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Migros Magazine 36, 31 août 2009

ENTRETIEN JEAN-JACQUES CHARBONIER

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Jean-Jacques Charbonier recueille depuis vingt ans des témoignages de patients ayant vécu une expérience de mort imminente.

«Qu’on me dise en quoi mes propos vont à l’encontre de la science» faites des expériences de mort imminente: vous y voyez une preuve d’une vie après la vie.

Aujourd’hui, la mort clinique est définie par l’arrêt de l’activité cérébrale. Or, certaines personnes en sont revenues et leurs récits nous montrent qu’elles jouissaient d’une certaine forme de conscience. De quelle autre preuve avez-vous besoin? Comment vos travaux sont-ils perçus par vos pairs?

J’ai déjà fait l’objet d’une inspection du Conseil de l’ordre, qui est très vigilant en France. Si un médecin donne des informations ou publie un article contraire aux données actuelles de la science, on peut lui ôter sa licence. Des représentants du Conseil sont donc venus à l’hôpital où j’exerce pour interroger le personnel. Mais ils sont mal tombés: deux infirmières auxquelles ils se sont adressés ont elles-mêmes vécu des expériences de mort imminente. Tout de même, ne craignez-vous pas de perdre votre licence?

Je ne pense pas qu’on en arrivera là. Je reste très prudent dans mes ouvrages et lors de mes conférences. Ce que j’avance ne peut être contredit. Si le Conseil décide de me radier, il faudra qu’on s’explique! Qu’on me dise en quoi mes propos vont à l’encontre de la science. Votre hôpital soutient donc votre démarche?

Oui, je suis d’ailleurs le médecin référent du service de réanimation. On me fait confiance. Et si un patient fait part à l’un de mes collègues d’une expérience de mort imminente, j’en suis toujours informé.

Pourquoi poursuivre vos recherches dans un domaine si sensible? Pour l’argent? Le sujet est vendeur...

Certainement pas. Toutes mes conférences sont données bénévolement. Ce qui suscite quelques questions, surtout outre-Atlantique. Mais il y va de ma crédibilité. Je ne le fais pas pour la notoriété non plus: au contraire, je risque de perdre mon boulot. Qu’est-ce qui vous motive, alors?

Le fait de rendre service aux gens. Parfois, des parents viennent me voir après une conférence pour me

Un centre d’étude en Suisse

Voilà dix ans que Sylvie Déthiollaz a fondé à Genève Noêsis, un centre d’étude et de recherche sur les expériences de mort imminente et les états de conscience modifiée. Le but: prêter une oreille attentive aux personnes ayant vécu une NDE. «Ces gens éprouvent le besoin d’être écoutés, affirme la Genevoise, titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire. Nous leur offrons donc un soutien psychologique.» Parmi les autres activités du centre: études sur le sujet, basées sur les témoignages, conférences et même séances de méditation. Plus d’infos: www.noesis.ch

dire que leur fils est décédé et que mes propos leur ont fait un bien fou. Bien sûr, ils pourraient se tourner vers la religion. Mais elle est basée uniquement sur la foi. Le fait qu’un médecin leur dise qu’il y a des preuves scientifiques d’une forme d’existence après la mort, ça les rassure. Voilà mon moteur. Ce genre de réaction n’a pas de prix. Par ailleurs, il est important de prêter une oreille attentive aux patients qui ont vécu une expérience de mort imminente. Pourquoi?

Si l’on ne tient pas compte de ce qu’ils racontent, ils risquent de développer des psychoses, des névroses obsessionnelles. Ils ne se reconnaîtront plus dans un monde qui refuse leur expérience. Ils vont devenir des marginaux. Essayez-vous également de vous rassurer par rapport à votre propre mort?

Certainement. La mort est la principale angoisse des humains. Nous craignons tous qu’il n’y ait plus rien après.

Propos recueillis par Tania Araman Photos Anita Schlaefli


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