Migros Magazin 43 2009 f BL

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VIE PRATIQUE HI-TECH

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ier, le code-barres permettait à la gérante d’une boutique de gérer son stock et d’étaler au mieux ses commandes auprès de sa centrale d’achat. Demain, et souvent aujourd’hui déjà, grâce à un «tag» informatique, une marque d’habits ou de boissons sait en temps réel où, quand et en combien d’exemplaires est vendu tel ou tel produit. Et cela n’importe où sur la planète. Ce double système d’étiquetage intelligent et d’identification automatique appartient à ce que l’on nomme en français l’internet des objets (lire encadré). Les scientifiques, eux, préfèrent le terme technique de RFID pour Radio-frequency Identification. Soit une minipuce pour le stockage informatique des données et une antenne lilliputienne offrant la réception et l’envoi des ondes radio. Le tout paramétrable sur une distance oscillant entre quelques centimètres et plusieurs mètres. Les premiers échos autour de la RFID datent des 2005. «A l’époque s’est produit un impressionnant buzz médiatique. Pour les uns, cela allait tout révolutionner. Pour les autres, c’était une nouvelle manifestation de l’éternel Big Brother.» Alexandre Cotting vit déjà dans le monde global. Souvent en déplacement, son épouse est Chinoise et lui-même ne se débrouille «pas trop mal» en mandarin. Ingénieur en électricité diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, au bénéfice d’un master en management de la technologie (MOT), il travaille comme chef de projet au sein du RFID Center du Technopôle de Sierre, le seul centre de compétence de cette technologie en Suisse. Et il le reconnaît volontiers: si cet identifiant électronique du XXIe siècle envahit petit à petit notre quotidien, c’est souvent à l’insu du plus grand nombre. Ainsi, même si Migros et d’autres grands distributeurs le testent depuis plusieurs années, le magasin du futur sans caissière ne semble toujours pas près d’accueillir ses premiers caddies. Pas de quoi inquiéter l’ingénieur, à qui l’on faisait le même genre de réflexion lorsqu’il s’occupait de robotique.

Alexandre Cotting: «La puce RFID est déjà largement une réalité.» Au premier plan: un lecteur RFID mobile.

«Le code-barres a mis trente ans à s’imposer et il n’a sans doute pas encore dit son dernier mot. Il y a une décennie à peine, beaucoup de produits s’étiquetaient encore à la main. Alors il faut un peu de temps, mais la RFID est déjà largement une réalité.»

Des puces utilisées pour identifier les animaux

Il se nichait ainsi dans chaque billet du dernier championnat du monde de football. Plus d’une vingtaine de postes dans le monde le testent pour améliorer la qualité de leurs prestations, de plus en plus d’entrepôts de la grande distribution en sont équipés et de nombreux chiens et chats en ont été dotés par leurs propriétaires. Pour l’heure, seule la question du coût encore important de la puce semble l’empêcher de se retrouver sur la moindre marchandise. «Il faut un certain volume. Les prix vont baisser. Mais pour l’heure, à 20 centimes le tag, cela fait davantage sens sur un container que sur chaque bouteille de bière.» Sans compter que des problèmes techniques voient le jour, liés entre autres à la pose sur certaines surfaces réticentes comme le métal ou les récipients contenant de l’eau. «Nous avons

«Des craintes infondées» Chercheur indépendant et co-organisateur de la conférence LIFT à Genève, consacrée aux technologies de la communication, Nicolas Nova pose un regard plutôt serein sur le RFID, une technologie qui se développera selon lui au moins sur deux axes: celui de la logistique et celui de la traçabilité de l’individu, comme une carte d’étudiant avec laquelle payer son repas ou accéder à certaines parties du campus. «Même s’il existe encore des obstacles d’ordre technologique et, en effet, certaines réticences d’ordre éthique.» Fantasme ou réalité? «Selon moi, ces craintes sont largement infondées.» D’abord, rappelle ce spécialiste, la plupart des gens possèdent de nombreuses cartes (de crédit, de débit, de fidélité, etc.) sans trop d’état d’âme. «Surtout en Suisse, où le débat sur la protection de la sphère privée est moins vif qu’en France, par exemple. Peut-être parce que d’un autre côté les menaces sont plus diffuses.» D’autre part, rappelle Nicolas Nova, certaines catégories de population – adolescents en tête – produisent eux-mêmes de l’information les concernant, notamment sur les réseaux sociaux. «Souvent avec beaucoup de subjectivité, voire pas mal de fantasme ou de fausses vérités, et sans toujours avoir conscience des risques encourus.» Selon Nicolas Nova, tout indique que la majorité semble prête à sacrifier une partie de son intimité en contrepartie d’avantages pratiques. Pour preuve, ce sondage qui indiquait qu’une majorité d’Anglais accepterait de s’implanter une puce informatique sous la peau à l’image du fameux professeur de robotique Kevin Warwick. «Ou plus prosaïquement, cette discothèque de Barcelone offrant la possibilité d’un capteur RFID sous-cutané pour faciliter l’entrée des clients. Nous laissons derrière nous une masse considérable d’informations sur nos habitudes dans la vie quotidienne. Le problème se poserait si ces données éparses se voyaient collectées de manière centralisée. Heureusement nous n’en sommes pas là.» Pour l’instant?


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