MARS-AVRIL 2017
N5
7e édition • Grenoble / Métropole / Isère
17 mars au 7 avril 2017
« Mythes & légendes » www.detoursdebabel.fr
www.desperado.fr - dessin : ARES
Opéras, symphoniques, théâtre musical, jazz, musique du monde, électro, ciné-concerts, performances, salons de musique, brunchs musicaux, bals, jeune public, projets participatifs...
EDITO Quartier Chic souffle sa première bougie. Un an déjà à essayer de faire découvrir, valoriser, relier, comprendre et informer. Un an à essayer de promouvoir la curiosité et transcender les frontières et les murs que l’on se construit dans nos têtes, ils sont les plus difficiles à abattre. Ce numéro de Quartier Chic vous invite justement au mouvement, à la circulation, à l’ailleurs. Même si la tendance est plutôt au renfermement, au repli sur soi, ne nous laissons pas assigner à résidence. Envoyons paître les vendeurs de peur, les bonimenteurs de l’entre soi. Circulons, il y a tout à vivre, tout à voir. Et n’oubliez pas, être curieux c’est le meilleur moyen d’aller loin.
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Magazine culturel des quartiers populaires, imaginé par l’équipe du Prunier Sauvage. Ce numéro est tiré à 2000 exemplaires, il est distribué avec l’aide d’ACTIS. Rédacteur en chef : Brahim Rajab Coordination et graphisme : Lise Blein-Renaudot Comité de rédaction : Jacopo Rasmi, Antonin Delabouglise, Léa Deshusses, Elsa Chardon, Karim Kadri Couverture : Photo - Lise BR / Sujet - Super Paul N°ISSN - 2552-4976 Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne Rhône-Alpes
LE CHIC SOMMAIRE 4 ECHOS QUARTIER 13 AURIEZ-VOUS LE FEU ? Rencontre avec LES SANS-FRONTIERES 5 Introduction au dossier Laurent Poncelet GLOBE7 MISTRAL TROTTER
15 GYMNASTIQUE FRONTALIERE
PEUPLE 9 LE MIGRATEUR
PART 17 MA DE GAULOIS
Portrait d’Azzedine
Focus sur le programme Erasmus+
EN FUITE 11 L’AMOUR Un projet d’art politique
quartierchic.journal@gmail.com 3
Critique cinéma
Lecture
18 AIRE DE JEUX
ECHOS QUARTIER
Danse à l’école
Au mois de février, la Cie Sylvie Guillermin a profité des sorties des classes de l’école Anatole France pour danser avec des ustensiles de cuisine parmi les parents et les enfants. Si les enfants les connaissaient bien suite aux ateliers de danse menés en classe, les parents, eux, rencontraient pour la première fois ces danseurs armés de louches et de passoires. Drôle de surprise quand les artistes sortent des salles aux rideaux rouges pour se rendre sur l’espace public n’est-ce pas ?
Théâtre au collège
La Foule, elle rit Cie Des Apatrides Jeudi 30 mars - 19h30 A partir de 8 ans Lieu - Collège Aimé Césaire 2 rue Aimé Césaire 38100 Grenoble
Le jeudi 30 mars, le collège Aimé Césaire ouvre exceptionnellement ses portes à toutes et à tous pour la représentation de “La foule, elle rit” par la Cie Des Apatrides. Ce spectacle marque la fin de la résidence des artistes au collège lors de laquelle les élèves ont été sensibilisés à la pratique théâtrale. La pièce raconte l’histoire du jeune migrant et acrobate Zou. Pour tromper l’ennui, il raconte sa traversée et celles de ses frères. Un spectacle poétique sur le parcours des migrants. Les habitants des quartiers Mistral, EauxClaires et Lys-Rouge bénéficient d’un tarif réduit à 5€
La réservation se fait auprès de la compagnie au 06 98 72 14 53
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INTRO DOSSIER
Les frontières sont des obstacles, des limites à ne pas franchir. Si certaines sont géographiques ou physiques, elles ne sont pas pour autant plus difficiles à surmonter que les frontières mentales ou fantasmées. 5
LES SANS FRONTIÈRES Comment dépasser les frontières ? Grâce aux partenariats internationaux, l’art, la curiosité, l’amour ? Ou encore à cause d’une fuite nécessaire ? A travers ce dossier “Les sans-frontières”, Quartier Chic présente différents projets et personnalités qui dépassent les frontières et ouvrent nos horizons. 6
MISTRAL
GLOBE-TROTTER
Azzedine Touati est un baroudeur, un aventurier des temps modernes attiré par le voyage et l’inconnu. Avec pour seul bagage le système D, il a tracé sa route, un périple qui l’a mené du quartier Mistral à Grenoble jusqu’à Tahiti, en passant par Los Angeles. Une expérience insolite qu’il a bien voulu partager avec nous.
QC - A quoi ressemblait le quartier dans lequel tu as grandi ? Aujourd’hui quand tu grandis dans un quartier comme Mistral, il y a peu de gens qui te donnent confiance pour te surpasser, être curieux pour aller voir ailleurs. Quand j’étais gamin, on avait plein d’envies, et des gens qui représentaient des modèles pour nous. Il y avait la musique avec le groupe du quartier Elite 38 qui nous montrait qu’on pouvait monter sur 7
scène, écrire des textes. Moi ça m’a permis de découvrir l’écriture et ça m’a beaucoup aidé. Jusqu’à 20 ans, Mistral n’était pas un quartier. C’était ma ville, mon pays, on aurait pu même avoir un drapeau ! Parce qu’on se côtoyait tous, il y avait une vraie mixité, on avait l’impression qu’il y avait toutes les nationalités au même endroit. QC - Qu’est ce qui a déclenché l’envie de quitter le quartier ? Au fond de moi, j’ai toujours été attiré par le voyage. Je me disais qu’il y avait quelque chose pour moi ailleurs. Quand j’étais jeune, j’ai baigné dans l’insouciance et la multi culturalité. Tous les étés, je partais en vacances avec l’UFOVAL, l’UFCV, la Maison pour tous. C’était une vraie bouffée d’oxygène. J’avais des amis qui étaient partis pour des expériences à l’étranger. Les mecs du quartier voyageaient et partaient souvent à l’aventure à une certaine époque.
A 18 ans, j’ai intégré une équipe de vendeurs de nougats ambulants dans la rue et j’ai fait le tour de la France. J’avais une cagette de nougats et des petits drapeaux, je vendais ça dans la rue. Je me débrouillais pour vendre ça en racontant des histoires et en embrouillant les gens. On faisait le tour de France comme ça, de la Bretagne à la Loire, en passant par le nord. On avait une vieille voiture et on dormait dans des petits hôtels. J’avais chopé le virus de la bougeotte. Et à 20 ans, un beau jour, j’ai atterri à Tahiti avec un ami qui avait une connaissance sur place. Au bout d’un an, mon pote est retourné chez lui. Moi, je n’ai pas voulu rentrer. Pendant 6 mois, j’ai galéré à manger du pain à la poêle, j’ai changé de lieux d’habitation sans cesse. Il faut savoir que je suis parti sans rien, avec tout juste 500 francs soit l’équivalent de moins de 60€ en poche. J’ai failli craquer et rentrer mais j’ai résisté à 6 mois de vraie galère, j’ai dormi là où je pouvais, j’ai vendu des parfums au marché. Peu à peu, avec ma fibre du commerce, j’ai commencé à me faire un réseau dans la culture des perles. J’allais négocier directement avec les producteurs et je revendais le produit sur Tahiti. J’ai observé et ça m’a beaucoup appris. Et quelques mois plus tard, je me suis retrouvé aux USA pour vendre des perles. Pendant 7 ans, ce travail m’a poussé à sillonner la Californie, Hawaï, New-York, et d’autres états.
un brésilien. A Tahiti, sois tu es considéré comme un « Franii» (celui qui n’est pas d’ici) soit tu es un « popaa » (un gars du pays). Moi, au bout de 7 mois, j’étais accepté comme un popaa. C’est mon parcours, ma richesse culturelle qui a fait que j’ai pu m’intégrer rapidement partout. Ma double culture était une force pour moi. Et comme je l’ai dit, je suis parti sans bagage. Je n’avais aucun diplôme et aucune notion d’anglais. Ça ne m’a pas empêché de vivre et de faire du business au states, c’est l’école de la débrouille. J’avais mes gestes, mes perles et ma calculatrice. Finalement, le cloisonnement, il est surtout dans la tête et c’est cela le pire. Il faut arriver à dépasser ça, pour vivre ses rêves. L.A c’était un rêve pour moi qui étais fan de Rap west-coast et je m’y suis retrouvé pour gagner ma vie.
QC - Une anecdote pour la route ? En 2002, j’avais connu un sénégalais, M’Baké Sidi Diouf, installé à L.A. Son job était de mettre en lien des vendeurs de perles et des clients américains. Nous étions devenus amis à force de bosser ensemble, il m’hébergeait quand j’étais de passage. Un jour, je discute avec lui et il se met à me raconter son parcours, du Sénégal aux USA en passant par Turin et…Grenoble. Et là, il me raconte avoir vécu à Mistral, dans les quatre bâtiments (NDLR : Les barres Strauss, détruites dans le cadre de la rénovation urbaine), là où QC - Comment ta famille a réagi quand j’ai grandi. Il était hébergé chez Abou tu as eu le projet de partir à 20 ans ? Fall, artistes sénégalais que je connaissais J’étais en conflit avec mon père, c’était très bien aussi. J’ai parcouru des milliers une des choses qui m’a poussé à partir de kilomètres pour retrouver une part du très loin. J’ai toujours eu le mal du pays quartier de mon enfance à l’autre bout et même si je suis un baroudeur, j’ai du monde ! besoin de revenir de temps en temps me ressourcer. QC - Comment tu étais perçu à l’étranger ? Aux states, j’étais un mexicain, parfois 8
DOSSIER - LES SANS-FRONTIÈRES Le programme Erasmus +
Le peuple
migrateur Erasmus est un programme d’échanges d’étudiants et d’enseignants
entre les universités et les écoles à travers le monde. Si au départ Erasmus concernait uniquement l’Europe, depuis 2014 le programme s’est élargi à de nombreux pays partenaires. Quartier Chic a décidé de profiter de ce dossier spécial “Sans-frontières” pour (re)faire les présentations.
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La construction européenne a débuté en 1951 avec la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, une alliance économique entre six pays. Aujourd’hui, l’Union Européenne rassemble 28 États appartenant au continent européen autour d’un projet économique et politique commun. Cette union se voit fragilisée par la montée des extrémismes et le retour en force des nationalismes et du protectionnisme. Cette fissure est marquée par le referendum du 23 juin 2016 en faveur du Brexit qui annonce la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne d’ici 2020.
programme Erasmus (nom latin de l’humaniste hollandais du 16ème siècle) qui fête cette année ses 30 ans. A sa création en 1987, le programme Erasmus avait pour objectif de promouvoir la mobilité des enseignants en Europe pour finalement s’adresser majoritairement aux étudiants. Afin d’augmenter le nombre de bénéficiaires et de varier les profils, le programme, renommé Erasmus+ depuis 2014, a étendu sa zone géographique au reste du monde et élargi le profil des candidats aux apprentis, aux migrants et aux demandeurs d’emploi.
Pourtant, nombreux sont les anglais catastrophés, tristes, en colère face à cette réalité. Car beaucoup se sentent « européens ». Existe-t-il donc une identité européenne, un sentiment d’appartenance européen ? Comment renforcer et stabiliser cette identité ? Au niveau du citoyen, il existe le
Désormais, les jeunes en CAP, BEP et bac pro en alternance ont accès au programme Erasmus+. Il est également possible dans ce cadre-là d’effectuer un stage en entreprise à l’étranger. Le programme donne accès à une bourse de mobilité pouvant être
complétée par des aides de sa région ou de son établissement de formation. Le montant des bourses allouées tient compte désormais du coût de la vie dans le pays d’accueil. Plus de 4 millions d’étudiants ont déjà participé à ce programme dont 616 600 français et plus de 120 000 enseignants et formateurs. Mais c’est l’Espagne qui détient le record des échanges Erasmus (comme pays d’origine des étudiants Erasmus et pays de destination). Ce programme permet la circulation d’un plus grand nombre en Europe et au-delà. Un bon moyen d’aller s’ouvrir à d’autres cultures et ainsi contribuer à une meilleure compréhension de l’autre et de soi-même. Car l’’enrichissement est certes académique, parfois professionnel mais surtout personnel (on parle même de bébés Erasmus !). Le film de Cedric Klapisch, L’auberge espagnole, sorti
en 2002, dépeint assez justement cette génération Erasmus. Apprendre une langue étrangère et découvrir une autre culture sont de véritables atouts pour une jeunesse en perte de confiance. Finalement, plus que de contribuer au développement d’un esprit européen, la force du programme Erasmus+ réside davantage dans l’ouverture des frontières et de l’esprit, dans l’échange et le dialogue dans un monde pétri par la peur de l’autre et de l’inconnu. En somme, un outil efficace pour lutter contre l’ignorance et l’intolérance. L.D
Plus d’info : https://www.erasmusplus.fr/ http://www.generation-erasmus.fr/ Facebook : Génération Erasmus Twitter : #erasmusplus 10
DOSSIER - LES SANS-FRONTIÈRES L’Artiste Nuria Guell
Amour en fuite
“Jeune femme espagnole se propose d’épouser le cubain qui lui écrira la plus belle lettre d’amour au monde” “Jeune femme espagnole se propose d’épouser le cubain qui lui écrira la plus belle lettre d’amour au monde”. Cette accroche, qu’on croirait échappée d’un site de rencontre, est le point de départ de l’oeuvre “Ayuda humanitaria”, initiée par Nuria Guell en 2008 à La Havane. Constamment exposée aux compliments enflammés, aux déclarations passionnées et aux propositions d’amour de toutes sortes, flâner tranquillement dans les rues de La Havane devenait chose impossible pour elle, femme blanche et européenne. Cette attitude de flirt excessive des cubains est en fait le reflet d’un espoir qui s’étend au-delà de la possibilité de plaisirs charnels. La législation à Cuba est très restrictive, notamment concernant la liberté de mouvement. Sortir des frontières de l’île est une entreprise difficile pour la majorité des locaux. Une situation qui explique le nombre important de mariages arrangés que cherchent à contracter les cubains, l’obtention d’un passeport étranger débouchant généralement sur la possibilité de quitter le territoire sans souffrir de représailles. Consciente de ce 11
phénomène, Nuria Güell a imaginé un dispositif, comme un droit de réponse face à cette situation. Elle passe une annonce pour offrir sa main au cubain qui lui écrira la plus belle lettre d’amour et reçoit une trentaine de réponses. Elle demande alors à trois prostituées de choisir l’heureux élu à sa place.
Ainsi, en 2009, Nuria épouse Yordanis, jeune cubain de vingttrois ans. Le mariage est un contrat, passé entre deux individus. S’agissant ici d’une performance artistique, d’un mariage arrangé et revendiqué comme tel, les conditions imposées par la future épouse diffèrent de celles normalement exigées. L’union durera cinq ans, le temps requis pour que Yordanis acquière la nationalité espagnole. Les frais du mariage, le billet d’avion et le premier mois de résidence en Espagne seront pris en charge par l’artiste. Concernant les rapports sexuels ils sont totalement exclus du contrat et les époux vivront séparément durant les cinq ans. De son nouveau mari,
Nuria exige encore deux choses : tenir un journal de son expérience en Espagne jusqu’au divorce et l’accompagner aux vernissages de ses expositions. L’expérience s’achève en 2013, avec la signature du divorce. Il faut préciser que quitter Cuba n’est pas une nécessité vitale pour le jeune homme. Son consentement n’est donc pas dicté par le désespoir ou l’instinct de survie, et les explications de Nuria lui permettent d’être clairvoyant quant à la situation dans laquelle il s’engage. Yordanis prend cette décision car il y trouve un intérêt. Nuria résume bien la situation lorsqu’elle décrit ce mariage comme un «simple échange de services» entre deux entités consentantes. Les personnes qui acceptent de contracter un mariage arrangé le font généralement par altruisme ou pour des motivations d’ordre pécuniaire. Deux raisons qui placent forcément l’un des deux individus en position d’infériorité par rapport à l’autre. Nuria tente de rééquilibrer la balance des rapports entre elle et son mari en s’engageant à reverser la moitié de l’argent à Yordanis si elle parvient à vendre l’œuvre. En imposant une égalité dans les liens qui l’unissent à Yordanis, Nuria Guell dévoile les mécanismes inconscients et paternalistes qui régissent encore nos schémas de pensées entre occidentaux et pays en voix de développement. Pourquoi douter de la capacité de Yordanis à exercer son libre arbitre ? Est-il en position d’infériorité et d’indépendance vis à vis de sa nouvelle épouse ? Le désir de Yordanis de quitter l’île n’annule pas sa capacité de réflexion. Vouloir absolument le présenter comme victime c’est aussi nier son statut de sujet libre et pensant. Un constat incisif et dérangeant qui transparaît jusque dans l’ironie du titre “Ayuda humanitaria”, sorte d’antiphrase qui nous invite à réfléchir sur des réflexes qui, même si on les croit issus d’une bonne intention, s’inspirent de la mentalité postcolonianiste.
“Ayuda humanitaria” est un projet dont la radicalité ne laisse pas indifférent. Outre des questions d’éthique, il interroge aussi sur ce choix que font certains artistes d’abolir les frontières entre vie personnelle et pratique artistique.
“Je travaille 14 heures par jour et même lorsque je dors je rêve des projets. C’est un choix de vie, une manière d’être face au monde. Nous devons remettre en question les choses, toujours.” Ce témoignage résume bien la vision d’une artiste qui n’hésite pas à se mettre en danger pour présenter à la face du monde un miroir dont le reflet, s’il n’est pas du goût de tout le monde, a le mérite de ne pas chercher de compromis avec la réalité. E.C
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DOSSIER - LES SANS-FRONTIÈRES Rencontre avec Laurent Poncelet
AURIEZ-VOUS LE FEU ?
Laurent Poncelet consacre toute sa vie et sa personne à son art et à la recherche du “feu” qui est en chacun de nous. Quartier Chic lui consacre une interview pour qu’il nous présente son prochain spectacle “Les bords du monde” qu’il va créer avec de jeunes artistes provenant des 4 coins du monde.
voir et nous étions sur la même longueur d’onde. Nous n’étions surtout pas dans J’ai une formation d’ingénieur, j’ai été prof une bonne œuvre misérabiliste mais dans à HEC pendant un an. Ce domaine me une exigence artistique poussée à son menait à une impasse. Si à un moment maximum pour que l’on prenne conscience j’ai décidé de tout renverser et de de la force qui existe dans les favelas. Le changer de direction c’est que ce besoin premier spectacle qui en a découlé était « bouillonnait en moi. Et à partir de ce Resistence, resistencia ». moment-là, c’est sans compromis. J’avais QC - Dans ta prochaine création « Les Bords tout en main pour réussir socialement, du monde » tu vas travailler avec des artistes financièrement… Si j’ai fait ce grand pas du Togo, de Syrie, du Brésil et du Maroc. A vers l’inconnu c’est qu’il s’imposait. QC - Comment en es-tu venu au monde du spectacle ?
quoi va ressembler ce spectacle ?
QC - Quel âge avais-tu ?
J’ai fait ce grand saut à 27ans. Mais évidemment j’avais déjà des expériences dans le domaine. La deuxième grosse étape dans mon parcours a été en 2003 lors de ma rencontre avec Pé no Chão, une asso brésilienne qui travaille avec une centaine d’enfants et jeunes des favelas qui font des ateliers de danse afro, de capoeira, de hip-hop pour sortir les jeunes de la spirale des gangs et de la drogue. L’asso s’inscrit comme une résistance face à la société brésilienne et de la relégation des favelas, des quartiers périphériques et de la population qui y vit. QC- Qu’as-tu fait avec eux ?
J’ai voulu collaborer avec eux pour monter un spectacle. Je suis allé les 13
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On part des apports de chacun pour huit semaines et demie d’improvisation. Tout est mêlé c’est complètement inclassable. On fera le spectacle à partir des impros corporelles, orales et musicales. Je veux qu’à travers ce spectacle on se sente bouleversé par ce que l’autre est, vit, et par ce que l’autre a à nous dire. Les habitants des favelas ont des expériences de relégation, d’invisibles, et il est d’autant plus important de faire resurgir ce qu’ils ont à nous dire, plus essentiel de révéler leur force de vie sur le plateau. QC - Comment choisis-tu les artistes qui travaillent avec vous ?
J’ai un assistant dans chaque pays qui travaille avec un groupe de jeunes. A partir des éléments de travail qu’on a donnés, il y en a certains qui émergent. Ce sont des
critères artistiques comme la présence sur le plateau, la capacité à dégager le feu qui est en chacun de nous, de se libérer de toute rigidité. QC - Ce ne sont jamais des danseurs pro ?
Ça ne veut rien dire «pro ». Déjà qu’en Europe ce n’est pas évident d’en vivre mais ça l’est bien plus dans les pays du sud. Ils peuvent donner des cours et animer des ateliers mais ils vivent peu ou pas directement de leur pratique. Pour les acrobates marocains avec qui je travaille, ils font des acrobaties dans la rue, ils font la manche, voilà. Pour la plupart d’entre eux c’est leur première «vraie» expérience professionnelle. Ils ne connaissent pas l’exigence que demande le montage d’un spectacle professionnel, avec toute sa rigueur, le travail du corps et du texte au service d’un propos... Mais si on a cette confiance en nous et que les programmateurs l’ont aussi, c’est qu’il y a cette force de vie et cette maîtrise technique. Mes spectacles sont de véritables coups de poings dans la tronche parce que personne ne ment. QC - Pourquoi ne travailles-tu pas avec des jeunes qui viennent d’ici ?
Je suis convaincu que je pourrais en trouver quelques-uns dans nos banlieues qui portent ce feu. Mais je ne me pointe pas dans les favelas en disant « tiens on va faire un spectacle », non, c’est tout d’abord mes partenaires qui me permettent de rencontrer les jeunes et je ne connais pas d’équivalent en France. Je ne connais pas d’association qui va faire un travail de terrain fourni, poussé, avec des animations d’atelier de rue dans ces domaines artistiques qui font que les gamins acquièrent un niveau technique impressionnant. L’autre dimension est la motivation. La conviction que chacun a quelque chose à dire, de croire à fond en ce qu’ils font et qu’ils s’investissent complètement là-dedans. Au Togo, au Brésil et autres, on a des jeunes qui ne sont pas du tout blasés. Rien n’est proposé à ces
jeunes, l’école c’est l’hécatombe, il n’y a pas de véritables services sociaux, il n’y a aucun encadrement. Mais la motivation est là. Quand je viens les voir pour leur proposer un travail de création il y a une opportunité pour eux. Ils mesurent la valeur que ce projet peut représenter pour eux de pratiquer le spectacle vivant. Ils se saisissent de cet espace qui leur est offert pour dire ce qu’ils ont dans les tripes. Ce ne sont pas des publics blasés ! QC - Et pourquoi ne travailles-tu pas avec les conservatoires français ?
Oh ba non, non, nonononon, non, non, noooon. Peut-être qu’il y en a mais il n’y a pas ce feu là. Je ne trouverai pas là-bas. QC - Y a-t-il des barrières à cause de la culture entre les différents acteurs du projet lors de la période de création ?
Tous ont des frontières à dépasser. Des frontières sociales et intimes. Intime pour Germano, le danseur brésilien qui est mi-homme mi-femme. Géographique et physique pour les frères syriens. Les togolais aussi sont confrontés aux questions de la migration. Nous avons 3 continents représentés, 5 langues, cultures et religions différentes. Le rapport au corps, à la sexualité, à la religion est fondamentalement différent selon les origines. Cela a mené à des scènes assez caustiques. Par exemple un jeune marocain fait sa prière sur son tapis tandis qu’à côté de lui Germano danse à moitié dénudé. Et tout ça cohabite ! Et c’est fabuleux. Nous ne sommes pas dans de l’utopie vaine, c’est un fabuleux laboratoire qui n’a vécu aucune tension interculturelle.
Présentation d’une première étape de travail de “Les bords du monde” le 14 avril au Théâtre Municipal de Grenoble
http://ophelia-theatre.fr/
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Un film pour ne pas se faire arrêter par les frontières.
Gymnastique
frontalière
DOSSIER - LES SANS-FRONTIÈRES Cinéma
Chaque année le festival du cinéma italien de Grenoble (Dolce cinema) présente et prime des films transalpins inédits. La dernière édition a été remportée par Io sto con la sposa, un film à la vocation trans-frontalière : Quartier Chic ne pouvait pas s’empêcher de le remarquer et vous en conseiller la vision. Le complot du mariage Io sto con la sposa a été (est!) une véritable gymnastique filmique qui incite à franchir les frontières, à ne pas s’arrêter aux obstacles. Le scénario de départ s’inscrit dans cette démarche, proposant l’organisation d’un faux cortège nuptial pour accompagner quelques migrants de l’Italie à la Suède en bravant de nombreuses frontières nationales. Selon une
HARLEM
pratique de plus en plus habituelle, le film mélange la mise en scène et le document en brouillant les frontières entre la fiction et le documentaire : un mix gagnant qui l’a même mené à l’exposition cinématographique de Venise ! On propose une idée performative du cinéma où la création cinématographique dépasse la frontière avec le réel : le film devient un lieu de transformation du réel même car les protagonistes du film se rendent vraiment en Scandinavie dans le tournage, en réalisant leur rêve. La barrière financière Pour accomplir ce tournage il a fallu se confronter à un autre genre de barrière : celui de la production cinématographique, traditionnellement peu disponible au financement des créations
documentaires. Ce sera le dispositif du financement participatif (crowdfunding), grâce à la plateforme Produzioni dal basso, qui assurera les moyens financiers nécessaires à la réalisation. Par une collaboration du bas, comme l’exploit du film nous le rappelle, il est souvent possible de franchir les frontières imposées du haut… Bien que le film soit encore en attente d’un distributeur français, restez à l’affût si vous avez raté son passage grenoblois, car le film est en train de beaucoup tourner à l’étranger. Plusieurs séances sont déjà prévues en France pour les prochains mois, un site officiel les recense : http://www.iostoconlasposa.com J.R 16
LECTURE
MA PA RT D E G AU L O I S « Les identités ne sont pas forcément distinctes. Parfois, elles se mêlent les unes aux autres. Parfois elles peuvent même se partager. » Mary E Pearson. Car au fond, c’est à ça qu’aspire Ma part de gaulois. C’est à la revendication d’un entre-deux, d’une hybridité, et même d’une fusion qui affirme que l’un ne va pas sans l’autre.
Magyd Cherfi, jeune banlieusard toulousain des années 80, écrivain à ses heures perdues, rédacteur en chef des paperasses administratives auprès des familles de son quartier, et candidat au titre très honorifique de « premier bachelier des cités »; ce qui lui vaut la reconnaissance éternelle de la jeunesse des quartiers Nord, qui eux l’élèvent d’emblée au titre non moins honorifique de « sale pédé ». Toute la difficulté est là : évoluer en amoureux de la langue française, en défenseur des libertés individuelles, de l’égalité des chances, d’une part dans une société et une république excluante et discriminatoire, et 17
d’autre part dans un milieu de l’antiFrance, de l’expression par la violence, encadré par la tradition religieuse.
Ma part de gaulois, c’est Magyd, Momo, et Samir, se rêvant en émancipateurs des cités par la plume, le théâtre, et le militantisme, à l’aube de l’arrivée de la gauche au pouvoir, porteuse d’utopies. Dans un style riche et soigné, marqué d’un féminisme implicite, Magyd Cherfi nous invite à nous perdre dans les méandres de sa schizophrénie, en levant les tabous sur certaines réalités des banlieues, dans le rapport de soumission homme-femme et la misère qui l’accompagne, qu’elle soit sociale, économique, ou culturelle. A ne surtout pas manquer ! A.D Rencontre avec Magyd Cherfi à Grenoble dans le cadre du Printemps du Livre Le 06 avril à 17h - Bibliothèque Centre Ville Le 07 avril à 18h30 - Auditorium du Musée de Grenoble Le 08 avril à 10h - Bibliothèque de St Egrève Plus de détails sur : http://printempsdulivre.bm-grenoble.fr/
AIRE DE JEUX
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TROUVE LES 6 ANIMALIES QUI SE CACHENT DANS CETTE CARTE 18
Du 13 mars au 17 avril
Dépôt des idées sur www.budgetparticipatif.grenoble.fr Contact 04 76 76 38 83 ou dans les Maisons des Habitants
Budget participatif
Et vous, une idée pour transformer votre ville ?
3e édition