Migros Magazin 13 2010 f AA

Page 17

RÉCIT SOCIÉTÉ

Migros Magazine 13, 29 mars 2010

«où on sera prêt à empêcher 90% des gens de faire la fête pour laisser dormir les 10% restants.» Bon nombre de ces nouveaux règlements et interdictions qui fleurissent un peu partout semblent avoir pour obsession de nous protéger des accidents et des maladies. Rien d’étonnant selon le sociologue: «La mutualisation progressive de la santé, jusqu’à l’adoption de la Lamal, a entraîné une mutualisation des risques et surtout des coûts. Mon corps ne m’appartient plus, il appartient au corps social. Le type qui mange comme un cochon, ce n’est plus un problème personnel, c’est devenu un problème collectif. Je suis comme un enfant à qui on dénie le droit de dire: je fais ce que je veux.» Un phénomène qui s’accentue d’autant plus qu’il est facile de faire porter le poids de la faute sur l’individu plutôt que le groupe: «Il est plus facile de

culpabiliser un obèse, ou les parents qui laissent leurs enfants devant la télé être abreuvés de pubs pour des aliments trop gras, plutôt que de remettre en question la société de consommation ou les logiques industrielles.»

Un gain en grandes libertés

Gabriel Bender estime pourtant que la multiplication des petits interdits ne doit pas masquer une autre réalité: un solde plutôt positif, ces dernières décennies, au rayon des grandes libertés. «Autrefois le divorce, l’adultère, l’homosexualité étaient réprimés. Autrefois, le viol entre époux était autorisé et l’avortement interdit. Aujourd’hui, c’est le contraire.» Sous-entendu: qui a perdu au change? Raphaël Comte, lui, en tout cas semble connaître la réponse à la question de savoir si l’on était réellement plus libre il y a trente ou quarante ans: «Sur le plan fé-

déral, les femmes peuvent voter seulement depuis 1971. Le passé n’est pas forcément toujours idyllique…» Robert Cramer de son côté rappelle que ce sont souvent les citoyens eux-mêmes qui sont à l’origine des interdictions les plus poussées: «A Genève, nous avions opté pour une loi sur les chiens dangereux qui n’interdisait aucune race, mais fixait des conditions plus drastiques pour en détenir. Or le peuple à 65% a choisi lui la solution d’une liste de races interdites.» Le peuple en effet semble sourd à cet art de la nuance infinie dont savent faire preuve les législateurs professionnels. Dans le canton de Thurgovie par exemple, outre ceux figurant dans une liste officielle, on n’est autorisé à cueillir que deux sortes de champignons: l’armillaire et le clitocybe nébuleux. C’est bien le mot. Laurent Nicolet Illustrations François Maret

| 17

RÉSULTATS DU SONDAGE EN LIGNE

«Y a-t-il trop d’interdits en Suisse?»

51 % Non

49 % Oui

2702 personnes ont donné leur avis du 15 au 25 mars 2010.

Donnez votre avis sur d’autres thèmes sur notre site internet:

www.migrosmagazine.ch


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.