sont capables de lui poser des problèmes. Le Real possédait alors une équipe fabuleuse mais il ne parvenait pas à inquiéter l'AC Milan. C'est une différence importante. Barcelone reste cependant une équipe très agréable à suivre.

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