Merkur Juillet/Août 2019

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GRAND ENTRETIEN

C’est donc un engagement fort. Mais j’avais la volonté de rendre à l’association un peu de tout ce qu’elle m’a apporté depuis de nombreuses années, y compris de solides amitiés. Et l’esprit d’entraide étant important au sein de la FJD, j’ai tout de suite été soutenue par le reste de l’équipe. Chaque président a le choix de la thématique de travail qu’il veut mettre en avant durant sa présidence. J’avais donc ainsi la possibilité de proposer un thème qui me tient à cœur. J’ai choisi la digitalisation, car nous y serons tous confrontés un jour ou l’autre. Enfin, j’éprouve une certaine fierté à être la deuxième femme (après Isabelle Lentz) à occuper cette fonction. Je pense que donner de la visibilité aux femmes dirigeantes est important pour servir de modèles aux plus jeunes.

Cette présidence est un mandat court (une année). Pourquoi ? A-t-on vraiment le temps d’apporter quelque chose en un an ?

« C’est une volonté, car la fonction, entièrement bénévole, est somme toute très prenante pour des personnes qui ont toutes par ailleurs la responsabilité d’une entreprise. Mais, dans les faits, une certaine continuité est assurée pendant trois ans puisque la personne qui prend la présidence a déjà été secrétaire pendant un an et a pu préparer ­sa présidence à ce moment-là, et qu’elle continue ensuite de siéger au conseil d’administration pendant un an après la fin de son mandat. Je trouve cela très stimulant en fait. N’avoir qu’un an de présidence vous force à être hyper efficace.

Comment vivez-vous cette mission ? Que vous apporte-t-elle ?

« Comme je l’ai dit, cette fonction est à la fois très stimulante et très prenante. Elle m’a forcée à faire des choix dans mon organisation. Mais je le vis très positivement car je suis entourée d’une très bonne équipe, très solidaire. J’apprends beaucoup

de choses sur la thématique de la digitalisation et sur comment les autres entreprises abordent cette situation. Comme je me fais une obligation d’assister à tous les événements que nous organisons, j’ai pu approfondir mes liens avec beaucoup de membres et m’intéresser plus en profondeur à chaque sujet abordé par l’association. Tout cela permet de prendre de la hauteur sur les mutations du monde de l’entreprise et du monde du travail. J’ai, par exemple, invité à notre assemblée générale le philosophe allemand Richard David Precht qui nous a fait réfléchir à l’impact de nos décisions et de la digitalisation sur l’éthique et les êtres humains.

Au Luxembourg, beaucoup de jeunes dirigeants sont amenés à reprendre une entreprise familiale. Pensez-vous que les problématiques qu’ils rencontrent sont les mêmes que celles des créateurs d’entreprise ? Est-ce une dimension que vous abordez à la FJD ?

« Certaines problématiques rencontrées par les entreprises familiales leur sont tout à fait spécifiques. Ceci dit, ce n’est pas la vocation de la FJD de traiter ces sujets en particulier. Il existe d’autres cercles pour aborder ces questions et notamment le Family Business Network (FBN), qui a ouvert une section au Luxembourg il y a deux ans et qui compte déjà 52 familles membres. Ce réseau international, qui compte 3.000 membres au total, est plus adapté et a plus de moyens que notre association pour traiter les problématiques de l’entrepreneuriat familial. Ceci dit, rien ne nous empêche de parler de ces sujets lors de nos échanges informels entre membres, mais il n’y a pas de groupe de travail dédié.

Pensez-vous que le Luxembourg est une terre propice à l’entrepreneuriat ? « Le Luxembourg a beaucoup d’atouts, et tout ce qui s’est développé ces dernières

Dès l’école, l’échec devrait être vu comme une chance d’apprendre quelque chose en tirant les meilleures conclusions et en valorisant l’expérience vécue.

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années autour de l’idée de Startup Nation a été très positif. Mais selon moi, il y a encore du chemin à parcourir pour faire évoluer les mentalités des jeunes et les sensibiliser davantage aux possibilités que représente l’entrepreneuriat. L’association Jonk Entrepreneuren Luxembourg (JEL), créée entre autres par Norbert Friob, membre de la Fédération des Jeunes Dirigeants, fait un travail formidable en ce sens. Personnellement, je participe au jury des mini-entreprises et je dois dire que je suis épatée par les jeunes. Grâce aux initiatives de JEL, ils vivent de véritables expériences d’entrepreneuriat. Certaines mini-entreprises fonctionnent encore plusieurs années après et deviennent pérennes. Les jeunes disent souvent : ‘C’est plus complexe que ce que nous imaginions, mais qu’est-ce que c’était chouette de vivre une telle expérience !’ Grâce à cela, ils apprennent aussi le t­ ravail d’équipe car, dans une entreprise, on ne peut rien faire tout seul. C’est donc l’apprentissage de la communication et de la recherche du compromis. Un autre point très important est de changer le regard que l’on porte sur l’échec. Dès l’école, l’échec devrait être vu comme une chance d’apprendre quelque chose en tirant les meilleures conclusions et en valorisant l’expérience vécue. Il n’y a que comme cela que l’on encouragera les jeunes à essayer des choses.

Pensez-vous qu’il faut pousser l’entrepreneuriat féminin, l’encourager encore davantage que l’entrepreneuriat tout court, par des actions spécifiques ?

« Il ne faut pas faire de différence entre entrepreneurs et entrepreneuses, mais il faut les aider tous à équilibrer leur vie entre le travail et la famille. En cela, tous les progrès et aides entrepris dans le cadre législatif pour rendre les choses plus flexibles sont de bonnes choses. Pour soutenir davantage l’entrepreneuriat, on pourrait aussi mettre en place des mesures fiscales pour les personnes qui le financent ou soutenir des formes alternatives de financement, comme le crowdfunding. Ce que je constate avec plaisir, c’est qu’il y a de plus en plus de jeunes femmes qui montent leur propre entreprise ou reprennent des entreprises familiales. La société a changé. Aujourd’hui, ce qui prévaut, ce sont les compétences et l’engagement.


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